C. MARINE : UN RÉARMEMENT MARITIME AU NIVEAU MONDIAL QUI IMPOSE DE RENFORCER L'EFFORT DE MODERNISATION
La marine est confrontée au retour des logiques de puissance et au développement de la conflictualité en mer, tant dans l'environnement métropolitain immédiat (Méditerranée, Atlantique) qu'outre-mer, en particulier dans la région indopacifique. Pour la marine, comme pour l'armée de terre et pour l'armée de l'air et de l'espace, la pleine réalisation de l'Ambition 2030, amorcée par la LPM, est une nécessité.
« Nous sommes en train de passer violemment de l'ordre au désordre international » a déclaré le chef d'état-major de la marine lors de son audition. Le réarmement maritime est sans précédent au niveau mondial : « La Chine est en train de se doter de son 3e porte-avions, lancé en 2017, et qui sera en service en 2024. Grâce à une industrie navale qui tourne à plein régime, la Chine met actuellement en chantier une frégate par mois et sort trois à quatre sous-marins chaque année. Mais elle n'est pas la seule : l'Inde a augmenté sa flotte de 40 %, Singapour de 30 %, la Malaisie de 45 %, l'Indonésie de 46 %, sans parler de l'Australie. Plus près de nous, la taille de la marine algérienne a augmenté de 120 %, celle de la marine égyptienne de 170 %.
Quant à la Turquie, elle est en train d'acquérir son deuxième porte-aéronefs de type porte-drones et va bientôt avoir 14 sous-marins.» (Amiral Pierre Vandier, CEMM).
La filière industrielle maritime souffre, en outre, de l'abandon du projet d'exportation de sous-marins à l'Australie, qui engendre une baisse d'activité, notamment en matière d'ingénierie, donc un risque de perte de compétences. La montée en puissance de programmes tels que PANG (porte-avions de nouvelle génération) et SNLE 3G (sous-marins nucléaires lanceurs d'engins), à fort effet d'entraînement sur la filière, doit venir atténuer ce risque.
ü La bonne réalisation du programme de frégate et d'intervention (FDI) est nécessaire au renouveau des capacités de combat naval de haute intensité.
La vente de trois frégates de défense et d'intervention (FDI) à la Grèce (+1 option) conduira à décaler des livraisons à la Marine nationale. Les frégates destinées à l'export seront en effet les n° 2, 3, 5 (et 7). L'impact de cet export doit être limité autant que possible pour ne pas déstructurer le processus de montée en puissance de cette nouvelle capacité. Lorsque la commande des FDI n° 2 et 3 était intervenue, de façon anticipée, il était question d'accélérer ce programme pour répondre à l'accroissement de la menace en mer, non de rendre notre offre plus attractive à l'exportation.
Une nouvelle doctrine de l'exportation « en cycle court » semble émerger, avec l'idée que prélever sur nos propres forces, ou sur nos commandes, nous donne un avantage à l'export sur nos concurrents, en améliorant notre crédibilité et en réduisant les délais de livraison. Il convient de mieux anticiper pour ne pas pénaliser nos propres forces.
La LPM prévoit un format à 5 FDI pour 15 frégates de premier rang en 2030. Outre que ce format doit être tenu, il mériterait en soi analyse, compte tenu de l'évolution du contexte stratégique.
ü L'actualisation de la LPM a décalé des jalons du programme SLAMF (système de lutte anti-mines futur) : or cette capacité est aujourd'hui portée par des chasseurs de mines qui atteindront bientôt 40 ans d'âge.
ü Par ailleurs, le programme d'hélicoptère interarmées léger (HIL) , version militaire du H160, revêt également une importance capitale pour la marine. Son lancement est prévu en 2021 pour de premières livraisons en 2027.
ü La situation des patrouilleurs en métropole restera critique au cours des prochaines années, la flotte de patrouilleurs de haute mer (avisos) étant vieillissante. Un lancement rapide du programme de 10 patrouilleurs océaniques est nécessaire.
ü La cohérence d'ensemble nécessite, ici aussi, le maintien des financements pour les autres opérations d'armement (AOA) afin de soutenir le renouvellement d'équipements de moindres dimensions mais également cruciaux (remorqueurs, pousseurs, vedettes...).
S'agissant des programmes en coopération :
ü Le programme d'avion de patrouille maritime franco-allemand MAWS est remis en cause par l'achat, par les Allemands de cinq avions P-8A Poseidon de Boeing qui seront encore en service en 2035. Cette décision, qui désynchronise les calendriers de renouvellement des deux pays, pourrait contraindre la France à lancer seule le programme. Il faut agir vite car l'Atlantique 2 doit impérativement être remplacé d'ici 2035, ce qui implique un lancement en réalisation au plus tard en 2026.
ü Le programme EPC ( European patrol corvette ) est susceptible de répondre au besoin de renforcement du format de la Marine nationale en Océan indien et dans le Pacifique. Ce format est aujourd'hui organisé autour des frégates de surveillance, mises en service dans les années 1990, qui sont faiblement équipées d'un point de vue militaire et donc inadaptées à l'évolution de la conflictualité dans ces zones.