SOMMAIRE

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L'ESSENTIEL 5

LES SEPT RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LE FINANCEMENT PUBLIC DU SEPTIÈME ART 15

AVANT PROPOS - REPOUSSER LA DERNIÈRE SÉANCE EN RÉORIENTANT LE FINANCEMENT PUBLIC DU CINÉMA FRANÇAIS 17

I. À BOUT DE SOUFFLE ? LE CINÉMA FRANÇAIS APRÈS LA CRISE SANITAIRE 19

A. LE JOUR SE LÈVE : UNE REPRISE PROGRESSIVE 19

1. La production cinématographique a retrouvé un niveau normal en 2022, après une année de rattrapage 19

2. Le rôle méconnu de la distribution 23

3. La situation en salles : un nombre de salles croissant qui contraste avec un recul de la fréquentation 28

B. LES VISITEURS DU SOIR : L'ÉMERGENCE DES PLATEFORMES 36

1. Un acteur encadré 36

2. Une contribution au financement du cinéma français de 21 millions d'euros 38

C. LE CHOIX DES ARMES : UNE MULTIPLICITÉ D'INSTRUMENTS AU SERVICE DU FINANCEMENT PUBLIC DU CINÉMA 39

1. Une production financée à plus de 30 % par des fonds publics 39

2. Un financement qui dépasse la seule production d'oeuvres 46

3. Une exposition croissante au « risque cinéma » 47

D. LE SALAIRE DE LA PEUR ? UN SOUTIEN MASSIF DURANT LA CRISE SANITAIRE 49

1. Les mesures d'urgences adoptées pour faire face à l'arrêt de la production et de l'exploitation 49

2. Le plan de relance 52

II. LA BELLE ÉQUIPE ? ENTRE AIDE À LA CRÉATION ET SOUTIEN À L'INDUSTRIE, L'ACTION DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA, DE L'IFCIC ET DE BPIFRANCE 55

A. L'EXERCICE DE L'ÉTAT : UN FINANCEMENT DIRECT CONCENTRÉ SUR LE CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L'IMAGE ANIMÉE 56

1. Un recul logique des dépenses de soutien 58

2. Une position particulière 72

3. Un soutien à réorienter 76

B. UN AIR DE FAMILLE : LES MODALITÉS D'INTERVENTION DE L'IFCIC ET DE BPIFRANCE 81

1. Une coopération État-banques privées en faveur du cinéma : l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles 81

2. Bpifrance, meilleur espoir du financement public du cinéma français ? 87

3. Un continuum de financement à soutenir et renforcer 89

C. LA NUIT AMÉRICAINE : FRANCE 2030, NOUVELLE ÉTAPE EN MATIÈRE DE SOUTIEN À L'INDUSTRIE CINÉMATOGRAPHIQUE ? 90

1. La volonté de multiplier les fabriques de l'image 90

2. Une demande de subvention publique établie à 1 milliard d'euros 91

3. Un assouplissement des conditions d'accès aux prêts de l'Ifcic 92

4. Une nouvelle variation sur le même thème ? 93

III. LES DISPOSITIFS FISCAUX : UNE RÈGLE DU JEU À REVOIR ? 95

A. PLEIN SOLEIL : DES CRÉDITS D'IMPÔT DYNAMIQUES 95

1. Deux dispositifs dédiés à la relocalisation des tournages 95

2. Un montant de la dépense fiscale en constante augmentation 99

3. Des dispositifs à réévaluer 102

B. CLASSE TOUS RISQUES ? LE RÔLE DES SOFICA 104

1. Des sociétés créées en 1985 et bénéficiant d'un régime fiscal favorable 104

2. Un dispositif révisé en 2021 106

3. Un investissement de près de 50 millions d'euros en faveur du cinéma en 2022 107

4. Quel avenir pour ce dispositif ? 107

EXAMEN EN COMMISSION 111

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES 121

L'ESSENTIEL

La commission des finances a examiné le mercredi 17 mai 2023 le rapport de M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », sur les résultats de son contrôle sur le financement public du cinéma.

I. À BOUT DE SOUFFLE ? LE CINÉMA FRANÇAIS APRÈS LA CRISE

A. LE JOUR SE LÈVE : UNE REPRISE PROGRESSIVE DU SECTEUR

À la progression du nombre de films produits en 2021, par effet de rattrapage, succède depuis la fin 2022 un retour en salles, même si l'étiage d'avant crise ne sera pas atteint avant 2025 selon le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Le niveau de fréquentation moyenne par film agréé n'a pas retrouvé celui de 2014, voire de 2012, y compris en 2019, année record en termes de fréquentation. Aucun film français ne figure parmi les 10 premiers ayant attiré le plus de spectateurs en salles en 2022 et seuls 8 films français ont dépassé le million de spectateurs.

Évolution de la fréquentation en salles (en millions de personnes) et du nombre de films agréés par le CNC depuis 2012

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

B. LE CHOIX DES ARMES : UNE MULTIPLICITÉ D'INSTRUMENTS AU SERVICE DU FINANCEMENT DU CINÉMA

En agrégeant les soutiens automatiques et sélectifs versés par le CNC, les subventions attribuées par les collectivités territoriales, les investissements de France Télévisions, la dépense fiscale liée au crédit d'impôt cinéma ou à la réduction d'impôt afférente aux investissements dans les SOFICA, il apparaît que la production cinématographique d'initiative française a été financée à hauteur de 31 % par des fonds publics en 2021.

Cette estimation ne reflète par ailleurs qu'imparfaitement la réalité du financement public du cinéma français en général puisqu'elle n'intègre pas les soutiens dédiés aux distributeurs et aux exploitants par le CNC, l'appui à la diffusion consenti par les collectivités territoriales, ou, au plan fiscal, le crédit d'impôt international (C2I) qui permet de soutenir les productions internationales tournées en France.

Ainsi en 2021, le montant de la dépense publique (budgétaire et fiscale) en faveur du cinéma a atteint 747 millions d'euros, hors mesures d'urgence et Plan de relance. Les prêts octroyés ou garantis par l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (Ifcic) et Bpifrance, les prises de participations de cette dernière, comme les crédits dégagés via les programmes d'investissements d'avenir (PIA) 3 et 4 « France 2030 » viennent compléter ces dispositifs budgétaires et fiscaux. L'intervention de la puissance publique et son exposition au risque dans le secteur du cinéma représentait donc en 2021 environ 1,69 milliard d'euros, hors plan de relance et mesures d'urgence et avant lancement du programme France 2030.

Interventions de la puissance publique dans le secteur du cinéma en 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC, l'Ifcic et Bpifrance

Le caractère commun à l'audiovisuel d'un certain nombre de dispositifs du CNC et de Bpifrance modèrent cependant ce montant. Il devrait néanmoins atteindre cet étiage voire le dépasser dans les années à venir avec la mise en oeuvre du volet « Fabrique de l'image » du plan France 2030, mobilisant concours de l'État et des collectivités territoriales (1 milliard d'investissements publics attendus).

C. LE SALAIRE DE LA PEUR : UN SOUTIEN MASSIF DURANT LA CRISE SANITAIRE

266,5 millions d'euros ont été versés par le CNC au secteur sur la période 2020-2023 afin de répondre aux incidences des mesures sanitaires sur l'exploitation (fermeture des salles, couvre-feu, jauges, mise en place du pass sanitaire et restriction des consommations), la distribution et la production. 63 % de ces crédits ont été fléchés vers le soutien aux salles. Les entreprises du secteur ont également eu accès aux dispositifs transversaux et aux aménagements du régime de l'intermittence.

La mission « Plan de relance » prévoyait par ailleurs 165 millions d'euros à destination du CNC sur la période 2021-2022 :

- 48,5 millions d'euros pour le réarmement financier de l'établissement, dont l'équilibre du budget avait été affecté par la crise sanitaire ;

- 116,5 millions d'euros pour des mesures de soutien à destination des secteurs du cinéma, de l`audiovisuel et du numérique.

Cette intervention s'est avérée indispensable en vue de permettre au secteur de rebondir. Il apparaît néanmoins aujourd'hui indispensable que le CNC mène à bien une évaluation documentée de l'utilisation des crédits octroyés via le plan de relance, tant il semble que le dispositif semble avant tout avoir servi à faire face à des impasses de trésorerie liées en large partie à la crise sanitaire.

D. LES VISITEURS DU SOIR : L'ÉMERGENCE DES PLATEFORMES

Au-delà de la crise sanitaire et des changements de comportements en matière de sortie culturelle, l'émergence des plateformes, leur multiplication et les habitudes de consommation de contenus culturels prises durant les périodes de confinement ou de fermeture partielle des salles font de celles-ci un acteur en devenir dans le paysage cinématographique français. Astreintes depuis 2021 à participer au financement de la production française, cet apport financier (50 millions d'euros) reste compensé par l'accès des productions déléguées aux soutiens du CNC et au crédit d'impôt international, ainsi que par l'effet d'éviction au détriment des salles (4 abonnés sur 10 fréquentent moins les salles de cinéma).

II. LA BELLE ÉQUIPE ? ENTRE AIDE À LA CRÉATION ET SOUTIEN À L'INDUSTRIE, L'ACTION DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA, DE L'IFCIC ET DE BPIFRANCE

A. L'EXERCICE DE L'ÉTAT : UN FINANCEMENT DIRECT CONCENTRÉ SUR LE CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L'IMAGE ANIMÉE

Créé en 1946, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère chargé de la culture. Il lui a été confié une triple mission, culturelle, économique et réglementaire.

Le CNC ne bénéficie, en principe, d'aucun crédit budgétaire. Son budget annuel est abondé par quatre taxes affectées :

- la taxe sur les services de télévision due par les éditeurs (TST-E) ;

- la taxe sur les services de télévision due par les distributeurs de services de télévisions (TST-D) ;

- la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV) ;

- la taxe sur les entrées en salle de cinéma (TSA).

710,8 millions d'euros sont attendus en 2023 au titre de ces quatre taxes. Le transfert de la collecte des trois taxes, assurée par le CNC, vers la direction générale des finances publiques, prévue en loi de finances pour 2020 a finalement été annulé en loi de finances pour 2023, contre l'avis du Sénat. Ce transfert aurait pu permettre au CNC de diminuer ses coûts de fonctionnement. Le maintien du recouvrement révèle un peu plus le rôle singulier de cette structure au sein de l'appareil d'État. Chargé de la définition, de l'établissement de la taxe, de son recouvrement et de la réaffectation de son produit, le Centre fait figure d'État dans l'État, la tutelle du ministère de la culture apparait toute relative, quand la coopération avec le ministère des finances s'agissant de la législation fiscale peut sembler à sens unique.

L'intervention financière du CNC, au travers de son Fonds de soutien, revêt principalement deux aspects :

- les aides automatiques, indexées sur la performance d'un producteur, d'un distributeur ou d'un exploitant ;

- les aides sélectives, appelées à soutenir la création et attribuées après avis de commissions composées de professionnels divers.

L'ensemble de ces aides peut représenter jusqu'à 70 % du financement d'un projet.

Évolution des dépenses du fonds de soutien dédiées principalement ou en partie au cinéma entre 2019 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le document stratégique de performance du CNC - Perspectives 2023

Le rapporteur spécial note que le soutien financier du CNC a permis au cinéma français de conserver sa diversité et à son industrie de résister pour ne pas dire survivre, face à la concurrence internationale et plus récemment la crise sanitaire. Il relève néanmoins une extrême dépendance d'une partie de l'écosystème du cinéma français aux sorties américaines. Celles-ci génèrent une large partie de la fréquentation de salles et abondent, en conséquence, la taxe sur les entrées, élément important du financement du cinéma français.

Par ailleurs, l'offre croissante de films, français comme étrangers, dépasse la capacité d'absorption des salles Elle conduit logiquement à une baisse tendancielle des recettes par films. Celle-ci s'établissait en moyenne à 1,2 million d'euros en 2019 contre 1,7 million d'euros en 2012. Ces chiffres contrastent avec des aides du CNC sans cesse croissantes.

Évolution des recettes et des aides versées aux films agréés depuis 2012

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

Ces chiffres contrastent avec l'augmentation des films produits constatée ces dernières années. Il semble donc aujourd'hui nécessaire d'insister sur une révision des politiques menées en vue de contribuer à une réduction de la production au profit d'une meilleure qualité de celle-ci, même s'il n'existe pas de « bon chiffre » en la matière ou de martingale s'agissant de la réussite d'un film. Il conviendrait sans doute de renforcer l'aide à la formation, qu'il s'agisse de l'écriture ou des techniques, mais aussi l'appui à la distribution, en réduisant a minima à due concurrence les aides sélectives à la production.

B. UN AIR DE FAMILLE : LES MODALITÉS D'INTERVENTION DE L'INSTITUT POUR LE FINANCEMENT DU CINÉMA ET DES INDUSTRIES CULTURELLES ET BPIFRANCE

Créé en 1983, l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (Ifcic) est un établissement de crédit spécialisé dans le financement du secteur culturel. Son capital est détenu à 49,5 % par l'État, le capital restant étant partagé entre la quasi-totalité des banques établies en France et actives dans le secteur. Les solutions de financement dont dispose l'Ifcic prennent la forme de garanties bancaires, qui permettent d'une part de couvrir le risque pris par les banques, à hauteur de 50 % voire 70 % ou de prêts destinés à pallier les failles de l'accès au financement bancaire lorsque la garantie n'est pas suffisante. L'encours des prêts garantis ou octroyés fléchés vers la production et la distribution cinématographique atteignait 598,6 millions d'euros au 31 décembre 2021. L'encours total des prêts garantis ou octroyés aux exploitants atteignait, de son côté, 128,3 millions d'euros à la même date.

Au-delà de sa participation au capital de l'Ifcic, l'intervention de bpifrance dans le secteur cinématographique est assez récente. Elle est bâtie autour de deux axes : aide technique au développement et soutien financier. Le Plan Touch, lancé en 2020 et ouvert à toutes les industries culturelles et créatives (ICC), matérialise ainsi une certaine ambition financière, avec l'utilisation d'une palette d'instruments : prêts, garanties de prêts, action en fonds propres. 214 millions d'euros ont ainsi été mobilisés en 2021 puis 238 millions d'euros en 2022 en faveur des entreprises du cinéma et de l'audiovisuel.

L'action conjointe de l'Ifcic et de Bpifrance tend à esquisser la création, à terme, d'un fonds d'investissement public soutenu par les pouvoirs publics, intervenant comme « un investisseur avisé », appelée de ses voeux par le CNC. Ce fonds aurait pour principale activité le capital-investissement et viserait à amorcer une véritable stratégie financière dans un secteur encore peu mature. Ce modèle apparaît sans doute plus vertueux tant il implique une responsabilisation des producteurs lors de la préparation de leurs projets et induit une meilleure analyse du marché. Le rapporteur spécial appuie une telle orientation, qui devrait permettre de décharger progressivement l'État du financement de la prise de risque artistique par des outils budgétaires. Ce fonds pourrait être abondé par une réactivation des financements du CNC.

C. LA NUIT AMÉRICAINE : FRANCE 2030, NOUVELLE ÉTAPE EN MATIÈRE DE SOUTIEN À L'INDUSTRIE DU CINÉMA ?

Le volet cinématographique et audiovisuel du plan France 2030, supervisé par le CNC, constitue un réel changement de focale, avec un appui massif au développement des conditions de tournage, via la création de « fabriques de l'image ». Le cinéma est envisagé au travers du plan comme une industrie, induisant un financement spécifique. 350 millions d'euros de subventions vers la filière cinéma et audiovisuel sont dévolus à cet objectif. Ces crédits sont appelés à être complétés par une intervention des collectivités territoriales et du secteur privé. Cette ambition passe par une modernisation conséquente de l'appareil de production, confronté tout à la fois à un manque d'infrastructures de tournage et à une insuffisance de main d'oeuvre. 175 dossiers de candidature ont déjà été déposés, les investissements privés annoncés devraient atteindre 3 milliards d'euros et seraient complétés par des subventions publiques à hauteur de 1 milliard d'euros.

Le rapporteur spécial ne remet pas en question l'opportunité de développer une stratégie ambitieuse pour les ICC et en particulier pour l'industrie cinématographique. L'importance de l'investissement public via France 2030 invite à réviser les dispositifs existants par ailleurs qu'il s'agisse de soutiens spécifiques du CNC ou des crédits d'impôt. Le rapporteur spécial note ainsi qu'un certain nombre de dispositifs mis en avant dans le cadre de France 2030 peuvent apparaître redondants avec des mécanismes de soutien gérés directement par le CNC (aide à la formation, soutien aux industries techniques). Il convient de privilégier les dispositifs mis en place au sein de France 2030, censés contribuer à un effet de levier, ce qui induit une moindre dépendance aux fonds publics.

III. LES DISPOSITIFS FISCAUX, UNE RÈGLE DU JEU À REVOIR ?

A. PLEIN SOLEIL : DES CRÉDITS D'IMPÔTS DYNAMIQUES

L'action du CNC est appuyée, au niveau fiscal, par deux crédits d'impôts au montant dynamique.

Mis en place le 1er janvier 2004, le crédit d'impôt pour dépenses de production cinématographique dit crédit d'impôt « cinéma » (CIC) prévoit une déduction fiscale représentant de 20 à 30 % du montant total des dépenses éligibles, dans la limite de 30 millions d'euros par film. Le taux de 30 % vise la majorité des oeuvres. La dépense fiscale a atteint 160 millions d'euros en 2021.

Le crédit d'impôt pour dépenses de production de films et oeuvres audiovisuelles étrangers, dit crédit d'impôt « international » (C2I) est dédié aux oeuvres étrangères tournées en France depuis 2009, qu'elles soient cinématographiques ou audiovisuelles. Il prévoit une déduction fiscale de l'ordre de 30 % des dépenses éligibles. Ce taux a été porté à 40 % en loi de finances pour 2020 pour les oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles de fiction dans lesquelles au moins 15 % des plans font l'objet d'un traitement numérique. La dépense fiscale a atteint 120 millions en 2021, dont 25 % fléchés vers le cinéma.

Ces dispositifs ont permis de réduire le phénomène de délocalisation des tournages - 15 % en 2019 et 10 % en 2021 contre 27 % en 2015 - et auraient permis la création, en 2021 de 50 000 emplois. Ces crédits d'impôt s'inscrivent dans un contexte de concurrence internationale. 40 pays ont mis en place des dispositifs dédiés à l'accueil de tournages étrangers bénéficiant d'un taux au moins équivalent à celui mis en place en France.

Les dépenses éligibles à ces dispositifs ont ainsi atteint 1,39 milliard d'euros en 2021, soit une augmentation de 47 % par rapport à 2019 (+ 445 millions d'euros). La dynamique des crédits d'impôt tend néanmoins à interroger, dès lors qu'ils financent des grosses productions qui ne semblent pas, de prime abord, peiner à réunir des financements (Les Trois Mousquetaires - D'Artagnan, Astérix et Obélix et l'empire du milieu...). Les oeuvres destinées aux plateformes bénéficient, en outre, du crédit d'impôt international. 90 oeuvres destinées à une primo-diffusion plateforme produites en 2022 sont ainsi éligibles au dispositif, générant 135,3 millions d'euros de dépense fiscale.

Le rapporteur spécial invite donc le CNC à vérifier les risques d'effets d'aubaine qu'induisent nécessairement des mécanismes de plus en plus avantageux ces dernières années, qui bénéficient de surcroît à un nombre croissant d'acteurs depuis leur lancement. Il relève en outre que l'argument d'une forte concurrence fiscale internationale peut être relativisé par d'autres atouts pour attirer des tournages : variété des paysages, richesse des sites, et bientôt mise en place des fabriques de l'image.

Il note enfin que si le CNC lui a indiqué prendre en compte les effets positifs sur les finances publiques induits par la relocalisation des tournages, aucun élément chiffré sur ce sujet n'est précisé. Dans ces conditions, il pourrait être opportun de réviser ces dispositifs, afin d'atténuer leur coût pour les finances publiques.

B. CLASSE TOUS RISQUES ? LE RÔLE DES SOFICA

Créées en 1985, les sociétés de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel (SOFICA) sont des sociétés d'investissement destinées à la collecte de fonds privés consacrés exclusivement au financement de la production cinématographique et audiovisuelle. Elles sont créées à l'initiative de professionnels du cinéma et de l'audiovisuel, ou à celle d'opérateurs du secteur bancaire et financier. L'investissement est par ailleurs fléché vers des films d'expression originale française et de la nationalité d'un État partie à la Convention européenne sur la coproduction cinématographique, agréés par le CNC. Les SOFICA sont elles-mêmes agréées par la direction générale des finances publiques. Elles sont autorisées à faire appel public à l'épargne auprès des particuliers. Le montant maximal de la collecte annuelle est fixé chaque année par le ministère des finances lors de l'octroi de l'agrément.

Conformément à l'article 238 bis HE du code général des impôts, les souscriptions en numéraire au capital de ces sociétés sont admises en déduction du revenu imposable des souscripteurs ou du bénéfice imposable, s'ils y sont assujettis. Cette réduction est de 30 % du montant souscrit :

elle peut être portée à 36 % si les SOFICA s'engagent à consacrer 10 % de leurs investissements à la souscription au capital de sociétés de réalisation ;

- elle peut atteindre, depuis la loi de finances pour 2017, 48 % dès lors que 10 % de leurs investissements sont dédiés à la souscription au capital de sociétés de réalisation afin de participer au développement d'oeuvres audiovisuelles de fiction, de documentaire ou d'animation sous forme de séries. Elle atteint également cet étiage, si 10% des investissements sont fléchés vers l'acquisition de droits portant exclusivement sur les recettes d'exploitation d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles à l'étranger. Les 12 SOFICA agréées en 2022 ont pris ce double engagement, permettant donc à leurs souscripteurs de bénéficier de ce taux majoré de 48 %.

Le rapporteur spécial note à cet effet que le montant de la collecte en faveur du cinéma n'a pas connu d'évolution majeure avant et après 2017. Seule l'augmentation de l'enveloppe décidée en 2021 pourrait avoir un effet dans les années à venir.

Les SOFICA ont investi 32,5 millions d'euros dans la production de 140 films ou séries en 2021, 71 % des films d'initiative française au devis compris entre 2 et 10 millions d'euros ont été financés par ce biais. Ces chiffres sont à un niveau légèrement inférieur à ceux d'avant crise. Le projet de loi de finances pour 2024 devrait, en principe, intégrer une nouvelle prorogation du dispositif pour trois ans. Si le rapporteur spécial estime que cette prolongation ne pose pas de difficulté en soi, il s'interroge sur le caractère exorbitant que peut revêtir le taux de réduction d'impôt de 48 % voire le montant du plafond de la réduction, 18 000 euros.

Le débat sur le projet de loi de finances pour 2024 devrait être l'occasion de remettre en perspective ce qui peut être qualifié de niche fiscale, et dont le coût pour les finances publiques est estimé à 35 millions d'euros en 2023 (en agrégeant investissements dans le cinéma et l'audiovisuel).

LES SEPT RECOMMANDATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LE FINANCEMENT PUBLIC DU SEPTIÈME ART

Recommandation n° 1 (Centre national du cinéma et de l'image animée) : Procéder à une évaluation précise de l'utilisation des crédits dédiés à la filière dans le cadre du plan de relance, afin de mesurer notamment leur impact sur la modernisation des outils de production et sur les conditions d'accueil dans les salles.

Recommandation n° 2 (ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique) : Transférer le recouvrement de la taxe sur les entrées en salle de cinéma (TSA) et de la taxe sur les services de télévision due par les éditeurs (TST-E) et par les distributeurs de services de télévision (TST-D) à la direction générale des finances publiques aux fins de diminution des couts de gestion du Centre national du cinéma et de l'image animée et d'harmonisation avec les autres impositions existantes.

Recommandation n° 3 (Centre national du cinéma et de l'image animée) : réorienter une partie des aides à la production vers le soutien à la formation, l'appui au secteur de la distribution et le renforcement de la capacité de prêt de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles afin de contribuer à l'amélioration de la qualité des oeuvres produites, de développer leur potentiel commercial et responsabiliser un peu plus les producteurs en passant d'une logique de subvention à une offre de prêts remboursables et de garanties de prêts.

Recommandation n° 4 (Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles, bpifrance et Centre national du cinéma et de l'image animée) : Créer, à moyens administratifs constants, un véritable fonds public d'investissement, géré conjointement par l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles et bpifrance, abondé par le Centre national du cinéma et de l'image animée, après réorientation de ses soutiens et dédié à accompagner la modernisation et la professionnalisation de la filière, en créant les conditions d'un appel d'air pour les investisseurs privés et en permettant à terme de décharger progressivement l'État du financement de la prise de risque artistique par des outils budgétaires.

Recommandation n° 5 (Centre national du cinéma et de l'image animée) : Réviser les mécanismes de soutien (formation, industries techniques notamment) allant dans le même sens que le huitième objectif du plan France 2030, afin d'optimiser les financements publics dédiés en s'appuyant pleinement sur l'effet de levier induit par le plan et éviter l'effet de doublon et de multiplication des guichets.

Recommandation n° 6 (Centre national du cinéma et de l'image animée, direction générale des finances publiques) : Réviser le crédit d'impôt pour dépenses de production cinématographique et le crédit d'impôt pour dépenses de production de films et oeuvres audiovisuelles étrangers, en introduisant une modulation des taux en fonction des budgets de production et en réévaluant les plafonds de dépenses éligibles, afin d'éviter le risque d'effet d'aubaine pour des productions disposant par ailleurs d'importants soutiens budgétaires et de conditions de tournage appelées à s'améliorer dans le cadre du plan France 2030 tout en réduisant l'impact de ces dispositifs sur les finances publiques.

Recommandation n° 7 (Direction générale des finances publiques, Centre national du cinéma et de l'image animée) : Proroger de trois ans le régime fiscal applicable aux sociétés de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel, en ramenant le taux majoré à 36 % et en révisant à la baisse le plafond de l'avantage fiscal, afin de réduire le coût du dispositif pour les finances publiques tout en maintenant son caractère attractif en faveur de l'investissement privé dans le cinéma français.

AVANT PROPOS
REPOUSSER LA DERNIÈRE SÉANCE EN RÉORIENTANT
LE FINANCEMENT PUBLIC DU CINÉMA FRANÇAIS

Le soutien financier de la puissance publique au cinéma est ancien, la création du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) remontant à 1946. La mise en place de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (Ifcic) en 1983, détenu à 49 % par l'État puis la création des sociétés de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel (SOFICA) au régime fiscal avantageux sont venus compléter la palette d'instruments en faveur du soutien à la création et de la valorisation de l'exception culturelle française en la matière.

La mise en oeuvre, en 2004, d'un crédit d'impôt pour dépenses de production cinématographique, puis en 2009 d'un crédit d'impôt pour dépenses de production de films et oeuvres audiovisuelles étrangers tendent à relever d'une nouvelle approche visant à faire du cinéma un élément d'attractivité du territoire, en créant des conditions favorables à la relocalisation des tournages français et à la localisation des tournages étrangers, dans un contexte de très forte concurrence internationale. L'ensemble de ces instruments budgétaires et fiscaux ont permis au cinéma français de conserver ses parts de marchés et de survivre à la crise sanitaire.

Cette stratégie industrielle devrait franchir une nouvelle étape avec le plan France 2030, dont le huitième objectif est dédié à la création de fabriques de l'image appelées à mailler l'hexagone. L'industrie cinématographique représente 0,9 % du PIB et 1 % de l'emploi total en France. L'ambition affichée est de faire passer le poids de la filière de 4,2 milliards d'euros à 7,6 milliards d'euros, ce qui permettrait de tripler sa contribution au commerce extérieur.

Cette démarche volontariste, associant crédits publics et fonds privés, prend notamment acte des nouveaux modes de consommation de contenus culturels que symbolisent les plateformes. Amorcée avant le déclenchement de la crise sanitaire, elle prend une autre dimension à l'aune des conséquences de celle-ci sur les habitudes culturelles des Français. L'« épidémie de flemme » décrite dans une récente note de la Fondation Jean Jaurès s'appuyant sur les travaux de l'IFOP1(*) n'est pas sans incidence sur le fonctionnement du marché du cinéma, confronté à une baisse inédite de la fréquentation en salles. L'IFOP relève à cet effet que depuis qu'ils sont abonnés à une offre de vidéo à la demande, 4 Français sur 10 déclarent aller moins souvent ou ne plus aller du tout au cinéma2(*). La concurrence des jeux vidéo, le développement d'un marché en faveur des séances à domicile (livraisons de repas, vidéos-projecteurs accessibles...) comme le coût, en période d'inflation, d'une place de cinéma expliquent également ce recul.

Face à cette évolution, le maintien d'un volume de production important, permis notamment par l'importance des crédits publics dédiés à la survie et à la reprise du secteur durant la crise, interroge, comme l'allocation et la nature des moyens publics qui lui sont dédiés. L'objet du présent contrôle budgétaire consiste précisément à faire le point sur ceux-ci et envisager de possibles évolutions afin qu'ils soient le plus adaptés à ce nouveau paysage.

I. À BOUT DE SOUFFLE ? LE CINÉMA FRANÇAIS APRÈS LA CRISE SANITAIRE

A. LE JOUR SE LÈVE : UNE REPRISE PROGRESSIVE

1. La production cinématographique a retrouvé un niveau normal en 2022, après une année de rattrapage
a) Un dynamisme à remettre en perspective

287 films ont été produits en France en 2022 et ont bénéficié d'un agrément du Centre national du cinéma et de l'image animée, soit une baisse de 15,6 % par rapport à 2021. Cette baisse apparaît logique compte-tenu de l'effet de rattrapage observé en 2021, premier exercice complet sans arrêt des tournages pour raisons sanitaires.

L'agrément du Centre national du cinéma et de l'image animée

L'agrément est octroyé par le CNC dès lors que l'entreprise de production et l'oeuvre respectent certaines conditions :

- l'entreprise de production doit disposer d'un capital minimum et être établie en France, son contrôle et sa direction doivent être européenne ;

- l'oeuvre elle-même doit être européenne et respecter un certain nombre de conditions ;

- la production doit enfin respecter le droit du travail, les conditions de rémunérations des techniciens, l'accessibilité pour les personnes en situation de handicap ainsi que des critères environnementaux.

En 2021, 25 % des films français sortis en salles n'ont pas bénéficié d'un agrément.

L'agrément ouvre le droit aux financements du Centre national du cinéma et de l'image animée, aux prêts de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (Ifcic), aux investissements des sociétés de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel (Sofica) et aux crédits d'impôt dédiés aux dépenses de production cinématographique.

Source : commission des finances du Sénat

Ce niveau correspond à celui observé en moyenne sur la décennie (288 films). Il reste cependant supérieur à la moyenne observée sur la période 2017-2019.

Ce dynamisme doit néanmoins être relativisé. Il est en effet principalement lié aux films agréés à majorité étrangère. Le nombre de films d'initiative française produits en 2022 reste en effet inférieur à celui constaté entre 2015 et 2019.

Évolution du nombre de films agréés par le CNC depuis 2012

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

En ce qui concerne les films agréés d'initiative française, le rapporteur spécial constate l'absence de rebond de la production de films agréés intégralement français, dont le nombre en 2022 est inférieur à celui constaté depuis 2012.

Évolution du nombre de films d'initiative française agréés par le CNC
depuis 2012

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

b) Un devis moyen qui tend à augmenter depuis deux ans

Le devis moyen d'un film d'initiative française, tous genres confondus, s'élevait en 2022 à 4,4 millions d'euros, confirmant un rebond depuis 2020. Le devis moyen des films de fiction dépasse ainsi le seuil de 5 millions d'euros pour la première fois depuis 2017.

Plusieurs facteurs expliquent une telle évolution :

- le nombre de films dont le devis dépasse 7 millions d'euros, soit 39 productions en 2022 (18,8 % de la production, contre 16,9 % sur la période 2017-2019) est élevé. Ce niveau reste cependant inférieur à celui observé au début de la décennie, une cinquantaine de films tutoyant alors cet étiage ;

- une diminution concomitante des films dont le devis est inférieur à 1 million d'euros : 25,5% de la production en 2022 contre 23,7 % entre 2017 et 2019 ;

- 83 films, soit 39,9 % de la production, disposent d'un devis compris entre 1 et 4 millions d'euros, soit un niveau proche de celui constaté en 2014 (40,9 % de la production).

Devis moyen par film d'initiative française selon le genre depuis 2012

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

c) Une production française encore en deçà du niveau d'avant crise sanitaire

214 entreprises différentes ont produit les 208 films d'initiative française agréés en 2022. Si ce nombre est inférieur à celui constaté en 2019, il reste supérieur à celui observé au début de la décennie, le CNC y décelant une preuve de la vitalité et du dynamisme du secteur.

Sociétés de production et films d'initiative française agréés par le CNC
depuis 2012

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

68 productions co-déléguées ont par ailleurs été dénombrées, soit un nombre record, équivalent à celui enregistré en 2018.

Films d'initiative française agréés par le CNC et coproductions depuis 2012

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

L'emploi dans le secteur de la production cinématographique de fiction, constitué pour l'essentiel d'intermittents, reste évidemment tributaire du nombre de jours de tournage. 23 986 intermittents ont ainsi travaillé en 2020 au sein de productions cinématographiques, contre 25 872 l'année précédente.

Emploi dans le secteur de la production cinématographique de fiction
entre 2012 et 2020

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

2. Le rôle méconnu de la distribution
a) Une baisse d'activité logique

Si la production semble repartie en 2021, le secteur de la distribution a souffert des mesures de fermeture administrative des salles, enregistrant des plus bas historiques. En 2021, le montant des encaissements distributeurs s'est ainsi élevé à 283,6 millions d'euros, soit une baisse de 53,5 % par rapport à 2019.

Montant annuel des encaissements distributeurs depuis 2012

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

111 distributeurs ont participé à la sortie des 455 nouveaux films en 2021. 41 n'avaient pas distribué de films en 2020 (36,9 % des distributeurs actifs, 37,2 % en 2020). 42 n'ont distribué qu'un seul film dans l'année (37,8 % des distributeurs actifs, 38,9 % en 2020). 6 distributeurs ont distribué plus de 10 films chacun et totalisent 20 % des films programmés pour la première fois en salles en 2021. Les dix premiers distributeurs ont réalisé 81,6 % de l'ensemble des encaissements, les cinq premiers captant 57,9 % de ceux-ci.

Nombre de distributeurs de films nouveaux depuis 2012

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

Les entreprises de distribution cinématographique employaient 1 544 individus en décembre 2021 soit 1,5 % de l'ensemble des salariés des secteurs soutenus par le CNC. La crise sanitaire n'a pas entraîné de diminution sensible du nombre d'emplois, près de 99 % des emplois étant permanents. Les mesures d'activité partielle mises en place par le gouvernement ont ainsi compensé la chute du niveau d'activité des entreprises.

b) Une diminution des frais moyens d'édition en trompe l'oeil ?

Le CNC relève une diminution des frais moyens d'édition depuis 2004. Les frais techniques enregistrent ainsi une baisse de 86 % entre 2004 et 2021. Les frais de promotion (-11,8 %), d'achats d'espace (-4,5 %) et de matériels publicitaires (-3 %) sont, dans une moindre mesure, également concernés.

Frais moyens d'édition des films d'initiative française sortis en salle

(en milliers d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

Les deux derniers exercices dénotent cependant une montée en charge des frais de promotion, supérieurs à la moyenne observée en 2019, mais aussi d'achats d'espaces, dopés par l'ouverture de la publicité télévisée au secteur du cinéma. La volonté d'accompagner la reprise justifie en large partie cette évolution.

Frais d'édition des films d'initiative française sortis en salles

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par le CNC

La structure et le montant des frais d'édition d'un film progressent, par ailleurs, à mesure que la combinaison de sortie s'élargit.

Montant des frais d'édition des films d'initiative française sortis en salle

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

La part des achats d'espaces est, en effet, corrélée au nombre d'établissements en première semaine par film et donc à l'exposition des films dans les salles. Les films à petite combinaison de sortie (moins de 10 établissements) vont davantage miser sur les relations presse et effectuer un travail de proximité avec les salles (organisation d'avant-premières, rencontres avec le réalisateur, etc.).

Répartition des frais de distribution des films d'initiative française en fonction du nombre des établissements de sortie en première semaine

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

c)  Le minimum garanti

68% des films français sortis en 2021 ont bénéficié d'un minimum garanti (MIGA) versé par le distributeur au producteur avant réalisation pour la sortie en salle mais aussi la distribution sur d'autres médias. Le minimum garanti moyen atteint 440 000 euros quand son niveau médian est estimé à 150 000 euros. Ce ratio n'intègre pas les fonds avancés par les distributeurs tenant également le rôle de producteur, à l'image de Pathé ou Gaumont.

10 films ont bénéficié d'un minimum garanti dépassant 2 millions d'euros. Le montant du MIGA représente entre 16% et 66% du devis de ces films.

3. La situation en salles : un nombre de salles croissant qui contraste avec un recul de la fréquentation
a) Une progression continue du nombre d'écrans

La crise sanitaire ne s'est pas traduite par une diminution du nombre d'écrans en France. Ainsi, en 2021, 6 193 salles étaient actives en France métropolitaine, soit 66 de plus que lors de l'exercice précédent.

Nombre d'établissements et d'écrans actifs en 2021

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

L'expansion du parc de multiplexes (8 écrans et plus) justifie pour partie cette dynamique. Elle ne saurait cependant occulter une diminution du nombre d'établissements en tant que tels, même si le niveau actuel - 2 028 établissements - reste supérieur à celui constaté en 2014 (2 020 établissements).

Répartition des établissements par nombre d'écrans en 2021

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

1 671 communes sont aujourd'hui équipées d'un cinéma - soit 27 communes de plus qu'en 2012 - dont la totalité des communes de 100 000 habitants et plus.

Nombre de communes équipées d'une salle de cinéma depuis 2012

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par le CNC

Seules trois communes de plus de 50 000 habitants ne sont pas équipées (Clichy, Meaux et Sevran). Plus de la moitié des établissements sont situés en France au sein de communes de moins de 20 000 habitants.

Répartition des établissements actifs selon la taille de la commune d'implantation

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par le CNC

Les établissements Art et Essai regroupaient 45,7 % des écrans actifs en France (+ 4,6 points par rapport à 2012).

b) Une chute sans précédent du chiffre d'affaires

La recette aux guichets des salles de cinéma a atteint 672,4 millions d'euros en 2021, soit un montant deux fois moins élevé que la moyenne observée entre 2012 et 2019 (1 347,1 millions d'euros en moyenne par an).

Évolution des recettes aux guichets depuis 2012

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

La répartition de la recette selon le type d'établissement est relativement stable sur la période mais présente malgré tout une légère hausse de la part captée par les multiplexes, qui disposent de plus de 7 écrans (63,2 % en 2021, contre 61,7 % en 2012), au détriment exclusivement des cinémas de 4 à 7 écrans (19,6 % en 2021, contre 21,7 % en 2012). La hausse de la part de marché en recettes des multiplexes sur la période (+ 3,8 points) reste cependant inférieure à celle de la part de ces établissements dans le total des écrans (+6,6 points à 44,4 %). En 2021, la part de marché des mono-écrans atteint son niveau le plus haut (6,7 %) tout comme celle des 2 et 3 écrans (10,5 %). Les petits établissements semblent de fait avoir mieux réussi leur sortie de crise que les multiplexes.

Répartition des recettes selon le type d'établissement en 2021

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

La part des recettes totalisées par les cinémas classés Art et Essai atteignait, quant à elle, 30,5 % en 2021, confirmant une réelle progression depuis 2012 : + 6,1 points.

Part des salles Art et Essai dans les recettes au guichet perçues par les établissements depuis 2012

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

c) Une reprise très progressive

Les exercices 2020 et 2021 ont été marqués par de longues périodes de fermeture des établissements en raison de la crise sanitaire - 138 jours en 2020 et 162 jours en 2021 - et des mesures de couvre-feu limitant l'ouverture des salles. Dans ces conditions, seuls 95,5 millions de billets ont été vendus en 2021 en France métropolitaine, soit une diminution de 54,1 % par rapport à la moyenne 2017-2019.

Les cinémas ont également pâti, dans le même temps d'une diminution du nombre de sorties de films et en particulier du ralentissement du marché américain (arrêt de la production durant la crise sanitaire et blocage des sorties).

Nombre de films sortis en première exclusivité en France depuis 2012

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par le CNC

La fréquentation des salles de cinéma en France est cependant restée la plus élevée au sein des pays de l'Union européenne. La répartition des entrées selon le nombre d'écrans des établissements montre une prédominance des multiplexes quelle que soit l'année étudiée. En 2021, ils ont ainsi concentré 59,1 % des entrées. En 2021, les mono-écrans sont ceux qui pâtissent le plus de la reprise d'activité des multiplexes représentant 8,0 % des entrées totales, soit la plus faible part de la décennie. La part de marché des 2 et 3 écrans atteint son deuxième plus haut niveau depuis 2012 (11,8 %) et la part de marché des 4-7 écrans s'inscrit atteint un niveau élevé (21,0 %).

En 2021, les établissements classés Art et Essai totalisent 36,6 % de la fréquentation globale (38,1 % de la fréquentation en 2020). La part des cinémas classés dans le total des entrées est supérieure à 30 % depuis 2014. C'est la première fois depuis 2013 qu'elle diminue mais elle reste à un niveau bien supérieur à celui d'avant-crise (33,8 % en 2019).

Le CNC privilégie désormais l'horizon 2025 pour retrouver le niveau de fréquentation des salles de 2019.

Trajectoire prévisionnelle du nombre d'entrées dans les salles de cinéma
entre 2019 et 2024

(en millions)

Source : commission des finances d'après les données transmises par le CNC

S'il tend à se confirmer au regard des chiffres de la fin d'année 2022 et du début 2023, ce retour annoncé ne doit pas occulter totalement la question de la progression du coût moyen du billet, appelé, selon le CNC, à augmenter - 7,40 euros en 2026 contre 7,21 euros en 2022 -, qui dans un contexte de hausse des prix à la consommation sert d'arbitrage entre une sortie au cinéma et le recours à une plateforme de vidéo à la demande.

Évolution de la recette moyenne par entrée depuis 2012

(en euros)

Ce tarif reste un prix moyen, qui varie en fonction de l'âge et de la localisation géographique notamment.

Décomposition du prix d'une place de cinéma en 2021

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

d) Une baisse sensible de l'emploi, en large partie imputable à la crise sanitaire

Sur la période 2012-2021, l'emploi dans le secteur de l'exploitation cinématographique a baissé de 16,3 %, pour atteindre 12 835 salariés sur l'ensemble de l'année 2021. Les fermetures prolongées des salles de cinéma en 2020 et 2021 justifient cette évolution. Le nombre de salariés progresse toutefois de 7 % entre 2020 et 2021. 98 % des effectifs sont constitués de salariés permanents, le secteur étant marqué par un recul du recours aux salariés intermittents (-26 % entre 2012 et 2021).

Effectifs et masse salariale de l'exploitation cinématographique
depuis 2012

Source : commission des finances d'après les données transmises par le CNC

La masse salariale reflète logiquement l'évolution de l'emploi. Elle a, en effet, chuté de 15 % entre 2012 et 2021, atteignant à cette date 176,5 millions d'euros. Le salaire moyen annuel atteint 13 800 euros dans le secteur, soit un niveau relativement stable par rapport à 2012 (13 600 euros).

B. LES VISITEURS DU SOIR : L'ÉMERGENCE DES PLATEFORMES

1. Un acteur encadré

Au-delà de la crise sanitaire et des changements de comportements en matière de sortie culturelle, l'émergence des plateformes, leur multiplication et les habitudes de consommation de contenus culturels prises durant les périodes de confinement ou de fermeture partielle des salles font de celles-ci un acteur en devenir dans le paysage cinématographique français.

Face aux interrogations voire aux craintes qu'elles suscitent, une première réponse a été trouvée avec le décret n° 2021-793 du 22 juin 2021 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande, entré en vigueur le 1er juillet 2021, qi transpose en droit français la directive dite « Services de médias audiovisuels - SMA »3(*). Celui-ci introduit une obligation de financement pour les éditeurs de service de média audiovisuel à la demande (« SMAD ») établis en France ou à l'étranger mais diffusant leurs programmes en France, dès lors qu'ils dépassent certains seuils de diffusion (10 oeuvres cinématographiques de longue durée ou 10 oeuvres audiovisuelles diffusées). Ce faisant, les plateformes sont assimilées aux autres diffuseurs également astreints à de telles obligations de financement.

Aux termes du décret, les éditeurs sont tenus de financer et promouvoir des « oeuvres européennes » à savoir des « oeuvres » réalisées dans un pays européen et particulièrement les oeuvres en français. Les éditeurs de services par abonnement (VADA) (à l'image de Netflix, Amazon Prime Video, Disney +, Paramount) devront ainsi consacrer entre 20 et 25 % au moins de leur chiffre d'affaires au développement de la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes. Le taux établi à 20 % du chiffre d'affaires est porté à 25 % pour les services qui proposent des films de moins de douze mois. 85 % de ces sommes doivent être dédiées aux oeuvres en français (soit 17 % à 21,25 % du chiffre d'affaires).

La répartition entre oeuvres cinématographiques et oeuvres audiovisuelles a été fixée par une convention conclue avec l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), chacun des genres devant représenter au minimum 20 % de l'obligation totale. Les éditeurs établis en France dont le chiffre d'affaires annuel net est supérieur à 1 million d'euros sont ainsi tenus de conclure une telle convention, dont l'objet est de préciser leurs obligations en la matière, mais aussi concernant l'offre et la mise en valeur effective de ces oeuvres, ainsi que l'accès des ayants droit aux données d'exploitation relatives à leurs oeuvres. Les éditeurs installés hors de France ont simplement la faculté de conclure une telle convention.

75 % des investissements dans le cinéma doivent être réalisés auprès de producteurs indépendants. Les SMAD ne pourront avoir aucun lien capitalistique direct ou indirect dans une société de production et la durée des droits ne peut excéder trente-six mois. Ils ne peuvent pas non plus disposer du droit à recette, de mandats de distribution et des droits secondaires. Des clauses de diversité sont, en outre, prévues pour éviter que la contribution ne soit fléchée que vers les grosses productions ou certains genres.

Les autres services, notamment les services de « vidéo à la demande à l'acte » (VOD ou VAD), doivent consacrer 15 % au moins de leur chiffre d'affaires à des dépenses contribuant au développement de la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes. 12 % de ces sommes devront être spécifiquement dédiées aux oeuvres en français.

Les éditeurs de services de media audiovisuel à la demande établis en France, lorsqu'ils ont un chiffre d'affaires et une part de marché suffisamment importants en France dans leur catégorie, ainsi que les éditeurs de services de télévision de rattrapage, sont également tenus de mettre en valeur les oeuvres européennes et françaises sur leurs plateformes. 60 % de leur catalogue doit être consacré aux oeuvres européennes et 40 % aux oeuvres françaises.

Le décret a été doublé d'une refonte de la chronologie des médias, de façon à assurer à ces plateformes, en contrepartie de leurs nouvelles obligations, des créneaux plus courts pour la diffusion des films après leur sortie en salle.

Le CNC estime à 250 millions d'euros annuels la participation des plateformes à la production cinématographique et audiovisuelle induite par l'entrée en vigueur du décret SMAD. Les obligations de financement des autres acteurs de l'audiovisuel français sont aujourd'hui estimées à 1,3 milliard d'euros. Seuls 20 % des investissements des plateformes sont cependant fléchés vers le cinéma. L'essence même des plateformes, principalement tournées vers le format série, explique en large partie cette répartition.

2. Une contribution au financement du cinéma français de 21 millions d'euros

17 films d'initiative française ont été financés en 2022 par des plateformes numériques (Disney+, Netflix, Prime Video), soit 8,2 % des films d'initiative française agréés dans l'année. Pour dix de ces films, la plateforme est le seul diffuseur.

Les stratégies d'investissement diffèrent selon les plateformes :

- Netflix a investi dans 8 films d'initiative française, dont 6 à plus de 4 millions d'euros de devis ;

- Disney+ a financé 4 films, les montants variant de 2 à 7 millions d'euros ;

- Prime Video a contribué au financement de 5 films, dont le devis n'a jamais dépassé 4 millions d'euros.

Au total, les investissements des plateformes dans les films d'initiative française ont atteint 21 millions d'euros en 2022, leur apport moyen s'élevant à 1,24 million d'euros, couvrant les devis à hauteur de 19,3 %.

Cet apport doit néanmoins être compensé par le recul des entrées en salles imputables aux plateformes. D'après une étude de l'IFOP publiée en mai 2022, 55 % des Français sont abonnés à une offre de vidéo à la demande4(*), la crise sanitaire ayant joué le rôle d'accélérateur de l'abonnement aux offres SVOD (1,2 abonnement en moyenne par Français). Ainsi, 42 % des Français abonnés à une telle offre le sont depuis le déclenchement de la crise sanitaire. Les 2/3 des habitués du cinéma sont abonnés à au moins une plateforme Parmi ces abonnés, 29 % indiquaient à l'IFOP aller moins souvent au cinéma et 12 % ne plus aller dans les salles. Seuls 5 % vont plus au cinéma depuis la prise d'abonnement.

C. LE CHOIX DES ARMES : UNE MULTIPLICITÉ D'INSTRUMENTS AU SERVICE DU FINANCEMENT PUBLIC DU CINÉMA

1. Une production financée à plus de 30 % par des fonds publics
a) Plus de 900 millions d'euros ont été investis dans la production française en 2022

Les investissements totaux dans la production de films d'initiative française ont atteint 914,6 millions d'euros en 2022, enregistrant un recul de 7 % par rapport à la moyenne constatée entre 2017 et 2019, soit 983,1 millions d'euros. Le financement privé comprend :

- les apports des producteurs français, soit 361,4 millions d'euros en 2022, ce niveau étant relativement stable par rapport à celui enregistré entre 2017 et 2019 ;

- les investissements des diffuseurs, qu'il s'agisse des préachats (234,1 millions d'euros en 2022) ou des apports en coproduction (37,45 millions d'euros en 2022) ;

- les mandats (distribution en salles, édition vidéo, exploitation à l'étranger), soit 116,5 millions d'euros. Ce montant est en baisse par rapport à 2022, cette diminution étant imputable à la baisse de la fréquentation et au manque de visibilité sur la reprise des différents marchés internationaux ;

- les apports étrangers, soit 66,4 millions d'euros en 2022 ;

- les investissements des sociétés de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel (SOFICA), soit 28,79 millions d'euros en 2022.

Financement privé de la production d'initiative française

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

b) Un financement par des fonds publics encadré par le Centre national du cinéma et de l'image animée

L'agrément accordé par le Centre national du cinéma et de l'image animée (cf supra) constitue le critère déterminant pour permettre aux productions d'accéder aux financements publics. Deux types d'agrément existent :

- l'agrément des investissements permet d'accéder aux aides du CNC, au soutien généré - soit le calcul des sommes liées à l'exploitation de l'oeuvre en salles, à la télévision, en vidéo physique, à l'export, inscrites sur un compte automatique géré par le CNC pouvant être réutilisé pour la production d'autres oeuvres et aux financements dits encadrés : crédits d'impôts, SOFICA, investissement des chaînes hertziennes, avances sur recettes... (cf infra) ;

- l'agrément de production peut être demandé au CNC, en l'absence de recours aux financements dits encadrés, afin de bénéficier du soutien généré.

Interrogé par le rapporteur spécial, le CNC estime que les fonds publics contribuent à hauteur de 7,9 % au financement de la production d'une oeuvre cinématographique.

Deux sources de financement sont ainsi mises en avant :

- les soutiens automatiques et sélectifs versés par le CNC ;

- les subventions attribuées par les collectivités territoriales.

Un second rôle au temps de jeu croissant : les collectivités territoriales

95,6 millions d'euros ont été investis par les collectivités territoriales en 2022 dans le secteur cinématographique. Deux directions sont poursuivies : l'aide à la production et la mise en oeuvre d'autres dispositifs en faveur de l'éducation par l'image, l'exploitation, la formation professionnelle ou l'accueil de tournages. Cette intervention a progressé de près de 40 % en 10 ans.

Intervention des collectivités territoriales en faveur du secteur du cinéma depuis 2012

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

L'intervention directe en production est complétée par le CNC à hauteur d'un euro minimum versé pour 2 euros de financement assuré par les collectivités territoriales. La contribution du CNC est plafonnée à 2 millions d'euros par collectivité. Des conventions triennales sont signées à cet effet entre l'État et les collectivités. Elles comprennent quatre parties :

- écriture, développement, production, accueil de tournages et développement de la filière ;

- diffusion culturelle et éducation artistique ;

- soutien aux exploitants ;

- patrimoine cinématographique.

17 conventions ont été signées, regroupant 33 collectivités territoriales (17 régions et départements et régions d'outre-mer5(*), 10 départements6(*), 4 agglomérations et métropoles7(*) et 2 communes8(*)).

Les engagements de production des collectivités territoriales s'élevaient à 36,5 millions d'euros en 2022, en progression de 43 % depuis 2012.

Engagements de production des collectivités territoriales

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

c) Un financement public qui mobilise d'autres acteurs

Le CNC n'inclut pas dans son estimation un certain nombre d'acteurs publics qui investissent dans la production ou s'exposent au risque qu'elle génère.

(1) Le rôle de France Télévisions

Le CNC n'intègre pas dans son calcul les financements attribués par France Télévisions via ses filiales France 2 Cinéma et France 3 Cinéma, au motif qu'ils sont assimilables aux obligations de financement auxquelles sont soumises les chaînes de télévision. Le rapporteur spécial relève cependant qu'il s'agit d'argent public et estime qu'ils doivent être inclus donc dans l'évaluation globale du financement public de la production. 60 millions d'euros sont ainsi investis chaque année dans la production française.

Le rapporteur spécial rappelle par ailleurs, au sujet du rôle des filiales du groupe audiovisuel public, les recommandations formulées dans son rapport de contrôle budgétaire publié en juin 2022, dans lequel il s'interrogeait sur la pertinence de leur séparation9(*).

France Télévisions et le financement du cinéma français

Créées respectivement en 1980 et en 1984, France 2 Cinéma et France 3 Cinéma répondent au cahier des charges de France Télévisions qui prévoit que le groupe public contribue à la diversité de la production cinématographique et soutient un cinéma d'initiative française et européenne « fort, pluriel et indépendant ». France 2 Cinéma a contribué à la production de 1 132 films depuis sa création et France 3 Cinéma a participé au financement de 966 films depuis son lancement. L'existence des deux filiales est avant tout garantie par la subvention d'équilibre versée par France Télévisions. Celle-ci atteignait en 2021 10,5 millions d'euros pour France 2 Cinéma et 8,3 millions d'euros pour France 3 Cinéma.

Un investissement annuel de 60 millions d'euros

L'accord trouvé avec le Bureau de liaison des organisations du cinéma (BLOC) et la société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs (ARP) le 27 février 2020 sur l'exposition du cinéma dans les offres de France Télévisions table sur un investissement des filiales cinéma, d'au moins 60 millions d'euros par an dans les oeuvres de cinéma européenne et d'expression originale française, soit plus que les 3,5 % de chiffre d'affaires de chacune des deux chaines retenus jusqu'alors.

Montant des investissements des filiales cinéma de France Télévisions depuis 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données transmises par France Télévisions au rapporteur spécial

Les investissements des deux filiales publiques prennent la forme de coproduction, de « parts producteurs » et de préachats de droits de diffusions en direct (linéaire) et sur plateforme (non linéaire). L'accord de 2020 prévoit, par ailleurs, la diffusion de 250 films de cinéma par an sur les antennes hertziennes et l'exposition d'au moins 50 oeuvres sur sa plateforme et que France Télévisions puisse acquérir pour les films de cinéma qu'elle a préfinancés des droits de mise à disposition en télévision, pendant une durée maximale de 7 jours.

Une valorisation insuffisante ?

En 2018 et 2019, les coproductions de France 3 Cinéma ont cumulé respectivement près de 13,5 millions d'entrées et 11,2 millions d'entrées (373 000 entrées en moyenne par film produit). Le taux de retour sur investissement historique de la filiale de France 3 au 31 décembre 2021 était stable à 50 % de l'investissement en part producteur. Celui de France 2 Cinéma atteignait, quant à lui, 60 %, les films coproduits cumulant 12,9 millions d'entrées en 2018 puis 17,21 millions d'entrées en 2019 (521 000 entrées par film produit).

Il apparaît difficile de fixer des objectifs de retour sur investissement tant au regard de l'impératif, pour le service public, de soutenir une production indépendante et pour partie exigeante, que de l'incertitude entourant une reprise de la fréquentation en salles dans un contexte de sortie de la crise sanitaire. Il est cependant possible de s'interroger sur la valorisation a posteriori sur les antennes du groupe des films coproduits. Les films issus du catalogue des deux filiales ne représentaient en effet en moyenne que 40 % des films diffusés en première partie de soirée sur les chaînes du groupe entre 2018 et 2021, soit un taux quasi équivalent aux films étrangers.

Les modalités de diffusion peuvent également intriguer : sur les 297 films inédits produits par les deux filiales diffusés sur les antennes du groupe public depuis 2018, 165, soit 55 % d'entre eux, n'ont pas été diffusés en première partie de soirée. La modification du régime de diffusion des oeuvres cinématographiques sur les services de télévision, intervenue en pleine crise sanitaire constitue pourtant une réelle opportunité pour une plus grande diffusion de ces oeuvres sur le service public. La mise en avant des films réduirait pourtant le coût de la grille des programmes, en minorant le budget dédié aux acquisitions.

Une fusion inévitable ?

L'existence des deux entités est censée garantir une variété des projets coproduits, France 3 Cinéma finançant notamment spécifiquement le cinéma d'animation. Il s'avère cependant que la distinction entre les deux filiales peut apparaître artificielle compte-tenu de l'existence, depuis septembre 2018, d'un comité de concertation mensuel sur les investissements entre les deux entités. Les projets présélectionnés par chacune des filiales y sont présentés. La présidente-directrice générale de France Télévisions, le directeur des antennes et des programmes du groupe et le directeur cinéma sont membres de ce comité. Il n'y pas de réelles économies budgétaires à attendre d'une éventuelle fusion : le nombre d'ETP (6 pour chacune des entités) est réduit et les coûts de fonctionnement sont déjà limités mais la transformation en une seule entité aurait le mérite d'une certaine cohérence au regard de l'organisation de la programmation cinématographique sur les antennes du groupe public. Un directeur unique du cinéma a ainsi été nommé en février 2021.

Par ailleurs, seuls 45 % des films produits par France 2 Cinéma diffusés sur les antennes du groupe public depuis 2018 l'ont été sur France 2, alors que les deux guichets sont censés obéir à des logiques différentes, prenant en compte la spécificité des deux chaînes. La fusion permettrait, en outre, de lever une ambiguïté quant au rôle de France 5 dans le financement de la création cinématographique.

Source : Plus belle France Télévisions ? Une stratégie commerciale en questions. Rapport d'information n° 650 (2021-2022) de M. Roger Karoutchi, au nom de la commission des finances du Sénat

(2) L'arme fiscale

Au-delà des filiales de France Télévisions, le rapporteur spécial note que l'estimation de la part de financement public dans la production ne comprend pas la dépense fiscale liée au crédit d'impôt cinéma (cf infra), qui vise les dépenses de production des films d'initiative française10(*) ou à la réduction d'impôt afférente aux investissements dans les SOFICA. Le montant de la dépense fiscale liée au crédit d'impôt devrait atteindre 160 millions d'euros en 2022, ce qui vient majorer substantiellement la part du financement public dans la production en 2021. Celle liée aux SOFICA devrait atteindre 20,2 millions d'euros.

Dans ces conditions, la part des fonds publics dans le financement de la production d'initiative française doit nécessairement être réévaluée, en minorant celles des producteurs, des SOFICA et des chaînes de télévision.

Part des financements publics dans les apports des producteurs, des SOFICA
et des chaines de télévision à la production de films d'initiative française en 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

La dépense fiscale représente ainsi 44 % des apports des producteurs. Dans ces conditions, le financement public de la production d'initiative française en 2021 représentait non plus 7,9 % de montants engagés mais 31,2 %, soit près du tiers des financements mobilisés.

Répartition des financements dans la production d'initiative française en 2021

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

2. Un financement qui dépasse la seule production d'oeuvres

L'estimation du financement public de la production ne reflète par ailleurs qu'imparfaitement la réalité du financement public du cinéma français en général puisqu'elle n'intègre pas les soutiens dédiés aux distributeurs et aux exploitants par le CNC, l'appui à la diffusion consenti par les collectivités territoriales, ou, au plan fiscal, le crédit d'impôt international (C2I) qui permet de soutenir les productions internationales tournées en France11(*).

Ainsi en 2021, le montant de la dépense publique (budgétaire et fiscale) en faveur du cinéma a atteint 747 millions d'euros, hors mesures d'urgence et Plan de relance (cf supra), soit un montant largement supérieur à celui des crédits du programme 334 « Livre et industrie culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles » exécutés en 2021 (469,42 millions d'euros).

Dépense publique en faveur du cinéma français en 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

3. Une exposition croissante au « risque cinéma »

Les prêts octroyés ou garantis par l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles et bpifrance, les prises de participations de cette dernière, comme les crédits dégagés via les plans investissements d'avenir (PIA) 3 et 4 « France 2030 » viennent compléter ces dispositifs budgétaires et fiscaux.

L'encours des prêts ou garanties fléchés de l'Ifcic vers la filière atteignait ainsi 727 millions d'euros au 31 décembre 2021, via ses trois fonds dédiés : Fonds de prêt aux entreprises de l'image animée et du numérique (FPIA), Fonds de prêts à l'innovation (FPINNOV) et Fonds de garantie cinéma-audiovisuel (FGIA).

Les interventions de bpifrance dans le secteur du cinéma et de l'audiovisuel ont, quant à elles, atteint 238 millions d'euros en 2021, principalement sous la forme de garanties.

Interventions de la puissance publique dans le secteur du cinéma en 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC, l'Ifcic et Bpifrance

L'intervention de la puissance publique et son exposition au risque dans le secteur du cinéma représentait donc en 2021 environ 1,69 milliard d'euros, hors plan de relance et mesures d'urgence et avant lancement du programme France 2030. Le caractère commun à l'audiovisuel d'un certain nombre de dispositifs du CNC, de bpifrance et de l'Ifcic modèrent cependant ce montant. Il devrait néanmoins atteindre cet étiage voir le dépasser dans les années à venir avec la mise en oeuvre du volet « Fabrique de l'image » du plan France 2030, mobilisant concours de l'État et des collectivités territoriales (1 milliard d'investissements publics attendus).

D. LE SALAIRE DE LA PEUR ? UN SOUTIEN MASSIF DURANT LA CRISE SANITAIRE

1. Les mesures d'urgences adoptées pour faire face à l'arrêt de la production et de l'exploitation

266,5 millions d'euros ont été versés par le Centre national du cinéma et de l'image animée au secteur sur la période 2020-2023 afin de répondre aux incidences des mesures sanitaires sur l'exploitation (fermeture des salles, couvre-feu, jauges, mise en place du pass sanitaire et restriction des consommations), la distribution et la production. 63 % de ces crédits ont été fléchés vers le soutien aux salles.

Décomposition des mesures d'urgence versées entre 2020 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données transmises par le CNC

Initialement censés se terminer en 2022, deux dispositifs ont été prolongés en 2023 :

- les mesures dédiées à la distribution cinéma - majorations ou bonifications du soutien automatique, aides sélectives - pour un montant de 4 millions d'euros ;

- le fonds d'indemnisation et de garantie des tournages d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, mis en place à la fin du premier confinement et doté d'un budget global de 40 millions d'euros. Son activité s'est arrêtée le 31 mars 2023. Ce montant n'a pas correspondu au montant réel des sinistres indemnisés. 23 millions d'euros avaient ainsi été consommés au 30 septembre 2022.

Répartition des crédits d'urgence par année

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données transmises par le CNC

Le rapporteur spécial relève que ces dispositifs ont évité un effondrement du secteur et permis de faciliter la reprise de l'activité, même si la s'agissant des salles de cinéma, celle-ci s'avère délicate. Il note à ce titre que l'aide par établissement a représenté en moyenne environ 83 000 euros sur la période.

Plus largement, il regrette l'absence d'évaluation précise du nombre de bénéficiaire de ces dispositifs s'agissant des distributeurs et des producteurs, les documents qui lui ont été transmis mettant en avant « entre 100 et 200 » distributeurs affectataires des crédits perçus et « plusieurs centaines de bénéficiaires » parmi les sociétés de production. Cette relative imprécision fragilise toute analyse poussée de la pertinence de ces mécanismes.

Ces aides d'urgence ne sauraient, en outre, occulter l'accès des entreprises du secteur aux dispositifs transversaux mis en place par l'État (activité partielle, prêts garantis par l'État, report et exonération de cotisations sociales, Fonds de solidarité) - 1,18 milliard d'euros ont ainsi été versés - et aux mécanismes financiers développés par l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (Ifcic). Le soutien de l'Ifcic s'est ainsi matérialisé par 131 aménagements de prêts garantis ou octroyés, dont l'encours atteint 71 millions d'euros.

Dispositifs transversaux en faveur de la filière cinéma : coût estimé
à fin mars 2021

(en milliers d'euros)

Dispositif

Montant

Fonds de solidarité

210 364

Activité partielle

183 715

Exonération de charges sociales

180 825

Prêts garantis

602 567

Total

1 177 471

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par le CNC

À ces dispositifs transversaux, s'ajoute la mise en oeuvre en 2020 du dispositif dit de l'« année blanche » pour les intermittents du spectacle. L'indemnisation de ceux-ci a été prolongée jusqu'au 31 août 2021. Une période d'affiliation de 12 mois entre le 1er septembre 2020 et le 1er septembre 2021 a été ainsi mise en place pour accomplir les 507 heures nécessaires pour demeurer dans le régime. Le coût de ce dispositif a été estimé à 949 millions d'euros. Face à la persistance de la crise sanitaire au premier semestre 2021 et à ses conséquences sur la reprise de l'activité culturelle, le dispositif a été prorogé jusqu'au 31 décembre 2021, majorant son coût de 210 millions d'euros.

Cette prolongation a été complétée par différentes mesures d'aménagement - date anniversaire « plancher », date spécifique liée aux congés maladie, maternité, paternité ou adoption, clause de rattrapage, allocation de professionnalisation et de solidarité (APS), droits pour les moins de 30 ans - dont le coût a été estimé à 154 millions d'euros.

Au total, le coût de l'année blanche et des dispositifs qui l'accompagnent a pu être évalué à 1,313 milliard d'euros. S'il n'a pas bénéficié qu'aux intermittents employés par la production cinématographique, ces mécanismes ont constitué pour cette catégorie de personnels une réelle réponse à l'arrêt momentané puis au ralentissement des tournages.

2. Le plan de relance

Le programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance prévoyait par ailleurs 165 millions d'euros à destination du CNC sur la période 2021-2022 :

- 48,5 millions d'euros pour le réarmement financier de l'établissement, dont l'équilibre du budget avait été affecté par la crise sanitaire ;

- 116,5 millions d'euros pour des mesures de soutien à destination des secteurs du cinéma, de l`audiovisuel et du numérique.

Au 31 décembre 2022, la quasi intégralité de ces crédits avaient été consommés, seul 0,1 million d'euros fléchés vers le soutien à l'export étant reporté sur l'exercice 2023.

Sur les 116,5 millions d'euros dédiés aux mesures de soutien, 64,3 millions d'euros ont été orientés vers la production, la distribution et l'exploitation cinématographiques.

12,2 millions d'euros ont ainsi été fléchés vers la production. L'ambition affichée consistait pour l'essentiel à inciter au réinvestissement en renforçant les soutiens mobilisés à partir d'octobre 2020 afin d'encourager la production de nouvelles oeuvres et d'exercer un effet d'entraînement dans toute la filière. Trois dispositifs ont été mis en oeuvre :

- la majoration de 25 % des mobilisations de soutien automatique pour les investissements en production et au stade de la préparation afin d'encourager la création d'oeuvres nouvelles et donc la reprise des tournages (5,6 millions d'euros) ;

- le renforcement des aides sélectives à la production afin de maintenir l'émergence de nouveaux projets en desserrant la sélectivité et d'aider les auteurs qui en sont à l'origine (3,3 millions d'euros) ;

- la bonification du soutien automatique producteur généré afin d'encourager la sortie des oeuvres (2,5 millions d'euros) ;

- le décalage d'une année des péremptions de comptes automatiques producteurs cinéma pour ne pas pénaliser les sociétés qui n'auraient pas pu produire du fait du confinement et auraient pu ainsi perdre leur capacité à mobiliser leur soutien (0,8 million d'euros).

Une enveloppe de 17,7 millions d'euros a été, dans le même temps, ouverte en faveur de la distribution, afin d'inciter les entreprises du secteur à exploiter leurs films pendant la période de reprise :

- les soutiens automatiques ont ainsi été majorés de 15 % pour les investissements fléchés vers le versement de minimums garantis aux producteurs (1,7 million d'euros) ;

- 14 millions d'euros ont été affectés à la bonification du soutien automatique afin d'encourager la sortie des oeuvres ;

- les distributeurs ne bénéficiant pas de la majoration des aides automatiques ont vu les aides sélectives qui leur ont été versée majorées de 1,6 million d'euros ;

- la date de péremption des comptes automatiques distributeurs a été, par ailleurs, décalée d'un an (0,4 million d'euros).

Comme dans le cadre des mesures d'urgence, le secteur de l'exploitation a été le premier bénéficiaire des crédits de relance, 34,3 millions d'euros étant versés :

- 29,8 millions d'euros ont financé le versement d'un soutien financier supplémentaire correspondant à une année normale de soutien généré sous forme d'avances sur le soutien automatique et subvention ;

- 2,2 millions d'euros ont abondé une aide sélective aux cinémas Art et Essai ;

- 1 million d'euros ont été dédiés au financement d'ateliers de sensibilisation à l'écriture scénaristique afin de renforcer l'éducation à l'image ;

- 1,3 million d'euros ont été orientés vers l'annulation de créances des exploitants vis-à-vis du CNC ou le décalage d'un an de la date de péremption des comptes automatiques.

Le reste des crédits prévus par le Plan de relance étaient répartis entre soutien à la production audiovisuelle (26,2 millions d'euros), soutien aux industries techniques (10 millions d'euros), renforcement de l'export et de l'attractivité (8,3 millions d'euros), stimulation des nouveaux talents (6 millions d'euros) et diffusion du patrimoine (1,8 million d'euros). Certaines de ces enveloppes peuvent interroger au regard des soutiens déjà mis en place par le CNC ou des projets mis en oeuvre dans le cadre des États généraux des industries culturelles et créatives ou de France 2030 (cf infra).

Répartition des crédits de relance gérés par le CNC

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

S'agissant de l'exploitation, le CNC souhaitait que ce nouveau dispositif favorise non une indemnisation mais bien une relance de l'exploitation, via des investissements pour la modernisation des salles. Cet objectif semble, de l'aveu même des exploitants auditionnés par le rapporteur spécial, faiblement atteint.

La combinaison mesures d'urgence - Plan de relance s'est avérée indispensable en vue de permettre au secteur de rebondir.

Dans ces conditions, il apparaît aujourd'hui indispensable que le CNC mène à bien une évaluation documentée de l'utilisation des crédits octroyés via le plan de relance, tant il semble que le dispositif semble avant tout avoir servi à faire face à des impasses de trésorerie liées en large partie à la crise sanitaire. Cette analyse devrait viser les fonds versés aux exploitants mais aussi à la distribution et la production.

Recommandation n° 1 (Centre national du cinéma et de l'image animée) : Procéder à une évaluation précise de l'utilisation des crédits dédiés à la filière dans le cadre du plan de relance, afin de mesurer notamment leur impact sur la modernisation des outils de production et sur les conditions d'accueil dans les salles.

II. LA BELLE ÉQUIPE ? ENTRE AIDE À LA CRÉATION ET SOUTIEN À L'INDUSTRIE, L'ACTION DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA, DE L'IFCIC ET DE BPIFRANCE

Au-delà de la dépense fiscale, trois acteurs incarnent le financement public du cinéma en France : le Centre national du cinéma et de l'image animé, l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles et bpifrance. Les trois structures représentaient en 2021 près de 78 % de la part des financements publics dédiés principalement ou partiellement au cinéma, sous la forme de subventions, de participation, ou de garantie de prêts, soit environ 1,31 milliard d'euros.

Interventions de la puissance publique dans le secteur du cinéma12(*)

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par l'Ifcic, bpifrance et le centre national du cinéma et de l'image animée

Leur rôle est appelé à se renforcer dans le cadre du plan France 2030, dont le huitième objectif est pour partie dédié au soutien à l'industrie cinématographique.

A. L'EXERCICE DE L'ÉTAT : UN FINANCEMENT DIRECT CONCENTRÉ SUR LE CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L'IMAGE ANIMÉE

Créé par la loi n° 46-2360 du 25 octobre 1946, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère chargé de la culture. Il lui a été confié une triple mission :

- culturelle, via la valorisation de la diversité et de l'originalité de la création française ;

économique, au travers du soutien à une industrie soumise à une très forte concurrence ;

stratégique et réglementaire, par l'intermédiaire d'une participation directe à la définition de la politique de l'État pour ce secteur et à l'élaboration des textes de nature législative ou réglementaire visant ce secteur.

Le CNC ne bénéficie, en principe, d'aucun crédit budgétaire. Son budget annuel est abondé par quatre taxes affectées :

- la taxe sur les services de télévision due par les éditeurs (TST-E) ;

- la taxe sur les services de télévision due par les distributeurs de services de télévisions (TST-D) ;

- la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV) ;

- la taxe sur les entrées en salle de cinéma (TSA).

710,8 millions d'euros sont attendus en 2023 au titre de ces quatre taxes, soit une majoration de 13,1 millions d'euros par rapport à la prévision d'exécution 2022.

La progression des recettes attendue en 2023 tient, pour l'essentiel, à une reprise progressive de l'activité des salles et à une augmentation, en conséquence, du produit de la taxe sur les entrées de cinéma. Le niveau envisagé reste modeste, le CNC privilégiant désormais l'horizon 2025 pour retrouver son niveau de 2019.

Répartition des recettes du CNC prévues pour 2023

Source : commission des finances du Sénat, d'après le document stratégique de performance du CNC Perspectives 2023

Le rapporteur spécial note par ailleurs une certaine prudence concernant la TST-E, assise sur le chiffre d'affaires publicitaire. Celle-ci mérite d'être saluée, compte-tenu des incertitudes pesant sur l'activité économique.

La montée en puissance des plateformes de vidéos à la demande par abonnement qui intègrent désormais des contenus, à l'image des programmes sportifs - tels le championnat de France de football ou le tournoi de Roland-Garros - qui étaient jusqu'alors exclusivement proposés par des services de télévision payante, devrait de son côté contribuer à faire progresser le rendement de la TSV.

Trajectoire prévisionnelle du produit des taxes affectées au CNC 2023-2026

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le document stratégique de performance - Perspectives 2023

1. Un recul logique des dépenses de soutien

L'intervention financière du CNC, au travers de son Fonds de soutien, revêt principalement deux aspects :

- les aides automatiques, indexées sur la performance d'un producteur, d'un distributeur ou d'un exploitant ;

- les aides sélectives, appelées à soutenir la création et attribuées après avis de commissions composées de professionnels divers.

Les prévisions budgétaires du CNC pour 2023 tablent sur une diminution des dépenses du fonds de soutien. Celles-ci sont en effet indexées sur les recettes du CNC, qui jouent le rôle de stabilisateurs automatiques. L'étiage équivaut néanmoins à celui de 2019.

Évolution des dépenses du fonds de soutien dédiées principalement ou en partie au cinéma entre 2019 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le document stratégique de performance du CNC - Perspectives 2023

La diminution annoncée des dépenses de soutien entre 2022 et 2023 tient également à la fin de mesures d'accompagnement conjoncturelles, prévues au sein des mesures de soutiens sélectifs. Ces dispositifs pris dans le cadre de la crise sanitaire n'avaient pas vocation à perdurer (dotation supplémentaire pour l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles - Ifcic, accompagnement de certains secteurs à l'instar des documentaristes ou des exportateurs, fonds de développement de la cinéphilie jeune initialement prévu en 2021 et reporté, en raison de la crise, en 2022).

Le rapporteur spécial relève, s'agissant du financement du cinéma, qu'il reste largement dépendant de la contribution des services de télévision due par les distributeurs de services de télévisions (TST-D) et de celle des éditeurs de service vidéo et donc des plateformes (TSV), réformée en 2019. La TSV a été ainsi plus dynamique en 2022 qu'escompté initialement, une plus-value de 8,1 millions d'euros étant ainsi enregistrée (+ 8,4 %), pour atteindre 104,3 millions d'euros à la fin de l'exercice. La seule TSA ne peut contribuer à financer l'intégralité des soutiens accordés au cinéma par le CNC.

Évolution des recettes du CNC entre 2019 et 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le document stratégique de performance du CNC Perspectives 2023

a) Les aides à la production et à la création

Les aides recensées au sein de l'action 01 sont réparties entre aides dites automatiques aux producteurs et aides sélectives à la production et à la création d'oeuvres. Le montant total des aides devrait atteindre 130,4 millions d'euros en 2023. À titre de comparaison, le montant des aides dédiées à la production et à la création audiovisuelle devrait atteindre 275,5 millions d'euros en 2023.

Le taux maximum de financement public d'une production est fixé à 50 %. Deux dérogations13(*) existent :

- le taux est ainsi fixé à 60 % et sur demande motivée de l'entreprise de production, pour les oeuvres cinématographiques « difficiles » ou « à petit budget ». Une oeuvre difficile consiste en la première ou la deuxième oeuvre d'un réalisateur, alors qu'une oeuvre à petit budget dispose d'un budget inférieur ou égal à 1,25 million d'euros ;

- le taux est porté à 70 % pour les oeuvres cinématographiques difficiles ou à petit budget qui ne bénéficient pas du crédit d'impôt pour les dépenses de production déléguée.

(1) Des aides automatiques finalement concentrées sur 35 sociétés de production

S'agissant des aides automatiques, 80,2 millions d'euros sont prévus en 2023. Ces aides sont générées à raison de la diffusion des longs métrages sur différents supports - salles en France ou à l'étranger, vidéo et télévision - et dépendent donc du niveau de fréquentation en salle, du montant des ventes en télévision ou sur support physique ou du succès à l'export. Les sommes sont inscrites sur les comptes des producteurs, en vue de financer la production d'oeuvres nouvelles. Ce soutien automatique ne peut être mobilisé pour être investi dans des oeuvres présentant des coûts artistiques disproportionnés par rapport au budget global du film (principe de maîtrise des coûts de production). Des bonus (allocations complémentaires) viennent s'ajouter à ce soutien si celui-ci est mobilisé en faveur :

- d'un film tourné en langue française avec un niveau élevé de dépense en France (majoration EOF) ;

- du paiement de la rémunération des auteurs (majoration APOC) ;

- de la production de film d'animation ;

- des sociétés de production déléguées pour les films dont les principaux postes respectent la parité femme-hommes ;

- de la production des films de courte durée.

Les allocations complémentaires sont estimées à 15,2 millions d'euros en 2023.

361 entreprises de production cinématographique ont mobilisé 87,88 millions d'euros de soutien automatique, majorations comprises, en 2021. Le rapporteur spécial relève que 40,6 % du soutien a été mobilisé par 10 sociétés : Gaumont, Pathé Films, TF1 Films Production, Sofinergie Capac, France 2 Cinéma, Les Films du Premier, EuropaCorp, Trésor Films, Nord-Ouest Films et M6 Films. Les autres principaux bénéficiaires du soutien constituent un groupe de 25 sociétés, qui totalisent 25,1 % du soutien total mobilisé en 2021. Au final 9,6 % des entreprises de production concentrent 65 % du soutien automatique, ce qui relativise l'idée d'un soutien reflétant l'extrême diversité du cinéma français.

(2) Les aides sélectives

Les soutiens sélectifs à la production d'oeuvres devraient atteindre 44,1 millions d'euros en 2023. Ils visent longs et courts métrages et sont accordées par des commissions composées de professionnels du secteur.

Soutiens sélectifs à la production d'oeuvres en 2023

Type d'aide

Bénéficiaire

Nombre

Moyenne unitaire

(en euros)

Montant global

(en euros)

Avance sur recettes

Réalisateurs et producteurs

89

277 742

24 719 000

Court métrage

Réalisateurs et producteurs

208

36 534

7 599 000

Aide aux cinémas du monde et accompagnement de projets Cinémas du monde

(oeuvres cofinancées par l'Institut français)

Producteurs

56

109 375

6 125 000

Coproductions étrangères

Producteurs

35

77 587

2 725 000

Aides aux films de genre

Réalisateurs et producteurs

3

500 000

1 500 000

Aide à la musique de film

Producteurs

47

11 064

520 000

Aide à l'accessibilité des films (audiodescription)

Producteurs

40

8 750

350 000

Aide aux tournages dans les départements d'outre-mer

Producteurs

7

45 714

320 000

Audits transparence

 

30

8 333

250 000

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par le CNC

Les aides sélectives à la création devraient atteindre 6,05 millions d'euros en 2023. Elles sont versées au stade de l'écriture du scénario ou du développement d'un projet de long métrage. Le dispositif a été étendu en 2022 au développement de documentaires.

Soutiens sélectifs à la création en 2023

Type d'aide

Bénéficiaire

Nombre

Moyenne unitaire

(en euros)

Montant global

(en euros)

Aide au développement de projets de long métrage

Auteurs, réalisateurs et producteurs

89

26 607

2 368 000

Autres aides sélectives (soutiens aux auteurs...)

Associations

18

76 000

1 368 000

Soutien au scénario

Auteurs, réalisateurs et producteurs

79

15 722

1 242 000

Aides à la conception de projets (aides aux auteurs)

Auteurs

62

17 726

1 068 000

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par le CNC

(3) Le cas de l'avance sur recettes

Créée en 1960, l'avance sur recettes (ASR) constitue le principal soutien à la production de long métrage. 24,8 millions d'euros sont ainsi prévus à cet effet en 2023. Le dispositif a été réformé en juillet 2021 afin de financer projets de deuxième et de troisième films14(*). Destiné à soutenir le cinéma d'auteur et à favoriser le renouvellement des talents et des oeuvres, elle vise des productions qui ne peuvent trouver d'équilibre financier sans aide publique. L'ASR peut être accordée avant ou après la réalisation du film. L'avance sur recettes est exclusivement remboursée sur le soutien généré par les résultats du film.

Depuis 10 ans, l'avance avant réalisation a permis le financement d'environ 55 films de long métrage par an sur près de 600 projets présentés (soit un taux de sélectivité de l'ordre de 9 %) dont une vingtaine de premiers films. 58 longs métrages, dont 21 premiers films et 15 deuxièmes ou troisièmes films ont ainsi été financés en 2021. S'agissant de l'avance sur recettes après réalisation, 23 films ont été soutenus en 2021 dont 15 fictions et 8 documentaires. 45 % des premiers longs métrages produits en France ont bénéficié de l'aide au cours des 10 dernières années.

L'avance sur recettes est, de l'aveu même du CNC, parfois présenté comme une sorte de « salon des refusés », appelé à financer des projets de films ne suscitant aucun intérêt des distributeurs ou des diffuseurs et peinant, une fois sortis, à trouver un public.

Le CNC relève cependant que la part des films sans préachats de chaines de télévision parmi les films bénéficiaires de l'avance est identique à celle des films non bénéficiaires de l'avance. Plusieurs films bénéficiaires de l'ASR ont, par ailleurs, obtenu un succès en salle à l'image ces dernières années : Au nom de la terre (2 millions d'entrées), Pupille (840 000 entrées), Antoinette dans les Cévennes (770 000 entrées), l'Innocent (720 000 entrées) ou La nuit du 12 (540 000 entrées). 36 films soutenus par l'avance sur recettes sont, en moyenne, sélectionnés chaque année dans l'un de ces festivals de premier plan. Le Lion d'or 2021 (L'Événement), la Palme d'or 2021 (Titane) et l'Ours d'or 2023 (Sur l'Adamant) ont ainsi été accordés à des films bénéficiaires de l'avance. 7 des 11 longs métrages français récompensés aux César 2023 ont par ailleurs obtenus cette aide.

Le rapporteur spécial note cependant que la critique peut paraître pour partie étayée. Le cas est particulièrement patent pour les films ayant bénéficié de l'avance sur recettes après réalisation. Sur la période 2012-2021, 24 films ont obtenu en moyenne chaque année l'avance sur recettes après réalisation. Le nombre d'entrées moyen pour chacun de ces films atteint péniblement 59 583. S'agissant des films ayant obtenu l'ASR avant réalisation, le nombre d'entrées moyen est estimé à 106 875 (48 films aidés par an environ). Au final pour les 72 films aidés en moyenne chaque année sur la période 2012-2021, le nombre d'entrées ne dépasse pas en moyenne les 100 000 entrées (91 111).

Nombre de films ayant bénéficié de l'avance sur recettes entre 2012 et 2921
et nombre d'entrées moyen par film bénéficiaire

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que le CNC ait tout à la fois modifié le mode d'attribution de l'aide en 2021, bouleversé, dans la foulée la composition des commissions chargées d'instruire les demandes d'aides et annoncé vouloir à terme refuser explicitement les projets sans producteur. Le rapporteur spécial sera vigilant, au cours des prochains exercices, aux conséquences de ces changements et à leur effet sur l'efficience de l'allocation de moyens publics.

Sans entrer dans un débat sur le nombre idoine de spectateurs par film financé, il apparaît nécessaire de vérifier si les fonds publics ne seraient pas plus utiles à financer le processus de création en tant que tel (formation des auteurs notamment) plutôt que subventionner une prise de risque artistique, qui ne trouverait pas d'écho auprès du public.

b) Les aides aux industries techniques et à l'innovation

25,61 millions d'euros sont dédiés en 2023 au soutien des industries techniques. Le champ d'intervention de celle-ci dépasse le cinéma stricto sensu et concerne également les films publicitaire et institutionnel, les programmes télévisés et le multimédia.

7 millions d'euros sont spécifiquement dédiés aux industries techniques du cinéma et de l'audiovisuel. Les aides, accordées sur avis de commissions composées de professionnels, visent à soutenir les projets innovants, notamment en matière numérique, mais également accélérer la transformation écologique de la filière.

10,1 millions d'euros sont fléchés vers les aides aux effets visuels. Ces aides à la création ont été réformées en 2022. Elles sont désormais réparties entre :

- un dispositif d'aides financières dédiées aux effets visuels numériques, comprenant un volet automatique et un volet sélectif ;

- un dispositif d'aides financières sélectives axées sur les techniques d'animation.

Soutiens aux industries techniques et à l'innovation prévus en 2023

Type d'aide

Bénéficiaire

Nombre

Moyenne unitaire

(en euros)

Montant global

(en euros)

Aides à la création visuelle et sonore

Producteurs

150

66 667

10 000 000

Investissement des industries techniques

Entreprises

108

62 037

6 700 000

Promotion des industries techniques et de l'innovation

Entreprises

10

29 800

298 000

Résidence SoFilm

Auteurs et créateurs

1

110 000

110 000

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par le CNC

c) Les aides à la distribution, à la diffusion et à la promotion du cinéma

217,1 millions d'euros sont prévus en 2023 aux fins de financement du secteur de la distribution, de la diffusion et de la promotion du cinéma et de l'audiovisuel.

(1) Un soutien spécifique à la distribution

Le soutien à la distribution cinématographique représente 50,9 millions d'euros en 2023. Les aides sont pour partie automatiques (35,5 millions d'euros) et pour partie sélectives (15,4 millions d'euros).

Les soutiens automatiques aux sociétés de distribution sont calculés à partir de la diffusion en salles. Les sommes versées dépendent donc en large partie de la fréquentation et sont inscrites sur les comptes des distributeurs en vue d'un réinvestissement ultérieur pour une oeuvre nouvelle : dépenses d'édition ou investissements sous forme de minimum garanti. Dans ce dernier cas, si le devis du film est inférieur à 8 millions d'euros, une allocation directe est prévue. Le montant de ces bonus devrait atteindre 4,4 millions d'euros en 2023.

Les aides sélectives visent la diffusion d'oeuvres inédites de qualité. Elles prennent la forme d'un soutien à une oeuvre déterminée, d'un financement du fonctionnement de l'entreprise ou d'un appui à un programme prévisionnel de films appelés à sortir dans l'année. Des aides spécifiques visent les films du répertoire, les jeunes publics, l'allongement de la période de diffusion des films indépendants « art et essai » dans les salles15(*) et la distribution à l'étranger.

Soutiens sélectifs à la distribution prévus en 2023

Type d'aide

Bénéficiaire

Nombre

Moyenne unitaire

(en euros)

Montant global

(en euros)

Distribution de films inédits

Distributeurs

69

146 058

10 078 000

Contribution à l'allongement de la distribution des films « Art et essai »

Distributeurs

52

74 038

3 850 000

Distribution des films du répertoire

Distributeurs

18

51 667

930 000

Distribution à l'étranger

Distributeurs

6

49 167

295 000

Distribution de films jeune public

Distributeurs

11

23 545

259 000

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par le CNC

(2) Les aides à l'exploitation

90,7 millions d'euros sont fléchés par le CNC vers les investissements des exploitants en faveur de la création, de la modernisation et de l'extension de leurs établissements. Une aide « Art et essai » complète le dispositif pour les salles présentant une proportion importante de films disposant de ce label.

Les aides automatiques représentent 66,5 millions d'euros et visent 2 028 établissements. Ceux-ci peuvent demander une avance sur soutien automatique en cas de consommation intégrale des sommes disponibles. Le montant de ces avances est estimé à 32,4 millions d'euros en 2023.

Les aides sélectives visent à favoriser une offre diversifiée, tant géographique que cinématographique. Elles soutiennent donc la petite et moyenne exploitation (moins de 1 % de la part de marché nationale) et la programmation « art et essai » ou « difficile » (court-métrages, documentaires).

Soutiens sélectifs à l'exploitation prévus en 2023

Type d'aide

Bénéficiaire

Nombre

Moyenne unitaire

(en euros)

Montant global

(en euros)

Aides aux salles « Art et essai »

Exploitants

1 122

180 459

16 000 000

Création et rénovation de salles

Exploitants

37

180 459

6 677 000

Programmation difficile

Exploitants

37

41 622

1 540 000

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par le CNC

d) Le soutien sélectif à la diffusion du cinéma et de l'audiovisuel

Estimé à 30,1 millions d'euros en 2023, le soutien sélectif à la diffusion du cinéma et de l'audiovisuel prend la forme :

- d'un appui à l'Agence pour le développement régional du cinéma (ARDC) ;

- d'un financement de différentes structures : festivals, Cinémathèque française, associations, gestion du catalogue de film documentaires ;

- d'une contribution aux actions d'éducation à l'image ou en faveur de publics éloignés de la culture ;

- d'une subvention via le service civique aux associations de diffusion culturelle et d'éducation au cinéma.

Soutiens sélectifs à la diffusion du cinéma et de l'audiovisuel prévus en 2023

Type d'aide

Montant global

(en euros)

Cinémathèque française, cinémathèque du documentaire et diffusion du patrimoine cinématographique en région

22 244 000

Éducation aux images

4 483 000

Diffusion du cinéma (Agence nationale pour le développement du cinéma en région et Images de la culture)

1 911 000

Service civique

1 485 000

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par le CNC

L'Agence nationale pour le développement du cinéma en régions (ADRC) a été créée en 1983 pour soutenir et favoriser le développement de la petite exploitation et du cinéma de proximité, dans les villes dites petites et moyennes.

Son action couvre quatre domaines :

- l'aide aux salles par l'accès aux films : par la mise en place de circulations de copies, en complément de celles proposées par le distributeur, pour permettre aux salles d'avoir accès plus rapidement à une pluralité de films très majoritairement européens, et notamment français, et pour la plupart recommandés art et essai. 814 localités ont ainsi diffusé une copie de l'ARDC en 2021, 50 % des films étant classés Art et Essai ;

- le conseil : l'ADRC réalise des consultations à la demande sur des projets de création ou de transformation de salles, par des études et des conseils économiques et architecturaux (39 demandes en 2021, 23 provenant de collectivités territoriales et 13 du monde associatif) ;

- la valorisation du patrimoine : 453 films ont ainsi été diffusés en 2021 et 152 séances animées (conférence, concert, ateliers) organisées en 2021 ;

- le développement d'une activité d'observatoire du milieu du cinéma (conditions de diffusion, rapport distributeurs/exploitants), avec pour ambition de devenir un centre de ressources ayant vocation à informer et former ses adhérents comme d'autres intervenants.

e) La promotion du cinéma et des programmes audiovisuels en France et à l'étranger

La valorisation des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles en France comme à l'étranger est soutenue, à hauteur de 34,7 millions d'euros en 2023 par le CNC.

300 associations et festivals bénéficieront ainsi d'une enveloppe de 25,2 millions d'euros afin de contribuer au rayonnement du cinéma et de l'audiovisuel au niveau national et international. Les festivals locaux consacrés au cinéma et à l'image animée étaient jusqu'en 2018 soutenus par le ministère de la culture.

Les entreprises exportatrices dans le domaine cinématographique sont, quant à elles, appuyées à hauteur de 6,5 millions d'euros afin d'accompagner les politiques de prospection et les stratégies de promotion internationale des entreprises des exportateurs. Ces aides financent les frais de doublage, le sous-titrage, la création de sites internet, la fabrication d'outils promotionnels... 63 entreprises pourraient ainsi être aidées en 2023.

f) Le plan numérique

8,23 millions d'euros sont spécifiquement dédiés au numérique et s'inscrivent dans le cadre d'un plan exceptionnel d'investissements mis en place en 2010. Financé jusqu'en 2022 par une réserve constituée par le CNC, ce plan a contribué à la numérisation des salles de cinéma. Il est aujourd'hui principalement dédié à la numérisation des oeuvres du patrimoine, menée notamment par le CNC sur les sites de Bois-d'Arcy et de Saint-Cyr. L'épuisement de la réserve exceptionnelle conduit le CNC à privilégier, au-delà de l'affectation d'une partie des taxes perçues, la recherche de partenaires extérieurs.

Plan numérique du CNC

(en milliers d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

g) Les autres soutiens aux industries cinématographiques et audiovisuelles

44,4 millions d'euros sont fléchés vers différentes actions.

Le soutien à la production en région devrait atteindre 23,6 millions d'euros en 2023. Le financement prend la forme d'un euro minimum versé pour 2 euros de financement assuré par les collectivités territoriales.

9,8 millions d'euros sont, par ailleurs, affectés au financement d'établissements de formation : école nationale supérieure des métiers de l'image et du son (Femis), CinéFabrique et école de cinéma Kourtrajmé.

La contribution annuelle de la France aux programmes européens (Eurimages, Europe Cinémas, Relais Culture Europe) est également assurée par le CNC et représente en 2023 4,7 millions d'euros. Sur cette somme, 4,3 millions d'euros sont fléchés vers le fonds Eurimages, regroupant 39 États et mis en oeuvre par le Conseil de l'Europe.

Les 6,3 millions d'euros restants sont affectés à différentes aides sélectives.

Autres aides sélectives aux industries cinématographiques et audiovisuelles

Type d'aide

Montant global

(en euros)

Fonds Images de la diversité, en partenariat avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires

1 484 000

Commission supérieure et technique de l'image et du son (CST), Pôle Images Magelis d'Angoulême et association Territoires et cinéma

1 181 000

Aide au programme d'auteurs

1 000 000

Fonds Afrique Caraïbes Pacifique

(cofinancement européen)

774 000

Fonds pour la jeune création francophone en Afrique subsaharienne

496 000

Caméras Libres

150 000

Fonds d'urgence pour le Liban

25 000

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

2. Une position particulière
a) Une progression des coûts de fonctionnement du Centre

Le rapporteur spécial note une progression des coûts de fonctionnement du CNC depuis 2012 de l'ordre de 30 %, en large partie imputable à l'évolution des dépenses de personnel et d'informatiques et de télécommunications. Les dépenses du CNC ont ainsi atteint au total 55,3 millions d'euros en 2022.

Coûts de gestion du CNC entre 2012 et 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

Les dépenses de fonctionnement courant ont enregistré une baisse de près de 24 % sur la période, en large partie liée à la rationalisation du parc immobilier du Centre. Celui-ci a, en effet, procédé en 2018 au regroupement de ses activités parisiennes, éclatées sur trois immeubles, sur un site unique. Ce déménagement permet des économies nettes estimées à l'année dans une fourchette comprise entre 1,4 et 1,6 million d'euros. Le CNC dispose par ailleurs de deux sites techniques dans le département des Yvelines : Bois d'Arcy et Saint-Cyr. Les locaux situés au Fort Saint-Cyr sont cependant jugés vétustes et insuffisamment adaptés à la conservation et au stockage. Une réflexion est en cours avec la Cinémathèque française et l'Institut national de l'audiovisuel sur la rationalisation des lieux d'archives.

Les effectifs du CNC ont diminué sur la période, passant de 459,7 ETPT en 2012 à 458 ETPT en 2022. Le plafond d'emploi a été fixé à 460 ETPT en 2023.

Effectifs du CNC entre 2012 et 2022

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

Il convient de relever en 2021 une surconsommation de 3,5 ETPT, imputable :

- au recrutement de 6 contrats à durée déterminée pour accompagner le déploiement du plan de relance ;

- à la nécessité d'anticiper ou de doubler les recrutements pour maintenir la capacité de fonctionnement du CNC durant la crise sanitaire ;

- à la volonté du ministère, en raison de la crise sanitaire, de renouveler systématiquement les CDD en cours.

b) La question du recouvrement des taxes

L'article 184 de la loi de finances pour 202016(*) a habilité le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi et visant au transfert à la direction générale des finances publiques, à partir du 1er janvier 2022, du recouvrement de la taxe sur les entrées en salle de cinéma (TSA) et de la taxe sur les services de télévision due par les éditeurs (TST-E) et par les distributeurs de services de télévision (TST-D), jusque-là assuré par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Ce transfert s'intégrait dans un mouvement plus global censé se terminer en 2025 et visant d'autres impositions, à l'image de la TICPE.

L'article 128 de la loi de finances pour 2022 a modifié l'article 184 de la loi de finances pour 2020, pour décaler ce transfert au 1er janvier 202317(*).

Ce transfert a finalement été abrogé en loi de finances pour 202318(*). La commission des finances du Sénat avait émis lors de l'examen du texte un avis défavorable à ce retour en arrière.

L'exclusion de ces taxes du périmètre de l'unification du recouvrement serait due à leur très forte spécificité. Pour autant, cette justification apparaît très fragile : cet argument aurait pu conduire à ne pas transférer le recouvrement d'autres impositions et taxes à la direction générale des finances publiques (DGFIP) en raison d'une apparente compétence « métier » ou « sectorielle » et, d'autre part, la DGFiP recouvre déjà la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV) affectée au CNC. Elle semble donc disposer déjà des compétences nécessaires et d'une première connaissance des acteurs impliqués. La volonté du CNC de voir mener un contrôle exhaustif de l'acquittement de la taxe, sans justifier qu'il le fit avant, a également conduit à remettre en question ce transfert, la DGFiP s'interrogeant sur l'efficience d'un tel contrôle.

Le rapporteur spécial note, en tout état de cause, que le transfert de la gestion des trois taxes à la DGFiP aurait pu permettre au CNC de diminuer ses coûts de fonctionnement. L'arbitrage rendu en faveur du maintien du recouvrement des trois taxes au sein du CNC interroge un peu plus sur le rôle singulier de cette structure au sein de l'appareil d'État. Chargé de la définition, de l'établissement de la taxe, de son recouvrement et de la réaffectation de son produit, le Centre fait figure d'État dans l'État, la tutelle du ministère de la culture apparait toute relative, quand la coopération avec le ministère des finances s'agissant de la législation fiscale peut sembler à sens unique.

Dans ces conditions, il apparaît souhaitable de reprendre ce transfert.

Recommandation n° 2 (ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique) : Transférer le recouvrement de la taxe sur les entrées en salle de cinéma (TSA) et de la taxe sur les services de télévision due par les éditeurs (TST-E) et par les distributeurs de services de télévision (TST-D) à la direction générale des finances publiques aux fins de diminution des couts de gestion du Centre national du cinéma et de l'image animée et d'harmonisation avec les autres impositions existantes.

3. Un soutien à réorienter

Le rapporteur spécial note que le soutien financier du CNC a permis au cinéma français de conserver sa diversité et à son industrie de résister pour ne pas dire survivre, face à la concurrence internationale et plus récemment aux conséquences de la crise sanitaire. L'exemple italien vient rappeler la difficulté pour un pays disposant d'une grande tradition en la matière de conserver une position importante dans ce secteur.

Part de marché du cinéma français depuis 2012

(en %)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par le CNC

Il convient cependant de noter une extrême dépendance d'une partie de l'écosystème du cinéma français aux sorties américaines. Celles-ci génèrent une large partie de la fréquentation de salles et abondent, en conséquence, la taxe sur les entrées, élément important du financement du cinéma français.

Nombre de films français et américains par les 10 films ayant enregistré le plus d'entrées depuis 2012

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par le CNC

Le prisme de la part de marché ne doit pas occulter une difficulté pour le cinéma français à trouver un public. Le rapporteur spécial note ainsi que le niveau de fréquentation moyenne par film agréé n'a pas retrouvé l'étiage de 2014, voire celui de 2012, y compris en 2019, année record en termes de fréquentation.

Nombre de spectateurs par film agréé par le CNC depuis 2012

Source : commission des finances d'après les données transmises par le CNC

La relance observée en fin d'année 2022 ne s'est, par ailleurs, pas opérée au profit de la production française. Les chiffres peuvent apparaître cruels : aucun film français ne figure parmi les 10 premiers ayant attiré le plus de spectateurs en salles et seuls 8 films français ont dépassé le million de spectateurs en 2022.

Ces chiffres contrastent avec l'augmentation des films produits constatée ces dernières années. Il semble donc aujourd'hui nécessaire d'insister sur une révision des politiques menées en vue de contribuer à une réduction de la production au profit d'une meilleure qualité de celle-ci.

Des critères objectifs jouent en faveur d'une telle orientation, même s'il n'existe pas, comme l'a rappelé le président du CNC au rapporteur spécial, de « bon chiffre » en la matière ou de martingale s'agissant de la réussite d'un film. L'industrie cinématographique reste en effet une économie de prototype. L'offre croissante de films, français comme étrangers, dépasse cependant la capacité d'absorption des salles.

Nombre de films en première exclusivité sortis dans l'année depuis 2012

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

Elle conduit logiquement à une baisse tendancielle des recettes par films. Celle-ci s'établissait en moyenne à 1,2 million d'euros en 2019 contre 1,7 million d'euros en 2012. Ces chiffres contrastent avec des aides du CNC sans cesse croissantes.

Évolution des recettes et des aides versées aux films agréés depuis 2012

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

Le CNC indique aujourd'hui intégrer des conditions plus exigeantes en matière de financement et de qualité d'écriture pour éviter la production de films insuffisamment travaillés. Il conviendrait sans doute d'aller plus loin, en renforçant l'aide à la formation, qu'il s'agisse de l'écriture ou des techniques, mais aussi à la distribution, en réduisant a minima à due concurrence les aides sélectives à la production.

Le rapporteur spécial relève, en outre, qu'une part du risque est aujourd'hui assumée, sous la forme de prêts ou de garanties de prêts par l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles et de bpifrance (cf infra). Ce modèle apparaît sans doute plus vertueux tant il implique une responsabilisation des producteurs lors de la préparation de leurs projets et induit une meilleure analyse du marché. Une réactivation des financements du CNC dédiés à l'Ifcic, notamment sur le volet garantie de prêt, peut ainsi constituer une piste de travail. Ceux-ci sont suspendus depuis 2012. Compte-tenu du taux de sinistralité constaté au cours des années précédentes, le Centre estime, en effet, que les dotations antérieures non-consommées permettent de couvrir les besoins en dotation nouvelle.

Recommandation n° 3 (Centre national du cinéma et de l'image animée) : réorienter une partie des aides à la production vers le soutien à la formation, l'appui au secteur de la distribution et le renforcement de la capacité de prêt de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles afin de contribuer à l'amélioration de la qualité des oeuvres produites, de développer leur potentiel commercial et responsabiliser un peu plus les producteurs en passant d'une logique de subvention à une offre de prêts remboursables et de garanties de prêts.

Le rapporteur spécial note enfin que la préservation de la pluralité et le renforcement de l'attractivité des films, qui sous-tend une partie de l'action du Centre national du cinéma et de l'image animée, ne passe pas uniquement par des moyens budgétaires. Le rapport « Cinéma et régulation » remis au Gouvernement le 3 avril dernier19(*) dresse un certain nombre de pistes non budgétaires dont :

- l'assouplissement du cadre juridique applicable aux formules d'accès illimité au cinéma (10 % des entrées au cinéma), en supprimant notamment l'agrément préalable du CNC ;

- la mise en place d'engagements de diffusion à destination des distributeurs afin des favoriser l'accès aux films d'art et d'essai dans les petites salles et les territoires ruraux.

Le même rapport table, au plan budgétaire, sur l'application d'une dose de conditionnalité aux aides versées aux exploitants afin que ceux-ci respectent les engagements de programmation définis avec le CNC, aux termes desquels les exploitants d'une certaine taille sont tenus de réserver une part de leur séances aux films européens et aux cinématographies peu diffusées, et, dans le même temps, limiter la multidiffusion. Le CNC a arrêté le 11 avril 2022 des lignes directrices arrêtées qui se substituent aux dispositions prévues par l'accord du 13 mai 2016 sur les engagements de programmation et les engagements de diffusion signé par les professionnels du secteur cinématographique. Le document souligne enfin la nécessité de réviser le classement « Art et Essai », afin d'en écarter les films disposant de plans de sortie élevés (entre 400 et 500 salles) et favoriser, via, là encore, l'introduction d'une conditionnalité dans les subventions, les exploitants classés Art et Essai prenant une part de risque plus élevée devant être récompensées. Le rapporteur spécial estime que ces propositions sont complémentaires des recommandations formulées dans le présent rapport et devraient conduire à une meilleure allocation de la dépense publique.

B. UN AIR DE FAMILLE : LES MODALITÉS D'INTERVENTION DE L'IFCIC ET DE BPIFRANCE

1. Une coopération État-banques privées en faveur du cinéma : l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles
a) Une activité tournée vers la garantie de prêts et l'octroi de prêts

Créé en 1983, l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (Ifcic) est un établissement de crédit spécialisé dans le financement du secteur culturel. Sa mission, définie dans le cadre d'une convention passée avec la ministère de la culture et celui de l' économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, consiste à faciliter et à permettre l'accès au crédit des entreprises de l'ensemble des secteurs culturels et créatifs relevant de la compétence du ministère de la culture, dont les secteurs relevant du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC).

Son capital est détenu à 49,5 % par l'État et le groupe bpifrance (30 % du capital). Le capital restant est partagé entre la quasi-totalité des banques établies en France et actives dans le secteur.

Répartition du capital de l'Ifcic

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par l'Ifcic

Établissement de crédit agréé par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), son activité tourne autour de deux axes :

- l'offre, aux entreprises culturelles, de solutions de financement et d'une expertise bancaire et financière ;

- l'apport, aux banques, d'une garantie, de capacités de cofinancement et d'expertise du secteur et des risques afférents.

Les solutions de financement dont dispose l'Ifcic prennent la forme :

- de garanties bancaires, qui permettent d'une part de couvrir le risque pris par les banques, à hauteur de 50 % voire 70 %, du montant des prêts consentis en faveur des entreprises culturelles et créatives. Le bénéficiaire de la garantie est la banque qui verse à l'Institut une commission de garantie ;

- de prêts destinés à pallier les failles de l'accès au financement bancaire lorsque la garantie n'est pas suffisante. Ces prêts, octroyés depuis 2005, prennent la forme de prêts classiques à taux fixe ou de prêts participatifs. La capacité d'octroi de prêt est strictement limitée aux disponibilités de l'Ifcic. Les défaillances enregistrées ne sont pas supportées par les fonds propres de l'Ifcic.

L'activité de garantie comme celle de prêts de l'Ifcic bénéficie de la garantie du Fonds Européen d'Investissement (FEI) qui couvre à 70% les prêts ou garantis consentis en cas de défaut, dans la limite de 25% du volume de prêts ou garanties octroyés. Dans le contexte de la crise sanitaire, l'Ifcic a obtenu auprès du FEI une extension de l'enveloppe de prêts bénéficiant de la garantie du FEI, portée de 130 à 200 millions d'euros sur la période 2017-2023 et un taux de garantie majoré à 90% pour les prêts octroyés entre le 1er avril 2020 et le 31 décembre 2021.

L'activité de prêt bénéficie d'un faible taux de sinistralité selon la direction de l'Ifcic. Le montant cumulé des créances douteuses ou faisant l'objet d'un contentieux atteignait ainsi 3,4 millions d'euros fin 2021, soit moins de 3 % des encours.

b) 3 fonds sont dédiés au financement du cinéma

Les solutions de financement sont déclinées au sein des dispositifs suivants :

- Fonds de garantie cinéma audiovisuel (FGCA), à destination des secteurs relevant du périmètre du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ;

- Fonds de garantie industries culturelles et créatives (FGICC), à destination des autres secteurs couverts par le ministère de la culture ;

- Fonds de prêts à l'image animée et du numérique (FPIA), à destination des secteurs relevant du périmètre du CNC ;

- Fonds de prêts aux industries culturelles et créatives (FPICC), à destination des autres secteurs couverts par le ministère de la culture ;

- Fonds de prêts à l'innovation en faveur des industries culturelles et créatives (FPINNOV), à destination des projets innovants de tous les secteurs culturels.

394 entreprises ont bénéficié de prêts ou de garanties en 2021, pour un montant total de 631,6 millions d'euros, soit une progression de 25 % par rapport en 2020.

Au sein de cette somme, il convient de distinguer le montant des crédits garantis, qui atteint 577 millions d'euros (451 millions d'euros en 2020), et celui des prêts octroyés par l'Institut, soit 54,6 millions d'euros (52 millions d'euros l'année précédente). Les encours garantis pour l'ensemble des secteurs atteignaient 1,05 milliard au 31 décembre 2021. Les encours de prêts s'élevaient, quant à eux, à 115,7 millions d'euros.

Le cinéma représente 72 % de l'encours des crédits garantis (dont 12 % fléchés vers l'exploitation cinématographique) et 30 % de l'encours des prêts octroyés (dont 3 % orientés vers l'exploitation cinématographique).

L'encours des prêts octroyés ou garantis au secteur du cinéma atteignait 726,9 millions d'euros au 31 décembre 2021. Plus de 80 % de cet encours concerne le secteur de la production et de la distribution.

Répartition de l'encours de prêts garantis et octroyés par l'Ifcic
au secteur du cinéma

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par l'Ifcic

(1) Le Fonds de garantie cinéma audiovisuel (FGCA)

Le Fonds de garantie cinéma audiovisuel (FGCA) est financé par une dotation du CNC (cf supra) depuis sa création, en 2001. Les crédits disponibles au 31 décembre 2022 s'élevaient à 68,2 millions d'euros, somme censée lui permettre de couvrir un risque 4 à 30 fois supérieur.

Non alimenté depuis 2012, il a bénéficié d'un soutien budgétaire exceptionnel de 11,6 millions d'euros en loi de finances pour 2021, via le programme 363 - Compétitivité - de la mission Plan de relance. Cette dotation exceptionnelle visait à prévenir, dans le contexte de la crise sanitaire, la dégradation du risque tout en préservant ses capacités à garantir de nouveaux crédits sur trois ans.

(2) L'apport du Fonds de prêt aux entreprises de l'image animée et du numérique (FPIA)

Créé en novembre 2015, le Fonds de prêt aux entreprises de l'image animée et du numérique (FPIA) disposait au 31 décembre 2021 d'un encours de prêts de 58,2 millions d'euros, avec en portefeuille 116 prêts actifs, soit 27 de plus qu'en 2019.

Initialement destiné à satisfaire les besoins de financement des exploitants de salles de cinéma (en particulier dans le cadre des opérations de transmission), les industries techniques du cinéma et de l'image animée ainsi que les acteurs de la vidéo à la demande, le champ d'action du FPIA s'est élargi à l'ensemble de secteurs du CNC (distribution, exportateurs etc.) à partir de 2017, à l'exclusion de la production cinématographique. Celle-ci n'a finalement été incluse qu'à compter de mai 2019, suivant ainsi les recommandations du rapport du président du CNC, Dominique Boutonnat (cf infra).

Le montant des prêts octroyés en 2022 est estimé à 30 millions d'euros, aux fins, notamment de préparer le choc dit de modernisation dans le cadre du programme France 2030 et financer d'importants investissements en faveur de nouveaux outils de tournage et de fabrication de contenus. Le FPIA a été renforcé à cet effet à hauteur de 16 millions d'euros : 6 millions d'euros provenant du CNC et 10 millions d'euros de la Caisse des dépôts et consignations.

(3) Le dernier né : le Fonds de prêts à l'innovation (FPINNOV)

Créé en décembre 2019 et doté en janvier 2020 par la Caisse des dépôts et consignations dans le cadre du plan Investissement d'avenir 3 (PIA), le Fonds de prêts à l'innovation (FPINNOV) octroie des prêts participatifs en faveur des entreprises culturelles et créatives, incluant celles relevant du CNC dès lors qu'elles sont innovantes. L'encours de prêts en faveur des secteurs CNC atteignait 6,8 millions d'euros fin 2022.

Le financement obtenu auprès de la Caisse des dépôts prend la forme d'un crédit d'une durée de onze années, dont le remboursement par l'Ifcic est effectué par prélèvement sur la trésorerie disponible du fonds et est subordonné aux remboursements par les bénéficiaires des prêts consentis par l'Ifcic.

c) Le soutien à la production et à la distribution

Les prêts garantis ou octroyés à la production ou à la distribution cinématographique ont représenté 373 millions d'euros en 2021, accompagnant 132 films (soit une progression de 27 % par rapport à 2020). Le montant moyen des prêts atteint 1,9 million d'euros. L'encours des prêts garantis ou octroyés fléchés vers la filière atteignait 598,6 millions d'euros au 31 décembre 2021.

Le montant des prêts garantis a ainsi atteint 365,4 millions d'euros (309,4 millions d'euros en 2020). Les crédits fléchés vers la production représentent 93 % de cette somme. Il convient de relever une progression substantielle des crédits orientés vers la trésorerie (+ 282 %), même s'ils représentent une part marginale du volume (2,37 %). Une telle évolution dénote une fragilité des sociétés de productions indépendantes (23 entreprises concernées).

83,3 % de ces crédits sont fléchés vers la production française (304,6 millions d'euros de prêts garantis en 2021, contre 267,4 millions d'euros lors de l'exercice précédent). La part européenne représentait, quant à elle, 60,8 millions d'euros soit une progression de 56 % par rapport à 2020 (41,7 millions d'euros), le nombre de films aidés passant de 16 à 24. La part européenne des crédits garantis par l'Ifcic est, de manière générale, en augmentation passant de 13,6 % de l'encours en 2020 à 16,7 % en 2021 (75 % des crédits garantis sont fléchés vers les cinémas allemand et italien).

Les prêts octroyés à la filière de production et de distribution se sont, de leur côté, élevés à 7,6 millions d'euros en 2021, soit une baisse de 34 % par rapport à 2020. 10 entreprises étaient concernées. L'exercice 2020 pouvait cependant être considéré comme exceptionnel. 81 % des prêts sont fléchés vers des investissements structurants. Le solde est orienté vers le renforcement des trésoreries. L'octroi de prêts en faveur de la distribution a été nul en 2021 (contre 3,5 millions d'euros). L'absence de visibilité quant à une reprise de l'activité a limité toute velléité d'endettement complémentaire.

Prêts garantis ou octroyés par l'Ifcic à la filière de production et de distribution

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par l'Ifcic

d) L'appui à l'exploitation

Le soutien aux salles de cinéma a représenté 26,4 millions de prêts garantis ou octroyés en 2021, contre 2,4 millions d'euros en 2020 - exercice non significatif compte-tenu des mesures de confinement - et 22,8 millions d'euros en 2019. 96 % de ce montant consiste en une garantie de prêts. L'encours total des prêts garantis ou octroyés aux exploitants atteignait 128,3 millions d'euros en 2021.

L'évolution constatée en 2021 traduit une forme de rattrapage. 80 % des crédits octroyés ou garantis sont orientés vers des établissements de moins de 7 salles. Il n'en demeure pas moins que 67 % du montant total des crédits garantis ou octroyés ont été fléchés vers le financement de nouveaux complexes Le solde se répartit entre financement de travaux (27 % des crédits garantis ou octroyés en 2021) et renforcement du fond de roulement (6 % des sommes consenties ou garanties). Le montant moyen des prêts garantis ou octroyés à atteint 1,8 million d'euros contre 1,1 million d'euros en 2019.

Dans un contexte de la baisse de la fréquentation, l'Ifcic est amené à intervenir en faveur de la restructuration de l'endettement des exploitants, en particulier pour les entreprises relevant de la petite et moyenne exploitation qui ont ouvert leurs complexes peu de temps avant la crise sanitaire. L'appui aux investissements dans un contexte de renchérissement des coûts de construction apparaît, par ailleurs, crucial, face aux difficultés de bouclage des plans de financement.

Prêts garantis ou octroyés par l'IFIC aux exploitants

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par l'Ifcic

2,6 millions d'euros ont enfin été prêtés en 2021 aux distributeurs et aux exportateurs de films et de programme audiovisuel. 5 sociétés spécifiquement dédiées au cinéma sont concernées, contre 11 en 2019 (4 en 2020). Le prêt moyen atteint 0,37 million d'euros et vise à financer acquisition de droits d'exploitation ainsi que des dépenses associées de promotion et de prospection à l'international. L'encours total des prêts octroyés atteignait 3 millions d'euros au 31 décembre 2021.

2. Bpifrance, meilleur espoir du financement public du cinéma français ?

Au-delà de sa participation au capital de l'Ifcic, l'intervention de bpifrance dans le secteur cinématographique est assez récente. Elle s'inscrit, en effet, dans le cadre des États généraux des industries culturelles et créatives (ICC), lancés en 2019, dont les conclusions ont structuré le volet « cinéma » du plan France 2030. Elle est bâtie autour de deux axes : aide technique au développement et soutien financier.

Le Plan Touch, lancé en 2020 et ouvert à toutes les ICC, matérialise ainsi une certaine ambition financière (1,35 milliard d'euros en 2022), avec l'utilisation d'une palette d'instruments : prêts, garanties de prêts, action en fonds propres. 214 millions d'euros ont ainsi été mobilisés en 2021 puis 238 millions d'euros en 2022 en faveur des entreprises du cinéma et de l'audiovisuel.

L'activité d'opérateur extra-financier de bpifrance dans le secteur s'exerce dans le cadre de l'Accélérateur cinéma et audiovisuel, mis en place à la suite des États généraux des industries culturelles et créatives. Ce dispositif est un des axes du programme France 2030 dans le secteur. 43 entreprises ont été ainsi accompagnées en 2021 et 2022, via un système de promotion (une vingtaine par an) mis en place avec le concours du Centre national du cinéma et de l'image animée. Est ainsi mis en place un parcours, composé de trois piliers :

- la réalisation d'un audit des entreprises sélectionnées, identification des axes prioritaires de modernisation et journées de conseil dédiées (16 à 39 jours) ;

- l'organisation des séminaires de formation, mise en oeuvre avec HEC Paris, autour de différents thèmes : stratégie, financement du développement, ressources humaines (6 journées) ;

- la mise en relation des entreprises sélectionnées avec l'ensemble des partenaires du programme et les réseaux d'entrepreneurs coordonnés par Bpifrance (4 journées).

16 entreprises seront accompagnées en 2023 dans leurs projets de transformation et d'adaptation aux enjeux économiques, sociétaux, technologiques et environnementaux que connait la filière afin de conforter leur modèle économique, accélérer leur croissance et faciliter le travail en réseau. Les sujets transversaux appelés à être abordés - modernisation, adaptation aux nouveaux enjeux technologiques ou transition bas carbone - doit permettre d'améliorer la compétitivité des acteurs de toute la chaine de valeur.

Ouvert aux entreprises disposant d'un chiffre d'affaires annuel de plus de 2 millions d'euros et ayant au moins trois ans d'existence, le programme est financé à 55 % par bpifrance et le CNC pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 10 millions d'euros (soit 21 000 euros hors taxes, le solde étant complété par l'entreprise) et à 51 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires supérieur à 10 millions d'euros (soit 33 000 euros hors taxes, le reste à charge revenant à l'entreprise).

Le rapporteur spécial relève que cette action au service d'une structuration et d'une plus grande professionnalisation du secteur va dans le bon sens. Elle devrait contribuer à permettre à l'industrie de passer un cap, dans un contexte mouvant marqué par une moindre fréquentation en salles, des changements d'habitudes culturelles et une révision des stratégies de coproduction des chaines de télévision et des plateformes qui illustrent un effet de correction du marché. Cette stratégie ambitieuse doit permettre une meilleure allocation des moyens, privés comme publics, au sein de cet écosystème particulier.

3. Un continuum de financement à soutenir et renforcer

L'action conjointe de l'Ifcic et de Bpifrance tend à esquisser la création d'un fonds soutenu par les pouvoirs publics, intervenant comme « un investisseur avisé », que le président du CNC, Dominique Boutonnat, appelait de ses voeux dans un rapport de décembre 201820(*). Selon lui, ce fonds aurait pour principale activité le capital-investissement et viserait à amorcer une véritable stratégie financière dans un secteur encore peu mature.

Il s'agirait dans un premier temps de réaliser plusieurs investissements dans des entreprises déjà prêtes à les accueillir. Cette logique est déjà poursuivie pour partie par bpifrance. Cette intervention devrait conduire à « acculturer » producteurs et distributeurs qui souhaitent développer leur activité et les accompagner dans la « formalisation d'une stratégie », en identifiant objectifs de croissance et de rentabilité. Cette première étape devrait conduire par la suite davantage d'investisseurs privés à entrer sur ce secteur, en dépassant la présomption de faille de marché qu'ils identifient jusqu'à présent.

Le rapporteur spécial appuie une telle orientation, qui devrait permettre de décharger progressivement l'État du financement de la prise de risque artistique par des outils budgétaires.

Pour l'heure, afin de favoriser la complémentarité des dispositifs mis en oeuvre par l'État dans le cadre de la Stratégie d'accélération des industries culturelles et créatives et du plan France 2030 (cf infra), une coordination a été mise en place réunissant Ifcic, bpifrance, Centre national du cinéma, Banque des territoires et secrétariat général pour l'investissement. Elle vise à déterminer les priorités d'intervention et niveaux d'intervention nécessaires en fonction des besoins présentés par les bénéficiaires potentiels.

L'Ifcic participe notamment en tant qu'experts dans les commissions du CNC, de bpifrance (Fonds Tech & Touch) et inversement des représentants du CNC, de la CDC, du ministère de la Culture et de bpifrance sont associés aux comités d'experts de l'Ifcic. Cela permet ainsi de s'assurer d'une intervention ciblée et d'identifier, le cas échéant, des dispositifs complémentaires qui pourraient être mobilisés. De même, l'Ifcic est partenaire des accélérateurs de bpifrance en mettant à disposition son expertise pour l'élaboration des programmes d'accélération et auprès des entreprises « accélérées » du cinéma.

Il convient d'aller plus loin que cette coordination technique et, d'envisager au-delà du plan France 2030, la mise en place d'une structure, créée à moyens administratifs constants, pilotés par l'Ifcic et bpifrance, constituant un véritable Fonds public d'investissement. Celui-ci pourrait être abondé par les crédits du CNC, en s'appuyant sur la réorientation de son action envisagée par le rapporteur spécial plus haut (recommandation n° 3).

Recommandation n° 4 (Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles, bpifrance et Centre national du cinéma et de l'image animée) : Créer, à moyens administratifs constants, un véritable fonds public d'investissement, géré conjointement par l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles et bpifrance, abondé par le Centre national du cinéma et de l'image animée, après réorientation de ses soutiens et dédié à accompagner la modernisation et la professionnalisation de la filière, en créant les conditions d'un appel d'air pour les investisseurs privés et en permettant à terme de décharger progressivement l'État du financement de la prise de risque artistique par des outils budgétaires.

C. LA NUIT AMÉRICAINE : FRANCE 2030, NOUVELLE ÉTAPE EN MATIÈRE DE SOUTIEN À L'INDUSTRIE CINÉMATOGRAPHIQUE ?

Le volet cinématographique et audiovisuel du plan France 2030, supervisé par le Centre national du cinéma et de l'image animée, constitue un réel changement de focale, avec un appui massif au développement des conditions de tournage, via la création de « fabriques de l'image ». Le cinéma est envisagé au travers du plan comme une industrie, induisant un financement spécifique.

1. La volonté de multiplier les fabriques de l'image

Le huitième objectif du plan France 2030, présenté en octobre 2021, consiste à placer la France en tête de la production des contenus culturels et créatifs. 350 millions d'euros de subventions vers la filière cinéma et audiovisuel sont dévolus à cet objectif. Ces crédits sont appelés à être complétés par une intervention des collectivités territoriales et du secteur privé.

Cette ambition passe par une modernisation conséquente de l'appareil de production, confronté tout à la fois à un manque d'infrastructures de tournage et à une insuffisance de main d'oeuvre. Il s'agit d'aboutir, selon le président du CNC, à la constitution de plusieurs « grandes fabriques de l'image », à l'instar de ce qui est mis en place au Royaume-Uni où les « one-stop-shop » regroupent sur un même site studios de tournage, production numérique (animation, effets spéciaux, jeu vidéo) et écoles de formation d'auteurs et de musiciens. Un appel à projets « La grande fabrique de l'image » a été publié en avril 2022, à partir d'un étude menée par le CNC. Les résultats de cet appel à projets étaient attendus au premier trimestre 2023. Les modalités d'attribution des crédits seront pilotées par la Caisse des dépôts et consignations, en partenariat avec le CNC. Ils viseront l'aide à l'ingénierie et le soutien direct aux projets d'investissement.

L'ambition poursuivie est triple :

- intégrer à la filière de production un public très large en doublant le nombre annuel de diplômés, qui passerait de 5 700 à 10 300 par an ;

- doubler le nombre d'emplois dans la filière de production pour atteindre 92 000 personnes ;

- faire passer le poids de la filière de 4,2 milliards d'euros à 7,6 milliards d'euros, ce qui permettrait de tripler sa contribution au commerce extérieur.

Les projets soutenus par l'État seront orientés vers :

- l'aménagement ou la modernisation d'une dizaine de grands studios de tournage, compétitifs avec les plus grands studios internationaux, comportant en un même lieu un nombre important de services (location de matériel, décors, services numériques, post-production, services financiers, immobilier d'entreprise, etc.). Le président de la République avait au préalable annoncé en septembre 2021 à Marseille, la création de « grands studios de la Méditerranée », destinés à attirer les tournages internationaux de films et de série. L'arc méditerranéen - de Montpellier à Nice - accueillerait ainsi différents studios. Les Hauts-de-France, l'Île-de-France et l'Occitanie pourraient également accueillir de tels sites de production ;

le passage de 10 à 20 studios de production numérique (animation, effets visuels numériques, jeu vidéo) et l'accompagnement de la mise en oeuvre de projets présentant une forte dimension d'innovation à forte valeur ajoutée et d'ambition internationale ;

- le développement de 20 à 30 organismes de formation, dont le projet pédagogique répond aux besoins des filières en volume et en typologie de métiers.

2. Une demande de subvention publique établie à 1 milliard d'euros

Les résultats du premier appel à projet devraient être annoncés dans les prochaines semaines.

175 dossiers de candidature ont été déposés :

- 72 projets de formations ;

- 65 projets de studios numériques (jeu vidéo, animation, VFX, post-production ;

- 38 projets de studios de tournage.

Les candidatures émanent de quelques grands groupes, de PME déjà présentes dans ce secteur d'activité mais aussi de nouveaux entrants. Les projets sont répartis sur 13 régions et trois territoires d'outre-mer, les 3 territoires prioritaires (Île-de-France Méditerranée et Nord) représentant la majorité des investissements prévus :

- 59 dossiers visent la région Île-de-France, 43 dossiers l'arc méditerranéen et 17 dossiers le Nord ;

- une quinzaine de dossiers sont « multisites » et se déploient sur l'ensemble du territoire ;

- 7 dossiers sont situés dans les DROM (Guadeloupe, Martinique et Réunion).

Les investissements privés annoncés devraient atteindre 3 milliards d'euros et seraient complétés par des subventions publiques à hauteur de 1 milliard d'euros.

Les réponses à l'appel à projets ont été envoyées au CNC, chargé de vérifier leur éligibilité. L'instruction des dossiers a été menée par le CNC, le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) et la Caisse des dépôts et consignations. Les préfectures de région concernées ont par ailleurs été consultées. Un jury d'experts indépendants nommés par le Gouvernement et représentant l'ensemble des domaines d'expertise à même d'éclairer la lecture des dossiers a également été mis en place. La présidence du collège « Tournage » a été confiée à Cédric Jimenez, réalisateur, scénariste et producteur.

Les lauréats bénéficieront :

- d'une aide à l'ingénierie de projet, plafonnée à 0,4 million d'euros ;

- et/ou d'une aide à l'investissement, non plafonnée en dehors des contraintes relatives aux aides d'État et de l'exigence de cofinancement ;

- de manière dérogatoire, une partie du soutien octroyé pourra prendre la forme d'une subvention en fonctionnement pendant une durée maximale de 3 ans pour les seuls organismes de formation, afin de leur permettre d'amorcer leur modèle économique.

3. Un assouplissement des conditions d'accès aux prêts de l'Ifcic

Dans le cadre de la stratégie d'accélération des Industries Culturelles et Créatives et du programme France 2030, l'Ifcic a mis en oeuvre des mesures visant à permettre aux entreprises culturelles de financer leur reprise progressive d'activité à l'issue de la crise sanitaire.

L'offre de prêts a ainsi été adaptée avec :

- l'élargissement des prêts Ifcic aux entreprises de taille intermédiaire (ETI1), peu nombreuses ;

- l'allongement de la durée de remboursement des prêts Ifcic portée de 7 à 10 ans ;

- l'allongement des durées de franchise de remboursement en capital jusqu'à 3 ans ;

- l'augmentation du plafond d'encours de prêts par emprunteur.

4. Une nouvelle variation sur le même thème ?

France 2030 prend, s'agissant du secteur du cinéma, la suite des États généraux des industries culturelles et créatives, initiés par le président de la République, menés de novembre 2019 à décembre 2020, et censés être le point de départ d'une dynamique de structuration des différentes du secteur, dont le cinéma, en une véritable filière. C'est dans ce cadre que s'inscrit le plan Touch mené par bpifrance.

Le 4e plan Investissement d'avenir (PIA 4) - France 2030 intègre les conclusions de ces États généraux via une stratégie d'accélération (Accélérateur cinéma et audiovisuel) déclinée autour de 4 axes :

- le renforcement de la solidité et de la compétitivité des entreprises de la filière, une enveloppe de 146 millions d'euros étant dédiées à cet objectif ;

- l'accélération de la transformation numérique des entreprises et des offres culturelles, 150 millions d'euros étant fléchés vers ce projet ;

- le soutien au développement des industries culturelles et créatives françaises à l'international et l'accentuation du rôle desdites industries dans les dynamiques de transformation territoriale, 86 millions d'euros étant prévus à ce titre ;

- l'accompagnement, à hauteur de 18 millions d'euros, de la filière en vue de devenir une référence en matière de responsabilité sociale et l'environnementale.

Le rapporteur spécial ne remet pas en question l'opportunité de développer une stratégie ambitieuse pour les ICC et en particulier pour l'industrie cinématographique. Il regrette cependant cette multiplication des guichets sans véritable lisibilité et l'annonce d'investissements importants sans réelle précision sur le calendrier mis en oeuvre et sans véritables indicateurs de performance.

Il note par ailleurs que s'agissant des fabriques de l'image, le projet vise à la fois production audiovisuelle et production cinématographique, afin de faire de la France un pôle de création de contenus, au risque de remettre en question la spécificité de la création française - mise en avant par la plupart des acteurs du secteur rencontrés par le rapporteur spécial -, au profit d'une production de masse, plus standardisée et principalement dédiée aux plateformes. La multiplication de ces dispositifs industriels est par ailleurs censée renforcer la viabilité des entreprises mais aussi attirer les tournages de productions étrangères. Il existe de fait un paradoxe à voir le CNC gérer un tel projet, alors qu'il est censé en premier lieu incarner la fameuse « exception culturelle française ».

Le rapporteur spécial considère, en tout état de cause, que l'importance de l'investissement public que France 2030 induit pour le cinéma, tant au travers de la stratégie d'accélération que du projet de création des fabriques de l'image - 1 milliard d'euros réparti entre l'État et les collectivités territoriales - invite à réviser les dispositifs existants par ailleurs qu'il s'agisse de soutiens spécifiques du CNC ou des crédits d'impôt.

Le rapporteur spécial note ainsi qu'un certain nombre de dispositifs mis en avant dans le cadre de France 2030 peuvent apparaître redondants avec des mécanismes de soutien gérés directement par le Centre qu'il s'agisse :

- du financement des établissements de formation (9,8 millions d'euros en 2023) ;

- des aides aux effets visuels (10,1 millions d'euros en 2023) ;

- des aides aux projets innovants en matière numérique (7 millions d'euros en 2023).

Une révision de ces dispositifs à l'aune des crédits dégagés dans le cadre de France 2030 apparaît opportune. Le rapporteur spécial rappelle que France 2030 est censé contribuer à un effet de levier, que ne génèrent pas forcément les dispositifs de soutien classique du CNC. Le programme suppose donc, in fine, une moindre dépendance aux fonds publics.

Recommandation n° 5 (Centre national du cinéma et de l'image animée) : Réviser les mécanismes de soutien (formation, industries techniques notamment) allant dans le même sens que le huitième objectif du plan France 2030, afin d'optimiser les financements publics dédiés en s'appuyant pleinement sur l'effet de levier induit par le plan et éviter l'effet de doublon et de multiplication des guichets.

La création des fabriques de l'image modernes réparties sur une large partie du territoire devrait en outre renforcer l'attractivité de la France, en vue d'attirer des tournages étrangers et même français. Dans ces conditions, cette plus-value technique, financée à 25 % par des fonds publics incite à une révision des crédits d'impôts qui visent le même objectif de localisation ou de relocalisation des tournages sur le territoire.

III. LES DISPOSITIFS FISCAUX : UNE RÈGLE DU JEU À REVOIR ?

A. PLEIN SOLEIL : DES CRÉDITS D'IMPÔT DYNAMIQUES

L'action du CNC est appuyée, au niveau fiscal, par deux crédits d'impôts au rendement dynamique. Le CNC est chargé de délivrer les agréments aux entreprises de production souhaitant bénéficier de ces dispositifs, la DGFiP étant compétente en ce qui concerne le contrôle et le calcul des crédits d'impôts.

1. Deux dispositifs dédiés à la relocalisation des tournages
a) Le crédit d'impôt « cinéma »

Mis en place le 1er janvier 2004, le crédit d'impôt pour dépenses de production cinématographique dit crédit d'impôt « cinéma » (CIC)21(*) prévoit une déduction fiscale représentant de 20 à 30 % du montant total des dépenses éligibles22(*), dans la limite de 30 millions d'euros par film. Le taux de 30 % est atteint dès lors que le crédit d'impôt vise des dépenses de production :

- d'oeuvres cinématographiques d'animation ;

- d'oeuvres cinématographiques de fiction dans lesquelles au moins 15 % des plans, soit en moyenne un plan et demi par minute, font l'objet d'un traitement numérique permettant d'ajouter des personnages, des éléments de décor ou des objets participant à l'action ou de modifier le rendu de la scène ou le point de vue de la caméra ;

- d'oeuvres cinématographiques autres que d'animation, réalisées intégralement ou principalement en langue française ou dans une langue régionale en usage en France.

Les dépenses sont plafonnées à hauteur de 80 % du budget de production. Le crédit d'impôt obtenu pour la production d'une même oeuvre cinématographique ne doit pas avoir pour effet de porter le montant total des aides publiques accordées à plus de 50 % du montant du budget de production de l'oeuvre voire à 60 % s'il s'agit d'une première oeuvre ou d'une oeuvre dite difficile (cf supra).

Le dispositif a été sensiblement amélioré depuis 2013.

Évolution du crédit d'impôt « cinéma » depuis 2004

Source : commission des finances du Sénat

116 films ont bénéficié du crédit d'impôt en 2021, la dépense fiscale afférente étant évaluée à 160 millions d'euros. Ce qui représente une augmentation de 88 % par rapport à l'exercice précédent. Le CIC aurait de fait permis de localiser 990 millions d'euros de dépenses en France, soit 292 millions d'euros de plus qu'en 2019. La croissance du nombre de films agréés en 2021 et la progression du devis moyen peuvent, au-delà de l'argument fiscal, justifier une telle hausse.

b) Le crédit d'impôt « international »

Le crédit d'impôt pour dépenses de production de films et oeuvres audiovisuelles étrangers, dit crédit d'impôt « international » (C2I)23(*) est dédié aux oeuvres étrangères tournées en France depuis 2009, qu'elles soient cinématographiques ou audiovisuelles.

Il est ouvert aux entreprises de production exécutive. Il prévoit une déduction fiscale de l'ordre de 30 % des dépenses éligibles. Ce taux a été porté à 40 % en loi de finances pour 202024(*) pour les oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles de fiction dans lesquelles au moins 15 % des plans, soit en moyenne un plan et demi par minute, font l'objet d'un traitement numérique permettant d'ajouter des personnages, des éléments de décor ou des objets participant à l'action ou de modifier le rendu de la scène ou le point de vue de la caméra, à la condition que, au sein du budget de production de l'oeuvre, le montant total des dépenses éligibles afférentes aux travaux de traitement numérique des plans soit supérieur à deux millions d'euros.

Initialement appelé à s'éteindre fin 2016, le dispositif a été prorogé après accord de la Commission européenne. Il a déjà considérablement évolué depuis sa création.

Évolution du crédit d'impôt « international » depuis 2009

Source : commission des finances du Sénat

La dépense fiscale est estimée à 120 millions d'euros en 2022, soit une progression de 36 % par rapport à 2021. Les dépenses éligibles ont progressé de 153 millions d'euros par rapport à 2019, le nombre de projets agréés ayant triplé par rapport à 2015.

25 % du montant de la dépense fiscale est dédiée au cinéma.

c) Un effet certain sur la relocalisation

Ces dispositifs, ainsi que celui dédié à l'audiovisuel, ont permis de réduire le phénomène de délocalisation des tournages - 15 % en 2019 et 10 % en 2021 contre 27 % en 2015 - et auraient permis, d'après le CNC, la création, en 2021 de 50 000 emplois. Plus du tiers des emplois créés depuis 2015 sont liés à des tournages en régions, hors Île-de-France. Le taux de localisation des films de fiction bénéficiaires du CIC reste proche 90 %. De 2015 à 2017, soit l'année suivant la revalorisation du taux de crédit d'impôt cinéma de 25 à 30 % au 1er janvier 2016), le taux de localisation des films au budget compris entre 7 et 15 millions d'euros est, quant lui, passé de 77 % à 95 %.

Cette dynamique se retrouve s'agissant de l'évolution des dépenses de tournage en région et des jours de tournage. En ce qui concerne les fictions françaises éligibles au CIC, les dépenses de tournage en région ont progressé de 49,6 millions d'euros entre 2019 et 2021 pour atteindre 160 millions d'euros (+ 31 %), le nombre de jours de tournage augmentant de 40 %.

L'impact est encore plus important pour les fictions étrangères (cinématographiques et audiovisuelles) éligibles au C2I : les dépenses en région ont quasiment doublé sur la période pour atteindre 302 millions d'euros (dont 191 millions d'euros pour la seule région Ile-de-France), le nombre de jours de tournage progressant de 29 %.

Ces crédits s'inscrivent dans un contexte de concurrence internationale. 40 pays ont mis en place des dispositifs dédiés à l'accueil de tournages étrangers bénéficiant d'un taux au moins équivalent à celui mis en place en France. 22 pays ont même ainsi instauré un taux plus favorable.

Taux du crédit d'impôt cinéma au sein des pays bénéficiant d'un dispositif
plus favorable que celui mis en place en France

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

2. Un montant de la dépense fiscale en constante augmentation

La nette progression de la dépense fiscale afférente à certains dispositifs peut s'expliquer par une reprise des tournages en 2021. Près de 1,39 milliard d'euros ont ainsi été dépensés en France pour des oeuvres bénéficiaires des crédits d'impôt, soit une augmentation de 47 % par rapport à 2019, la dernière année de référence pré-crise (progression de 445 millions d'euros).

Dépenses éligibles aux crédits d'impôts cinéma entre 2019 et 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

Elle est également liée au renforcement du taux du crédit d'impôt international en loi de finances pour 2020 pour le porter à 40 % s'agissant des oeuvres à forts effets visuels et dont les dépenses de travaux de traitement numériques effectués en France s'élèvent au moins à 2 millions d'euros.

S'agissant du C2I, le rapporteur spécial note cependant une dynamique constante de la dépense fiscale depuis la création du dispositif.

Évolution des dépenses éligibles au crédit d'impôt international
et de la dépense fiscale afférente depuis 2012

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

Cette évolution se retrouve dans la trajectoire de la dépense fiscale moyenne par oeuvre.

Nombre de films et d'oeuvres audiovisuelles éligibles au C2I
et dépense fiscale moyenne par film depuis 2012

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

S'agissant du CIC, l'exercice fiscal 2022 devrait être celui d'un retour à la normale avec un retour au niveau de 2019. Celui-ci traduisait cependant une baisse par rapport aux exercices 2016 et 2017, année d'entrée en vigueur de la réforme du taux.

Évolution des dépenses éligibles au crédit d'impôt cinéma
et de la dépense fiscale afférente depuis 2012

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les données transmises par le CNC

La dépense fiscale moyenne par film reflète cette évolution.

Nombre de films éligibles au CIC et dépense fiscale moyenne par film
depuis 2012

(en euros)

Source : commission des finances d'après les données transmises par le CNC

3. Des dispositifs à réévaluer

La dynamique des crédits d'impôts tend néanmoins à interroger, dès lors qu'ils tendent à financer des grosses productions qui ne semblent pas, de prime abord, peiner à réunir des financements. Il en va ainsi du crédit d'impôt « cinéma » qui couvre une partie des dépenses de Notre-Dame brûle (32 millions d'euros de budget), Les Trois Mousquetaires - D'Artagnan (36 millions d'euros de budget) ou Astérix et Obélix et l'empire du milieu (65 millions d'euros de budget, dont 57 millions de dépenses effectuées en France), dont le CNC reconnaît qu'il s'agit du film agréé le plus coûteux.

Le rapporteur spécial note, en outre, que les oeuvres destinées aux plateformes bénéficient, en outre, du crédit d'impôt international. 90 oeuvres destinées à une primo-diffusion plateforme produites en 2022 sont ainsi éligibles au dispositif, générant 135,3 millions d'euros de dépense fiscale.

Nombre d'oeuvres éligibles au crédit d'impôt international produites par des plateformes et montant de la dépense fiscale afférente depuis 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les données transmises par le CNC

Les effets du décret SMA (cf. supra), censé apporter de nouvelles ressources pour le cinéma français (250 millions d'euros annuels dont 20 % fléchés vers le cinéma) semblent, de la sorte, pour partie compensés.

S'il ne remet pas en cause la pertinence des dispositifs mis en place en vue de soutenir l'activité en France, le rapporteur spécial invite le CNC à vérifier les risques d'effets d'aubaine qu'induisent nécessairement des mécanismes de plus en plus avantageux ces dernières années, qui bénéficient de surcroît à un nombre croissant d'acteurs depuis leur lancement. Il relève en outre que l'argument d'une forte concurrence fiscale internationale peut être relativisé par d'autres atouts pour attirer des tournages, de la variété des paysages ou de la richesse des sites à la mise en place des fabriques de l'image censées créer un véritable écosystème favorable à la production et pour lesquelles la puissance publique est amenée à dégager des moyens considérables (cf supra).

Il convient par ailleurs de ne pas se focaliser sur le taux du crédit d'impôt pour évaluer la concurrence. Ainsi parmi les principaux « concurrents » européens de la France :

- la Belgique ne prend en compte que 70 % des dépenses éligibles dans le calcul de l'impôt, l'avantage fiscal étant plafonné à 15 millions d'euros ;

- l'Espagne réserve son taux de 50 % aux seuls tournages réalisés sur les îles Canaries, le taux commun du crédit d'impôtl étant de 30 % pour le premier million d'euros engagé, puis 25 % au-delà. Le plafond des dépenses éligibles a été fixé à 40 %. Le montant de la réduction d'impôt ne peut excéder 20 millions d'euros (18 millions d'euros sur les îles Canaries).

Toute comparaison internationale doit également prendre en compte la part des soutiens budgétaires au secteur du cinéma, le France semblant disposer d'une position singulière par rapport à ses principaux concurrents, qui ne disposent pas tous d'une structure dédiée et des financements afférents.

Le rapporteur spécial note enfin que si le CNC lui a indiqué prendre en compte les effets positifs sur les finances publiques induits par la relocalisation des tournages, aucun élément chiffré sur ce sujet n'est précisé dans le rapport d'évaluation des crédits d'impôts, remis par le Centre au Parlement avant l'examen du projet de loi de finances. L'inspection des finances et l'inspection générale des affaires culturelles avaient, sur ce sujet, émis des réserves, en 2018, sur un tel argument, estimant que le taux de localisation des tournages devrait progresser substantiellement pour conférer au dispositif un aspect rentable, un point de localisation générant environ 5 millions d'euros de recettes fiscales25(*). Le même rapport relève que le renforcement du taux de subventionnement entre 2013 et 2016 avait pu constituer un effet d'aubaine pour les films disposant d'un budget de moins de 4 millions d'euros, dont le taux de localisation reste relativement stable avant et après réforme.

Le montant de la dépense fiscale liée au CIC devrait enregistrer une baisse en 2023 pour atteindre 109 millions d'euros (- 32 %). En revanche, celui du crédit d'impôt international devrait atteindre 193 millions d'euros, soit une progression de 61 %. Il conviendra d'évaluer à fin 2023 si la dynamique observée relève avant tout de la reprise de l'activité et mesurer, s'agissant des tournages français, l'impact de l'inflation.

Dans ces conditions, il pourrait alors être opportun de réviser ces dispositifs, afin d'atténuer leur coût pour les finances publiques. Une modulation des taux en fonction des budgets de production pourrait constituer une option, au même titre qu'une révision des plafonds de dépenses éligibles.

Recommandation n° 6 (Centre national du cinéma et de l'image animée, direction générale des finances publiques) : Réviser le crédit d'impôt pour dépenses de production cinématographique et le crédit d'impôt pour dépenses de production de films et oeuvres audiovisuelles étrangers, en introduisant une modulation des taux en fonction des budgets de production et en réévaluant les plafonds de dépenses éligibles, afin d'éviter le risque d'effet d'aubaine pour des productions disposant par ailleurs d'importants soutiens budgétaires et de conditions de tournage appelées à s'améliorer dans le cadre du plan France 2030 tout en réduisant l'impact de ces dispositifs sur les finances publiques.

B. CLASSE TOUS RISQUES ? LE RÔLE DES SOFICA

1. Des sociétés créées en 1985 et bénéficiant d'un régime fiscal favorable
a) Les SOFICA sont exclusivement dédiées au financement de la production cinématographique et audiovisuelle

Instituées par la loi du 11 juillet 1985, les sociétés de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel (SOFICA) sont des sociétés d'investissement destinées à la collecte de fonds privés consacrés exclusivement au financement de la production cinématographique et audiovisuelle26(*). Elles sont créées à l'initiative de professionnels du cinéma et de l'audiovisuel, ou à celle d'opérateurs du secteur bancaire et financier. Les oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles financées par ce biais doivent avoir été agréées par le CNC. L'investissement est par ailleurs fléché vers des films d'expression originale française et de la nationalité d'un État partie à la Convention européenne sur la coproduction cinématographique, signée à Strasbourg le 2 octobre 1992

Les SOFICA sont elles-mêmes agréées par la direction générale des finances publiques, le CNC vérifiant au cours de l'instruction de la demande d'agrément si la société respecte un certain nombre de critères tenant tout à la fois à la gouvernance, à la qualité du bilan des investissements passés et les engagements pris pour la prochaine collecte (financement de premier ou deuxième film, contribution à des films à budget réduit...). Les SOFICA doivent également disposer d'un visa, accordé par l'Autorité des marchés financiers, afin de les autoriser à faire appel public à l'épargne auprès des particuliers.

Le montant maximal de la collecte annuelle est fixé chaque année par le ministère des finances lors de l'octroi de l'agrément.

L'intervention des SOFICA s'effectue sous la forme :

- de versements en numéraire réalisés par contrats d'association à la production ou à la distribution, oeuvre par oeuvre ;

- de souscriptions au capital de sociétés ayant pour activité exclusive la réalisation d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles agréées. Cette souscription prend généralement la forme d'une société filiale à 100 % de la SOFICA ou détenue conjointement avec une autre SOFICA ou société.

Les versements en numéraire constituent le principal outil de financement utilisé par les SOFICA.

Les SOFICA ont la possibilité de réaliser une partie de leurs investissements en s'adossant à des entreprises du secteur. Ces investissements dits « adossés » donnent lieu à un accord avec l'entreprise concernée, aux termes duquel elle s'engage à racheter une partie des investissements à un prix et un terme convenus à l'avance. Les investissements dits « non adossés » ne font l'objet d'aucune garantie de rachat à un prix fixé à l'avance, mais plutôt de droits à recettes négociés au cas par cas.

90 % des fonds collectés doivent être investis dans un délai de douze mois après la date d'immatriculation de la SOFICA au registre du commerce et des sociétés. Le solde peut être placé sur un compte bancaire rémunéré. Le montant de l'investissement doit être versé avant le début du tournage, ou avant la sortie en salle s'agissant des investissements en distribution. Le remboursement n'est obtenu que par les recettes futures.

b) Un régime de déduction fiscale avantageux

Conformément à l'article 238 bis HE du code général des impôts, les souscriptions en numéraire au capital de ces sociétés sont admises en déduction du revenu imposable des souscripteurs ou du bénéfice imposable, s'ils y sont assujettis. Cette réduction est de 30 % du montant souscrit :

- elle peut être portée à 36 % si les SOFICA s'engagent à consacrer 10 % de leurs investissements à la souscription au capital de sociétés de réalisation ;

- elle peut atteindre 48 % dès lors que 10 % de leurs investissements sont dédiés à la souscription au capital de sociétés de réalisation afin de participer au développement d'oeuvres audiovisuelles de fiction, de documentaire ou d'animation sous forme de séries. Elle atteint également cet étiage, si 10 % des investissements sont fléchés vers l'acquisition de droits portant exclusivement sur les recettes d'exploitation d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles à l'étranger. Ce taux de 48 % et les conditions pour l'atteindre ont été introduits en loi de finances pour 201727(*).

Comme le relève le CNC, les 12 SOFICA agréées en 2022 ont pris ce double engagement, permettant donc à leurs souscripteurs de bénéficier de ce taux majoré de 48 %. Ceux-ci doivent conserver leurs parts 5 ans pour conserver l'avantage fiscal, qui est par ailleurs plafonné à 25 % du revenu net global et à 18 000 euros par foyer fiscal. Les collectes de fonds sont annuelles.

2. Un dispositif révisé en 2021

Les SOFICA n'ont bénéficié d'aucune aide ni de mesure de soutien durant la crise sanitaire. Toutefois, le CNC s'est engagé à porter une attention « renforcée » aux « débouclages » qui pourraient s'avérer complexes et à intervenir le cas échéant, en cas de pertes avérées pour les souscripteurs particuliers. Le montant de celles-ci induites par la fermeture des salles puis par la baisse de la fréquentation n'a pas pu encore être mesuré précisément. Il le sera lors de la liquidation des SOFICA concernées (en 2025, 2026, voire 2027). Les sociétés ont néanmoins bénéficié, entretemps, d'aménagements législatifs leur permettant d'étendre leur champ d'intervention, en même temps qu'une prorogation de leur existence28(*).

La loi de finances pour 2021 a en effet prolongé de trois ans, jusqu'au 31 décembre 2023, la réduction d'impôt au titre des souscriptions au capital des SOFICA. Elle a également aménagé le dispositif afin d'élargir le champ géographique des investissements réalisés par ces sociétés. Le financement d'une SOFICA peut désormais viser des oeuvres produites par un État partie de la Convention européenne sur la coproduction cinématographique, ratifiée dans le cadre du Conseil de l'Europe par 43 États ou par un des 58 États disposant d'un accord de coproduction avec la France. Il était, jusque-là, réservé aux oeuvres produites au sein de l'Union européenne. La loi de finances a, enfin, étendu leur périmètre d'intervention en l'ouvrant aux entreprises de la distribution cinématographique, dans la limite de 15 % de leurs investissements annuels.

La première année d'investissement, en 2022, a donc permis de mettre en place de façon progressive de nouveaux contrats d'association à la distribution, les SOFICA ayant d'abord reçu très peu de demandes en raison d'une méconnaissance du dispositif. Le plafond de 15 % du total des investissements (environ 9,5 millions d'euros) n'a ainsi pas été atteint. 43 contrats ont néanmoins été conclus pour un montant total de 4,5 millions d'euros.

Le montant maximal de la collecte annuelle de l'ensemble des SOFICA a par ailleurs été rehaussé de 10 millions d'euros. Il a été ainsi porté à 73 millions d'euros en 2021, montant maintenu en 2022.

3. Un investissement de près de 50 millions d'euros en faveur du cinéma en 2022

Les SOFICA ont investi 41,6 millions d'euros (78 % en cinéma, 22 % en audiovisuel) dans la production de 181 films ou séries en 2021. 140 films ont ainsi bénéficié du concours d'une de ces sociétés en 2021, 71 % des films d'initiative française au devis compris entre 2 et 10 millions d'euros ont été financés par ce biais. Ces chiffres sont à un niveau légèrement inférieur à ceux d'avant crise. La collecte des fonds appelés à être investis en 2021, fin 2020, s'est avérée particulièrement difficile, dans un contexte de crise sanitaire et de fermeture des salles de cinéma. Le montant total de la collecte a atteint 59,3 millions d'euros, le solde de 12,3 millions étant fléché vers le développement des scénarios. À titre comparatif, les SOFICA avaient investi 44,4 millions d'euros dans la production française en 2018 et 44,2 millions d'euros en 2019.

Les chiffres de 2022 sont significativement supérieurs, le montant cumulé production, distribution et développement a atteint la somme totale de 63,6 millions d'euros, en considérant les deux secteurs.

Les SOFICA ont participé au financement de la moitié des films français ayant dépassé le cap du million d'entrées en salles en 2021 : Eiffel, Aline et Boîte noire. 3 des films français sur 4 ayant dépassé le cap des 2 millions d'entrées en 2022 ont également été financés pour partie par ce biais : Simone, Novembre et Maison de Retraite.

4. Quel avenir pour ce dispositif ?

L'association de représentation des SOFICA (ARS), auditionnée par le rapporteur spécial, estime aujourd'hui que l'avantage fiscal est loin d'être suffisant pour convaincre les investisseurs et relève notamment 3 obstacles s'agissant des futures collectes :

- l'impact au cours des trois prochaines années de la crise sanitaire et de la fermeture des salles sur les résultats des SOFICA concernées ;

- la remontée des taux d'intérêts bancaires sans risque et la perspective inflationniste qui rendent les SOFICA moins attractives. Elles présentent, selon l'ARS, au mieux un rendement analogue, mais avec un blocage des fonds pendant 6 à 7 ans et une véritable prise de risque, même en tenant compte de l'avantage fiscal et alors même que leurs frais de gestion sont les plus faibles du marché ;

- une actualité, relayée par la presse mettant en avant les difficultés du secteur et questionnant sa rentabilité.

Le projet de loi de finances pour 2024 devrait, en principe, intégrer une nouvelle prorogation du dispositif pour trois ans. Si le rapporteur spécial estime que cette prolongation ne pose pas de difficulté en soi, il s'interroge sur le caractère exorbitant que peut revêtir le taux de réduction d'impôt de 48 % voire le montant du plafond de la réduction, 18 000 euros, qui déroge au droit commun plutôt établi à 10 000 euros.

Le débat sur le projet de loi de finances pour 2024 devrait donc être l'occasion de remettre en perspective ce qui peut être qualifié de niche fiscale, et dont le coût pour les finances publiques est estimé à 35 millions d'euros en 2023. Sans remettre en cause le principe d'une incitation à l'investissement des particuliers dans le cinéma, solution que privilégie le rapporteur spécial dans le présent rapport, il s'agirait de revenir à la situation antérieure à 2017 tout en réévaluant le plafond de dépense fiscale.

Le rapporteur spécial note à cet effet que le montant de la collecte en faveur du cinéma n'a pas connu d'évolution majeure avant et après 2017. Seule l'augmentation de l'enveloppe décidée en 2021 pourrait avoir un effet dans les années à venir.

Le nombre de films aidés a, en revanche progressé. Compte-tenu des réserves exprimées plus haut sur l'adéquation entre films produits et capacité d'absorption des salles et du public, un retour à la situation antérieure à 2017 irait donc dans le bon sens. Le rapporteur spécial relève, en outre, que le montant de la dépense fiscale est supérieur à 48 % des investissements effectivement réalisés en faveur du secteur. Cette différence tient à la possibilité pour les SOFICA d'épargner 10 % des sommes collectées auprès des souscripteurs sans les réinvestir.

Nombre de films financés par les SOFICA depuis 2012 et montant des investissements effectués

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

Recommandation n° 7 (Direction générale des finances publiques, Centre national du cinéma et de l'image animée) : Proroger de trois ans le régime fiscal applicable aux sociétés de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel, en ramenant le taux majoré à 36 % et en révisant à la baisse le plafond de l'avantage fiscal, afin de réduire le coût du dispositif pour les finances publiques tout en maintenant son caractère attractif en faveur de l'investissement privé dans le cinéma français.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 17 mai 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, sur le financement public du cinéma français.

M. Claude Raynal, président. - M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la mission « Médias, livre et industries culturelles », nous présente ce matin les conclusions de son contrôle budgétaire sur le financement public du cinéma.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». - La présentation de ce rapport intervient alors que le festival de Cannes démarre. Que dire sur le cinéma français ?

Il y a trois ans, le fonctionnement du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) faisait l'objet d'un certain nombre de critiques. J'ai donc souhaité savoir ce qui ne fonctionnait pas dans le financement public du cinéma français et j'ai pour cela reçu des représentants de tous les acteurs de la filière. J'ai rarement vu une corporation faire bloc à ce point : chacun émet des réserves, mais tous prônent d'une même voix qu'il ne faut toucher à rien, de peur de faire s'écrouler l'édifice.

Le cinéma français se porte mieux que celui de nos voisins : plus 280 films ont été agréés en 2022 dans notre pays par le CNC et ont donc eu accès aux financements publics. Les Italiens, les Espagnols et les Allemands ont eu un grand cinéma dans les années 1970 et 1980, mais il s'est effondré depuis : les productions et les ventes à l'international sont désormais rares. Par conséquent, le cinéma français n'allant pas si mal, on nous recommande de ne toucher à rien.

Si l'on additionne les subventions directes, les avantages fiscaux en tous genres et les prêts ou garanties de prêts publics le financement public du cinéma se chiffre à 1,7 milliard d'euros par an. Ce montant n'intègre pas les interventions à venir dans le cadre du plan France 2030 ou celles, passées, dans le cadre du plan de relance. Or, les films français attirent de moins en moins de spectateurs : entre 2014 et 2019, le nombre de spectateurs par film agréé par le CNC a chuté 30 %. De nombreux films sont financés de manière publique mais ne sortent pas dans les salles ou bien font des scores dits « d'estime », n'attirant qu'entre 10 000 et 20 000 spectateurs.

La situation n'est donc pas si simple, mais la corporation fait bloc : si l'on diminue le montant des subventions et des aides en tous genres, le cinéma français risque de subir le même déclin que le cinéma italien, espagnol ou allemand. En outre, les représentants de la filière comparent avec un peu de mauvaise foi le cinéma français, dans toute sa diversité, avec des cinémas plus puissants et massifs. Selon eux, le cinéma français couvre toutes les cases - films d'art et d'essai, films grand public, films d'aventure ou films romantiques - et si l'on réduit les avantages fiscaux ou les aides financières, ne sortiront plus que des films grand public de type américain, à savoir les seuls qui trouveront à se financer. Le cinéma d'art et d'essai serait, dans ces conditions, voué à disparaître.

Je considère que cette position est excessive et que certains éléments méritent d'être revus : ainsi, les avantages fiscaux accordés par les Sociétés de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel (Sofica) ou le crédit d'impôt cinéma sont devenus considérables. En réalité, la question à laquelle nous devons répondre consiste à savoir si nous sommes capables d'avoir un cinéma diversifié sans pour autant que cela donne lieu à un investissement à perte.

Sans avoir la réponse définitive à cette question, j'ai émis un certain nombre de propositions dans le rapport qui vous est soumis. Je ne suis pas convaincu que le CNC y sera favorable, mais il faudra bien un jour faire bouger les lignes. Le Sénat a voté des dispositions, notamment sur la manière de prélever les taxes, que le Gouvernement n'a pas reprises.

Les critiques sur le CNC ont cessé avec la crise sanitaire : en effet, le CNC a alors déversé « un pognon de dingue » pour couvrir, voire surcouvrir, tous les acteurs de la filière.

On ne trouve aucun film français en 2022 dans le classement des dix premiers films qui ont attiré le plus grand nombre de spectateurs. Globalement, la production cinématographique est financée à 31 % par des fonds publics. En 2021, le montant de la dépense publique, budgétaire et fiscale, en faveur de la production cinématographique a atteint 747 millions d'euros, hors mesures d'urgence et plan de relance. Si l'on élargit la focale à l'ensemble du secteur, soit la production mais aussi la distribution et l'exploitation, en intégrant notamment les aides de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (Ifcic) et celles de Bpifrance, l'intervention publique et son exposition au risque dans le secteur du cinéma a représenté en 2021 environ 1,7 milliard d'euros.

Durant la crise sanitaire, le CNC a versé près de 270 millions d'euros à l'ensemble de la filière. 63 % de ces crédits ont été fléchés vers les salles afin d'éviter qu'elles ne ferment définitivement. La mission « Plan de relance » a prévu, par ailleurs, 165 millions d'euros à destination du CNC sur la période 2021-2022, ce qui lui a notamment permis de passer la crise sanitaire.

Le CNC, créé en 1946, est une institution - un État dans l'État - qui ne bénéficie d'aucun crédit budgétaire, mais qui récupère les taxes : la taxe sur les services de télévision, la taxe sur les services de télévision due par les distributeurs de services, la taxe sur la diffusion vidéo et la taxe sur les entrées de salle. Ces quatre taxes devraient représenter un montant de 710 millions d'euros en 2023.

Il était prévu en loi de finances pour 2020 que la collecte des taxes serait assurée directement par Bercy et non plus par le CNC. Il est en effet aberrant que celui qui distribue les subventions soit aussi celui qui collecte les taxes. La mesure a finalement été supprimée en loi de finances pour 2023, de sorte que la situation reste la même. Le Sénat s'était opposé lors de l'examen du texte au maintien de ce statu quo. En effet, en transférant la collecte à Bercy, les coûts de fonctionnement du CNC auraient pourtant diminué.

Le CNC intervient par le biais de son fonds de soutien pour distribuer des aides, automatiques et sélectives, qui peuvent représenter jusqu'à 70 % du financement d'un projet de film. Cela a permis de conserver la diversité du cinéma français, mais 280 films par an, compte tenu du nombre de films étrangers qui s'y ajoutent, cela représente plus que ce que les salles peuvent diffuser, dans un contexte marqué, par ailleurs, par l'émergence des plateformes. Celles-ci contribuent au financement public du cinéma à hauteur de 50 millions d'euros par an, mais elles sont probablement aussi en partie responsables de la baisse de fréquentation des salles de cinéma et elles bénéficient d'un accès au fonds de soutien du CNC et aux crédits d'impôt. En réalité, le financement du cinéma n'y gagne pas.

Dans la mesure où l'une des taxes prélevées par le CNC porte sur les entrées de salle, dès lors qu'un film américain enregistre 5 millions d'entrées en France, le CNC y gagne. Les grands films étrangers participent au financement du cinéma français dans un système en circuit clos.

Les films français sont par ailleurs moins rentables qu'autrefois. Il a suffi de sept à huit ans, entre 2012 et 2019, pour que l'on passe de 1,7 million à 1,2 million d'euros de recettes moyennes par film.

L'Ifcic est un autre financeur, qui fonctionne en tant qu'établissement de crédit en accordant des financements sous la forme de garanties bancaires ou de prêts. L'encours des prêts garantis octroyés à la production et à la distribution cinématographiques atteignait 600 millions d'euros à la fin de 2021. Il s'agit donc d'un acteur considérable pour le financement des films.

Plus récemment, Bpifrance a commencé à soutenir les aspects techniques et matériels liés à la production de films sous la forme de prêts, de garanties de prêts ou d'actions en fonds propres pour un montant de 238 millions d'euros en 2022 . Ce montant couvre à la fois les entreprises de la filière cinématographique et celles de l'audiovisuel.

L'action de ces deux acteurs nous incite à proposer qu'on les rapproche pour former un fonds d'investissement unifié qui déchargerait progressivement l'État du financement de la prise de risque artistique par des outils budgétaires. Ce fonds d'investissement pourrait être abondé par la réactivation de certains financements du CNC en faveur de l'Ifcic, selon ce que décidera le Gouvernement.

J'ajoute que le plan France 2030, supervisé par le CNC, constitue un autre apport, avec un appui massif sur les conditions de tournage. En effet, au tournant des années 2000, les films français étaient souvent réalisés, produits et tournés en Europe de l'Est, car les coûts y étaient moindres. Puis, le CNC a participé à l'élaboration de crédits d'impôts pour la relocalisation des tournages en France, avec succès. Il faut ainsi mentionner deux crédits d'impôt au montant dynamique : le crédit d'impôt pour les dépenses de production cinématographique, autrement appelé « crédit d'impôt cinéma », qui représente 160 millions d'euros par an, et le crédit d'impôt pour les dépenses de production de films et oeuvres audiovisuelles étrangers, dit « crédit d'impôt international », qui représente 120 millions d'euros. Ces avantages fiscaux visent à attirer le tournage de grands films étrangers, notamment à Paris, dont ils donnent une image parfois embellie.

Depuis vingt à vingt-cinq ans, les collectivités territoriales ont également mis en place des aides, qu'il s'agisse des régions ou même des départements et des métropoles, afin que l'on vienne tourner des films sur leur territoire. Les interventions publiques se sont donc multipliées pour obtenir la relocalisation des tournages.

Les acteurs publics interviennent désormais pour financer la construction de très grands studios. En effet, les studios classiques, comme ceux de Boulogne autrefois, ne suffisent plus et il s'agit de développer les lieux de tournage en France.

Le plan France 2030 devrait ainsi consacrer 350 millions d'euros de subventions à la filière du cinéma et de l'audiovisuel. Quelque 175 dossiers de candidature ont été déposés pour des investissements privés qui devraient atteindre 3 milliards d'euros et qui seront complétés par des investissements publics à hauteur de 1 million d'euros.

Au final, d'importants efforts ont été réalisés pour réduire la délocalisation des tournages, dont les résultats sont probants, puisque seuls 10 % des tournages de productions françaises sont réalisés à l'étranger.

Les productions éligibles à ces dispositifs fiscaux laissent cependant sceptique. En effet, certains films de qualité ne pourraient pas se faire sans les aides publiques. Mais d'autres, comme Astérix et Obélix, L'Empire du Milieu ou Les Trois Mousquetaires, bénéficient du crédit d'impôt cinéma, alors qu'ils sont largement soutenus par des sociétés de production et qu'ils sont sûrs de trouver leur public. Faut-il soutenir de la même manière des films de qualité qui sont difficiles à réaliser et d'autres dont on sait d'emblée qu'ils seront rentables et équilibrés financièrement ?

On me rétorque qu'il reste difficile de décider si tel ou tel film est de qualité et doit être subventionné. En effet, certains films qui avaient peu de chances de trouver leur public ont finalement attiré 200 000 à 300 000 spectateurs, ce qui a permis de couvrir leurs coûts. S'agissant des aides directes, en général, il revient aux commissions qui siègent au sein du CNC d'opérer des choix pour une partie d'entre elles. Mais, en ce qui concerne les dispositifs d'avantages fiscaux, ils s'appliquent de manière quasi automatique.

Les Sofica jouent également un rôle particulier. Il s'agit de sociétés de financement qui reposent sur la collecte de fonds privés consacrés à la production de films. Elles fonctionnent de manière classique, mais progressivement la réduction d'impôt pour les souscripteurs est devenue considérable : longtemps autour de 30 %, elle a été portée à 36 % dès lors que les Sofica s'engagent à consacrer 10 % de leurs investissements à la souscription au capital sociétaire de réalisation et, depuis 2017, elle peut atteindre 48 %, dès lors que 10 % des investissements sont dédiés à la souscription au capital de sociétés de réalisation participant au développement d'oeuvres audiovisuelles, de fiction, de documentaires ou d'animation.

Les douze Sofica agréées en 2022 ont, bien évidemment, pris les engagements nécessaires pour bénéficier de cette déduction fiscale à un taux de 48 %. Ces sociétés n'ont pas un rôle clé dans le financement du cinéma. Elles ont investi 32 millions d'euros dans la production en 2021, ce qui reste modeste par rapport aux autres acteurs. Toutefois, cette niche fiscale semble de plus en plus curieuse, même si les acteurs nous répètent qu'il ne faut rien changer. Rappelons que jusqu'en 2017 les Sofica fonctionnaient très bien sans bénéficier d'une déduction fiscale de cette ampleur. Les avantages fiscaux dont bénéficient les Sofica pourraient donc être revus.

Après la création du CNC en 1946, la filière du cinéma a obtenu progressivement la création de systèmes d'aide supplémentaires. Le cinéma français se porte mieux que celui des pays voisins et le CNC s'empresse de s'ériger en modèle envié par tous. Toutefois, la Corée du Sud est le seul pays à avoir mis en place l'équivalent d'un CNC ; il est vrai que le cinéma sud-coréen se porte beaucoup mieux, depuis lors.

En conclusion, le cinéma français va bien, mais à quel prix ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je remercie le rapporteur spécial, qui nous a fait le panégyrique d'un certain nombre de films dans les titres de son rapport. Il ouvre un questionnement sur les moyens dont dispose l'industrie du cinéma et plus largement les industries créatives. On mesure le rôle important et la place éminente, voire politique, du CNC dans les modalités de financement et d'accompagnement de ces industries.

Le rapport s'achève par sept recommandations. Nous constatons que des moyens supplémentaires ont été dégagés pour le cinéma et il est donc utile de nous interroger sur le niveau de financement public qu'il convient de maintenir, compte tenu du taux de fiscalité élevé dans notre pays et du montant important des dépenses publiques. Des dispositifs d'aide nouveaux ont été mis en place par Bpifrance et dans le cadre du plan France 2030. Évitons de nous arc-bouter sur l'acquis et sachons prendre en compte ces évolutions. Le rôle des collectivités territoriales s'est accru. Je souscris entièrement aux propositions du rapporteur spécial, qui nous incite à ouvrir une réflexion sur certains points. Nous pourrons nous en inspirer lors des prochaines discussions budgétaires.

M. Claude Raynal, président. - Merci pour votre présentation qui témoigne de vos qualités reconnues de précision et de synthèse.

Lorsque vous chiffrez le montant du financement public à 1,7 milliard d'euros, cela comprend-il les aides des collectivités territoriales ?

Vous avez abordé le sujet de la contribution des blockbusters américains au cinéma français grâce au nombre d'entrées en salle. Je trouve que c'est plutôt un bon système que je comparerais volontiers à la TVA sur les produits importés : le produit de la taxe sert ensuite à la production française. Il n'y a là rien de choquant.

Je suis sinon réservé sur votre deuxième recommandation, qui porte sur le transfert de la gestion des taxes à Bercy. Je comprends parfaitement les réticences des professionnels du cinéma, car une fois le produit des taxes entré à Bercy, il sera compliqué de l'en faire sortir à l'identique, si je puis le dire ainsi.

Enfin, sur la relocalisation des tournages en France et le financement de grands studios, l'expérience s'est autrefois soldée par un échec. Pouvons-nous créer de grands studios sans que cela soit un échec ?

M. Antoine Lefèvre. - Les collectivités territoriales, départements et régions, fournissent une part importante du financement public. Quel volume représentent ces aides pour le cinéma ? Elles ne sont pas négligeables, à en croire les logos des régions qui figurent à la fin des génériques.

Mme Vanina Paoli-Gagin. - À hauteur de 1,7 milliard d'euros, le montant des dépenses publiques pour le cinéma est important et je suis surprise de ne pas trouver en regard le montant des recettes générées. C'est dans leur aspect dynamique qu'il faut analyser les dépenses publiques.

Quant au cinéma sud-coréen, il fait largement appel à l'investissement privé. L'industrie du capital-risque culturel privé vient abonder ce qui fait figure d'équivalent de notre CNC. Le modèle est donc différent du nôtre.

M. Michel Canévet. - Je félicite le rapporteur pour son travail, qui ouvre des pistes pour réduire la dépense publique en général.

Quels sont les frais de gestion du CNC ? Les dépenses du fonds de soutien ont représenté 425 millions d'euros cette année. Le produit des taxes s'élève à 710 millions d'euros. Les dépenses de soutien représentent donc un peu moins de 60 % du produit des taxes. À quoi sont employés les 40 % qui restent ? J'espère qu'il ne s'agit pas des frais de gestion du dispositif...

Les films peuvent être subventionnés de 40 % à 70 % et le crédit d'impôt sur les dépenses peut aller jusqu'à 30 millions d'euros. Celui-ci s'applique-t-il aussi aux dépenses financées par une subvention du CNC ?

Enfin, je souscris à la recommandation n° 6 : alors qu'un certain nombre de films réalisent des profits extraordinaires, nous devrions nous poser la question de savoir s'ils ont vraiment besoin qu'on les accompagne en les faisant bénéficier de dispositifs fiscaux avantageux. J'espère que des propositions pourront être formulées lors de la prochaine session budgétaire.

M. Jean-Michel Arnaud. - Je souligne aussi la qualité de ce rapport et de la présentation de notre collègue Roger Karoutchi.

L'accompagnement en matière d'allègement des charges sociales liées au statut des intermittents du spectacle constitue une part importante dans le financement de la production cinématographique française. Il faudrait intégrer cette charge allégée dans le calcul, si l'on veut se faire une idée exacte du montant de l'aide publique apportée à notre cinéma.

Vous avez mentionné la possibilité de différencier l'attribution de l'aide publique en fonction de la nature des films et vous posiez la question de savoir ce qu'était un cinéma d'auteur par rapport à un cinéma grand public. Une classification existe au sein du CNC sous la forme de l'agrément « salle d'art et d'essai ». Pourquoi ne pas s'en servir pour affiner l'attribution des aides en la rééquilibrant en faveur de ces salles ?

Le financement des collectivités locales a été mentionné à plusieurs reprises. Il serait intéressant de mesurer précisément l'apport des finances publiques locales au financement global du cinéma français.

J'aimerais avoir plus d'informations quant au développement du réseau de distribution des salles. Dans nos territoires respectifs, certains propriétaires de salles de cinéma ont des projets de développement importants, notamment dans des villes de taille intermédiaire, à l'image de ce qu'ont pu faire les libraires dans un autre domaine. J'aimerais comprendre la logique économique de ce développement : si le public n'augmente pas à due proportion, le réseau des salles de cinéma risque d'être surdimensionné, ce qui aura des conséquences sur l'avenir du financement public du cinéma, y compris dans sa dernière chaîne de production, à savoir la distribution et les salles de cinéma.

M. Didier Rambaud. - Je salue l'originalité de ce rapport.

Quel regard portez-vous sur l'état du parc des salles de cinéma dans notre pays ? Quand on est maire d'une petite commune, on considère la présence d'un cinéma comme un facteur d'attractivité contribuant aussi au développement d'une certaine économie locale. Dans le cadre du dispositif Petites Villes de demain, de nombreux maires souhaitent réhabiliter leurs salles de cinéma. Est-ce un bon choix compte tenu de l'explosion des plateformes ? Le CNC contribue-t-il au financement de l'équipement des salles de cinéma ?

M. Philippe Dominati. - L'apport des collectivités territoriales dans le cinéma français est important et cela pose question. En effet, le cinéma est un milieu d'entre-soi et les films peuvent se faire pour des raisons alimentaires. Le financement public de l'État est complété par une multitude de subventions en provenance des collectivités territoriales. Cela me rappelle la problématique qui existait dans le milieu du sport, il y a quelques années, lorsque les collectivités territoriales subventionnaient les clubs de football régionaux. Les grands clubs de football professionnels recevaient du département et de la municipalité des subventions importantes tout comme les petits clubs pour lesquels ces aides étaient nécessaires ; et l'on n'arrivait pas à distinguer entre les deux. L'État a fini par interdire ce type de subvention.

Ne faudrait-il pas réguler de la même manière l'afflux des finances publiques de la part des collectivités territoriales en faveur du cinéma ? Faut-il centraliser ou décentraliser ? Quoi qu'il en soit, il faudrait un arbitre, car le montant du financement public représente une somme importante pour le contribuable.

M. Jérôme Bascher. - M. Karoutchi nous dit que le CNC est un modèle que de nombreux pays nous envient, mais d'autres modèles existent comme Hollywood ou Bollywood, qui sont les deux premiers cinémas du monde. La percée du cinéma indien sur le continent asiatique est colossale.

Les salles de cinéma ont moins de succès que la télévision lorsque l'on veut voir des films. Je me félicite donc que les régions se battent pour avoir des tournages sur leur territoire ou bien pour que des téléfilms auxquels elles servent de décor aient la meilleure audience possible - par exemple, la série télévisée « Meurtre à... ».

Jusqu'en 2005, tous les tournages se faisaient à l'étranger. Je me félicite de la relocalisation des tournages, qui offre des retombées aux régions, notamment à travers la publicité touristique. Le premier grand tournage relocalisé a été celui du Da Vinci Code en 2005, au Louvre.

La recommandation n° 4 sur l'Ifcic, Bpifrance et le CNC est intéressante et novatrice. Il faudrait creuser l'idée.

M. Sébastien Meurant. - Je m'interroge sur les retombées économiques et le nombre d'emplois liés à l'industrie cinématographique.

En ce qui concerne le financement des collectivités territoriales et de l'État, on a du mal à consolider les chiffres.

La recommandation n° 4 est très intéressante : elle vise à remplacer un investissement public par un investissement privé. Je suis partagé sur le sujet, car certains établissements publics sont profitables et d'autres moins. En outre, certaines petites collectivités se retrouvent à devoir financer leur cinéma, ce qui peut être compliqué dans la mesure où notre taux de prélèvement est supérieur à celui des autres pays.

M. Rémi Féraud. - Vous dites que le monde du cinéma ne souhaite pas que l'on touche au CNC. La comparaison avec la politique du logement est éclairante sur ce point : en effet, en 2017, on a établi le constat que l'on y consacrait des moyens onéreux pour des résultats très imparfaits, de sorte qu'on les a largement remis en cause, avec pour résultat que la situation a empiré.

Que propose le monde du cinéma ? S'agit-il simplement de ne rien changer ou bien y a-t-il des demandes particulières et comment les acteurs de la filière perçoivent-ils les propositions que vous faites ?

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. - Quelques chiffres : on estime le montant de l'apport financier des collectivités territoriales à 96 millions d'euros par an, qui sont intégrés dans les 1,7 milliard d'euros de financement public du cinéma français.

Il est difficile de mesurer le montant des recettes qui proviennent du cinéma. En 2021, le nombre d'entrées au cinéma pour des films français a représenté 670 millions d'euros, ce qui n'est pas considérable. Quelles sont les retombées en matière d'emploi ? Il est difficile de dire qu'elles sont liées au financement public du cinéma, car on peut imaginer que les acteurs seraient quand même acteurs si le CNC n'existait pas. On estime que la part des emplois liés à l'ensemble des activités cinématographiques représente 1 % du nombre d'emplois actifs en France.

Faut-il prendre en compte les allègements de charges liés au statut des intermittents ? Je ne le crois pas, car les intermittents travaillent dans le milieu du spectacle et pas seulement du cinéma. Le soutien aux intermittents est donc assuré non pas par le CNC, mais par d'autres structures.

On compte 2 028 cinémas en France et 1 671 communes disposent d'au moins un établissement. Parmi ceux-ci, 233 sont des multiplexes. Je précise qu'un multiplexe est toujours moins coûteux et plus rentable qu'un autre type de salle.

Le président Raynal considère que transférer la gestion des taxes à Bercy n'est pas une bonne solution, mais le cinéma est une activité économique comme une autre en France. Or c'est le seul système économique français dans lequel celui qui attribue les subventions est aussi celui qui collecte les taxes. Le Sénat a par ailleurs approuvé, il y a quelques années, le principe d'un transfert de la collecte des taxes à Bercy proposé par le Gouvernement. Cette proposition n'a bien évidemment pas reçu l'agrément du CNC.

Monsieur Bascher, la capacité de financement privé aux États-Unis et en Inde est nettement supérieure à ce qu'elle est en France. Je ne dis pas que le CNC est le seul modèle valable. Je rappelle que le cinéma français des années 1930 était classé parmi les meilleurs au monde, et cela sans CNC. Bien évidemment, les temps ont changé.

Quant aux frais de gestion du CNC, ils représentent 55 à 56 millions d'euros par an, le reste servant à soutenir la production, l'exploitation ou la distribution, mais aussi l'audiovisuel et les jeux vidéo. Ces frais de gestion ne sont pas démesurés par rapport au système du financement public.

Plusieurs tentatives de créer de grands studios de cinéma, notamment dans le sud de la France, ont été des échecs. Les projets sont désormais plus raisonnables. Dans la mesure où l'on délocalise de moins en moins, la volonté de développer ces studios existe. Certes, le cinéma fonctionne en vase clos, mais les intervenants que nous avons rencontrés nous ont expliqué qu'un grand acteur, un grand producteur ou un grand réalisateur avait forcément un accès privilégié au pouvoir exécutif. Si un acteur très médiatisé rencontre le Président de la République ou le Premier ministre, il peut pratiquement obtenir tout ce qu'il veut.

En revanche, on peut essayer de rationaliser un système qui s'est démultiplié à l'excès et de prévoir davantage de contrôle et de suivi. Dans les sondages, il apparaît que tous les citoyens rêvent qu'il y ait un cinéma dans leur ville, quand bien même ils n'iraient pas. Les collectivités territoriales ont-elles raison ou non de soutenir la création cinématographique ? Aucun maire ne considère qu'il serait négatif de mentionner dans son bilan le fait qu'il y a un cinéma dans sa ville.

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et a autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC)

- M. Dominique BOUTONNAT, président ;

- M. Olivier HENRARD, directeur général délégué ;

- M. Vincent VILLETTE, directeur financier et juridique ;

- M. Lionel BERTINET, directeur du cinéma.

Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC)

- M. Karim MOUTTALIB, directeur général ;

- M. Sébastien SAUNIER, directeur du crédit aux entreprises ;

- Mme Géraldine SEGOND, directrice des crédits au cinéma et à l'audiovisuel.

Bpifrance

- M. Nicolas PARPEX, directeur du pôle Industries culturelles et créatives ;

- M. Jean-Baptiste MARIN-LAMELLET, directeur des relations institutionnelles.

Direction générale des finances publiques (DGFiP)

- M. Olivier TOUVENIN, chef du service de la gestion fiscale (GF) ;

- M. Alain PIAU, chef de la mission Unification du recouvrement fiscal (MURF) ;

- Mme Marianne BLOQUET, cheffe de la mission Rationalisation des réseaux publics du recouvrement.

Direction de la législation fiscale (DLF)

- M. Aulne ABEILLE, sous-directeur de la fiscalité directe des entreprises (B) ;

- M. Augustin HARB, chef du bureau Champ, taux et régimes particuliers de la fiscalité directe des entreprises (B2) ;

- M. François LECORNÉ, adjoint au chef du bureau Principes généraux de l'impôt sur le revenu (C1).

Société civile des Auteurs Réalisateurs Producteurs (ARP)

- Mme Lucie GIRRE, déléguée générale ;

- Mme Joyce DARDANNE, déléguée générale adjointe.

Société des réalisatrices et réalisateurs de films (SRF)

- Mme Éléonore WEBER, co-présidente ;

- Mme Rosalie BRUN, déléguée générale ;

- Mme Axelle ROPERT, secrétaire.

Union des réalisatrices et des réalisateurs (U2R)

- M. Laurent JAOUI, président ;

- M. Jean ACHACHE, réalisateur.

Union des producteurs de cinéma (UPC)

- Mme Isabelle MADELAINE, présidente.

Syndicat des Producteurs Indépendants (SPI)

- M. Gilles SACUTO, président ;

- M. Édouard MAURIAT, président Longs-métrages ;

- M. Sébastien COLIN, délégué général.

AnimFrance

- M. Damien BRUNNER (Folivari), vice-président du Collège Cinéma.

Association des Producteurs Indépendants (API)

- Mme Hortense de LABRIFFE, déléguée générale.

Fédération des Jeunes Producteurs Indépendants (FJPI)

- M. Guillaume DONOT, administrateur ;

- Mme Ghislaine CHOUPAS-LOOBUYCK, secrétaire générale ;

- M. Valéry du PELOUX, producteur (Les artisans du Film).

Syndicat des Distributeurs Indépendants (SDI)

- M. Étienne OLLAGNIER, co-président ;

- Mme Jane ROGER, co-présidente ;

- Mme Emmanuelle DÖRY, déléguée générale.

Association des Exportateurs de Films (ADEF)

- M. Grégoire MELIN, président ;

- Mme Agnès DURVIN, déléguée générale.

Distributeurs Indépendants Réunis Européens (DIRE)

- M. Hugues QUATTRONE, délégué général.

Unifrance

- Mme Daniela ELSTNER, directrice générale ;

- M. Axel SCOFFIER, secrétaire général.

Fédération Nationale des Éditeurs de Films (FNEF)

- M. Victor HADIDA, président ;

- Mme Hélène HERSCHEL, déléguée générale.

Association Française des Cinémas Art et Essai (AFCAE)

- M. Guillaume BACHY, président ;

- M. David OBADIA, délégué général.

Fédération Nationale des Cinémas Français (FNCF)

- M. Richard PATRY, président délégué

- M. Marc-Olivier SEBBAG, délégué général ;

- M. Erwan ESCOUBET, directeur des affaires réglementaires.

Syndicat des Cinémas d'Art, de Répertoire et d'Essai (SCARE)

- M. Sylvain CLOCHARD, vice-président ;

- Mme Béatrice BOURSIER, déléguée générale.

Association de Représentation des SOFICA (ARS)

- M. Serge HAYAT, co-président ;

- M. Guillaume SORNE, délégué général ;

- Mme Danielle KADEYAN, présidente SOFICA SOFITVCINE.

Le Film français

- M. Florian KRIEG, journaliste.

Représentants du personnel de France Télévisions

CFDT France Télévisions

- Mme Yvonne ROEHRIG, déléguée syndicale ;

- M. Christophe PAULY, secrétaire national.

FO France Télévisions

- Mme Marie-Pierre SAMITIER, déléguée syndicale centrale ;

- M. Claude LAURET, délégué syndical central ;

- M. Bruno DEMANGE, secrétaire général FO médias, et délégué syndical central.

CGT France Télévisions

- M. Pierre MOUCHEL, secrétaire général du SNRT-CGT FTV ;

- M. Jean-Hervé GUILCHER, secrétaire du CSE du réseau France 3.

Direction générale des médias et des industries culturelles - Ministère de la Culture

- M. Jean-Baptiste GOURDIN, directeur général ;

- Mme Julie GHIBELLINI, sous-directrice de l'audiovisuel ;

- Mme Marie de la TAILLE, cheffe du bureau secteur audiovisuel public ;

- M. Sébastien CROIX, chef du bureau du régime juridique de l'audiovisuel, conseiller auprès du directeur général pour les questions juridiques.

Producteurs audiovisuels indépendants

- M. Stéphane LE BARS, délégué général, Union syndicale de la production audiovisuelle (USPA) ;

- M. Jérôme CAZA, président, Syndicat des producteurs et créateurs de programmes audiovisuels (Spect.) ;

- M. Christian GERIN, président, Syndicat des agences de presse audiovisuelles (SATEV).

Producteurs de cinéma indépendants

- Mme Isabelle MADELAINE, présidente de l'Union des producteurs de cinéma ;

- M. Gilles SACUTO, président du Syndicat des producteurs indépendants ;

- Mme Marion GOLETTY, déléguée cinéma, Syndicat des producteurs indépendants ;

- M. Damien BRUNNER, vice-président du Collège cinéma, Anim France.

Société des auteurs et compositeurs dramatiques

- M. Pascal ROGARD, directeur général ;

- M. Patrick RAUDE, secrétaire général.


* 1 Jérôme Fourquet et Jérémie Peltier, Grosse fatigue et épidémie de flemme : quand une partie des Français a mis les pouces, Fondation Jean Jaurès, novembre 2022.

* 2 IFOP, La SVOD un sérieux concurrent à la fréquentation des salles de cinéma.

* 3 Directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (SMA).

* 4 La SVOD, un sérieux concurrent à la fréquentation des salles de cinéma, IFOP, mai 2022.

* 5 Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne, Centre-Val de Loire, Corse, Grand Est, Guadeloupe, Guyane, Hauts-de-France, Île-de-France, Martinique, Normandie, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte d'Azur, La Réunion.

* 6 Alpes-Maritimes, Charente, Charente-Maritime, Dordogne, Drôme, Gironde, Haute-Savoie, Landes, Lot-et-Garonne, Seine-Saint-Denis.

* 7 Bordeaux Métropole, Eurométropole de Strasbourg, Toulouse Métropole, Agglomération de Valence Romans.

* 8 Ville de Bordeaux, Ville de Paris.

* 9 Plus belle France Télévisions ? Une stratégie commerciale en questions. Rapport d'information n° 650 (2021-2022) de M. Roger Karoutchi, au nom de la commission des finances du Sénat.

* 10 Le crédit d'impôt international (C2I) vise exclusivement els dépenses de productions internationale réalisées en France.

* 11 25 % de la dépense fiscale est orientée vers le financement du cinéma.

* 12 Cette répartition intègre des dispositifs communs à l'audiovisuel et au cinéma (intervention de bpifrance, crédit d'impôt international, aides du CNC).

* 13 Article D. 331-17 du code du cinéma et de l'image animée.

* 14 Trois commissions de 5 membres (ASR1, ASR2, ASR3) évaluent, avant réalisation, les projets visant respectivement les premiers films, les deuxièmes et troisièmes films et les quatrièmes et cinquième films. Une commission vise l'après réalisation. Chacune est présidée par un binôme paritaire de professionnels.

* 15 Le CNC a pris ici le relais d'un appui assuré jusqu'en 2016 par Canal +.

* 16 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 17 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 18 Article 80 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 19 Cinéma et Régulation - Le cinéma à la recherche de nouveaux équilibres : relancer des outils, repenser la régulation. Rapport de M. Bruno Lasserre, assisté par M. Alexis Goin, remis au ministre de l'économie, des finances, de la souveraineté industrielle et numérique et à la ministre de la culture.

* 20 Rapport sur le financement privé de la production et de la distribution cinématographiques et audiovisuelle, Décembre 2018.

* 21 Articles 220 F et 220 sexies du code général des impôts.

* 22 Rémunérations versées aux auteurs, aux artistes interprètes, aux artistes de compléments aux techniciens et ouvriers dans la limite d'un plafond introduit en loi de finances pour 2020 (15 % de la part du coût de production de l'oeuvre inférieure à 4 millions d'euros, 8 % si ce cout est compris entre 4 et 7 millions d'euros, 5 % si le coût est compris entre 7 et 10 millions d'euros, article 138 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020) , dépenses liées à l'utilisation de studios, de construction de décors, d'effets spéciaux, de costumes, de maquillage et de coiffure, dépenses de matériel technique de tournage, dépenses de post-production, acquisition de pellicules et autres supports d'image, dépense de laboratoire, hébergement, transport et restauration, ces deux derniers postes étant également plafonnés (article 138 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020).

* 23 Article 220 quaterdecies du code général des impôts.

* 24 Article 138 de la loi n° 2019-1479 du 29 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 25 Évaluation des divers crédits d'impôts gérés par le ministère de la Culture, rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires culturelles, octobre 2018.

* 26 Article 40 de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.

* 27 Article 8 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 28 Articles 115 et 116 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.