N° 792

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 juin 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur : « Dix ans après la loi du 22 juillet 2013 : donner des moyens et des prérogatives aux élus et aux instances des Français établis hors de France »,

Par MM. Christophe-André FRASSA et Jean-Yves LECONTE,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Thani Mohamed Soilihi, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer, secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Alain Richard, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled.

L'ESSENTIEL

Au terme de dix années d'application de la loi du 22 juillet 2013 et de la tenue de deux cycles d'élections des conseillers des Français de l'étranger et des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger, en 20141(*) puis 20212(*), l'heure est venue de dresser un bilan de cette loi qui a profondément revu le système de représentation des Français établis hors de France.

Dans l'ensemble, la loi du 22 juillet 2013 a tenu ses promesses : la création des conseils consulaires selon un maillage territorial resserré a favorisé le développement d'une démocratie de proximité, tandis que les nouvelles règles de composition de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) ont conforté la place des élus des Français de l'étranger en son sein.

Si le rôle des conseils consulaires et les attributions des conseillers des Français de l'étranger ont par la suite été renforcés3(*), la reconnaissance de ces élus, de même que celle des conseillers à l'AFE semble encore toutefois insuffisante, sur les plans politique, administratif et indemnitaire.

Par ailleurs, les prérogatives strictement consultatives que le législateur a accordées en 2013 à l'Assemblée des Français de l'étranger touchent aujourd'hui à leurs limites, tandis que le dialogue entre cette assemblée et le Gouvernement a perdu en fluidité et en régularité.

Dans la lignée des points d'étape réalisés à échéances régulières depuis 2013, les rapporteurs Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte ont poursuivi le travail d'évaluation de la commission des lois. Ils proposent plusieurs voies d'amélioration et de précision du cadre légal et suggèrent des bonnes pratiques afin de garantir une représentation des Français de l'étranger conforme aux exigences démocratiques des Français établis hors de France et adaptée aux attentes des élus.

I. UN OBJECTIF DE PROXIMITÉ GLOBALEMENT ATTEINT, MAIS DES ÉLUS EN QUÊTE DE RECONNAISSANCE ET DE MOYENS D'ACTION

A. LES CONSEILS CONSULAIRES : UNE PROXIMITÉ « EN TROMPE-L'oeIL »4(*) ?

Face au constat d'un « déficit de représentativité au niveau local »5(*), la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 poursuivait l'objectif principal d'assurer une représentation de proximité pour les Français établis hors de France ; à cette fin, ont été créés les conseils consulaires.

Au nombre de 159 aujourd'hui, ils comprennent l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire ; les conseillers des Français de l'étranger élus au suffrage universel direct ; ainsi que des membres de l'administration consulaire et d'associations nationales représentatives des Français hors de France, qui siègent en fonction des thèmes abordés.

Chargés de « formuler des avis sur les questions consulaires d'intérêt général, notamment culturel, éducatif, économique et social concernant les Français établis dans la circonscription »6(*), les conseils consulaires exercent une mission essentiellement consultative.

Le maillage des 130 circonscriptions électorales7(*) a incontestablement rapproché les élus des Français de l'étranger, et réciproquement. À l'élection de 155 conseillers à l'Assemblée des Français dans 52 circonscriptions, a en effet succédé l'élection, au scrutin universel direct, de 443 conseillers des Français de l'étranger dans 130 circonscriptions. Ces élus locaux élisent parmi eux, au scrutin proportionnel de liste à un tour au sein de 15 circonscriptions, les 90 membres qui siègeront à l'Assemblée des Français de l'étranger.

Cette proximité doit toutefois être nuancée au regard de l'articulation parfois imparfaite entre la circonscription électorale et la circonscription consulaire. Ainsi, depuis la fusion des circonscriptions consulaires d'Argentine et du Paraguay, en août 2021, il n'existe plus qu'un seul conseil consulaire compétent pour les deux circonscriptions électorales. À l'inverse, certaines circonscriptions électorales peuvent regrouper plusieurs circonscriptions consulaires8(*).

Si la création des conseils consulaires compétents pour plusieurs circonscriptions consulaires peut être justifiée par des considérations démographiques ou matérielles9(*), il conviendrait cependant que les conseils consulaires concernés soient consultés avant que le ministre des affaires étrangères arrête sa décision. Cette consultation devrait être également obligatoire lorsque le ministre envisage de modifier la carte des circonscriptions consulaire. En outre, les rapporteurs proposent que, lorsqu'un conseil consulaire regroupe plusieurs circonscriptions électorales, soit désigné un président délégué par circonscription électorale.


* 1 Les premiers conseillers consulaires ont été élus le 25 mai 2014, et les membres de l'Assemblée des Français de l'étranger dans sa forme rénovée, le 22 juin 2014.

* 2 Les élections prévues pour 2020 ayant été reportées à 2021 par la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020.

* 3 Par la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019, notamment.

* 4 Selon les termes utilisés par Daphna Poznanski-Benhamou dans le rapport fait au nom de la commission des lois, règlements et affaires consulaires de l'AFE en mars 2018.

* 5 Étude d'impact du projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France, février 2013, p. 3.

* 6 Premier alinéa de l'article 3 de la loi du 22 juillet 2013.

* 7 Délimitées en annexe de la loi du 22 juillet 2013.

* 8 Les élus de la circonscription électorale des Balkans siègent ainsi au conseil consulaire de Sarajevo, compétent pour les circonscriptions consulaires de Sarajevo, Skopje, Tirana, Pristina, et Podgorica.

* 9 En application de l'article 18 du décret n° 2014-144 du 18 février 2014.