N° 791

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 juin 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur l'activité du Conseil économique social et environnemental (CESE) consacrée à la participation citoyenne,

Par M. Christian BILHAC,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

L'ESSENTIEL

La commission des finances a examiné, le mercredi 28 juin 2023, la communication de M. Christian Bilhac, rapporteur spécial de la mission « Conseil et contrôle de l'État » sur l'activité du Conseil économique, social et environnemental (CESE) consacrée à la participation citoyenne

Dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2023, le rapporteur spécial avait souligné le budget potentiellement inflationniste des dispositifs de participation citoyenne au CESE, qui se sont développés, notamment depuis la loi organique du 15 janvier 2021 consacrant le CESE comme organisateur des consultations citoyennes. La présente communication vise à détailler ces dispositifs et à en tirer un premier bilan.

I. UN ENSEMBLE COMPOSITE DE DISPOSITIFS DE PARTICIPATION CITOYENNE DOMINÉ PAR LES CONVENTIONS CITOYENNES

A. UNE INSTITUTIONNALISATION DE LA PARTICIPATION CITOYENNE AU SEIN D'UNE ASSEMBLÉE CONSULTATIVE

Le CESE, en tant qu'assemblée consultative composée de représentants de la société civile organisée, assure un rôle de conseiller des pouvoirs publics avant tout. Avant l'adoption de la loi organique du 15 janvier 2021 consacrant sa mission d'organiser des consultations citoyennes, il avait développé des dispositifs participatifs de façon ponctuelle, dans le silence des textes, notamment avec l'organisation de la convention citoyenne pour le climat d'octobre 2019 à juin 2020. Seule la saisine du CESE par voie de pétition était prévue par la Constitution depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008.

B. UN NOMBRE IMPORTANT DE DISPOSITIFS ET UNE ORGANISATION QUI SE DISTINGUE DES AUTRES EXPÉRIENCES EUROPÉENNES

Le CESE dispose dès lors d'une large palette d'outils de consultation et d'association des citoyens : les conventions citoyennes, des questionnaires et consultations en ligne complétés de dispositifs présentiels au CESE, des groupes de citoyens tirés au sort, intégrés à une formation de travail ou bien travaillant en parallèle, ainsi que des pétitions déposées sur une plateforme propre. Ces dispositifs participatifs se développent ainsi avec des objectifs variés, pas toujours bien identifiés, si bien qu'il est difficile de s'y retrouver dans ce foisonnement d'initiatives.

La France se distingue dans l'Union européenne par le choix d'avoir adossé la démocratie participative à la démocratie sociale là où dans d'autres pays européens les Parlements sont impliqués, mais aussi par le coût de ses conventions.

II. UN BUDGET INFLATIONNISTE CONSACRÉ À LA PARTICIPATION CITOYENNE, AYANT NÉCESSITÉ UNE RÉORGANISATION INTERNE DU CESE POUR FAIRE FACE À SES NOUVELLES COMPÉTENCES

A. UNE NOUVELLE DIRECTION DE LA PARTICIPATION CITOYENNE INSUFFISAMMENT DOTÉE POUR PILOTER CES NOUVELLES COMPÉTENCES

La direction de la participation citoyenne (DPC), créée en juin 2022, pilote tous les dispositifs de participation citoyenne au sein du CESE, depuis le cadrage et la conception jusqu'à la mise en oeuvre, la synthèse, l'analyse et les actions de redevabilité. Ses effectifs, pour l'heure réduits à 2 ETP, ne permettent pas d'absorber toutes ses missions.

Au regard de l'organisation particulièrement lourde des conventions citoyennes, qui a mobilisé deux tiers des agents du CESE durant toute la durée de la convention sur la fin de vie, une structure ad-hoc s'est mise en place au CESE, dirigée par un comité de gouvernance. Par ailleurs, le manque de compétences internes en matière d'animation a nécessité un recours toujours accru aux prestataires extérieurs. Si cette externalisation se justifie dans certains domaines, comme le tirage au sort, pour lequel le développement d'une compétence propre présenterait peu d'intérêt pour le CESE, il en va différemment pour l'animation, qui est au coeur de ses nouvelles missions.

La convention citoyenne sur la fin de vie se caractérise toutefois par un début d'internalisation des compétences en matière d'animation dans la mesure où cinq agents du CESE ont été intégrés au collectif d'animation composé de 27 animateurs, facilitateurs et coachs.

B. UN COÛT ALÉATOIRE DES DISPOSITIFS AGRÉGÉS CONDUISANT À UN MANQUE DE PRÉVISIBILITÉ BUDGÉTAIRE DE LA PARTICIPATION CITOYENNE

S'il résulte de cette internalisation une maîtrise des dépenses d'animation lors de la convention citoyenne sur la fin de vie, l'intégration de cinq agents du CESE dans le collectif d'animation ayant permis d'économiser 0,3 million d'euros, force est de constater que ce poste de dépenses représente encore un tiers du budget total de la convention. Par ailleurs, les gains ont été quasiment tous annulés par la hausse des frais de prise en charge des citoyens qui se sont élevés à 1,5 million d'euros, soit 32 % du budget total. La hausse de 0,68 million par rapport à la convention pour le climat s'explique notamment par l'absence de négociation possible des prix du transport et de l'hébergement des citoyens pour cette convention citoyenne.

Budget des deux conventions citoyennes organisées par le CESE
par poste de dépenses

(en euros)

Source : Commission des finances du Sénat, d'après les informations transmises par le CESE

Par suite, le coût de la convention citoyenne sur la fin de vie est estimé, au 1er avril 2023, à 4,7 millions d'euros, ce qui dépasse à elle seule les crédits votés en loi de finances initiale. Hors convention citoyenne, les dépenses pour les autres dispositifs dépassent déjà pour 2023 le coût de tous les dispositifs organisés en 2022. Le rapporteur spécial relève ainsi manque de pilotage de la dépense, qui peut mettre en cause la sincérité de la budgétisation initiale.

III. UN ENCADREMENT NORMATIF ET BUDGÉTAIRE NÉCESSAIRE DES DISPOSITIFS DE PARTICIPATION CITOYENNE DANS LE CONTEXTE DE LEUR SYSTÉMATISATION AU CESE

A. UNE PROCÉDURALISATION REQUISE DES DISPOSITIFS DE PARTICIPATION CITOYENNE, CENTRALISÉS AU CESE

1. Clarifier les règles applicables aux conventions citoyennes ainsi que leur gouvernance

En premier lieu, la distinction des fonctions entre les diverses parties prenantes aux conventions citoyennes, ainsi que des garanties d'indépendance, sont essentielles pour assurer leur légitimité procédurale. Le rôle des animateurs est peu questionné, alors même qu'ils peuvent exercer une influence sur le sens de la décision finale et qu'ils participent à l'élaboration du rapport final.

Le rapporteur spécial estime que de telles garanties pourraient être fixées par un règlement de procédure interne élaboré par le CESE pour toutes les parties prenantes, au même titre que des exigences d'impartialité ou de contradictoire pour les débats.

Dans ce cadre, les citoyens d'une convention citoyenne finissante pourraient léguer à la suivante un mémento. Au regard de la pertinence des remarques constatées par les citoyens, le CESE pourrait enrichir à la marge le règlement de procédure applicable aux conventions citoyennes.

En second lieu, le rapporteur spécial considère qu'il conviendrait d'insuffler davantage de pluralisme dans la gouvernance des conventions citoyennes. Le nombre de membres du CESE au sein du comité de gouvernance pourrait respecter la règle du tiers et intégrer systématiquement des citoyens.

2. Distendre le lien entre pouvoir exécutif et consultations citoyennes

Afin de distendre le lien naissant entre les conventions citoyennes et le président de la République, des liens informels peuvent se créer via l'audition des citoyens ayant participé à une convention citoyenne au sein des assemblées parlementaires. Le Parlement pourrait aussi être plus impliqué dans le déclenchement de ces conventions.

Le rapporteur spécial estime également que toutes les consultations citoyennes doivent être centralisées au CESE. Il s'agit là de ne pas démultiplier les dispositifs de consultation des citoyens sur les thèmes qui relèvent du champ de compétences du CESE.

B. UNE MAÎTRISE INDISPENSABLE DES DÉPENSES DE PARTICIPATION CITOYENNE ASSORTIE D'UNE TRAJECTOIRE

1. Limiter le coût agrégé de tous les dispositifs de participation citoyenne

Le rapporteur spécial encourage le CESE à poursuivre l'internalisation des compétences d'animation en engageant un plan de formation continue. Le rapporteur spécial formule le souhait que l'animation soit complètement internalisée.

En ce qui concerne spécifiquement les conventions citoyennes, le rapporteur spécial a identifié trois pistes pour réduire leur coût. En premier lieu, il propose de restreindre la durée des conventions citoyennes à 5 ou 6 sessions. En deuxième lieu, au regard du coût du logement des citoyens à Paris, des dispositifs de participation mixte, alliant des formats présentiels et numériques, pourraient être développés. En dernier lieu, la négociation des prix par l'accroissement des partenariats peut être génératrice d'économies s'agissant des frais de transport et d'hébergement des citoyens. En lien avec la DPC, le service des marchés de la direction administrative et financière du CESE pourrait avoir la charge de ces partenariats.

2. Accroître la prévisibilité budgétaire et la lisibilité de l'exécution des crédits alloués à la participation citoyenne

Le rapporteur spécial constate que le CESE ne dispose pas d'un plafond fixé l'année N-1 pour les dispositifs de consultation des citoyens organisés au cours de l'année à venir. Il apparaît que les dispositifs sont déployés de façon assez aléatoire, au coup par coup, sans en avoir déterminé le coût avant leur mise en oeuvre. Il recommande au CESE de définir à l'avance le nombre de dispositifs qu'il compte mettre en oeuvre au cours de l'année en évaluant leur coût, de telle sorte à respecter l'enveloppe fermée. Cette limitation doit particulièrement être appliquée pour les dispositifs présentiels, qui sont les plus coûteux.

Les documents budgétaires ne permettent pas de suivre l'exécution des crédits dédiés à tous les dispositifs puisque les crédits sont imputés sur l'action 1 -- Représentation des activités économiques et sociales. Le rapporteur spécial considère qu'il est nécessaire de créer une action spécifique pour la participation citoyenne.