LISTE DES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
Recommandation n° 1 : Pour financer les constructions et rénovations scolaires de Mayotte sans recourir au FEI de manière indue, augmenter les crédits alloués à l'action 6 du programme 123 à due concurrence (DGOM, DB).
Recommandation n° 2 : Limiter à quatre le nombre des priorités retenues au niveau local afin d'éviter un phénomène de dispersion tout en s'adaptant au mieux aux besoins des territoires (DGOM, préfectures, hauts commissariats).
Recommandation n° 3 : Limiter strictement le champ des projets sélectionnés aux priorités retenues pour chaque territoire (DGOM, préfectures, hauts commissariats).
Recommandation n° 4 : Formaliser les échanges avec les élus locaux en cours d'année au sein d'instances ad hoc afin d'associer les élus à la définition des priorités locales à retenir dans l'appel à projets de chaque territoire et de consulter les élus sur la priorisation de leurs dossiers (DGOM, préfectures, hauts commissariats).
Recommandation n° 5 : Prévoir un délai de trois mois minimum (contre deux en moyenne actuellement) entre la publication de la circulaire annuelle et la date limite de remontée des dossiers présélectionnés par les préfectures et hauts commissariats (DGOM).
Recommandation n° 6 : Rendre l'étude d'impact obligatoire pour les dossiers ne relevant pas de la sécurité des populations (DGOM).
Recommandation n° 7 : Notifier systématiquement les décisions de rejet des dossiers non sélectionnés en précisant les causes du rejet (DGOM, préfectures, hauts commissariats).
Recommandation n° 8 : Évaluer, ex-post, l'impact socio-économique des projets financés par le FEI (DGOM, préfectures, hauts commissariats) (DGOM, DB).
Recommandation n° 9 : Déterminer une nouvelle trajectoire pluriannuelle pour la période 2023-2027 en adéquation avec les besoins d'investissement des territoires d'outre-mer (DGOM, DB).
Recommandation n° 10 : Sanctuariser les crédits alloués au FEI lors de la LFI et mettre fin aux redéploiements récurrents en cours de gestion (DGOM, DB).
Recommandation n° 11 : Programmer l'intégralité des autorisations d'engagement ouvertes en LFI au titre du FEI en début de gestion (DGOM).
PREMIÈRE PARTIE
LA PERSISTANCE DE BESOINS CONSIDÉRABLES
EN ÉQUIPEMENTS PUBLICS MALGRÉ UNE HAUSSE DES DÉPENSES
D'INVESTISSEMENT
I. UNE INSUFFISANCE STRUCTURELLE DES INFRASTRUCTURES EN OUTRE-MER
De manière structurelle, les infrastructures publiques en outre-mer présentent des déficits et défaillances qui s'expliquent par plusieurs facteurs et notamment :
- la topographie des territoires qui rend difficile les travaux de construction et d'entretien ;
- les risques naturels qui nécessitent des normes de construction spécifiques ;
- des investissements passés insuffisants.
Dans ce contexte, l'objectif de la présente partie n'est pas de faire un état des lieux exhaustif des besoins d'infrastructures (les données sur le sujet sont par ailleurs parcellaires et parfois anciennes) mais de pointer les problèmes structurels touchant la plupart des infrastructures publiques.
A. DES INFRASTRUCTURES DE RÉSEAUX LIMITÉES ET MAL ENTRETENUES
1. Des infrastructures de transport saturées
Le réseau routier présente une densité 2,6 fois plus faible en outre-mer qu'en métropole . En effet, on y compte en moyenne, toutes routes confondues, 6,2 kilomètres de route pour 1 000 habitants contre 16,3 kilomètres en métropole.
Évolution du nombre de kilomètres de
route en métropole et en outre-mer,
entre 2013 et 2018, par type de
route
Source : commission des finances du Sénat à partir du rapport « Chiffres clés du transport - édition 2020 » du Commissariat général au développement durable
De surcroit, ce différentiel perdure malgré une croissance du nombre de kilomètres construits supérieure en outre-mer par rapport à la métropole (entre 2013 et 2018, 20 % de route en plus en outre-mer contre 1,72 % en métropole). En Guyane, par exemple, le réseau routier est concentré le long du littoral et environ 10 000 habitants de l'intérieur ne sont pas desservis.
En sus de ce déficit d'infrastructures routières, il convient de souligner que le réseau secondaire se caractérise par un manque d'entretien et d'investissement générant une dégradation régulière de son état et, subséquemment, des conditions de transport (particulièrement à Mayotte).
Parallèlement, les réseaux de transports en commun publics sont encore très peu développés en dehors des villes. Dans les agglomérations les plus importantes, leur extension récente n'a pas toujours pris en considération les besoins des usagers notamment en termes d'amplitude horaire, de régularité et de fréquence et de nombreuses zones ne sont toujours pas desservies (exemple : les hauteurs de Tahiti en Polynésie française). Dans ce contexte, la part des transports en commun dans les déplacements domicile-travail reste très faible : 5 % à la Réunion contre 14,6 % en métropole.
2. Des réseaux d'eau et d'assainissement défaillants
La plupart des territoires d'outre-mer présente un retard structurel en équipements nécessaires au traitement, à l'assainissement et à l'adduction d'eau . Malgré le plan « Eau Dom » 2 ( * ) signé le 30 mai 2016 prévoyant que toutes les collectivités d'outre-mer compétentes pour la gestion de l'eau potable et de l'assainissement devaient signer un contrat de progrès avant le 31 décembre 2018, condition préalable au maintien des crédits d'investissement alloués par l'État, la situation en 2020 était encore préoccupante dans de nombreux territoires outre-mer.
Ainsi, d'après le rapport du Conseil économique social et environnemental (CESE) relatif à « l'accès aux services publics dans les outre-mer » 3 ( * ) :
- à Mayotte 4 ( * ) et en Guyane, un quart de la population ne dispose pas d'eau potable à son domicile ou à proximité. Le traitement des eaux usées est parfois embryonnaire et toutes les communes ne sont pas dotées d'un réseau d'assainissement ;
- en Guyane , la contamination de l'eau des fleuves au mercure liée à l'orpaillage illégal est régulièrement constatée. Une étude de 2019 de l'institut de recherche pour le développement (IRD) fait état de l'imprégnation des poissons et des populations ;
- en Nouvelle-Calédonie , 7 % de la population n'a pas accès à l'eau potable et le traitement de l'eau n'est pas assuré pour 40 % des foyers de la côte Est ;
- à La Réunion , 52 % de la population est alimentée par des réseaux dont la sécurité sanitaire est insuffisante ;
- en Martinique , le prix de l'eau par mètre cube est le plus élevé de France avec un prix d'environ 5,4 euros le mètre cube, en grande partie à cause des difficultés d'assainissement. En effet, le prix au mètre cube se compose d'une partie pour l'eau potable et d'une partie pour l'assainissement. En métropole, et selon les régions, les prix moyens totaux varient entre 2,2 et 4,8 euros 5 ( * ) ;
- en Guadeloupe , certaines localités ne sont pas raccordées à un réseau d'eau potable, des rotations dans la distribution d'eau étant alors mises en place pour réguler l'approvisionnement. 60 % de l'eau est perdue à cause d'un entretien lacunaire des réseaux de distribution. Les deux tiers des stations d'épuration ne sont pas conformes et seule la moitié des foyers vit dans une zone de raccordement au tout-à-l'égout. Les réseaux de collecte des eaux usées ne sont pas étanches avec des rejets sans traitement dans le milieu naturel ;
- la moitié de la population de Polynésie française n'a pas l'eau courante.
* 2 L'objectif principal du plan Eau Dom était d'améliorer la gouvernance de l'eau en Outre-mer, renforcer l'ingénierie et le financement des projets en contrepartie de l'obtention de subventions supplémentaires.
* 3 Rapport de janvier 2020 de Michèle Chay et Sarah Mouhoussoune au nom de la délégation à l'outre-mer du CESE.
* 4 La gestion du Syndicat Intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte (SIEAM) a fait l'objet de deux rapports de la Chambre régionale des comptes soulignant des investissements et un entretien des réseaux d'eau potable négligés pendant des années.
* 5 Données issues de l'observatoire des services publics de l'eau et de l'assainissement.