II. LES CINQ PILIERS DU CINÉMA FRANÇAIS

Le cinéma est pour reprendre la célèbre formulation d'André Malraux, « un art, et par ailleurs une industrie ».

La justification du soutien public réside donc dans le constat qu'en son absence, l'art ne pourrait précisément pas survivre aux contraintes industrielles du secteur. Le cinéma français repose ainsi sur la combinaison de cinq « piliers », tous indispensables.

A. PREMIER PILIER : LE CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L'IMAGE ANIMÉE, BRAS ARMÉ DU SOUTIEN PUBLIC

1. Une « institution »

Le cinéma français dispose avec le Centre National du cinéma et de l'image animée (CNC) d'un appui financier et institutionnel sans équivalent dans l'ensemble des industries culturelles, et qui a inspiré la création du Centre National du livre (CNL) et du Centre National de la Musique (CNM). La définition du champ de ses missions ouvre aujourd'hui la partie législative du code du cinéma et de l'image animée, ce qui souligne bien son positionnement central dans le secteur et plus largement la place spécifique et enviée du cinéma en France.

Le CNC dispose aujourd'hui d'un statut particulier, à la fois administration centrale de l'État, mais également établissement public placé sous la tutelle des ministres de la culture et du budget.

Le CNC a été créé par un vote à l'unanimité de l'Assemblée nationale constituante du 25 octobre 1946, soit cinq mois après la signature des accords dits « Blum-Byrnes » du 28 mai 1946. En échange d'une annulation partielle de la dette française, ces accords ont mis un terme aux quotas très restrictifs sur les films américains existant depuis 1936.

Dès le 24 septembre 1948 était créée la taxe spéciale additionnelle (TSA), ancêtre de la taxe sur le prix des entrées aux séances organisées par les exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques en vigueur depuis 2007 - et d'ailleurs toujours désignée par l'acronyme de TSA. Le principe, extrêmement novateur à l'époque, consiste à appliquer une taxe sur le prix de l'ensemble des billets vendus dans les cinémas, au profit d'un fonds qui ne bénéficie qu'aux films français. De la sorte est instauré un mécanisme vertueux qui revient à faire financer par les grands succès du box-office, souvent américains, les productions nationales. Aujourd'hui encore, la taxe représente 20 % des ressources du CNC.

Dès son origine, le Centre se voit doté de larges attributions, notamment le soutien aux productions nationales cinématographiques par le biais de subventions ou la coordination d'ensemble de l'industrie. Son champ d'action a depuis lors évolué avec les technologies, avec un fonds de soutien à la production audiovisuelle deux fois plus important que celui dédié au cinéma.

Plus ancien de treize ans qu'un ministère de la culture créé en 1959, le CNC dispose d'une véritable autonomie, qui le place parfois dans la position ambiguë d'un relais des politiques publiques et d'un véritable « lobbyiste » d'un monde du cinéma qui le perçoit comme son allié naturel, voire « sa maison ».

2. Un budget largement autonome

Le CNC dispose de capacités d'action sans commune mesure avec les autres administrations ou établissements publics. Son budget repose en effet sur quatre taxes qui lui sont directement affectées, sans recours - hors période pandémique - aux crédits budgétaires, ce qui le met à l'abri de la régulation budgétaire.

Chacune de ces taxes frappe un secteur particulier. Elles ont par ailleurs évolué pour tenir compte des bouleversements technologiques.

1) La taxe sur les entrées en salles de cinéma (TSA), fondation historique du Centre depuis 1948, est recouvrée et contrôlée directement par le CNC. Elle est assise sur les recettes de la billetterie des salles de cinéma. Son taux est de 10,72 % en métropole et de 5 % pour les départements ultramarins.

2) La taxe sur les services de télévision (TST) est recouvrée et contrôlée directement par le CNC depuis 2010. Elle est divisée en deux fractions : une fraction pour les éditeurs, une autre pour les distributeurs :

a) première fraction : la taxe éditeurs (TST-E) est assise sur les recettes de publicité et de parrainage y compris sur les services de télévision de rattrapage, sur les recettes issues des appels surtaxés et SMS et sur le produit des ressources publiques des chaînes. Son taux est de 5,15 % et l'assiette imposable fait l'objet d'un abattement de 10 millions d'euros réparti entre éditeurs et régies ;

b) seconde fraction : la taxe distributeurs (TST-D). Elle est assise, d'une part, sur les abonnements et autres sommes acquittés par les usagers en rémunération d'un ou plusieurs services de télévision et, d'autre part, sur les abonnements et autres sommes acquittés par les usagers en rémunération de services souscrits dans le cadre d'offres d'accès à internet, dès lors que cet accès permet de recevoir des services de télévision. Pour les distributeurs de services de télévision, la taxe est calculée en appliquant des taux allant de 0,5 % à 3,5 % à la fraction de chaque part du montant des encaissements annuels hors TVA qui excède 10 millions d'euros. Le taux marginal est majoré de 3,3 % pour les éditeurs de service de télévision qui s'auto-distribuent et s'élève donc à 6,8 %.

3) La taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV), créée en 1993, frappait initialement les supports physiques de vidéo, à l'époque les vidéocassettes. Son assiette a évolué avec les modes de consommation : la vidéo à la demande en 2004, les plateformes de streaming payantes établies à l'étranger en 2013 (« taxe Netflix »), les plateformes gratuites en 2016 (« taxe YouTube »).

La taxe est due par les opérateurs établis hors de France, mais visant le marché français, et son assiette intègre par ailleurs les recettes publicitaires tirées de la diffusion de vidéos en ligne. Son taux est de 5,15 %, et 15 % pour les opérations portant sur des contenus à caractère pornographique ou d'incitation à la violence. Elle est recouvrée et contrôlée par la DGFIP, qui prélève 2,5 % de son produit au titre de ses frais de gestion.

Produit des taxes affectées au CNC

 

Prévisions 2023

Prévisions 2024

 % des recettes
en 2024

Taxe sur les entrées (TSA)

137,7

150,4

21 %

TST

465,6

450,7

64 %

dont TST-E

264

262,9

38 %

dont TST-D

201,6

187,8

26 %

TSV

107,5

109,9

15 %

Total

710,8

711

100 %

Les taxes affectées au CNC ont suivi de près l'évolution des technologies pour associer au financement de la création cinématographique et audiovisuelle l'ensemble des acteurs économiques réputés en tirer profit, même si le lien peut paraitre moins évident que pour la TSA.

Sur le moyen terme, les recettes issues des taxes affectées paraissent extrêmement stables, ce qui s'explique en réalité par une politique d'adaptation active de la fiscalité affectée aux besoins du secteur. En témoigne l'évolution de la taxe sur la vidéo en ligne, dont les recettes compensent la baisse de la taxe sur les éditeurs.

Évolution des quatre taxes affectées depuis 2012

Source : CNC, retraitement mission d'information

Les ressources tirées des taxes permettent au Centre de mener une politique de soutien très active à la création cinématographique par le biais du fonds de soutien (voir infra).

3. Un crédit d'impôt dédié

En plus du soutien direct du CNC, le cinéma français bénéficie du crédit d'impôt cinéma (CIC), créé par la loi de finances pour 2004.

Il permet à une société de production, sous certaines conditions, de déduire de son imposition certaines dépenses de production cinématographique. Depuis le 1er janvier 2016, le taux est fixé à 20 ou 30 % selon les oeuvres, dans la limite d'un plafond de 30 millions d'euros par film.

Évolution du crédit d'impôt cinéma (CIC)

(en millions d'euros de dépenses fiscales)

Si l'année 2022 est d'un niveau exceptionnel en raison du rattrapage de la période pandémique, le montant du crédit d'impôt cinéma a tendance à demeurer relativement stable, voire à s'inscrire en baisse depuis 2017. Cela contraste avec « l'explosion » du crédit d'impôt audiovisuel, qui se situait à un niveau légèrement inférieur en 2013, mais a été multiplié par quatre depuis lors. Ce mouvement traduit l'appétence des diffuseurs pour la production de séries ces dernières années, portée par les plateformes de streaming.

En 2021, 216 films ont bénéficié de ce crédit d'impôt.

Évolution comparée des trois crédits d'impôt depuis 2015

Il convient également de mentionner le crédit d'impôt international (C2I), créé par la loi de finances pour 2009 et qui concerne les oeuvres cinématographiques et audiovisuelles dont la production est initiée par une société étrangère et dont tout ou partie de la fabrication a lieu en France. Depuis le 1er janvier 2016, son taux est de 30 % et son plafond de 30 millions d'euros par oeuvre. Depuis le 1er janvier 2020, ce taux est porté à 40 % pour les oeuvres à forts effets visuels et dont les dépenses de travaux de traitement numérique effectuées en France s'élèvent au moins à 2 millions d'euros. L'objectif principal de ce dernier crédit d'impôt est d'inciter à une relocalisation des tournages en France, ce secteur étant considéré comme stratégique et porteur d'emplois dans les régions. Il présente lui aussi une progression des dépenses importante, passant de 77 millions d'euros en 2021 à 201 millions d'euros en 2023.

4. Les SOFICA

En plus de l'aide fiscale directe que constitue le crédit d'impôt pour les producteurs, un mécanisme de défiscalisation existe afin d'orienter l'épargne des particuliers vers le cinéma : les SOFICA.

Les SOFICA (SOciétés pour le Financement de l'Industrie Cinématographique et Audiovisuelle) ont été créées par la loi du 11 juillet 1985 ainsi que le décret du 2 mai 1995, sous forme de sociétés anonymes constituées par appel public à l'épargne. Elles sont nominativement agréées par le ministre en charge des comptes publics, et disposent d'un visa émis par l'Autorité des marchés financiers (AMF). En 2022, 12 SOFICA ont la possibilité de solliciter l'épargne des particuliers, un nombre stable d'une année sur l'autre.

Ces sociétés d'investissement collectent uniquement des fonds consacrés au financement d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques sous l'égide du CNC. La loi de finances pour 2020 les a prorogés jusqu'au 31 décembre 2023.

La réduction d'impôt pour les contribuables qui investissent dans les SOFICA va de 30 % à 48 % de l'investissement, qui doit en contrepartie rester bloqué pendant une durée minimale de cinq ans. La dépense fiscale est évaluée à 35 millions d'euros en 2023.

Les SOFICA ont collecté en 2020 environ 60 millions d'euros et 73 millions en 2022, qu'elles doivent investir à hauteur de 90 % dans la production cinématographique et audiovisuelle. Elles ont ainsi consacré en 2020 37,3 millions d'euros au cinéma. Entre 2012 et 2021, l'apport des SOFICA au financement des premiers films s'établit à environ quatre millions d'euros par an. Elles sont ainsi présentes dans les plans de financement des films du cinéma français, pour un total compris entre 3 % et 4 % du financement global.

Les SOFICA financent de manière privilégiée les films dits « du milieu », soit environ 70 % des films dont le budget est compris entre deux et huit millions.

Les investissements réalisés par les SOFICA sont en réalité étroitement contrôlés et dirigés par le CNC, qui établit une charte précise11(*) destinée à guider leurs choix. Elles jouent par ailleurs un rôle dans la sélection des films qui pourront être produits, avec un certain succès, puisque 80 % des films nominés aux César ont bénéficié d'un financement des SOFICA.

5. Le soutien direct du Centre

Le CNC propose depuis l'origine des soutiens à l'exploitation, à la production et à la distribution, pour un montant total de 302 millions d'euros en 2023.

Répartition des soutiens du CNC aux différents métiers du cinéma en 2023

(en millions d'euros)

Ces soutiens sont restés extrêmement stables ces huit dernières années, hors dotations exceptionnelles liées à la pandémie.

a) Le soutien à l'exploitation

Le soutien à l'exploitation représente en 2023 un montant total de 90,7 millions d'euros en 2023.

Ce soutien vise à conforter les établissements dans leur politique d'extension et de modernisation. Les cinémas acquièrent ainsi au fur et à mesure un soutien automatique, d'un montant total de 66,5 millions d'euros, qui peut être activé pour financer des travaux d'équipement ou de modernisation, voire créer des salles. En 2023, un peu plus de 2 000 salles devraient en bénéficier pour un montant moyen de 32 790 euros.

Le soutien permet également de soutenir de manière sélective les salles qui offrent une programmation diversifiée, via des bonifications pour le classement en « Art et Essai ». Sur cette seule politique, 1 122 salles touchent un montant moyen de 14 260 euros pour un total de 16 millions d'euros. 37 salles à la programmation dite « difficile » bénéficient chacune de 41 622 euros.

Le classement Art et Essai des salles

Le classement Art et Essai des établissements cinématographiques par le CNC distingue les cinémas réalisant la diffusion d'une proportion jugée importante de films recommandés Art et Essai (films d'auteur, films relevant de cinématographies peu diffusées, intérêt artistique, etc.) par un collège de professionnels. Le niveau de diffusion exigé s'accroît avec la densité démographique.

En 2021, 1 282 cinémas sont classés Art et Essai (63,2 % des établissements cinématographiques actifs), soit 2 831 écrans (45,7 % des écrans) et plus de 484 000 fauteuils (42,2 % du nombre total de fauteuils). Ces établissements réalisent 34,9 millions d'entrées, soit 36,6 % de la fréquentation totale (24,9 millions d'entrées et 38,1 % de la fréquentation en 2020).

Pour obtenir son classement, le cinéma doit proposer des oeuvres cinématographiques dites « Art et d'Essai », soit qui répondent à une ou des caractéristiques attestant de leur caractère artistique ou particulièrement représentatif.

La liste des oeuvres recommandées est établie par le CNC qui confie la procédure de recommandation à l'Association française des cinémas d'Art et d'Essai (AFCAE) dans le cadre d'une convention. Elle se fonde sur l'article D. 210-3 du code du cinéma et de l'image animée, qui définit les critères de la manière suivante :

 OEuvre cinématographique ayant un caractère de recherche ou de nouveauté dans le domaine cinématographique ;

2° OEuvre cinématographique présentant d'incontestables qualités, mais n'ayant pas obtenu l'audience qu'elle méritait ;

3° OEuvre cinématographique reflétant la vie de pays dont la production cinématographique est peu diffusée en France ;

4° OEuvre cinématographique de reprise présentant un intérêt artistique ou historique, et notamment oeuvre cinématographique considérée comme « classique de l'écran » ;

5° OEuvre cinématographique de courte durée tendant à renouveler par sa qualité et son choix le spectacle cinématographique.

Trois labels complémentaires peuvent être attribués : « Recherche et découverte », « Jeune public » et « Patrimoine et répertoire ».

b) Le soutien à la production

Contrairement à des craintes exprimées publiquement ces dernières années, le montant des aides à la production est resté stable. En particulier, on n'observe aucune déformation en faveur de l'audiovisuel.

Évolution depuis 2017 des soutiens directs au cinéma et à l'audiovisuel

(en millions d'euros)

Cette permanence doit être mise au crédit d'une volonté forte des pouvoirs publics de préserver le secteur du cinéma. En effet, l'explosion concomitante du crédit d'impôt audiovisuel montre l'accélération des investissements dans ce secteur, qui aurait pu conduire suivant une logique purement comptable à un affaiblissement du soutien au cinéma. Tel n'a pas été le cas.

Le soutien à la production est historiquement le « coeur de métier » du CNC, mentionné dès l'article 2 de la loi du 25 octobre 1946 « dans l'intérêt général ». Il se manifeste par une subvention accordée au producteur, suivant un système complexe de soutien automatique et sélectif qui intervient à différentes étapes de la vie d'un film.

L'agrément de production

Les soutiens du CNC sont réservés aux films qui ont reçu un agrément du CNC, délivré par le président du CNC sur la base d'un examen au cas par cas12(*).

Le film doit être destiné à une projection en salle - il existe des aides spécifiques pour la production strictement audiovisuelle.

Il doit être produit par une entreprise remplissant les conditions fixées par l'article 211-3 du Règlement général des aides (RGA) du CNC. Les aides sont réservées aux sociétés établies en France (1°) et qui doivent « Avoir des présidents, directeurs ou gérants, ainsi que la majorité de leurs administrateurs ressortissants français ou assimilés ». Enfin, la société ne doit pas « être contrôlée par une ou plusieurs personnes physiques ou morales ressortissantes d'États autres que d'États européens » (4°).

Le respect de ce dernier point est parfois l'objet de débats dans le cas de sociétés de production qui ont à leur capital des entreprises extra européennes, et notamment américaines. Le CNC juge alors en fonction d'un « faisceau d'indices », qui permet de s'assurer que le contrôle effectif est bien exercé au niveau européen.

L'agrément des films constitue un « sésame » qui permet aux oeuvres d'accéder non seulement aux aides du CNC, mais également d'être éligibles au crédit d'impôt « cinéma » et au financement des SOFICA.

Ø Le soutien automatique à la production

Chaque producteur ou coproducteur d'une oeuvre cinématographique agréée bénéficie d'un compte de soutien automatique géré par le CNC alimenté par les quatre modes d'exploitation : salles, télévision, vidéo et étranger.

Le soutien généré est réparti entre les éventuels coproducteurs d'un film selon les stipulations contractuelles en tenant compte de la totalité du soutien généré, une part de 150 000 euros étant réservée aux producteurs délégués, et de 50 % au-delà.

La philosophie du soutien automatique est d'être proportionnellement moins importante avec le succès du film en salle. Les barèmes sont en effet très dégressifs, mais les échelons inférieurs restent atteints par les seuls plus grands succès.

Un calcul du compte de soutien généreux pour la plupart des films

Le soutien financier est calculé, pour les films titulaires de l'agrément de production, par application d'un taux au produit de la taxe spéciale sur le prix des places de cinéma. Le montant est fixé sur la base du produit de la TSA, avec les taux suivants : 111,87 % jusqu'à 1,5 million entrées, 85,02 % de 1,5 à 5 millions d'entrées et 8,95 % au-delà de 5 00 millions d'entrées.

Le système demeure cependant généreux. Ainsi, sur les 391 films français sortis en 2019, seuls neuf d'entre eux ont cumulé plus de 1,5 million de spectateurs et ont donc basculé dans la deuxième tranche du barème, un seul dépassant les cinq millions d'entrées.

Sous réserve de l'obtention d'un agrément d'investissement obtenu avant le début des prises de vues, ce soutien peut être investi dans la préparation ou la production d'oeuvres nouvelles : en 2021, 18 % du soutien automatique a été investi en préparation et 82 % en production. 331 entreprises de production cinématographique ont mobilisé 82,6 millions d'euros de soutien automatique, majorations liées aux dépenses effectuées en France et à l'emploi du français comme langue de réalisation.

42 % du soutien est mobilisé par dix sociétés, dont Gaumont, Pathé Films, TF1 Films Production, Orange Studio, France 2 Cinéma et UGC. Les autres principaux bénéficiaires du soutien automatique constituent un noyau central de près de 30 sociétés qui totalisent 25,3 % du soutien mobilisé en 2021. 296 sociétés se partagent les 32,8 % du solde du soutien investi en 2021.

Ø Les aides sélectives à la création

Le CNC intervient au moyen de trois dispositifs pour favoriser l'émergence et le développement de projets de longs métrages.

ü Le soutien au scénario

L'objectif principal de ce dispositif est, outre de soutenir les auteurs au cours de la phase d'écriture pour leur permettre de faire émerger un projet en toute indépendance et favoriser ainsi leur liberté de création, de les inciter à s'adjoindre un coscénariste ou un consultant afin d'apporter un regard différent sur leur scénario pour l'étayer et le rendre plus solide.

L'aide apportée est une subvention qui s'élève au maximum à 30 000 € par projet à l'écriture, et 21 000 € par projet à la réécriture.

En 2021, 46 projets ont été soutenus dont 25 aides à l'écriture et 21 aides à la réécriture pour un total de 1,2 million d'euros.

Le degré de sélectivité de cette aide est élevé, oscillant entre 7,4 % et 11 %.

L'aide sélective au scénario

ü L'aide à la conception

Cette aide a été créée en 2011 afin de permettre aux auteurs ayant participé à l'écriture d'un long métrage produit dans des conditions difficiles et sorti en salles l'année précédente, de bénéficier d'un soutien pour travailler sur un nouveau projet.

En 2021, 47 auteurs ont bénéficié d'une aide à la conception de longs métrages de 15 000 € chacun. Dans le cadre du soutien exceptionnel aux auteurs pendant la crise sanitaire, le montant de la subvention a été majoré de 10 000 € à 15 000 € en 2021 et 2022.

Au total, 1,9 million d'euros ont été consacrés aux aides à l'écriture, à la réécriture et à la conception de longs métrages en 2021.

ü L'aide au développement

L'aide au développement, très majoritairement remboursable, est destinée aux producteurs, notamment pour financer des frais d'écriture et d'achats de droits.

En 2021, 3,1 millions d'euros ont été versés au bénéfice de 121 projets présentés par 104 entreprises.

Ø Les aides sélectives à la production

ü Avance sur recettes

Créée en 1960 et politique emblématique du CNC, l'avance sur recettes a pour objectif de favoriser le renouvellement de la création en encourageant notamment la réalisation des premiers films, et de soutenir un cinéma indépendant, audacieux au regard des normes du marché, qui ne pourrait sans aide publique trouver son équilibre financier.

L'attribution des avances est décidée par le président du CNC après avis d'une commission de membres reconnus au sein de la profession cinématographique, et de personnalités extérieures à celle-ci.

Une réforme de l'avance sur recettes a été amorcée lors du second semestre 2021 pour une phase expérimentale de 6 sessions.

La réforme du dispositif a été pérennisée lors du conseil d'administration du CNC du troisième trimestre 2022. Le dispositif est désormais divisé en quatre commissions (dont une après réalisation).

ü Les aides avant réalisation

la commission « ASR1 » (projets de premiers films) est compétente pour examiner les demandes d'avances avant réalisation présentées pour les premiers films des réalisateurs. Des lecteurs sont aussi mobilisés, uniquement lors des comités de lecture ;

la commission « ASR2 » (projets de deuxièmes et troisièmes films) examine les demandes d'avances avant réalisation présentées pour les oeuvres de réalisateurs ayant déjà réalisé un ou deux film(s) de « long métrage ». Sa création a été actée en 2021 par le CNC et motivée par la difficulté que peuvent avoir ces films à obtenir l'avance, alors même qu'il s'agit de projets souvent difficiles à financer sur le marché.

La mission a pu assister à une réunion de la commission ASR2 au mois d'avril 2023. Elle a ainsi pu mieux appréhender l'investissement dans l'amélioration des projets, qui constitue en réalité une forme de « conseils » pour des oeuvres encore en gestation.

la commission « ASR3 » (projets de quatrièmes films et plus) examine les demandes d'avances avant réalisation présentées pour les oeuvres de réalisateurs ayant déjà réalisé au moins trois films de « long métrage ».

En 10 ans, l'avance avant réalisation a soutenu le financement d'environ 55 films de long métrage par an sur près de 600 projets présentés, dont une vingtaine de premiers films. Les avances les plus élevées octroyées ces dernières années se situent autour de 750 000 euros.

En 2021, l'avance avant réalisation a été attribuée au total à 58 longs métrages, dont 21 premiers films et 15 deuxièmes ou troisièmes films.

ü Les aides après réalisation

Enfin, la commission « APR » (après réalisation) examine les demandes après projection des films terminés. Les avances après réalisation ne peuvent être demandées que par des sociétés de production détentrices d'un mandat de distribution en salles, et pour des films produits avec un déficit de financement. 23 films ont été soutenus en 2021 dont 15 fictions et 8 documentaires.

Le montant des avances est décidé après avis d'un comité de chiffrage et fait l'objet d'une convention entre le producteur et le CNC. Depuis mai 2007, l'avance sur recettes est exclusivement remboursée sur le soutien généré par les résultats du film.

Les avances avant ou après réalisation sont accordées à des oeuvres réalisées intégralement ou principalement en version originale en langue française ou dans une langue régionale en usage en France.

Pour certains projets particuliers, une langue de tournage autre que le français peut être acceptée, notamment dans l'animation ou le documentaire.

En 2021, les conventions signées au titre de l'avance sur recettes (avant et après réalisation) représentent un montant total de 35,5 millions d'euros, qui se répartissent entre 70 conventions avant réalisation pour 32,7 millions d'euros et 27 conventions après réalisation pour 2,8 millions d'euros.

c) Le soutien à la distribution

Ø Le soutien automatique à la distribution

Les films de long métrage français ou de coproduction franco-étrangère peuvent, après délivrance de l'agrément de production, devenir générateurs de soutien financier au profit de l'entreprise qui les distribue.

Le soutien auquel peuvent prétendre les entreprises de distribution est calculé par application de différents taux sur sept tranches de recettes correspondant au produit de la taxe spéciale (TSA). Les sommes inscrites au compte du distributeur sont proportionnelles à la recette du film en salles et destinées à être réinvesties dans la production et/ou la distribution d'une nouvelle oeuvre agréée. Ce soutien est décroissant à partir de 50 000 entrées, et s'annule au-delà d'un million d'entrées.

En 2021, 48 sociétés de distribution ont mobilisé 29,6 millions d'euros de soutien automatique pour financer des minima garantis ou prendre en charge une partie des frais d'édition de 179 films.

Ø Les aides sélectives à la distribution

L'objet des aides sélectives à la distribution est de faciliter la distribution en salles d'oeuvres présentant des qualités artistiques, mais dont la diffusion présente de particulières difficultés.

Ces aides sont regroupées depuis 2006 sous l'égide d'une même commission disposant d'un président unique et constituée de trois collèges ayant des missions distinctes et des membres en propre. Chaque collège attribue des aides pour :

- les films inédits (10,06 millions d'euros pour 243 films et 22 structures aidées) ;

- la distribution de films de répertoire et de rétrospectives. Le montant des aides attribuées en 2021 s'est élevé à 855 000 euros et a porté sur 47 films, 11 rétrospectives et 7 aides à la structure ;

- les demandes d'aide à la distribution de films en direction du jeune public. En 2021, 16 films ont été soutenus pour un montant total de 244 000 €.

Le CNC a mis en place, en 2017, un plan d'aide à la distribution. Le volet sélectif des aides à la distribution a ainsi bénéficié de 3 millions d'euros supplémentaires qui sont principalement destinés à l'aide aux programmes des sociétés de distribution. Les sociétés visées sont celles qui oeuvrent avec dynamisme pour la diversité des films en salles, dont le montant moyen par film a ainsi été sensiblement réévalué.

En parallèle, dans le cadre d'un accord interprofessionnel signé en mai 2016, les distributeurs qui diffusent des films recommandés Art et Essai, dits « porteurs » (c'est-à-dire sur plus de 175 points de diffusion en première semaine), se sont engagés à mieux les diffuser dans les agglomérations de moins de 50 000 habitants et dans les zones rurales. Le non-respect de ces engagements de diffusion peut remettre en cause le montant des aides aux programmes.

Synthèse des aides directes du CNC

Placé au coeur du cinéma français depuis 1946, le CNC a donc développé une politique de soutien pour l'ensemble des acteurs de la filière.


* 11 https://www.cnc.fr/documents/36995/1779526/Charte+des+SOFICA+agr%C3%A9%C3%A9es+en+2022+pour+les+investissements+2023.pdf/7492e377-4455-8fa0-6341-eee38b296fd9?t=1662396134964

* 12 https://www.cnc.fr/documents/36995/1571009/Descriptif+complet+de+l%27agr%C3%A9ment.docx/212b6638-73a6-c721-f8e5-6bc641832f09?t=1636018559632

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