D. LE PORTAGE INDISPENSABLE PAR LES ÉLUS ET LE MANAGEMENT

La fiabilisation et la certification des comptes représentent un projet fort au sein de la collectivité territoriale qui s'y engage. La réussite passe par le soutien décisif que peuvent y apporter tant les élus, au premier rang desquels le chef de l'exécutif local et son adjoint aux finances, que les responsables des services concernés.

Pour ne pas être réduite à une pure volonté technocratique ou à une décision « subie d'en haut », la démarche a en effet besoin de s'incarner en un ou plusieurs élus qui la portent face à leurs collègues, en rendent compte en assemblée et mettent les services sous tension. Un tel engagement est indispensable et constitue une condition nécessaire de succès. Toutes les collectivités territoriales expérimentatrices témoignent de cette évidence.

L'implication d'un ou plusieurs élus ne peut toutefois suffire à elle seule. Elle demande à être relayée en interne grâce aux responsables des services concernés par la fiabilisation et la certification. En effet, on a vu précédemment (cf. Partie II. C. 1) que la démarche touche un nombre important de services / bureaux / directions et, qu'en ce sens, elle requière un pilotage et de la coordination. Aussi, la place du management est fondamentale pour mobiliser les agents, mener à bien l'exercice d'analyse et de cartographie des risques, répondre aux questions du commissaire aux comptes, ajuster les procédures... À Bondy, l'objectif de certification des comptes a même été mis à profit en tant que levier de modernisation et de mobilisation des services par la direction générale, avec un certain succès.

Malgré tout, la démarche de fiabilisation et de certification des comptes peut être perçue de loin, et par les non experts, comme un exercice trop aride et technique, avec pour conséquence un effet dissuasif, voire rebutant. Afin de faire mieux connaître les enjeux de la démarche et réduire quelques appréhensions, il apparaît donc utile d'organiser des formations.

Proposition n° 4 : dispenser des sessions de formation et de sensibilisation aux enjeux de la fiabilisation et de la certification des comptes à destination des élus, directeurs de service et encadrants intermédiaires, afin d'encourager leur mobilisation autour de ces projets de collectivité et de service.

Délai : 3 ans

Acteur(s) : associations d'élus locaux en lien, éventuellement, avec la DGFiP

E. LA PÉDAGOGIE AUPRÈS DU CITOYEN

À un degré moindre qu'à l'échelon national, la vie démocratique au niveau local souffre d'une certaine désaffection, dont rendent compte nos collègues Françoise Gatel, présidente de la délégation, et Jean-Michel Houllegatte, dans leur rapport d'information « Pour une nouvelle dynamique démocratique à partir des territoires : la démocratie implicative »34(*). Plus ou moins marqué selon les lieux, les circonstances et les champs de l'action publique, ce désintérêt touche notamment les questions relatives aux finances locales. À la décharge du citoyen, il est vrai que celles-ci relèvent d'une réelle technicité représentant une « barrière à l'entrée » bien difficile à lever.

Tout en rappelant que « les collectivités doivent légalement produire des comptes financiers et des budgets (donc des documents essentiellement chiffrés) accessibles au citoyen qui veut les connaître ou les étudier », l'association Contribuables associés déplore que les grands choix budgétaires de la collectivité territoriale soient essentiellement décrits a posteriori dans des rapports annuels qui, d'une part, ne sont pas obligatoires et, d'autre part, sont parfois « relativement indigents ». Selon l'association, il manque également des indicateurs de performance qui permettraient d'évaluer dans le temps la pertinence des choix budgétaires et de dresser des comparaisons entre collectivités territoriales.

Face à ce constat relativement critique, la certification des comptes d'une collectivité territoriale renvoie, dans une première approche, à un objectif de transparence et vise à fournir une grille de lecture à l'observateur extérieur, renseigné en particulier par l'avis du certificateur. En ce sens, la démarche de certification pourrait laisser espérer un regain d'intérêt de la part du citoyen pour les affaires budgétaires et financières de la collectivité territoriale, celles-ci étant délestées d'une part de leur complexité.

Dans les faits, cette espérance ne trouve toutefois pas de traduction concrète. Aucune collectivité territoriale expérimentatrice entendue dans le cadre de cette mission d'information n'a observé de regain d'intérêt. Là où elle a été expérimentée, la certification n'a rencontré aucun écho dans la population.

Faut-il d'ailleurs s'en étonner ? L'avis du certificateur reste contraint par les normes et le référentiel budgétaro-comptable en vigueur. Tout comme la compréhension des documents demeure soumise à l'assimilation préalable d'a minima quelques grandes règles budgétaires et comptables.

Dès lors, du point de vue du grand public, la certification ne débouche pas sur des documents plus lisibles, mais produit uniquement une « couche » supplémentaire de documents administratifs et budgétaires, dont l'intérêt et l'utilité n'apparaissent pas immédiats.

Pour surmonter cet écueil et modifier à plus ou moins longue échéance le regard porté par le citoyen sur la certification et les documents qu'elle produit, un effort soutenu de pédagogie est assurément attendu. C'est probablement sur la lisibilité et l'accessibilité que doit porter en priorité le travail des collectivités territoriales.

La présentation des comptes certifiés pourrait tirer profit de procédés graphiques (« camemberts », courbes...) plus dynamiques et parlants que l'aridité d'un compte administratif et du système comptable à double entrée (emplois / ressources). La créativité en ce domaine paraît avoir un large champ d'expression afin de rendre plus attrayante l'austérité des tableaux de chiffres.

En termes d'accessibilité de l'information, les outils de communication de la collectivité territoriale (journaux municipaux, sites internet...) doivent appréhender ce nouveau thème pour le mettre en valeur périodiquement. De même, les instances de démocratie locale (conseils de quartier, par exemple) peuvent utilement se prêter à une présentation pédagogique des comptes certifiés, étant donné qu'elles savent faire mieux connaître la démarche des budgets participatifs par exemple.

Proposition n° 5 : travailler à la lisibilité et à l'accessibilité des documents certifiés / fiabilisés pour les porter à la connaissance et à la compréhension d'un plus large public.

Délai : au fil de la démarche de certification / fiabilisation

Acteur(s) : collectivités territoriales

L'intérêt de la démarche de certification / fiabilisation des comptes réside également en l'effet de levier qu'elle peut jouer sur d'autres chantiers de modernisation des comptes publics locaux. En mobilisant les directions / services de la collectivité, en acclimatant les agents à de nouvelles approches budgétaires et comptables, et en impulsant des méthodes de travail différentes, la certification ouvre de nouveaux champs des possibles dans cette sphère budgétaro-comptable longtemps restée trop figée.

En particulier, elle peut préparer le terrain à une innovation telle que la mise en place d'un « budget vert » au sein de la collectivité territoriale. Même si sa méthodologie demeure encore sujette à débat, le budget vert répond en effet à de nouvelles aspirations de la part du citoyen, désormais soucieux du bilan carbone de sa collectivité ou des efforts de celle-ci pour limiter son impact sur l'environnement (maitrise des déchets, recyclage, réemploi...).

Il est temps que les associations de collectivités, sous l'égide des services de l'Etat, se saisissent vraiment de cette question pour développer une méthodologie pertinente, englobant l'ensemble des dépenses d'une collectivité et permettant une vraie prise en compte des conséquences des actions sur l'environnement. Ainsi la méthodologie construite par l'AMF, France urbaine et I4CE ne permet pas encore de ventiler le chapitre 012, qui représente près de 50 % des dépenses de fonctionnement des communes, ou considère tous les investissements informatiques comme défavorables à l'environnement. L'adoption d'une maquette unique à compter de 2024 devrait permettre d'accélérer les travaux. Les services de l'Etat doivent prendre pleinement conscience de cette attente des citoyens.

Proposition n° 6 : se servir de la démarche de certification / fiabilisation comme d'un levier accélérateur d'autres chantiers de modernisation, tels que les « budgets verts » par exemple.

Délai : une fois la certification / fiabilisation bien ancrée

Acteur(s) : collectivités territoriales


* 34 Sénat, rapport d'information n° 520 (2021-2022).

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