Témoignage de Christine Maximin,
maire de Baratier (Hautes-Alpes)

Monsieur le Président Larcher,

Madame la Présidente Billon,

Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs,

Mesdames et Messieurs les élus,

Je souhaite tout d'abord exprimer, avec la maire du village de La Faurie, dans les Hautes-Alpes, toute notre déception de ne pas être présente avec vous, physiquement aujourd'hui.

Je suis Christine Maximin, fière suppléante du sénateur Jean-Michel Arnaud. Je suis par ailleurs maire d'un petit village magnifique, Baratier, dans les Hautes-Alpes, à proximité du lac de Serre-Ponçon et du parc régional des Écrins. Je suis également vice-présidente de la Communauté de communes de Serre-Ponçon, qui regroupe dix-sept communes et 17 000 habitants.

Je suis très attachée à mon village, passionnée par mon département. Je me suis investie très jeune en faveur de l'intérêt général, et dans la vie du village. À 18 ans, j'ai cofondé et co-animé une association regroupant tous les jeunes du village. Elle avait pour mission de responsabiliser les jeunes à travers l'animation de leur village. Cet investissement et cette implication m'ont, je pense, prédisposée à l'engagement. À 21 ans, je me présentais en tant que candidate libre aux élections municipales, avec deux autres candidates plus âgées. Nous n'avons pas été élues. J'ai continué à m'intéresser à la vie locale publique. J'ai été stagiaire de la commune sur un projet de développement local. J'ai suivi une formation de responsable dans les secteurs sociaux éducatifs, de loisirs et culturels, puis je me suis aussi investie professionnellement dans la vie locale, notamment dans le tourisme et l'encadrement de groupes. Ce n'était pas simple, puisque la ruralité ne permet pas toujours l'accès aux emplois en lien avec notre niveau d'études.

En 1989, on m'a proposé de candidater sur une liste communale. J'ai été élue pour la première fois. J'étais la plus jeune. Pour certains élus ou administrés, j'étais aussi la petite fille qu'ils avaient vu grandir. À cette époque, peu de femmes avaient des responsabilités dans la vie publique et professionnelle. L'ouverture d'esprit était peut-être moindre dans la ruralité. Je me revois lors de mon premier conseil municipal. Je n'osais pas prendre la parole. J'ai énormément travaillé pour gagner en assurance et en crédibilité.

J'ai continué à m'engager. Aux élections suivantes, je suis arrivée à une voix du maire sortant. Il a créé un poste de troisième adjointe, spécialement pour moi. J'ai ensuite été élue première adjointe durant les trois dernières mandatures. Le conseil comptait entre deux et quatre femmes pour onze élus, puis quatre femmes pour quinze élus sur le dernier mandat.

J'ai réalisé que les femmes avaient souvent une vision différente. Elles entraient davantage dans les détails, s'investissaient dans le collectif sans attendre une valorisation en retour.

Durant toutes ces mandatures, je me suis énormément impliquée. J'étais la seule adjointe. J'ai travaillé avec beaucoup de persistance pour me donner de la crédibilité. Comme d'autres femmes, peut-être, je devais démontrer un professionnalisme, prouver ma valeur ajoutée à la commune. Je n'ai pas réellement rencontré de difficultés dans mes relations avec les hommes, bien que j'aie parfois dû hausser la voix pour me faire entendre. Pour autant, je crois tout de même que ma position de femme m'a réussi. On me laissait faire. Certains me regardaient faire. Il me semblait normal, en tant que femme, d'être plus contributrice, de réaliser plus d'activités que d'autres élus hommes. J'ai eu l'opportunité de présenter des dossiers, de réaliser des actions sur des projets qui me tenaient à coeur, pour l'intérêt de mon village, de mon territoire, en entraînant toute l'équipe. C'était pour moi essentiel. Mon engagement était le plus fort.

J'ai ensuite été élue maire de mon village en mai 2022. J'en étais très fière. La liste que j'avais constituée était paritaire et comptait sept femmes et sept hommes. C'était pour moi une priorité, bien que la parité ne soit pas obligatoire. J'ai deux adjoints et deux adjointes. La première adjointe est une femme. J'avais également fait appel à un organisme de formation pour former l'équipe sur le rôle de la commune et de ceux qui l'animent. Je voulais que chacun - et chacune - prenne sa place pleine et entière, et qu'une solidarité se mette en place, sans différences entre les élus.

Les délégations habituellement attribuées aux femmes - telles que l'éducation - ou aux hommes - les travaux publics - ont été réparties selon les appétences de chacun. Trois élus constituent la commission école. Un référent se charge de l'enfance et de la jeunesse. Une femme est référente sur les dossiers de glissement de terrain et des risques naturels. La première adjointe se charge de la sécurité des personnes et des espaces. Ces hommes et ces femmes sont jeunes, en majorité. L'équipe ne compte que deux retraités. Ils viennent d'horizons différents. La bienveillance et le respect règnent entre chaque élu, femmes et hommes. Nous organisons des réunions en visioconférence pour gagner du temps, pour caler les horaires en fonction des disponibilités de chacun, qu'il s'agisse de saisonniers, ou de mamans de jeunes enfants. Nous échangeons beaucoup par mail pour ne pas perdre de temps.

Je suis également vice-présidente de la Communauté de communes de Serre-Ponçon, comptant 17 000 habitants de dix-sept communes. Nous ne sommes que trois maires femmes, dont la présidente qui est également deuxième vice-présidente de la région. La gouvernance des EPCI ne permet pas la parité. Je pense que la situation évolue et que nous devons pousser la parité pour les communes de moins de 1 000 habitants. Nous devons également assurer une meilleure représentativité des femmes à l'échelle intercommunale et les inciter à s'engager dans la vie politique, en assurant une meilleure articulation des temps de vie. Il est par ailleurs essentiel d'assurer une formation des élus dès la prise de fonction.

En tant que suppléante du sénateur, j'accompagne le travail de qualité qu'il mène sur ces questions. Après les tables rondes que nous avons organisées en 2021, notamment dans le cadre du rapport Femmes et ruralités : en finir avec les zones blanches de l'égalité, nous devons continuer à créer du lien. Aujourd'hui, je souhaite - aux côtés des sénateurs - mettre en place des actions d'information et de communication auprès des collectivités locales, afin d'informer les élus sur tous les dispositifs et les structures concernant les femmes victimes de violence.

En conclusion, j'aimerais souligner ma fierté d'être une femme et de m'investir pour l'intérêt de mon village, de mon territoire. Je pense que la différence d'approche et de sensibilité entre les hommes et les femmes crée une complémentarité de vision, qui sert l'intérêt du territoire. C'est une richesse très importante. Dans les faits, nous sommes, je crois, plus persistantes que les hommes, sans vraiment chercher les lauriers. Nous agissons pour le collectif, dans l'intérêt général. Nous sommes capables d'établir des stratégies de long terme tout en entrant dans le détail. Nous savons faire faire, mais aussi faire, tout simplement, si cela est nécessaire.

À mon sens, il est primordial de continuer à travailler sur les nombreuses contraintes qui restreignent l'envie des femmes d'accéder à la vie politique. Il faut leur donner l'envie et les moyens de s'engager. C'est une belle place. Il faut la favoriser.

Enfin, la parité et l'égalité femmes-hommes dans la vie économique et sociale progresseront aussi par l'exemplarité de nos collectivités.