B. UN RETOUR D'EXPÉRIENCE À CONCRÉTISER DANS LA NOUVELLE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE
La LPM en cours a été considérée par le gouvernement comme suffisante, moyennant des actualisations non législatives, pour répondre tant à la crise du covid qu'à celle de l'Ukraine.
Un an s'est maintenant écoulé depuis le début du conflit, sans que le Parlement puisse réellement débattre des enseignements qu'il faut tirer de ce tournant géostratégique majeur pour nos propres forces.
L'examen de la prochaine LPM sera l'occasion de ce débat, dont on peut regretter qu'il soit si tardif, au regard de l'effort déjà entrepris par nombre de nos partenaires.
1. Des formats à reconsidérer ?
Les volumes d'équipements et les effectifs des armées françaises ont considérablement décru en trente ans, comme le montre le tableau ci-dessous. La « masse » n'est pas le seul facteur décisif sur le champ de bataille, comme cela a déjà été rappelé, mais il est néanmoins légitime de s'interroger sur la pertinence des niveaux atteints dans le contexte actuel .
Évolution de la « masse » dans les armées françaises
1991 |
2021 |
Ambition 2030 |
|
Chars de combat |
1349 |
222 |
200 |
Avions de combat |
686 |
254 |
225 |
Grands bâtiments de surface |
41 |
19 |
19 |
Effectif militaire (et réservistes) |
453 000 (420 000) |
203 000 (41 000) |
Source : Raphaël Briant, Jean-Baptiste Florant et Michel Pesqueur, « La masse dans les armées françaises : un défi pour la haute intensité », Focus stratégique, n° 105, Ifri, juin 2021.
Ces formats pour les équipements majeurs doivent être réexaminés au regard tant des circonstances nouvelles que des ambitions de la France.
L'Ambition 2030, telle que fixée par l'actuelle LPM est-elle encore suffisante ? Cette Ambition portera par exemple le nombre de Rafale de l'armée de l'air et de l'espace à 185 17 ( * ) . La pertinence de ce format pose question au regard du contexte actuel, d'autant que le parc de Rafale sera inférieur en 2025 à ce qui est prévu par la LPM (117 au lieu de 125). L'armée de l'air et de l'espace vient en outre de fermer un escadron de Mirage 2000C.
« Lorsque je me suis engagé dans l'armée de l'air, il y a 36 ans, nous disposions de 750 avions de chasse mais ils étaient « mono-mission ». Un Rafale, en revanche, permet de remplir les missions de plusieurs appareils, quoiqu'il ne soit pas doué d'ubiquité : un plancher de 185 appareils est probablement trop bas ; sans doute faudrait-il tendre vers un plancher de 225 avions afin de pouvoir remplir sereinement nos missions. » 18 ( * )
Pour l'avenir, les incertitudes sur les programmes MGCS (système principal de combat terrestre) et SCAF (système de combat aérien du futur) sont très préjudiciables. Elles doivent inciter à laisser une place, dans la réflexion et dans l'allocation des moyens, à d'éventuelles solutions alternatives (« plans B »), au plan national ou selon d'autres formats de coopération, pour combler le retard probable, voire l'échec toujours possible de ces programmes.
2. Des capacités terrestres à renforcer
L'attrition matérielle considérable dans ce conflit a déjà été évoquée (II. A.) : 1640 chars, 169 LRM, 317 canons automoteurs, 88 systèmes de défense sol-air, 69 avions, 75 hélicoptères, 169 drones et 12 navires ... telles sont les pertes (confirmées visuellement) que les forces armées russes ont subies en moins d'un an.
Ces ordres de grandeur signifient que dans l'hypothèse - purement théorique - où la France serait confrontée à un conflit du même type, on peut dire approximativement que l'ensemble des chars français auraient été perdus à la fin du mois de mars, l'ensemble des VBCI au début du mois d'avril, l'ensemble de l'artillerie (Caesar + AUF1 + LRU) avant la fin avril et l'ensemble des 1800 Griffon en août 19 ( * ) .
L'hypothèse est théorique : il ne s'agit évidemment pas de laisser penser que la France pourrait être envahie demain mais plutôt d'évaluer l'ampleur des pertes subies dans une guerre de haute intensité et notre capacité à contribuer à un effort commun dans ce type de conflit.
Nos armées doivent désormais monter en puissance pour un certain nombre de capacités terrestres indispensables dans un contexte d'environnement aérien contesté :
- Les feux dans la profondeur , essentiels en l'absence de supériorité aérienne.
La France dispose théoriquement, en 2021, de 119 canons de 155 mm (dont 18 cédés depuis lors à l'Ukraine) et de 13 lance-roquettes unitaires (LRU) (dont 2 cédés).
La réalité serait plutôt de l'ordre d'une centaine de tubes, dont une cinquantaine disponibles à un instant t.
Pour mémoire dans l'offensive sur le Donbass, les forces armées russes auraient déployé plus de 1 100 pièces d'artillerie à tubes, dans un rapport de force de 12 contre 1 face aux Ukrainiens.
Le LRU (M270) est remplacé, aux États-Unis, par le HIMARS 20 ( * ) (M142), plus léger (à roues). L' US Army a lancé, en 2022, l'acquisition de 500 HIMARS supplémentaires d'ici à 2028 (soit cent par ans pendant cinq ans) 21 ( * ) .
En France, il ne reste que 8 LRU fonctionnels, après la cession de deux unités à l'Ukraine. Il est urgent de préparer le remplacement du LRU, dans les cinq ans à venir, si nécessaire par un achat « sur étagère » .
De nouveaux CAESAR ont été commandés en 2022 pour l'armée de terre : 18 pour compenser la cession à l'Ukraine, et 33 systèmes CAESAR NG (précédemment commandés), l'objectif étant à terme de disposer de 109 CAESAR NG.
Le remplacement de ces capacités essentielles est prévu, à terme, dans un cadre européen. Le programme franco-allemand Common Indirect fire system (CIFS) doit notamment pourvoir à la succession du système CAESAR.
Mais l'aboutissement de ce programme a été reporté de 2040 à 2045 ce qui, dans le contexte actuel, est regrettable. La guerre d'Ukraine milite pour relancer rapidement les coopérations sur l'artillerie du futur .
- Les drones et les munitions téléopérées (voir aussi II. B.) : pour ce qui est des drones armés, la France ne possède pour le moment que ses 12 drones MALE Reaper, qui se sont révélés très utiles en OPEX, mais qui sont coûteux et vulnérables donc peu adaptés en situation de guerre symétrique haute intensité.
La France évolue lentement sur le sujet des drones armés. Le gouvernement n'a autorisé l'armement des drones MALE Reaper qu'en 2017, à la suite d'un rapport de la commission 22 ( * ) .
Le débat est obscurci par la question des systèmes d'armes létaux autonomes (SALA), actionnés non par l'humain mais par une intelligence artificielle, ce qui pose des questions légitimes mais constitue un autre débat.
Le rapport précité de la commission a rappelé, notamment, que la France appliquait les mêmes règles d'engagement du feu pour un avion de chasse et pour un drone ; à aucun moment la décision n'est prise par la machine (le drone étant du reste un engin piloté).
Une partie de notre retard dans le domaine des drones de contact (nano-drones, micro-drones, mini-drones de renseignement) est en cours de rattrapage, avec l'objectif d'avoir à terme 3500 petits drones.
L'entrée en service des systèmes de drone tactique (SDT) Patroller est toujours attendue, après l'accident de 2019. Le Ministre des armées vient de confirmer que ces drones seraient armés , comme le demande la commission depuis déjà plusieurs années.
Se pose toujours la question des munitions télé-opérées, qui devra être traitée en LPM, comme le demande là encore la commission depuis la guerre du Haut-Karabagh (2020).
Un « socle » de 1800 MTO serait proposé dans le cadre de la LPM.
Le ministre des armées, a indiqué en juillet 2022 à la commission que le drone américain Switchblade était en cours d'évaluation. Quelques semaines auparavant, la Direction générale de l'armement (DGA) et l'Agence de l'innovation de défense (AID) ont lancé deux appels à projets pour développer des munitions téléopérées (MTO) françaises, selon une méthode innovante laissant aux industriels un degré accru de liberté quant aux moyens proposés pour réaliser les objectifs qui sont les suivants :
- Larinae porte sur la recherche d'un système bas coût de neutralisation et à « longue élongation », soit au-delà de 50 km à partir de son point de mise en oeuvre ;
- Colibri porte sur la recherche d'un système bas coût de neutralisation de cibles, dans la zone de contact, soit au-delà de 5 km à partir de son point de mise en oeuvre.
Les marchés ont récemment été attribués à des consortiums formés autour des industriels Nexter, MBDA, Delair et EOS Technologie.
Si la dronisation est un enjeu majeur dans le milieu aérien, c'est également le cas dans les milieux terrestre et maritime. La dronisation est en particulier un démultiplicateur de forces dans le domaine naval , avec le développement d'engins autonomes évoluant tant en surface que dans l'espace aéromaritime et dans les fonds marins.
C'est un enjeu d'avenir sur lequel de nombreuses marines étrangères montent en puissance et pour lequel il est encore temps de ne pas prendre un retard tel que celui accumulé dans le domaine des drones aériens .
- Les défenses sol-air et moyens de lutte anti-drones : L'armée de l'air dispose aujourd'hui de de 18 systèmes de défense sol-air (8 SAMP/T et 10 Crotale), ce qui est très peu. Des contrats opérationnels fortement mutualisés ont réduit fortement les volumes.
Or dans l'hypothèse d'un engagement majeur, il faudrait protéger à la fois le territoire national dans son ensemble, les moyens de la dissuasion, et le déploiement de forces sur la zone de conflit, ce qui nécessite une augmentation significative des volumes.
La lutte anti-drones représente également un enjeu de sécurité crucial , à moyen terme dans l'hypothèse d'un engagement majeur mais aussi à court terme dans la perspective des grands événements sportifs attendus dans les dix-huit prochains mois (Coupe du monde de rugby 2023 et Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024). Le dispositif anti-drones développé dans le cadre de l'appel d'offres Parade doit être rapidement opérationnel pour être testé lors de la Coupe du monde de rugby. Il subsiste d'importantes interrogations sur le fonctionnement de ce matériel et sa capacité à être mise oeuvre d'ici à ces grands évènements sportifs.
- Les moyens de suppression des défenses aériennes ennemies (SEAD) doivent être, en toute logique, renforcés, dans la perspective de conflits dans lesquels notre supériorité aérienne serait remise en cause, de même que la résilience contre les moyens de SEAD adverses.
C'est d'autant plus important que nos moyens de frappe en profondeur restent aujourd'hui principalement aériens. Les moyens de SEAD en garantissent donc la crédibilité. La SEAD suppose le développement de moyens de frappe (de précision hypervéloces ou saturants) et des moyens de guerre électronique 23 ( * ) (voir aussi II.B).
3. Une politique des stocks à revoir
« Ce qui a sauvé l'Ukraine, c'est qu'elle disposait de réserves : des réserves matérielles, avec des stocks hérités de l'armée soviétique, mais aussi des réserves humaines » 24 ( * ) . L'Ukraine a pu en outre bénéficier de dons d'anciens pays du pacte de Varsovie. La Russie déploie elle aussi sur le champ de bataille des équipements très anciens.
Depuis la fin de la guerre froide, tandis que les Américains ont conservé une partie de leur arsenal de la guerre froide, d'autres pays comme la France sont passés pour leur part à une logique plus qualitative que quantitative, sacrifiant les stocks pour réduire les coûts d'entretien et « privilégier la préservation des moyens nécessaires à la réalisation des contrats opérationnels contre le maintien de ceux adaptés à une conflictualité considérée comme improbable » 25 ( * ) .
La modernisation des armées doit être l'occasion de combiner dans une certaine mesure les anciens et nouveaux équipements , plutôt que d'éliminer systématiquement les anciennes capacités au profit des nouvelles.
Des stocks de munition renforcés sont également nécessaires, qu'il s'agisse des munitions simples ou des munitions complexes, pour les trois armées. La baisse du nombre de dépôts de munitions donne une idée de la décrue des volumes de munitions : en 2011, le service interarmées des munitions (SIMu) comptait 20 dépôts en métropole et 10 dans les outre-mer ; en 2022, il en compte 14 en métropole (dont 4 établissements publics) et 9 dans les outre-mer et à l'étranger. La décrue des munitions est, du reste, cohérente avec celle des moyens de l'artillerie.
Comme pour les équipements en général, un travail sur les normes est nécessaire , pour vérifier que ces normes de qualification ou de durée de vie sont en adéquation avec la réalité du cycle de vie des munitions et, le cas échant, des contraintes de la haute intensité. Cela nécessite un travail au cas par cas pour chaque type de munitions, avec les industriels, notamment pour les munitions les plus coûteuses pour lesquelles un allongement de la durée de vie représenterait un gain important.
Pendant la deuxième phase du conflit l'artillerie russe a tiré environ 20 000 coups par jour et jusqu'à plus de 30 000. Côté ukrainien, c'est en moyenne 5 000 à 6 000 obus par jour et jusqu'à 20 000.
Pour mémoire, et même si la comparaison n'a pas grand sens car la France dispose d'autres moyens (missiles...), ce sont 5 000 obus de 155 millimètres et 8 000 charges modulaires propulsives qui ont été commandés en 2022 par le ministère des armées.
9. La prochaine LPM doit consolider un certain nombre de capacités clefs
La commission sera particulièrement attentive aux objectifs et aux réalisations de la future programmation dans les domaines suivants :
- La prochaine LPM doit consolider nos défenses sol-air et nos moyens de lutte anti-drones. La succession du système Crotale pour la basse-couche doit être lancée. Les armes à énergie dirigée (laser, micro-ondes) ont un potentiel important dans ce domaine, exploré notamment aux États-Unis où de nombreux développements sont en cours.
- S'agissant des petits drones et des munitions télé-opérées , les programmes doivent pouvoir se dérouler rapidement , de la conception à l'industrialisation, en quelques années, sans contraintes réglementaires excessives. Au-delà, les produits risquent d'être déjà obsolètes lors de leur mise en service. Ces drones et MTO doivent par ailleurs être conçus pour fonctionner en système avec d'autres moyens.
- Les programmes concernant le futur du combat terrestre et de l'artillerie (MGCS, CIFS) doivent être lancés. Moins spectaculaires qu'un porte-avions ou un un système de combat aérien, ces programmes n'en sont pas moins déterminants pour notre autonomie stratégique et pour la crédibilité de nos forces. Dans l'attente, il est urgent de préparer le remplacement du LRU , dans les cinq ans à venir, si nécessaire par un achat « sur étagère ».
- La politique des stocks doit être revue : s'agissant des équipements anciens , remplacés par de nouvelles capacités, qui pourraient être conservés, et s'agissant des munitions dont les volumes doivent être significativement accrus, pour l'entraînement et, si nécessaire, le soutien à nos partenaires et alliés.
- Outre les munitions, la question des volumes se pose aussi pour d'autres équipements accompagnant les missions , en nombre insuffisant (par exemple les pods Talios et radars AESA du Rafale).
- Enfin, les moyens d'évacuation sanitaire , le maintien en condition opérationnelle , la logistique sont des points majeurs en haute intensité, potentiellement bloquants et nécessitant là aussi une remontée en puissance des moyens, une réflexion sur des modes dégradés de fonctionnement, ainsi que des exercices pour tester la validité des modèles.
4. C2 et préparation opérationnelle : des adaptations nécessaires
Dans cette guerre, la doctrine et la formation des Russes se sont révélées particulièrement inadaptées, tout au moins au début du conflit, notamment en termes d'intégration des effets entre les différents milieux. Les Ukrainiens se sont en revanche illustrés, pour leur part, par leur réactivité et notamment leur capacité à reconfigurer leurs forces pour les disperser et tromper l'adversaire.
La guerre subie plutôt que choisie requiert une telle agilité : dispersion des moyens, protection des unités de combat et de soutien capacité à relocaliser rapidement les postes de commandement. Tout ce qui est statique est menacé : dans les 48 premières heures du conflit les Russes ont ainsi frappé 75 % des sites statiques de la défense ukrainienne.
Le conflit démontre aussi l'intérêt d'une dose de subsidiarité accordé aux différents échelons par rapport à une conduite centralisée des opérations. La subsidiarité permet de réagir rapidement. C'est un système de « management », laissant une plus grande part à l'initiative, sans doute plus en phase avec le monde civil, mais qui comporte aussi des risques à maîtriser et implique donc une préparation préalable.
L'intégration multi-milieux multi-champs (M2MC) est un défi. Elle nécessite de refondre les systèmes de commandement et de contrôle (C2), non seulement au niveau interarmées mais aussi à des niveaux inférieurs. La combinaison des moyens dans tous les domaines de conflictualité permet de faire la différence.
La préparation opérationnelle doit remonter en puissance et s'adapter au nouveau contexte :
- Elle doit remonter en puissance : en effet, comme l'indique régulièrement les rapports de la commission, la préparation opérationnelle n'est pas aux niveaux requis.
« Pour l'armée de terre , depuis le déploiement de Sentinelle, la cible de 90 jours de préparation opérationnelle par militaire par an n'a plus été atteinte . Réduite à 72 en 2016, elle est remontée à 81 jours en 2017 mais aucun progrès n'a été constaté jusqu'en 2020. Une amélioration est attendue en 2022 et devrait se consolider en 2023 en raison d'un moindre engagement Sentinelle. Toutefois, l'engagement de l'armée de Terre dans la réassurance du flanc est de l'OTAN en Roumanie et les potentiels techniques des équipements alloués pourraient remettre en cause l'amélioration de la préparation opérationnelle . Le taux d'entraînement par équipage sur matériel terrestre en lente remontée depuis 2020 vers un objectif fixé à 70 % en 2023 devrait de nouveau diminuer en 2024 (63 %). Pour les cinq parcs majeurs de l'armée de terre (chars Leclerc et AMX 10 RC, VBCI, VAB, CAESAR), le taux d'entraînement des équipages dépend de la disponibilité globale des flottes, réduite pour trois d'entre eux . L'armée de terre démontre une capacité à réaliser son contrat opérationnel à 90%. » 26 ( * )
La Cour des comptes a récemment proposé de transférer la mission Sentinelle aux forces de sécurité intérieure. Ce rapport établit, d'une part, que les forces militaires ne sont pas les mieux placées pour assurer cette mission ; d'autre part, « alors que les armées se concentrent sur l'hypothèse d'un engagement majeur en coalition dans une opération de coercition de haute intensité, la Cour estime qu'il n'est plus pertinent de poursuivre sans limite de temps une contribution à la tranquillité publique par un « affichage de militaires dans les rues » 27 ( * ) . Sentinelle engage encore environ 10 % de la force opérationnelle terrestre (FOT), dont une partie effectivement déployée et une partie en alerte.
- D'autre part, la préparation opérationnelle doit pouvoir être adaptée à l'intégration M2MC , précédemment évoquée, et à des conditions dégradées dans lesquelles il est nécessaire d'agir très rapidement, de façon décentralisée, sur la base d'une combinaison d'informations diverses. C'est un mode d'action qui nécessite une préparation préalable, un réexamen des normes applicables, car un conflit subi ne s'aborde pas de la même façon qu'un conflit choisi.
Dans cette perspective, l'exercice interarmées Orion 2023 qui doit démarrer prochainement, sera particulièrement intéressant , notamment pour ce qui est de l'intégration M2MC (et de l'inclusion d'acteurs civils etc.)
10. L'hypothèse d'engagement majeur nécessite de repenser les systèmes de commandement et la préparation opérationnelle.
La guerre de haute intensité requiert une agilité particulière, une dose de subsidiarité et une action intégrée multi-milieux et multi-champs, ce qui nécessite des adaptations tant des dispositifs de commandement et de contrôle (C2) que de la préparation opérationnelle.
La préparation opérationnelle doit monter en puissance et en gamme , à l'image de ce que propose l'exercice Orion 2023 qui doit démarrer prochainement et dont les enseignements seront particulièrement intéressants.
Enfin, des marges de manoeuvre existent : si l'opération Sentinelle répond à une menace qui n'a pas diminué, elle ne paraît plus être le dispositif le plus adéquat pour traiter cette menace, comme l'a récemment établi la Cour des comptes. Il convient d'envisager un passage de relais progressif aux forces de sécurité intérieure , afin que de permettre une remontée en puissance de la préparation opérationnelle des militaires et de redéployer les armées sur les missions pour lesquelles elles ont la plus grande valeur ajoutée.
* 17 L'Armée de l'air bénéficiera également de 55 Mirage 2000D rénovés.
* 18 Audition, à huis clos, du général de corps aérien Frédéric Parisot, major général de l'armée de l'Air et de l'Espace, Commission de la défense nationale et des forces armées, Assemblée nationale, 20 juillet 2022.
* 19 Source : Léo Péria-Peigné, IFRI.
* 20 High Mobility Artillery Rocket System.
* 21 L'US Army en possède déjà 360 et l'US Marine, 47.
* 22 « Drones d'observation et drones armés : un enjeu de souveraineté », Rapport d'information n° 559 (2016-2017) de MM. Cédric PERRIN, Gilbert ROGER, Jean-Marie BOCKEL et Raymond VALL.
* 23 La neutralisation des défenses aériennes adverses (SEAD), Note de l'Observatoire des conflits futurs, octobre 2020.
* 24 Audition du Colonel Michel Goya, commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Sénat, 2 novembre 2002.
* 25 Léo Pério-Peigné, « Stocks militaires : une assurance-vie en haute intensité ? », Focus stratégique, n° 113, IFRI, décembre 2022
* 26 Avis n° 117 (2022-2023) de M. Olivier CIGOLOTTI et Mme Michelle GRÉAUME, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 17 novembre 2022, sur le Projet de loi de finances pour 2023 (Défense : Préparation et emploi des forces).
* 27 L'Opération Sentinelle, observations définitives, Cour des comptes, 12 septembre 2022.