B. LES DISPOSITIFS MOINS CONTRAIGNANTS ET ASSOCIANT LES SERVICES DE L'ÉTAT

Dans le cadre de l'expérimentation encadrée par l'article 110 de la « loi NOTRé », la direction générale des finances publiques (DGFiP) a proposé d'expérimenter, à compter de 2019, deux formules de fiabilisation des comptes pour des collectivités territoriales qui n'auraient pas vocation à soumettre leurs comptes à une procédure de certification : l'attestation de fiabilité des comptes et la synthèse de la qualité des comptes. Ces deux dispositifs viennent enrichir l'information déjà mise à disposition via un indicateur rendant compte des conditions de respect de la réglementation budgétaire et comptable.

1. L'attestation de fiabilité

L'attestation de fiabilité vise à formuler une attestation d'assurance de la qualité des comptes, délivrée par un professionnel du chiffre, comprenant un volet « conformité au référentiel comptable » et un volet « contrôle interne ».

L'expérimentation de ce dispositif alternatif à la certification a été conduite dans un cadre pluri-annuel et sur un périmètre limité de collectivités territoriales volontaires. Ainsi, à partir de 2019, 47 collectivités se sont engagées dans cette voie.

L'agenda de cette expérimentation a comporté deux phases :

- tout d'abord, un diagnostic conjoint de la qualité des comptes, réalisé par un auditeur de la DGFiP et un auditeur de la collectivité (sur la base d'un kit d'audit). Deux cycles comptables5(*) au choix de la collectivité sont diagnostiqués, les résultats étant ensuite présentés à l'assemblée délibérante ;

- à l'appui des constats issus de l'audit conjoint, la collectivité doit ensuite bâtir un plan d'actions à l'issue duquel elle s'engage à demander soit une attestation de fiabilité à un expert-comptable (ou à un commissaire aux comptes), soit un audit conjoint de suivi (ne valant pas « attestation de fiabilité »). L'audit conjoint de suivi est conduit selon la même méthode que le diagnostic initial, c'est-à-dire avec la DGFiP. Les conclusions de ces travaux sont portées à la connaissance de l'assemblée délibérante.

De cette phase expérimentale, la DGFiP tire « un constat en demi-teinte »6(*). Elle relève que « si les conséquences sur la progression de la qualité des comptes s'avèrent indéniables, un certain nombre de collectivités s'est retiré des travaux en cours. Par ailleurs, peu ont finalement opté pour l'intervention d'un professionnel du chiffre, seule à même d'offrir une garantie de même niveau qu'une certification ». Ainsi, seules quatre collectivités territoriales (les communes de Châlons-en-Champagne - 51 - et de Saint-Maixent - 79 -, le département de la Mayenne et le service départemental d'incendie et de secours - SDIS - du Nord) ont opté pour l'intervention d'un commissaire aux comptes en vue de la délivrance d'une attestation de fiabilité. Cette attestation offre une garantie comparable à la certification, mais sur un périmètre limité à quelques cycles comptables préalablement retenus.

2. La synthèse de la qualité des comptes

Avec la synthèse de la qualité des comptes, les travaux menés sont strictement limités à l'examen de la qualité comptable de thèmes présélectionnés et à leur conformité à l'instruction budgétaire et comptable fixant les règles pour la collectivité. Ainsi, cette synthèse vise à présenter, de façon objective, les principaux points, aussi bien positifs que négatifs, relatifs à la qualité des comptes. En même temps, elle permet de valoriser les travaux de fiabilisation comptable entrepris par la collectivité, ainsi que les résultats obtenus.

Après échanges avec les services de la collectivité territoriale sur la base d'un premier travail écrit, le comptable public ou le conseiller aux décideurs locaux7(*) s'attache à expliciter les enjeux et, dans la mesure du possible, à proposer une démarche de progrès pour les thèmes dont la qualité comptable demeure perfectible (on parle alors de proposition sur les « axes de progrès »).

La synthèse s'appuie sur un modèle normalisé de restitution passant en revue différents thèmes centrés sur la qualité comptable : les principaux postes du bilan, certains principes comptables (comme le rattachement des charges à l'exercice, par exemple) ou l'examen des soldes comptables. L'exercice qui la sous-tend s'appuie sur les outils dédiés du comptable public (rapport sur le contrôle hiérarchisé de la dépense8(*), contrôle allégé en partenariat9(*), contrôles comptables automatisés - CCA10(*) -, indicateur de pilotage comptable11(*)).

D'exigence moindre que la certification des comptes et que l'attestation de fiabilité, ce dispositif n'emporte pas la délivrance d'une assurance au sens technique du terme, dans la mesure où le rapport de synthèse sur la qualité des comptes est produit par le comptable public, teneur des comptes de la collectivité (ou le conseiller aux décideurs locaux), sans recours à un audit.

Au terme du processus, la synthèse fait l'objet d'une présentation orale devant l'assemblée délibérante (ou la commission des finances) de la collectivité territoriale. Cette présentation se tient dans le cadre de l'approbation du compte de gestion et du compte administratif, ou du compte financier unique.

Une expérimentation annuelle de ce dispositif a été menée depuis 2020 auprès d'entités volontaires, recensées et accompagnées par la DGFiP : six en 2020, soixante-quinze en 2021, cent quatre-vingt-deux en 2022. Pour 2023, elle est reconduite auprès d'un panel de 288 entités locales volontaires.

Dans sa conception d'origine, ce dispositif s'adressait a priori aux collectivités territoriales de la strate de 3 500 à 10 000 habitants. Cependant, au regard des retours positifs, cette expérimentation a été étendue en 2022 à 58 entités de plus de 10 000 habitants. En 2023, l'expérimentation est également menée auprès d'une région, de trois départements et de deux métropoles.

3. L'indicateur de pilotage unique

Avant même l'expérimentation de la certification et des deux autres dispositifs décrits précédemment, la DGFiP a travaillé à la fiabilisation des comptes des collectivités territoriales. Ainsi, depuis 2012, elle met à la disposition de son réseau comptable un indicateur destiné à mesurer, sous forme d'une note chiffrée, les conditions de respect de la réglementation budgétaire et comptable pour les entités suivies. Les informations support de cette note sont celles issues des états financiers de la collectivité territoriale (tout particulièrement ceux produits par le comptable public)12(*).

Cet indicateur vient d'être récemment rénové. Se présentant sous la forme d'une note chiffrée sur 100, le nouvel indicateur comporte l'avantage d'une mise à disposition plus précoce et d'une construction moins complexe, tout en facilitant la lisibilité de l'information donnée. Il est établi sur un périmètre large de collectivités, puisqu'il s'applique à l'ensemble des communes, EPCI, départements, régions, établissements publics de santé, établissements sociaux et médico-sociaux, services publics industriels et commerciaux (SPIC) et SDIS.

Il vise à donner un éclairage sur la comptabilité de chaque entité au travers de l'examen de 33 points de contrôles, répartis en sept thèmes, proches des cycles comptables : immobilisations, provisions et dépréciations, fonds propres et subventions, stocks, trésorerie, comptes de tiers, produits et charges. Reposant sur le respect de la réglementation budgétaire et comptable, l'élaboration de l'indicateur ne peut pas être contestée par les ordonnateurs.

Néanmoins, l'indicateur de pilotage comptable ne constitue pas un label de qualité des comptes, ni un critère exclusif d'appréciation de leur fiabilité. Par exemple, il n'appréhende pas la qualité du dispositif de maîtrise des risques comptables et financiers mis en oeuvre au sein des services de l'ordonnateur, ni la qualité de gestion ou de financement de la collectivité. Par contre, il permet de mettre en évidence des points de fragilité réglementaires et d'enrichir le partenariat ordonnateur / comptable en pointant les sujets d'amélioration de la qualité des états financiers.

Au total, si elle constitue certes une démarche radicalement différente du processus de certification et de ses dispositifs « alternatifs » (tant dans l'approche méthodologique que dans l'objet des contrôles), la mise à disposition de cet indicateur vient toutefois compléter la palette des outils pour améliorer la qualité des comptes des collectivités territoriales, notamment grâce à son périmètre d'intervention très large.


* 5 Par exemple, le cycle immobilisations, charges et produits, personnel, provisions / engagements hors bilan, ou clôture.

* 6 Réponse écrite au questionnaire de votre rapporteur.

* 7 Le conseiller aux décideurs locaux est un cadre de la DGFiP, expert du conseil, au service des élus locaux (maires, présidents d'établissements publics de coopération intercommunale) et de leur service. Il propose une offre de conseil individualisé aux élus pour répondre à leurs besoins sur différents sujets.

* 8 Ce dispositif vise à rendre les contrôles plus efficaces et plus simples. Il s'agit d'un contrôle qui n'est plus systématique, mais modulé selon une évaluation des risques et fondé sur des sondages.

* 9 Le contrôle allégé en partenariat repose sur une convention conclue entre la collectivité et le comptable public permettant de dispenser certaines opérations de contrôles a priori de la part du comptable public et de la fourniture de pièces justificatives, en contrepartie de la garantie d'un bon niveau de contrôle en interne et d'une bonne qualité comptable. Ce dispositif peut s'avérer utile pour la collectivité comme levier pour, par exemple, mettre en place un contrôle interne, fluidifier la chaîne comptable ou réduire les délais globaux de paiement.

* 10 Cf. Partie I. B. 3.

* 11 Idem.

* 12 L'indicateur s'appuie sur les contrôles comptables automatisés (CCA) de l'application HELIOS. Les CCA sont des contrôles issus de formules de calcul exploitant les données comptables saisies dans HELIOS. Ils signalent des anomalies dans la mise en oeuvre de la réglementation formalisée dans les différentes instructions budgétaires et comptables (voire, dans certains cas, des anomalies potentielles). En ce sens, ils constituent un des outils essentiels au service de la qualité des comptes locaux.

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