N° 216

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2021

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur la préparation et l' emploi des forces ,

Par M. Olivier CIGOLOTTI et Mme Michelle GRÉAUME,

Sénateur et Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Olivier Cigolotti, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Philippe Paul, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Isabelle Raimond-Pavero, M. Hugues Saury , secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mmes Catherine Dumas, Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Abdallah Hassani, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Stéphane Ravier, Bruno Sido, Rachid Temal, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard .

L'ESSENTIEL

Les crédits de paiement de la préparation et de l'emploi des forces augmentent de 462 M€ (contre 333,4 M€ en 2021), soit 4,47 % pour financer l'effort en faveur de l'entretien programmé du matériel (EPM). Les autorisations d'engagement, qui avaient connu une progression de 17 % en 2021 pour permettre de notifier des marchés pluriannuels dimensionnants de maintien en condition opérationnelle, diminuent de 22% en 2022. Les crédits alloués à l'entretien programmé du matériel (EPM) sont-ils à la hauteur des ambitions affichées ? Ces efforts budgétaires produisent-ils les effets attendus pour permettre aux armées de remplir pleinement leurs contrats opérationnels ? La remontée de la préparation et de l'activité opérationnelles n'est-elle pas trop lente dans la perspective de l'ambition 2030 de la haute intensité et dans un monde caractérisé par l'accroissement des menaces ? Les services de soutien, et notamment le service de santé des armées (SSA), durement éprouvés par les attritions budgétaires des précédentes périodes de programmation, sont-ils en mesure de maintenir le haut niveau d'engagement nécessaire ?

I. LA SITUATION PRÉOCCUPANTE DE L'ACTIVITÉ OPÉRATIONNELLE

L'activité opérationnelle des forces est évaluée en fonction des normes partagées par les armées occidentales de même standard (soit les normes OTAN). Ces normes sont une référence en termes de savoir-faire , une exigence pour l'intégration de nos moyens nationaux en coalition, c'est-à-dire leur interopérabilité (tant dans le cadre des exercices internationaux, que dans le cadre de déploiements sur les terrains d'opération) et une référence pour la sécurité de nos forces en opération, ce qui explique l'attention que leur porte la commission .

Alors que les crédits de la préparation et de l'emploi des forces augmentent, l'activité opérationnelle reste inférieure aux objectifs fixés, de près de 10 %, et la situation se détériore pour 2 indicateurs d'activité opérationnelle (contre 4 en 2021) en 2022.

Armée de terre : un taux d'entraînement de

Armée de l'air et de l'espace :

Marine nationale :

de la norme LPM

des indicateurs d'activité en baisse sur deux ans

de baisse de navigation des bâtiments hauturiers en 2022

Niveau de réalisation des activités et de l'entraînement

Source : CAED, à partir des réponses au questionnaire budgétaire et du PAP

Pour l'armée de terre , depuis le déploiement de Sentinelle, la cible de 90 jours de préparation opérationnelle par militaire n'a plus été atteinte . Réduite à 72 en 2016, elle est remontée à 81 jours en 2017 mais aucun progrès n'a été constaté jusqu'en 2020. Cette stagnation perdurera encore en 2021. L'indisponibilité des équipements, la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre (FOT), l'opération Sentinelle et les renoncements qu'elle a impliqués, ainsi que le nombre élevé d'OPEX expliquent en grande partie les difficultés des armées à atteindre le niveau de réalisation des activités et d'entraînement prévu. À cela s'ajoute que pour les cinq parcs majeurs de l'armée de terre (chars Leclerc et AMX 10 RC, VBCI, VAB, CAESAR), le taux d'entraînement des équipages atteint 57 % en 2021, ce qui était la cible pour 2019, du fait d'une disponibilité globale réduite. Pour 2022, une hausse des potentiels alloués aux parcs Leclerc, AMX 10RC et VAB devrait permettre d'atteindre un taux d'entraînement annuel par équipage fixé à 64 % de la norme LPM .

Pour l'armée de l'air et de l'espace , on note un déficit de formation des plus jeunes équipages , 25 % de l'activité aérienne des unités étant réalisée en opérations. De plus, l'annulation de la majeure partie des exercices en 2020 a fragilisé les compétences de niveau d'expertise « haut du spectre » . Le seul indicateur d'activité progressant en 2022 et 2023 est celui du nombre d'heures de vol des pilotes de chasse. Les exportations annoncées ou espérées de Rafale pourraient peser sur la capacité d'entraînement des pilotes français et fera l'objet de l'attention de la commission.

Pour la marine nationale, les difficultés concernent principalement l'activité des pilotes de chasse qui a souffert en 2020 de la crise sanitaire et de l'absence de pilote qualifié à l'appontage de nuit durant 1 mois. Pour les autres composantes de l'aéronavale, la priorisation de l'entraînement des équipages opérationnels s'est faite au détriment de la formation des équipages ab initio , notamment sur l'hélicoptère Caïman. La disponibilité des Caïman en 2022 reste fragile et devra être surveillée. On constate une diminution des jours de mer en 2022 (en raison de la forte contribution de la marine aux missions opérationnelles en 2021, non reconduite en 2022), qui devrait être compensée en 2023 par l'atteinte des objectifs de la LPM.

Le report à la fin de la période de programmation des objectifs de remontée de l'activité opérationnelle paraît peu satisfaisant dans un monde caractérisé par la multiplication des affrontements.

Disponibilité technique opérationnelle des équipements
(en pourcentage des contrats opérationnels)

Source : CAED, à partir des réponses au questionnaire budgétaire et du PAP

Les évolutions remarquables en termes de disponibilité technique opérationnelle sont les suivantes :

- pour l'armée de terre , la situation paraît fragile , sur 7 indicateurs, 2 sont en diminution (VAB et VBCI), et 2 autres stagnent (Tigre et Caesar). Les obsolescences du char Leclerc identifiées ont donné lieu à la notification au premier trimestre 2021 d'un marché de soutien visant la remontée de sa disponibilité ;

- pour la marine nationale , l'indisponibilité de l'une des FREMM et des patrouilleurs de service public, de chasseurs de mine tripartite et de patrouilleurs de haute mer expliquent les faibles résultats des indicateurs de disponibilités . Sur 7, 3 baissent et 2 stagnent ;

- enfin pour l'armée de l'air et de l'espace , des difficultés spécifiques aux flottes Caïman NFH, Mirage 2000 et C130H ont nécessité la mise en place de plans d'actions dédiés afin de retrouver au plus tôt un niveau de disponibilité conforme aux attentes. La situation globale s'améliore grâce aux contrats verticalisés qui seront examinés ultérieurement.

L'amélioration de la disponibilité des matériels est globalement limitée aux matériels aéronautiques, tout en restant loin des cibles de 2023, à l'exception notable des Cougar et des Caracal de l'armée de terre.

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