CHAPITRE 3
LES CRÉDITS CONSACRÉS AU NUMÉRIQUE ET
POSTES
(RAPPORTEURE POUR AVIS : MME ANNE-CATHERINE LOISIER)
La mission « Économie » du PLF 2022 est marquée par une hausse significative des crédits alloués à la compensation du déficit des missions de service public de La Poste, ce qui s'inscrit dans la continuité des travaux récents de la commission des affaires économiques sur le sujet.
Le plan France Très Haut Débit, dont les objectifs devraient être atteints, accélère sa mise en oeuvre opérationnelle, sous réserve d'une attention particulière accordée aux raccordements complexes et à la transition du réseau cuivre vers le réseau fibre optique afin d'assurer une qualité jusqu'au « dernier mètre » et jusqu'au « dernier abonné ».
L'année 2021 a également été marquée par les débuts du déploiement commercial et technique de l'offre 5G sur les fréquences les plus hautes, la commission attirant l'attention sur la nécessité d'avoir un développement maîtrisé et équitable sur le territoire.
I. LA POSTE : UNE PREMIÈRE COMPENSATION DU DÉFICIT DU SERVICE UNIVERSEL POSTAL QUI FAIT NOTAMMENT SUITE AUX RÉCENTS TRAVAUX DU SÉNAT SUR LE SUJET
A. LE SERVICE UNIVERSEL POSTAL : JUSQU'À 520 MILLIONS D'EUROS POUR COMPENSER LE DÉFICIT EN 2022
1. En mars 2021, le Sénat a alerté sur la situation financière inédite du service universel postal qui menace le service public si aucune mesure n'est prise
Tendance de long terme, la baisse du volume du courrier a été fortement accélérée par la crise sanitaire. En effet, le nombre de lettres envoyées était de 18 milliards (Md) en 2008, puis de 13,7 Md en 2013, de 9,1 Mds en 2019 et de 7,5 Md en 2020, soit une baisse supplémentaire du volume du courrier liée à la crise sanitaire estimée à 9 % par La Poste.
La baisse du volume du courrier a un impact financier significatif pour La Poste, faisant diminuer le chiffre d'affaires alors que les coûts fixes demeurent élevés. Par conséquent, le service universel postal est devenu, pour la première fois, déficitaire en 2018 à hauteur de 365 millions d'euros, avec un déficit estimé à 1,1 milliard d'euros par le groupe La Poste pour l'année 2020, ce qui est plus de trois fois plus élevé que le déficit constaté il y a deux ans.
Dans un rapport récent adopté à l'unanimité par la commission des affaires économiques 15 ( * ) , le Sénat a alerté sur la situation financière inédite du service universel postal qui ne fait l'objet d'aucune compensation par l'État car l'équilibre financier du compte du service universel postal était assuré jusqu'en 2017, ce qui permettait également de « justifier » la sous-compensation des trois autres missions de service public exercées par La Poste.
Le Sénat avait donc alerté sur les risques de « réduction » du service public pour les usagers si aucune mesure n'était prise . Concrètement, cela signifierait une accélération des réductions d'emplois, des fermetures de bureaux de poste et un moindre passage du facteur à chaque boîte aux lettres lors des tournées de distribution.
2. En juillet 2021, le Gouvernement a pris des engagements dont la traduction budgétaire dans le projet de loi de finances pour 2022 est appréciée et significative
À l'issue du comité de suivi de haut niveau du contrat d'entreprise entre l'État et La Poste 16 ( * ) , le Premier ministre s'est engagé à octroyer une dotation budgétaire de 500 millions d'euros pour compenser le déficit du service universel postal pour l'année 2022 . De manière complémentaire et optionnelle, une dotation supplémentaire de 20 millions d'euros pourra être octroyée à La Poste sous réserve du respect de ses objectifs de qualité de service définis au niveau réglementaire.
Budgétairement, cela se traduit par une hausse exceptionnelle globale de 458 millions d'euros en autorisations d'engament (AE) et en crédits de paiement (CP) de l'action 4 « Développement des postes, des télécommunications et du numérique ».
Évolutions budgétaires prévues par le PLF 2022
La commission des affaires économiques rappelle toutefois qu'une dotation budgétaire fait l'objet d'une négociation annuelle et qu'il est indispensable de disposer d'une plus grande visibilité et d'une plus grande sécurité quant aux versements de la dotation de compensation de déficit du service universel postal pour les années à venir . Dans cette perspective, la commission recommande que les montants prévisionnels figurent a minima dans le contrat d'entreprise négocié entre La Poste et les services compétents de l'État.
3. Le PLF 2022 permet également des évolutions législatives souhaitées par le Sénat, mais des précisions méthodologiques doivent encore être apportées
La proposition de loi du Sénat pour l'encadrement des services publics de La Poste du 30 avril 2021 17 ( * ) souhaite assortir le versement des compensations de service public de garanties de contrôle supplémentaires, en confiant notamment à l'Arcep une mission d'évaluation préalable, indépendante et objective du coût du service universel postal à partir de laquelle la compensation de l'État sera déterminée.
Conformément à la proposition du Sénat, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement permettant les évolutions législatives nécessaires afin de confier cette nouvelle mission à l'autorité de régulation. Le PLF 2022 prévoit également une hausse de 4 ETP pour l'Arcep, ce qui devrait notamment permettre de renforcer les équipes chargées des questions postales.
Toutefois, les auditions menées par la rapporteure ont mis en évidence le manque de préparation de l'Arcep sur ce sujet, malgré les demandes réitérées du Sénat et du Gouvernement . La commission des affaires économiques insiste sur la nécessité pour l'Arcep d'élaborer rapidement une méthodologie d'évaluation éprouvée et opérationnelle afin que les compensations versées par l'État soient déterminées sur la base du chiffrage du régulateur dès le PLF 2023.
Les auditions menées par la rapporteure ont également mis en évidence l'absence de définition de la méthodologie qui sera retenue pour décider du versement de la dotation budgétaire optionnelle de 20 millions d'euros, en fonction des résultats de qualité de service de La Poste . Non seulement le nouvel arrêté ministériel relatif aux objectifs de qualité du service universel postal n'a toujours pas été adopté, mais il semble qu'aucune discussion n'ait eu lieu avec l'Arcep, pourtant chargée d'évaluer le respect des objectifs de qualité de service par La Poste, pour préciser les modalités relatives à l'octroi de cette dotation.
* 15 Rapport de la commission des affaires économiques sur les services publics de La Poste du 31 mars 2021.
* 16 Communiqué de presse de la commission des affaires économiques du 23 juillet 2021 .
* 17 Proposition de loi n° 547 pour l'encadrement des services publics de La Poste du 30 avril 2021 .