E. LES ENTRETIENS MENÉS PAR LA DÉLÉGATION FRANÇAISE À STRASBOURG

1. Un entretien avec Mme Marie Fontanel, ambassadrice, représentante permanente de la France auprès du Conseil de l'Europe

Lundi 24 avril 2023, Mme Marie Fontanel, représentante permanente de la France auprès du Conseil de l'Europe, s'est entretenue avec les membres de la délégation française.

MM. Bertrand Bouyx, président de la délégation, Joël Giraud et Didier Marie ont pris part à ces échanges, qui ont notamment porté sur l'ordre du jour de la partie de session. Les parlementaires présents ont également exprimé leurs premières analyses concernant le projet de rapport relatif au respect des engagements découlant de l'adhésion au Conseil de l'Europe par la France. Ils ont considéré que s'il est loisible d'ouvrir le débat sur certaines remarques objectives - indépendance de la justice, liberté de manifester...- les rapports dits de monitoring ne doivent pas être dévoyés et servir de prétexte à un commentaire à caractère purement politique.

2. Une séquence d'échanges avec Mme Claire Bazy-Malaurie, présidente de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise)

Mardi 25 avril 2023, Mme Claire Bazy-Malaurie, présidente de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), s'est entretenue avec les membres de la délégation française, en présence de Mme Marie Fontanel, représentante permanente de la France auprès du Conseil de l'Europe. Mme Simona Granata-Menghini, Secrétaire générale de la Commission de Venise, était également présente.

Mme Bazy-Malaurie a rappelé le contexte historique de la création de la Commission de Venise puis a présenté ses missions, ses moyens et ses règles de fonctionnement. La Commission de Venise a été créée pour offrir aux pays issus du bloc soviétique une assistance leur permettant d'atteindre les trois objectifs du Conseil de l'Europe : la démocratie, l'état de droit et les droits de l'homme.

La Commission de Venise compte 61 membres répartis sur 4 continents. Chaque État membre désigne un membre titulaire et un suppléant Elle ne s'autosaisit pas mais rédige des avis à la demande. Pour chaque avis, le Secrétariat général désigne des rapporteurs venant d'horizons différents, ce qui constitue un gage de neutralité. Les avis sont rendus de manière collégiale lors d'un vote en réunion plénière.

La Commission de Venise ne procède pas à un contrôle de constitutionnalité. Ses avis ne doivent pas imposer un système institutionnel mais restituer les différences qui existent entre les différents systèmes. Les avis doivent être pragmatiques et proposer des solutions praticables. La Commission de Venise a publié en 2018 une liste de critères permettant d'évaluer facilement le niveau d'État de droit dans un pays. C'est à l'aune de ce standard minimum que devront être évalués les différents projets de réforme constitutionnelle.

Les débats ont porté sur les avis récents les plus marquants, la désignation des membres par les pays et sur le budget de fonctionnement de la Commission de Venise. Un échange particulier a porté sur la lente agonie du système démocratique mise en place après la révolution de 2011 en Tunisie.

3. Une rencontre entre la délégation française et la délégation canadienne

Le Mardi 25 avril 2023, la délégation française, conduite par son président, M. Bertrand Bouyx, a reçu son homologue canadienne. MM. Joël Giraud et Didier Marie ainsi que Mme Nathalie Serre ont participé à cet échange. Les débats ont porté principalement sur la position française, exprimée par le Président de la République, quant aux menaces concernant Taïwan. La délégation française a réaffirmé sa naturelle solidarité avec l'île de Taïwan et, plus largement, avec l'alliance euro-atlantique. Les déclarations récentes du Président de la République visaient simplement à réitérer la position constante de la France, à savoir la nécessaire autonomie stratégique de l'Europe destinée à éviter un face-à-face sino-américain aux conséquences potentiellement désastreuses. Les parlementaires canadiens ont accueilli ces explications relatives aux déclarations du Président de la République tout en maintenant leurs inquiétudes quant au contexte et au lieu où elles ont été prononcées.

La question de la désinformation à grande échelle a également été abordée et devra faire l'objet d'un travail de fond à l'APCE. Les parlementaires canadiens ont dit leur crainte d'une influence étrangère, russe ou chinoise, sur les prochaines élections présidentielles américaines.

4. Un entretien avec Mme Natalia Pintchouk, épouse de M. Ales Bialiatski, Prix Nobel de la Paix 2022

M. Alès Bialiatski est un militant politique biélorusse connu pour son travail à la tête du Centre des droits de l'homme Viasna, la principale organisation de défense des droits de l'homme en Biélorussie1. Il a reçu le prix Nobel de la paix en 2022 pour ses efforts pour la promotion des droits de l'homme et de la démocratie dans son pays. Alors en détention à Minsk en vue de son procès, c'est son épouse, Mme Natalia Pintchouk, qui s'est rendue à Oslo et a prononcé le discours de réception à sa place. Accusé d'avoir « financé des actions collectives portant gravement atteinte à l'ordre public » M. Bialiatski a plaidé non-coupable mais a été condamné le 3 mars 2023 à 10 ans de prison.

Le jeudi 27 avril, M. Bertrand Bouyx, président de la délégation française, a reçu Mme Natalia Pintchouk qui lui a brossé un panorama de la situation intérieure de son pays. Elle a décrit une situation marquée par des arrestations de masse, y compris allant jusqu'à la torture mais aussi un système de pression généralisée notamment par l'utilisation du licenciement pour « manque de loyauté politique ». Concernant la guerre en Ukraine, elle a fait part de la présence massive de troupes russes sur le territoire biélorusse, le pouvoir biélorusse limitant au maximum la cohabitation avec ces troupes et la population locale. Répondant à une question de M. Bouyx quant à la non-participation directe biélorusse à la guerre, Mme Pintchouk a donné deux éléments d'explications, d'une part, il s'agit d'une décision de Vladimir Poutine et non d'Alexandre Loukachenko et, d'autre part, les autorités biélorusses ont une confiance limitée quant à la loyauté de leur armée. Enfin, la discussion a approfondi la situation générale du pays, notamment la russification de la Biélorussie qui s'est intensifiée avec la guerre. M. Bouyx s'est intéressé à l'identité culturelle et religieuse du pays par rapport à son voisin russe qui serait à renforcer à l'intérieur du pays mais aussi à faire rayonner à l'extérieur.

Il a été convenu que cet entretien fasse l'objet d'un compte rendu plus détaillé aux autorités gouvernementales françaises.

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