AVANT-PROPOS

Au 1er janvier 2023, plus de 1,68 million24(*) de Français étaient inscrits sur les listes électorales consulaires ; au total, la communauté française à l'étranger est évaluée à 2,5 millions de personnes environ25(*).

Le système de représentation de ces Français établis hors de France a été profondément revu par la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013, qui a créé une nouvelle instance de proximité, les conseils consulaires, et a réformé l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE). Elle a également élargi l'assise du collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France.

Depuis, deux cycles complets d'élections ont eu lieu selon ce cadre rénové : les premiers conseillers consulaires ont été élus le 25 mai 2014, et les membres de la « nouvelle » AFE, le 22 juin 2014.

La situation sanitaire mondiale n'ayant pas permis l'organisation en 2020 du renouvellement général des conseillers des Français de l'étranger arrivés au terme de leur mandat de six ans, le scrutin a été reporté, pour 127 circonscriptions électorales, aux 29 et 30 mai 202126(*), et, pour 3 autres circonscriptions, au 7 novembre 202127(*). Enfin, le vote pour l'élection des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger s'est tenu les 4 et 5 décembre 2021.

Au terme de dix années d'application de la loi du 22 juillet 2013, l'heure est venue de poursuivre le travail d'évaluation déjà mené à échéances régulières par la commission des lois28(*), et de dresser un bilan complet de cette loi. C'est pourquoi la commission des lois a créé une mission d'information à cet effet, qui a mené ses travaux entre mars et juin 2023, et en a désigné Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte rapporteurs.

Pour les rapporteurs, la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 a, dans l'ensemble, tenu ses promesses : la création des conseils consulaires selon un maillage territorial resserré a favorisé le développement d'une démocratie de proximité, tandis que les nouvelles règles de composition de l'Assemblée des Français de l'étranger ont conforté la place des élus des Français de l'étranger en son sein.

De plus, certaines des voies d'amélioration suggérées à la suite du premier point d'étape réalisé par Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte en 2015 ont trouvé une traduction dans la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, ainsi que dans la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020.

Ainsi, le changement de dénomination des « conseillers consulaires » en « conseillers des Français de l'étranger », et l'attribution de la présidence des conseils consulaires à ces derniers sont effectifs depuis les élections de 2021.

En dépit de ces évolutions récentes, la reconnaissance des conseillers des Français de l'étranger, de même que celle des conseillers à l'AFE, semble encore insuffisante, tant sur les plans politique et administratif, qu'indemnitaire.

En outre, les instances représentatives des Français établis hors de France, au rôle limité, n'ont pas trouvé toute leur place. En particulier, les prérogatives strictement consultatives que le législateur a accordées en 2013 à l'Assemblée des Français de l'étranger touchent aujourd'hui à leurs limites.

Afin de dresser le bilan des dix années d'application de la loi du 22 juillet 2013 et de faire le constat précis des enjeux concrets se posant aux élus des Français de l'étranger, les rapporteurs ont auditionné non seulement la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire, mais également les membres du bureau de l'Assemblée des Français de l'étranger, présents à Paris à l'occasion de la 38e session de l'assemblée29(*), ainsi que les associations représentatives des Français établis hors de France.

A également été entendu en commission Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger.

Au terme de leurs travaux, les rapporteurs formulent dix-huit propositions visant à améliorer et préciser le cadre légal de la représentation des Français de l'étranger, ainsi qu'à introduire de bonnes pratiques, dans la double optique de conforter les conditions d'exercice des mandats électifs et améliorer le fonctionnement des instances représentatives, d'une part, et de sécuriser le déroulement des élections françaises à l'étranger, d'autre part.

Dix ans après la loi du 22 juillet 2013, il est temps de garantir une représentation des Français de l'étranger qui soit conforme aux exigences démocratiques et adaptée aux attentes de leurs élus.

I. LA REPRÉSENTATION DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER : UN OBJECTIF DE PROXIMITÉ QUASI ATTEINT, DES CONDITIONS D'EXERCICE DES MANDATS ÉLECTIFS À CONFORTER

Sur le fondement de l'article 24 de la Constitution, les Français établis hors de France élisent douze sénateurs et, depuis les élections législatives de 201230(*), onze députés.

Ils sont également représentés, depuis la IVe République, par des instances ad hoc : au Conseil supérieur des Français de l'étranger (CSFE), créé en 1948, a ainsi succédé, en 2004, l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE).

Le régime de représentation des Français de l'étranger a été modifié en profondeur par la loi n° 2013-659 du 22 juillet 201331(*).

A. LA LOI DU 22 JUILLET 2013 : UN PROGRÈS DÉMOCRATIQUE INDÉNIABLE, MAIS UNE PROXIMITÉ ENCORE PERFECTIBLE

1. Une promesse démocratique globalement tenue

Dans son rapport n° 251 (2018-2019) sur la proposition de loi de Christophe-André Frassa n° 57 (2018-2019), Jacky Deromedi rappelait que « la loi du 22 juillet 2013 avait été annoncée comme un grand progrès démocratique, compte tenu des moyens d'action et d'influence qui seraient accordés aux conseils consulaires et à leurs membres »32(*).

Face au constat d'un « déficit de représentativité au niveau local »33(*), la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 poursuivait en effet l'objectif principal d'assurer une représentation de proximité pour les Français établis hors de France.

À cette fin, a été créé un nouveau niveau de représentation, conçu comme l'équivalent de l'échelon local pour les Français de l'étranger : le conseil consulaire, où siègent les conseillers consulaires - dénommés, depuis la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019, « conseillers des Français de l'étranger ».

Représentant les Français de l'étranger auprès de chaque ambassade pourvue d'une circonscription consulaire et de chaque poste consulaire34(*), les conseils consulaires sont aujourd'hui au nombre de 15935(*).

Les 443 conseillers des Français de l'étranger qui y siègent36(*) sont élus tous les six ans au scrutin universel direct par les Français établis hors de France dans 130 circonscriptions électorales. Pour être éligibles, ils doivent être inscrits sur la liste électorale consulaire de la circonscription dans laquelle ils se présentent.

Pour chacune des 130 circonscriptions électorales, le nombre de sièges est défini en fonction du nombre de Français inscrits sur la liste électorale consulaire, étant entendu qu'une circonscription doit comporter un élu au moins, et neuf élus au plus37(*).

Nombre des conseillers des Français de l'étranger par circonscription

Circonscription électorale dont la population française est :

Nombre de conseillers des Français de l'étranger

Exemples de circonscription

Inférieure à la 750e partie du total des inscrits

1

Croatie (995 inscrits)

Égale ou supérieure à la 750e partie du total des inscrits mais inférieure à sa 200e partie

3

Congo (4 514 inscrits)

Égale ou supérieure à la 200e partie du total des inscrits mais inférieure à sa 100e partie

4

Madagascar (15 676 inscrits)

Égale ou supérieure à la 100e partie du total des inscrits mais inférieure à sa 50e partie

5

Mexique (21 136 inscrits)

Égale ou supérieure à la 50e partie du total des inscrits mais inférieure à sa 30e partie

6

3e circonscription d'Allemagne (38 065 inscrits)

Égale ou supérieure à la 15e partie du total des inscrits

7

4e circonscription du Canada (61 074 inscrits)

Égale ou supérieure à la 15e partie du total des inscrits

9

2e circonscription du Royaume-Uni (137 916 inscrits)

Source : commission des lois du Sénat38(*)

Aux termes de l'article 26 de la loi du 22 juillet 2013, les élections consulaires combinent :

- un scrutin majoritaire uninominal à un tour pour les circonscriptions qui ne comptent qu'un seul conseiller consulaire ;

- et un scrutin proportionnel de liste à un tour, suivant la règle de la plus forte moyenne39(*), pour les circonscriptions qui comptent plusieurs conseillers consulaires.

Les électeurs peuvent voter à l'urne ou par Internet.

Élus, jusqu'à la loi du 22 juillet 2013, au suffrage universel direct dans 52 circonscriptions40(*), les conseillers à l'Assemblée des Français sont désormais élus par et parmi les conseillers consulaires, au scrutin proportionnel de liste à un tour, au sein de 15 circonscriptions.

Cartographie des circonscriptions d'élection de l'AFE

Source : commission des lois du Sénat

En outre, les députés et sénateurs, ainsi que les personnalités qualifiées désignées par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères n'y siègent plus.

Au total, le nombre des conseillers à l'AFE est passé de 155 à 90.

Les élus des Français établis hors de France (hors parlementaires)
avant et après la loi du 22 juillet 2013

 

Avant la réforme
de 2013

Depuis la réforme
de 2013

Nombre de membres élus

155 conseillers
à l'AFE41(*)

443 conseillers
des Français
de l'étranger

90 conseillers
à l'AFE élus parmi les 443 conseillers des Français de l'étranger42(*)

Nombre de circonscriptions

52

130

15

Type de suffrage

Suffrage universel
direct

Suffrage universel direct

Suffrage universel indirect

Source : commission des lois du Sénat

Pour élire les membres de l'AFE, les conseillers des Français de l'étranger peuvent voter à l'urne, en se rendant au bureau de vote situé au chef-lieu de la circonscription, ou par la remise d'un pli à l'ambassadeur ou au chef de poste consulaire43(*).

Enfin, la loi du 22 juillet 2013 a élargi l'assise du collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France, en portant celui-ci de 166 à 534 membres. Deviennent ainsi membres de ce collège l'ensemble des conseillers consulaires, ainsi que 68 délégués consulaires.

La composition du collège électoral des sénateurs
représentant les Français établis hors de France

 

Avant 2012

Entre 2012 et 2014

Depuis 2014

Conseillers à l'AFE

155

155

-

Parlementaires

-

11 députés

11 députés

12 sénateurs

Conseillers des Français de l'étranger

-

-

443

Délégués consulaires

-

-

68

Total

155

166

534

Source : commission des lois du Sénat

Élus en même temps que les conseillers des Français de l'étranger et sur les mêmes listes, à raison d'un délégué consulaire pour 10 000 inscrits au registre des Français établis hors de France en sus de 10 00044(*), les délégués consulaires ont été institués par la loi du 22 juillet 2013 avec pour seul objet de participer au collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France, « de façon à tenir compte du poids démographique des différentes circonscriptions des conseils consulaires » et ainsi « composer un collège électoral sénatorial plus respectueux du critère démographique »45(*).

Au total, la représentation des Français établis hors de France a été profondément remaniée par la loi du 22 juillet 2013. Les rapporteurs considèrent que le principal objectif assigné à cette réforme, soit le développement d'une démocratie de proximité, a été globalement atteint. En particulier, le maillage des 130 circonscriptions électorales a incontestablement rapproché les Français de l'étranger de leurs élus, et réciproquement.

Représentation des Français établis hors de France
résultant de la loi du 22 juillet 2013

Source : commission des lois du Sénat

2. Des ajustements nécessaires pour répondre complètement à l'objectif d'une démocratie de proximité

La proximité assurée par le système de représentation issu de la loi du 22 juillet 2013 doit toutefois être nuancée au regard de l'articulation parfois imparfaite entre conseil consulaire, circonscription électorale et circonscription consulaire.

Tout d'abord, certaines circonscriptions pour l'élection des conseillers des Français de l'étranger comprennent plusieurs conseils consulaires. Tel est le cas de la circonscription électorale de Turquie, qui compte deux circonscriptions consulaires et deux conseils consulaires : l'un est placé auprès de l'ambassade à Ankara, tandis que l'autre est placé auprès du consulat général à Istanbul.

En revanche, certains conseils consulaires sont aujourd'hui compétents pour plusieurs circonscriptions consulaires, comme celui du Caire, qui est également compétent pour la circonscription consulaire d'Alexandrie. En effet, l'article 5 de la loi du 22 juillet 2013 permet, dans des conditions fixées par décret46(*), à un arrêté du ministre des affaires étrangères d'aménager la compétence territoriale des conseils consulaires47(*).

Ainsi, 31 conseils consulaires sont aujourd'hui compétents pour plusieurs circonscriptions consulaires au sein d'une même circonscription d'élection. Tel est le cas du conseil consulaire de Munich, qui est compétent sur les deux circonscriptions consulaires de Munich et de Stuttgart, sous la présidence du chef de poste consulaire de Munich. Les deux circonscriptions consulaires de Munich et de Stuttgart constituant la circonscription électorale « Allemagne - 3e circonscription », les conseillers des Français de l'étranger qui y sont élus siègent donc au conseil consulaire de Munich. Le conseil consulaire de Sarajevo est quant à lui compétent pour les circonscriptions consulaires de Sarajevo, Skopje, Tirana, Pristina, et Podgorica ; en conséquence, les élus de la circonscription électorale consulaire des Balkans48(*) doivent siéger dans le conseil consulaire de Sofia
- ayant compétence territoriale pour la circonscription consulaire de Sofia - et dans le conseil consulaire de Sarajevo.

Enfin, un cas singulier existe depuis 2021 : celui de l'existence d'un seul conseil consulaire pour deux circonscriptions électorales distinctes. Depuis la fusion des circonscriptions consulaires d'Argentine et du Paraguay, en août 2021, il n'existe en effet plus qu'un seul conseil consulaire compétent pour les deux circonscriptions électorales.

Cette situation n'avait pourtant pas été prévue par le législateur, qui avait pris soin de « geler » les circonscriptions électorales sur la base de celles existant au jour de promulgation de la loi.

De la fermeture du consulat de France au Paraguay
à la fusion des conseils consulaires d'Assomption et de Buenos Aires

L'arrêté du 10 juin 2016 a fixé l'étendue de la circonscription consulaire du consulat général de France à Buenos Aires à l'ensemble du territoire de la République argentine et à l'ensemble du territoire de la République du Paraguay ; en conséquence, le poste consulaire d'Assomption est devenu un simple « poste de présence diplomatique ». Comme indiqué par le ministre des affaires étrangères, « cette évolution a répondu à un impératif de rationalisation de notre réseau diplomatique et consulaire décidé par le gouvernement, dans le contexte budgétaire contraint »49(*). Entre 2016 et 2021, se tiennent des conseils consulaires distincts pour l'Argentine et le Paraguay.

Le 6 août 2021, soit une semaine après l'élection par les conseils consulaires du Paraguay et d'Argentine de leurs présidents respectifs, les conseillers des Français de l'étranger d'Argentine et du Paraguay ont été convoqués par le consulat général de Buenos Aires pour procéder à l'élection d'un président de conseil consulaire unique pour les deux pays. Aucun conseiller ne s'étant présenté à la réunion prévue le 13 septembre 2021, une nouvelle convocation a été finalement envoyée aux conseillers des Français de l'étranger élus dans les circonscriptions d'Argentine et du Paraguay, à cette même fin.

Le 17 novembre 2022, lors d'un conseil consulaire commun aux conseillers des Français élus en Argentine et au conseiller élu au Paraguay, un accord a été formalisé pour déléguer la présidence du conseil consulaire au conseiller des Français de l'étranger du Paraguay lorsqu'il est question d'affaires du Paraguay, et inversement pour l'Argentine. En outre, le site du consulat général de France à Buenos Aires continue de mentionner des procès-verbaux distincts pour les conseils consulaires du Paraguay, d'une part, et d'Argentine, d'autre part.

Les rapporteurs estiment nécessaire de prévoir une souplesse dans l'aménagement de la compétence territoriale des conseils consulaires. Ils soulignent toutefois que celui-ci ne saurait être dicté par la seule recherche d'économies. En outre, ils jugent indispensable que les conseils consulaires concernés par l'aménagement de compétence territoriale soient consultés avant que le ministre des affaires étrangères arrête sa décision. Cette consultation devrait être également obligatoire lorsque le ministre envisage de modifier la carte des circonscriptions consulaires.

Proposition : Rendre obligatoire la consultation, par le ministre des affaires étrangères, des conseils consulaires concernés, en cas de création de conseils consulaires compétents pour plusieurs circonscriptions consulaires et en cas de modification du périmètre des circonscriptions consulaires.

De plus, alors que le décret prévoit aujourd'hui que « chaque conseiller des Français de l'étranger ne siège que pour l'examen des affaires relevant de sa circonscription d'élection » 50(*), les rapporteurs considèrent qu'il est légitime d'aller plus loin, en instituant, dans les conseils consulaires regroupant plusieurs circonscriptions électorales, un président délégué par circonscription électorale.

Proposition : Dans les conseils consulaires regroupant plusieurs circonscriptions électorales, prévoir qu'il existe un président délégué par circonscription électorale.

Enfin, afin de favoriser le partage d'expériences et la mutualisation de connaissances, les rapporteurs souhaitent permettre aux conseillers des Français de l'étranger qui le souhaitent de tenir des réunions communes à plusieurs conseils consulaires représentant plusieurs circonscriptions au sein d'un même pays ou d'une même zone géographique, pour travailler sur des thèmes transversaux communs. Ces réunions communes supposeraient l'accord des conseillers des Français de l'étranger concernés tant sur le principe que sur le choix du conseil consulaire comme lieu de réunion.

Proposition : Permettre aux conseillers des Français de l'étranger qui le souhaitent de tenir des réunions communes à plusieurs conseils consulaires représentant plusieurs circonscriptions d'un même pays ou d'une même zone géographique pour travailler sur des thèmes transversaux communs (sous réserve de l'accord des conseillers des Français de l'étranger concernés sur le principe et le choix du conseil consulaire comme lieu de réunion).

3. Fluidifier les relations entre l'administration et les conseillers des Français de l'étranger et faciliter le fonctionnement des conseils consulaires

Dans sa version initiale, la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 confiait la présidence du conseil consulaire à l'ambassadeur ou au chef de poste consulaire ; les conseillers consulaires désignaient quant à eux un vice-président pour chaque conseil consulaire dont les prérogatives étaient limitées : « assister » l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire dans le fonctionnement du conseil consulaire51(*) et présider la commission de contrôle des listes électorales52(*). Il n'existait, en outre, « aucune obligation pour le président d'associer le vice-président à la fixation de l'ordre du jour » 53(*).

Reprenant la disposition votée en ce sens au Sénat dans le cadre de la proposition de loi n° 57 (2018-2019) déposée par Christophe-André Frassa et plusieurs de ses collègues54(*), l'article 111 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique a prévu l'élection du président du conseil consulaire par et parmi les membres élus. Cette disposition a été mise en oeuvre pour la première fois à l'occasion du renouvellement général des conseils consulaires de 2021.

L'élection du président a lieu lors de la première réunion du conseil consulaire suivant l'élection consulaire ; le président est élu pour un mandat de trois ans55(*). Il fixe l'ordre du jour et convoque les réunions du conseil consulaire.

L'ambassadeur ou le chef de poste consulaire exerce désormais les fonctions de rapporteur général. Outre « la présentation au conseil consulaire d'un rapport sur la situation de la circonscription consulaire »56(*), ses nouvelles prérogatives sont précisées par le décret n° 2014-14457(*). Il est notamment destinataire de tous les ordres du jour ; il peut demander la convocation d'un conseil, l'inscription d'un point à l'ordre du jour, ainsi que l'invitation d'une personne qualifiée. Il peut également assister aux séances et y intervenir, et il contresigne le procès-verbal.

À l'occasion de son rapport sur la proposition de loi déposée par Christophe-André Frassa, Jacky Deromedi avait souligné que confier la présidence des conseils consulaires à un membre élu constituait une « marque de confiance envers les conseillers consulaires, qui s'investissent quotidiennement pour le rayonnement de la France et l'animation de la communauté des Français de l'étranger »58(*).

Au terme de deux années de présidence des conseils consulaires par des élus, les rapporteurs jugent le bilan de cette disposition plutôt positif : le rôle des élus au sein des conseils consulaires et la dimension politique de ceux-ci s'en sont incontestablement trouvés renforcés. Ils notent toutefois, en contrepartie, une tendance au désengagement de l'ambassadeur ou du chef du poste consulaire qui, n'étant plus tenu d'assister en personne aux conseils consulaires, s'y fait représenter de manière assez fréquente59(*).

Issu également de la loi dite « Engagement et proximité », le changement de nom des « conseillers consulaires » en « conseillers des Français de l'étranger » a pu, quant à lui, contribuer à asseoir la qualité d'élu aux yeux des concitoyens expatriés, en clarifiant la distinction par rapport à l'administration consulaire.

Dix après l'instauration des conseils consulaires, les conseillers des Français de l'étranger sont, dans l'ensemble, reconnus comme des interlocuteurs à part entière par l'administration consulaire. Comme ils en avaient déjà eu l'occasion lors du bilan d'étape réalisé en 2015, les rapporteurs soulignent toutefois que le rôle effectif des conseillers des Français de l'étranger dépend en grande partie de l'attitude de l'administration consulaire, qui est très variable d'un poste consulaire à l'autre, en fonction des circonstances locales et des personnes.

La direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire (DFAE), tout en saluant « l'esprit de dialogue [qui] prévaut au sein de la grande majorité des conseils consulaires », a d'ailleurs reconnu que « des tensions parfois vives [pouvaient] toutefois être déplorées »60(*).

Conscients des limites de la loi face au poids des relations interpersonnelles, les rapporteurs estiment néanmoins que les dysfonctionnements tiennent en partie à la méconnaissance, de la part des ambassadeurs et des consuls, du rôle des conseillers des Français de l'étranger. C'est pourquoi ils suggèrent d'inclure, dans la formation donnée aux ambassadeurs et consuls lors de leur prise de poste, un module sur la spécificité du rôle de ceux-ci.

Proposition : Intégrer dans la formation donnée aux ambassadeurs et consuls généraux lors de leur prise de poste un module sur la spécificité du rôle des conseillers des Français de l'étranger.

Dans la même optique de fluidifier les relations entre l'administration et les conseillers des Français de l'étranger et d'améliorer l'information de ces derniers, les rapporteurs proposent que l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire présente au conseil consulaire au moins deux fois par an, au lieu d'une seule fois comme le prévoit aujourd'hui la loi du 22 juillet 201361(*), le rapport sur la situation de la circonscription consulaire.

Proposition : Prévoir que la présentation du rapport sur la situation de la circonscription consulaire intervienne au moins deux fois par an.

Enfin, pour renforcer la coordination entre l'ensemble des acteurs concourant au service des Français de l'étranger, les rapporteurs recommandent, à la suite de la résolution adoptée à cette fin par l'Assemblée des Français de l'étranger62(*), de généraliser le principe d'une réunion de travail annuelle entre les consuls honoraires63(*) et les conseillers des Français de l'étranger d'une même circonscription consulaire. Si elle constitue une prérogative du seul chef de poste, la nomination des nouveaux consuls honoraires devrait par ailleurs faire l'objet d'une consultation des conseillers des Français de l'étranger.

Proposition : Généraliser le principe d'une réunion de travail annuelle entre les consuls honoraires et les conseillers consulaires d'une même circonscription consulaire.


* 24 1 683 915 d'après le décret n° 2023-18 du 19 janvier 2023.

* 25 Source : ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

* 26 Loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires et décret n° 2021-231 du 26 février 2021.

* 27 Décret n° 2021-1212 du 22 septembre 2021, dans les circonscriptions Inde 1, Inde 2 et Madagascar.

* 28 Entre 2014 et 2020 ont été publiés deux rapports d'information : le rapport n° 481 (2014-2015) du 3 juin 2015 sur le bilan de l'application de la loi du 22 juillet 2013, fait par Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte et le rapport n° 281 (2020-2021) du 16 décembre 2020 sur l'organisation des élections consulaires en 2021, fait par Jacky Deromedi, Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte. Les recommandations faites dans le rapport n° 481 (2014-2015) ont ensuite été traduites par la proposition n° 195 (2015-2016) tendant à améliorer le régime électoral des instances représentatives des Français établis hors de France et les conditions d'exercice des mandats électoraux de leurs membres, déposée par MM. Frassa et Leconte.

* 29 Qui s'est tenue du 27 au 31 mars 2023.

* 30 En conséquence de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, qui a modifié l'article 24 de la Constitution.

* 31 Découlant du projet de loi présenté par le ministre des affaires étrangères et déposé au Sénat le 20 février 2013.

* 32 Rapport n° 251 (2018-2019) fait par Jacky Deromedi au nom de la commission des lois, p. 22.

* 33 Étude d'impact du projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France, février 2013, p. 3.

* 34 Article 3 de la loi du 22 juillet 2013.

* 35 Jusqu'à la fusion des conseils consulaires d'Assomption (Paraguay) et de Buenos Aires (Argentine), en août 2021, les conseils consulaires étaient au nombre de 160 (voir pp. 29-30).

* 36 Aux côtés de l'ambassadeur (ou du chef de poste consulaire), des membres de l'administration consulaire et d'associations nationales représentatives des Français hors de France.

* 37 Voir article 25 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013. À noter qu'aucune circonscription consulaire ne compte deux conseillers des Français de l'étranger ; aucune n'en compte huit non plus.

* 38 D'après l'arrêté du 21 janvier 2021 fixant le nombre de conseillers des Français établis hors de France.

* 39 Sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation.

* 40 Telles que définies par l'annexe de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative à l'Assemblée des Français de l'étranger.

* 41 Outre ces 155 membres, l'AFE comportait 23 députés et sénateurs, et 12 personnalités qualifiées désignées par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, soit 190 membres au total.

* 42 Depuis la réforme de 2013, l'AFE est uniquement composée de membres élus.

* 43 Conformément à l'article 51 de la loi du 22 juillet 2013. Voir la partie III pour plus de détails.

* 44 Article 40 de la loi du 22 juillet 2013.

* 45 Rapport n° 424 (2012-2013) sur le projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France, fait par Jean-Yves Leconte au nom de la commission des lois, commentaire de l'article 30 du projet de loi, p. 84.

* 46 L'article 18 du décret n° 2014-144 du 18 février 2014 prévoit ainsi cette possibilité « lorsque les circonstances locales ou le faible nombre de personnes inscrites au registre des Français établis hors de France le justifient ».

* 47 Il s'agit actuellement de l'arrêté du 23 juin 2021.

* 48 Comprenant la Bulgarie, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine du Nord, l'Albanie, le Kosovo et le Monténégro.

* 49 Courrier de Jean-Yves Le Drian, ministre des affaires étrangères, à Jacky Deromedi, sénatrice représentant les Français établis hors de France, en date du 22 mai 2019.

* 50 Dernier alinéa de l'article 18 du décret n° 2014-144 du 18 février 2014.

* 51 Article 10 de décret n° 2014-144 du 18 février 2014 relatif aux conseils consulaires, à l'Assemblée des Français de l'étranger et à leurs membres.

* 52 Article 8 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République.

* 53 Rapport d'information n° 481 (2014-2015) fait au nom de la commission des lois du Sénat, p. 14 et 15.

* 54 Proposition de loi tendant à améliorer le régime électoral des instances représentatives des Français établis hors de France et les conditions d'exercice des mandats électoraux de leurs membres.

* 55 Article 10 du décret n° 2014-144 du 18 février 2014.

* 56 Article 3 de la loi du n° 2013-659 du 22 juillet 2013.

* 57 Article 6 bis du décret n° 2014-144 du 18 février 2014.

* 58 Rapport n° 251 (2018-2019) fait par Jacky Deromedi au nom de la commission des lois, p. 36.

* 59 La possibilité pour l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire de se faire représenter au conseil consulaire était déjà prévue par l'article 3 de la loi du 22 juillet 2013 dans sa version initiale.

* 60 Réponse au questionnaire des rapporteurs.

* 61 À son article 3.

* 62 Résolution adoptée par l'AFE en mars 2017.

* 63 Les consuls honoraires exercent des fonctions de représentation, d'appui au rayonnement international de la France et d'assistance aux Français résidents ou de passage. Ils peuvent être de nationalité française ou étrangère, seuls les consuls honoraires de nationalité française étant habilités à délivrer des actes d'état civil. N'étant pas des agents de l'État, ils accomplissent leur mission bénévolement et sont autorisés à exercer une activité professionnelle en parallèle de leurs fonctions de consul honoraire.