CONCLUSION GÉNÉRALE

Depuis 2012, une lutte opiniâtre est menée contre la résurgence de la brucellose dans les Alpes françaises, sans être entravée par l'Union européenne. D'autre part, la Commission européenne, en application du principe de subsidiarité, se cantonne de surveiller l'obligation d'action et de résultat assignée à ces mêmes États membres.

L'action menée contre l'épidémie de brucellose en Haute-Savoie a enregistré des résultats positifs significatifs : la prévalence de la maladie a diminué, tandis que la France est parvenue à conserver le statut de « pays indemne de la brucellose » en demeurant en deçà des seuils réglementaires pourtant très bas, dont le dépassement aurait entraîné une perte dudit statut, avec de multiples conséquences néfastes.

Ces résultats s'expliquent par les efforts conjugués des services de l'État, des scientifiques, des agriculteurs, des acteurs économiques et sociaux du département et, d'une façon générale, des habitants de la Haute-Savoie. Les auditions réalisées dans le cadre du présent rapport d'information ont également montré combien la lutte contre une épidémie comme la brucellose implique une démarche de longue haleine, qui peut s'étaler sur de nombreuses années. En effet, la capture d'animaux sauvages comme les bouquetins intervient dans des zones extrêmement difficiles d'accès et nécessite une logistique poussée : les agents de l'État et de l'Office français de la biodiversité prennent des risques réels pour remplir leur mission.

D'une façon générale, les services de l'État témoignent d'un réel savoir-faire et d'un haut niveau de professionnalisme face aux multiples menaces survenant régulièrement à nos frontières. La lutte contre la brucellose ne constitue qu'un exemple parmi d'autres : récemment la peste porcine africaine, qui ne s'est pas développée en France, a infecté des exploitations agricoles localisées en Belgique, à moins de cinq kilomètres du département des Ardennes.

La politique de lutte contre la brucellose suscite néanmoins une certaine frustration du fait de la persistance de l'infection, dont l'éradication définitive peut apparaître comme un horizon à long terme insaisissable, perpétuellement repoussé. S'y ajoute une forte conflictualité : les agriculteurs se plaignent, non sans raison ; d'être stigmatisés et vivent l'abattage des troupeaux de bovins contaminés comme l'anéantissement de l'oeuvre d'une vie, tandis que les associations environnementalistes s'inquiètent, pour leur part, d'une insuffisante prise en compte de la fragilité de la faune sauvage. Ce dialogue de sourds débouche sur de vives contestations sur le terrain, lors de chaque opération de capture des bouquetins, ainsi que sur une multiplication de recours contentieux aboutissant à conférer au Tribunal administratif de Grenoble un rôle clé dans ce dossier. A titre personnel, votre rapporteur s'interroge sur le contrôle étroit, voire « pointilliste » du juge des référés, d'autant plus qu'il est le seul à ce jour à avoir traité ce dossier, tout en regrettant qu'aucun appel sur ces décisions n'ait jamais été interjeté devant la juridiction supérieure.

L'ensemble de ces facteurs nuit gravement à la continuité de la démarche des pouvoirs publics contre la brucellose, dans la mesure où les mesures préconisées par l'Anses n'ont jamais pu être totalement mises en oeuvre. Le nombre d'animaux prélevés chaque année n'a pas été celui prévu, d'où une stratégie par à-coups. La France dispose pourtant de nombreux les moyens pour agir, avec des professionnels et des scientifiques compétents, ainsi qu'une machine administrative efficace. Au surplus, contrairement à certaines présentations simplistes 30 ( * ) ou caricaturales 31 ( * ) du dossier sur les réseaux sociaux ou dans la presse, la lutte contre l'épidémie de brucellose obéit légitimement aux impératifs de santé publique pour l'homme, puis de santé animale, avant d'être un sujet économique.

Comment sortir par le haut de cette situation préjudiciable à tous ?

Ce rapport d'information plaide en faveur d'une application pleine et entière de la stratégie pluriannuelle de constitution d'un noyau sain d'animaux dans la faune sauvage - les bouquetins - conformément à l'esprit des préconisations de l'Anses, tout en prévoyant une « clause de rendez-vous » d'ici trois ans, pour évaluer à cette date l'horizon prévisionnel d'éradication de la maladie. Cela suppose la consolidation de la clé de voûte juridique du dispositif : à cet effet, les arrêtés préfectoraux prévoyant les niveaux de prélèvement sur la faune sauvage pourraient utilement être élaborés sur un horizon pluriannuel, sans préjudice de la possibilité d'un appel éventuel des décisions du juge administratif.

Quant aux opérations de police sanitaire dans les exploitations agricoles touchées par la brucellose, le rapport suggère d'étudier de manière plus approfondie la possibilité de mettre en place certaines possibilités d'assouplissement ciblées, de nature à améliorer l'acceptabilité sociale des mesures exigées, sans prendre le risque de remettre en cause le précieux statut de « pays indemne de la brucellose » dont bénéficie la France.

En dernière analyse, il convient de dépassionner le débat pour diminuer la conflictualité autour du traitement de la brucellose. Toute l'ambition de ce bref document d'information consiste précisément à fournir les éléments d'un constat partagé, pour permettre à toutes les parties prenantes d'engager un dialogue constructif et de bonne foi.


* 30 Voir par exemple le site Instagram de l'influenceur médiatique Hugo Clément sur le « Massacre en cours des bouquetins » (17 octobre 2022).

* 31 Voir article du Canard enchaîné dans son édition du 26 octobre 2022 « La bactérie qui rend chèvre ».

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