C. LA MONTÉE EN PUISSANCE RAPIDE DES ENJEUX QUANTITATIFS
1. Des ressources en eau douce jusqu'ici suffisantes
a) Des précipitations abondantes et des réserves en eau dans les cours d'eau et les nappes ....
Avec un niveau de pluviométrie moyenne d'un peu plus de 900 mm de pluie par an, la France hexagonale ne manque pas d'eau.
Au total, on enregistre de l'ordre de 500 milliards de m3 de précipitations sous forme de pluie et de neige, dont 40 % environ, soit 200 milliards de m3, sont considérées comme des pluies efficaces, qui s'infiltrent dans les sols ou vont dans les cours d'eau, et 60 %, soit 300 milliards de m3, sont soit absorbés par la végétation soit évapotranspirés.
Derrière les moyennes nationales, se cachent toutefois des particularités géographiques et saisonnières :
- l'influence océanique ou encore le relief favorisent les précipitations, conduisant les façades maritimes et les régions montagneuses à recevoir plus de précipitations que la moyenne ;
- les précipitations se répartissent inégalement selon les saisons et leur régularité est moins forte au sud qu'au nord de la France.
Les pluies efficaces sont collectées ensuite sur chaque bassin versant, la limite entre ces derniers étant la ligne de partage des eaux, le plus souvent une ligne de crête. Ces bassins sont très différents par leur taille, la caractéristique des sols et des sous-sols et la rapidité selon laquelle l'eau part vers son exutoire, qui est en général la mer ou l'océan, parcourant un réseau hydrographique dense et fortement ramifié de 270 000 kilomètres de cours d'eau composé des grands et petits fleuves et de leurs multiples affluents et sous-affluents24(*).
La course de l'eau vers la mer est ralentie par une multitude de retenues d'eaux naturelles ou artificielles, des grands barrages hydroélectriques aux plus petits étangs. Le nombre des étangs est estimé à 120 000 pour une capacité de stockage d'environ 1,5 milliard de m3 d'eau, deux chiffres qui seraient sous-évalués, selon Étangs de France lors de son audition par la mission.
Par ailleurs, l'eau s'infiltre dans les nappes phréatiques, qui sont des réservoirs d'eaux souterraines stockées à faible profondeur dans des roches poreuses et perméables qui composent les zones aquifères. Les nappes ont des fonctionnements très variables. Les nappes libres, non bloquées par une couche imperméable, sont très réactives, l'eau s'y infiltrant rapidement mais pouvant aussi en sortir rapidement, ce qui n'est pas le cas pour les nappes captives, dont le renouvellement peut suivre un cycle pluriannuel. En s'infiltrant, l'eau se purifie, le sol jouant un rôle de dépolluant naturel.
Selon le Centre d'information sur l'eau, on estime à environ 2 000 milliards de m3 les réserves d'eau dans nos nappes mais toutes ces réserves ne sont pas exploitables. En outre, une bonne gestion de la ressource suppose de ne pas prélever plus que la capacité de renouvellement des nappes, pour ne pas les assécher durablement. Or, le rythme de recharge des nappes est difficile à estimer. La variable surveillée est plutôt celle du niveau des nappes : lorsque celle-ci baisse, son exploitation est considérée comme n'étant plus durable.
Compte tenu du haut niveau de précipitations, de leur répartition sur l'année et de la capacité de stockage naturel de l'eau dans les nappes, nous avons longtemps vécu avec l'idée qu'en France, l'accès à l'eau ne serait jamais un problème.
b) ... permettant de multiples usages de l'eau
L'eau disponible dans la nature ou retenue dans nos ouvrages hydrauliques nous permet de l'utiliser pour de multiples finalités.
L'utilisation de l'eau est comptabilisée selon deux modalités :
- le prélèvement d'eau : c'est la quantité que l'on a besoin de puiser dans la nature. Il représentait en 2020 un peu plus de 30 milliards de m3, dont un peu moins de 6 milliards sont puisés en sous-sol dans les nappes.
- la consommation d'eau : c'est la quantité prélevée qui n'est pas restituée immédiatement au milieu sous la même forme ou prélèvement net, qui représentait un peu plus de 4 milliards de m3 en 2020.
Il faut noter qu'en tout état de cause, l'eau consommée finira par être restituée au milieu naturel, le cycle de l'eau étant un cycle continu.
Prélèvement et consommation d'eau : une méthodologie de classement discutable
Le suivi quantitatif des prélèvements est effectué à travers la banque nationale des prélèvements quantitatifs en eau (BNPE), à partir des données collectées par les agences de l'eau à l'occasion de l'établissement des redevances pour prélèvement. Les prélèvements de moins de 10 000 m3 (7 000 m3 dans les zones de répartition des eaux) sont exonérés de redevance et donc non comptabilisés.
L'eau retenue dans les barrages et turbinée pour la production hydroélectrique, soit de l'ordre de 700 milliards de m3 par an, n'est pas non plus comptabilisée dans les prélèvements.
La consommation d'eau identifie les prélèvements nets, correspondant à la partie de l'eau prélevée et non restituée aux milieux aquatiques après usage : il s'agit principalement de l'eau évaporée ou incorporée dans le sol, les plantes ou les produits.
Pour les centrales nucléaires assurant le refroidissement de leur circuit tertiaire en milieu ouvert, soit à peu près la moitié du parc, les prélèvements sont considérés comme immédiatement et intégralement restitués. Leur consommation est donc nulle. Pour les centrales fonctionnant en circuit fermé, avec des tours aéroréfrigérantes, on estime que 22 % des prélèvements d'eau sont évaporés et donc consommés.
Pour les activités industrielles, on considère que seulement 7 % de l'eau est consommée, le reste étant restitué.
Pour l'eau destinée à l'irrigation agricole, on considère que 18 % de l'eau est consommée par les systèmes d'irrigation gravitaire (le reste retournant au milieu), mais la consommation est de 100 % pour les systèmes d'irrigation non gravitaire.
Pour l'eau potable, seule l'eau perdue dans les fuites est considérée comme consommée, soit environ 20 %. L'eau restituée après épuration n'est pas comptée dans la consommation, même si la station d'épuration est située loin du point de captage.
Compte tenu des différents modes de comptabilisation de notre utilisation de l'eau, la répartition des prélèvements et des consommations est très différente et il faut toujours avoir à l'esprit les limites et biais des méthodologies retenues.
Prélèvements et consommation d'eau en France, en m3
Source : Le Monde25(*)
(1) L'eau potable
Essentielle à la vie quotidienne, l'alimentation en eau potable nécessite de prélever un peu plus de 5 milliards de m3 de prélèvements par an. La demande en eau potable est relativement stable durant l'année, avec toutefois une hausse pendant la période estivale. Le besoin de disposer d'une eau de qualité conduit à privilégier les prélèvements dans les nappes, d'où proviennent les deux tiers environ de l'eau potable. Par ailleurs, le besoin en eau potable fait l'objet d'une satisfaction essentiellement par des ressources locales, afin d'éviter des investissements coûteux dans des infrastructures de transport d'eau sur longue distance. L'équilibre entre la ressource disponible et les consommations est donc à appréhender sur chaque territoire.
Selon le Centre d'Information de l'Eau, les postes les plus importants de la consommation d'eau potable étaient la douche et les bains (39 %), puis les sanitaires (20 %), le lavage du linge (12 %), la vaisselle (10 %), l'arrosage (6 %), la cuisine (6 %). La boisson ne compte que pour 1 % de l'ensemble de la consommation d'eau potable.
La consommation moyenne par habitant est en baisse tendancielle, sous l'effet de l'amélioration technique des équipements de la maison (lave-linge, lave-vaisselle), mais ce mouvement semble désormais stoppé, autour d'environ 50 m3 par an et par personne.
Les moyennes cachent toutefois de fortes disparités régionales, en particulier entre les départements du nord de la France, où la consommation par personne varie de 30 à 50 m3 et ceux du sud où l'on se situe plutôt autour de 50 à 70 m3, selon les chiffres du rapport de la délégation à la prospective du Sénat précité. Ce rapport mentionne cependant que les données sont « probablement faussées par les flux touristiques ».
(2) L'eau pour l'agriculture
Les enjeux de l'eau pour l'agriculture font l'objet d'une analyse détaillée plus loin dans le présent rapport. A ce stade, on peut cependant noter que l'eau est indispensable au déploiement de l'activité agricole.
Elle est d'abord fournie par la nature elle-même, à travers les pluies qui humidifient le sol, permettant au système racinaire des plantes de la capter pour l'utiliser.
L'eau est aussi apportée par des aménagements d'hydraulique agricole, qui complètent les apports naturels, voire les suppléent lorsqu'ils sont défaillants. Les besoins en eau des plantes sont variables, mais se concentrent fortement sur la période estivale, pendant laquelle l'agriculture peut représenter plus de 80 % des consommations d'eau. Les 3,2 milliards de m3 d'eau consommés par le secteur agricole le sont principalement entre mai et septembre.
Les différents territoires agricoles sont loin d'être logés à la même enseigne en matière de disponibilité de l'eau. Comme le note en effet le ministère de la transition écologique : « la ressource en eau estivale est inégalement répartie, les grands fleuves arrosant généreusement les régions qu'ils traversent (Rhône, Loire). À l'inverse, certains sous-bassins recèlent de faibles ressources en eau renouvelables, tout en faisant face à une forte consommation estivale : Mayenne-Sarthe-Loir, Charente, les côtiers aquitains et charentais, et, dans une moindre mesure, Tarn-Aveyron et Corse. Dans ces secteurs, la part d'eau consommée par l'usage agricole en période estivale dépasse 90 % ».26(*)
(3) L'eau pour le refroidissement des centrales électriques
Si de l'eau est nécessaire pour le fonctionnement des circuits primaire et secondaire des centrales nucléaires, il s'agit de petites quantités utilisées en circuit fermé (reproduisant un cycle vapeur - eau liquide). En revanche, de grandes quantités d'eau froide sont nécessaires pour faire fonctionner le circuit tertiaire destiné à dissiper la part de la puissance thermique issue du réacteur qui ne peut être transformée en énergie électrique.
Le refroidissement en circuit ouvert prélève beaucoup d'eau mais la restitue à une température plus élevée. L'enjeu est alors de disposer en entrée de circuit d'un milieu capable de supporter des prélèvements importants d'eau froide et en sortie, de permettre de mélanger l'eau échauffée à une eau froide en grande quantité pour ne pas augmenter excessivement la température dans le milieu naturel. En aval du système de refroidissement, l'eau est restituée en quasi-totalité au milieu, à une température supérieure à la température de l'eau lors de son prélèvement (l'échauffement de l'eau est de l'ordre de 10 à 15 degrés, ramenée à quelques degrés après mélange avec l'eau prélevée en aval). L'ASN définit, pour chaque centrale, les températures maximales des rejets après mélange, à l'aval de la centrale, avec un écart de 3° C maximum par rapport à la température du cours d'eau en amont. Les centrales en circuit de refroidissement ouvert se situent donc de manière privilégiée en bord de mer ou dans les zones estuariennes, comme la centrale du Blayais en Gironde visitée par la mission.
Les centrales dont le refroidissement est assuré en circuit fermé prélèvent 25 fois moins d'eau que celles en circuit ouvert mais en évaporent une part non négligeable. L'eau restituée l'est sensiblement à la même température, ce qui limite les risques de réchauffement des milieux naturels. Même si leurs besoins en eau sont moindres, le refroidissement nécessite tout de même une garantie d'approvisionnement en eau douce et des volumes importants, ce qui implique d'implanter les centrales le long de cours d'eau à débits élevés et assez stables.
(4) L'eau pour l'industrie
La production industrielle a besoin d'eau comme matière première, comme solvant ou encore pour le nettoyage et le refroidissement. Comme le note le rapport de la délégation à la prospective précité : « historiquement, nombre de sites industriels se sont d'ailleurs développés à proximité des cours d'eau pour une multitude de raisons : utiliser l'énergie motrice de l'eau, utiliser le cours d'eau pour s'approvisionner ou pour acheminer les marchandises produites, utiliser l'eau dans le processus de production ou rejeter les effluents de l'activité industrielle ».
La principale activité industrielle à mobiliser de la ressource en eau est la chimie avec 50 % du total des prélèvements industriels. La fabrication de papier et celle des produits alimentaires comptent respectivement pour 15 % de ces prélèvements27(*).
L'activité de production d'eaux minérales naturelles présente la particularité d'avoir besoin d'une eau de qualité, puisée dans des nappes étroitement surveillées, avec un objectif de stabilité des apports des différents minéraux.
Les eaux minérales naturelles
On recense 89 sources d'eaux minérales naturelles en France, exploitées par des usines employant environ 8 000 personnes, et situées principalement en milieu rural. L'eau est puisée dans des aquifères profonds peu sensibles aux variations saisonnières.
Néanmoins, des inquiétudes s'expriment souvent sur la concurrence entre usages et le risque de surexploitation des nappes au détriment des usages locaux destinés à l'alimentation des réseaux d'eau potable ou encore de l'équilibre des milieux naturels.
Le ratio entre la quantité d'eau prélevé et la quantité d'eau embouteillée est de l'ordre d'1,5 litre prélevé pour 1 litre mis en bouteille. Ce ratio est en amélioration de 25 % depuis dix ans. Les volumes mis en bouteille chaque année s'élèvent à 4,6 millions de m3 d'eau par an, soit à peine 1/1000e des prélèvements d'eau potable.
Les prélèvements effectifs sont bien en dessous des autorisations de prélèvement, si bien qu'une augmentation de production serait possible. Toutefois, dans le cadre des mesures de sécheresse, même si l'impact de mesures conjoncturelles sur des nappes profondes est probablement très faible, des réductions de prélèvements sont demandées aux industriels. Par ailleurs, la sensibilité du sujet de l'eau doit conduire à maintenir un suivi strict des prélèvements d'eau des minéraliers, pour ne pas risquer la dégradation quantitative des aquifères. Le secteur des eaux minérales naturelles est emblématique de l'équilibre à trouver entre enjeux économiques, le chiffre d'affaires du secteur s'élevant à 2,5 milliards d'euros par an, et les enjeux de protection de la ressource.
(5) L'eau pour la navigation et les canaux
Le bon fonctionnement du réseau de canaux et de voies fluviales navigables nécessite de réguler leur débit par des prélèvements dans les milieux naturels. Ceux-ci sont estimés à environ 5 milliards de m3 par an.
Lors de son audition par la mission, Voies navigables de France (VNF), établissement public chargé de la gestion de 80 % des voies fluviales et canaux navigables de France, rappelait qu'il avait la responsabilité de 6 700 km de fleuves, rivières canalisées et canaux artificiels ainsi que d'un parc de 4 000 ouvrages, dont des ouvrages de retenue d'eau qui stockent pas moins de 150 millions de m3.
Sur les fleuves comme la Seine, le Rhin, la Saône, la Moselle, la Meuse et sur les cours d'eau du bassin Artois-Picardie, ce sont les barrages de régulation des niveaux d'eau qui permettent à ces fleuves et rivières d'être constamment alimentés en eau. La régulation des débits permet la navigation mais pas seulement. Elle stabilise l'approvisionnement en eau potable, l'alimentation des centrales nucléaires, la production hydroélectrique, mais permet aussi l'irrigation ou le maintien d'activités de loisir.
L'efficacité de l'utilisation de cette eau dépend du bon état des infrastructures. Or, le vieillissement de celles-ci ainsi que les besoins supplémentaires liés à la volonté de développer le transport fluvial entraînent la nécessité de mobiliser d'importants moyens financiers. VNF a annoncé un programme décennal de 330 millions d'euros d'investissements pour optimiser les réserves d'eau des barrages réservoirs et des canaux. Rien que sur les ouvrages existants, leur modernisation permettrait de se rapprocher de leur capacité de stockage initial de 190 millions de m3. Le dragage des canaux est aussi une opération utile pour rétablir le bon fonctionnement des voies navigables.
Les sécheresses ont jusqu'à présent eu un impact limité sur les possibilités de navigation. Durant l'été 2022, 85 % du réseau de VNF est resté ouvert. Il faut cependant noter que cette même année, le taux de chargement des navires a été contraint et la circulation sur le Rhin a dû être réduite durant deux semaines, faute d'un débit adéquat pour y laisser circuler des péniches à plein chargement.
Face à des étiages plus prononcés, les besoins de prélèvements d'eau pour l'alimentation de canaux pourraient donc être amenés à augmenter.
(6) L'eau pour les loisirs et le tourisme
Comme le remarquait le rapport de la délégation à la prospective du Sénat précité : « le secteur des loisirs et du tourisme, qui assure environ 10 % du PIB national, est aussi très dépendant de la disponibilité de l'eau, soit qu'il utilise l'eau comme support, soit qu'il prélève l'eau comme ressource ». Ce rapport citait ainsi :
- l'activité de pêche de loisir, pratiquée par environ 1,5 million de personnes et organisée par 3 600 associations de pêche au sein desquelles environ 40 000 bénévoles sont mobilisés ;
- le tourisme de plan d'eau ou de rivière, forme de tourisme vert particulièrement prisée, et qui fonctionne essentiellement en période estivale, est aussi dépendant de la capacité à conserver une ressource en eau de bonne qualité et en quantité suffisante, ce qui n'a par exemple pas été le cas à l'été 2022 sur les lacs de retenue du Verdon et de la Durance, au taux de remplissage particulièrement faible ;
- les sports d'eau vive, comme le canoë-kayak, sont aussi tributaires du maintien du débit des cours d'eau sur lesquels ces activités sont pratiquées ;
- la pratique du ski est en partie dépendante de la disponibilité de l'eau sous forme de neige, moins abondante notamment en début et fin de saison. Or, le ski, qui génère 10 millions de visites en France par an, assure une part importante de l'activité économique de départements comme la Savoie ou la Haute-Savoie. La neige de culture, fabriquée à partir de retenues d'eau d'altitude, couvre près de 30 % des pistes en France (contre 60 à 70 % en Autriche et en Italie) et assure environ 10 % de l'enneigement total des pistes sur une saison. La fabrication de neige de culture nécessite environ 25 millions de m3 d'eau prélevés par an, cette eau étant restituée aux milieux à travers la fonte de printemps.
- les courses hippiques, qui ont besoin techniquement d'arroser les pistes, non pour des raisons d'agrément visuel, mais pour éviter des sols trop durs ou trop inégaux, risquant de blesser les chevaux ;
- le golf, dont les « greens » sont extrêmement fragiles et ne se renouvellent que sur plusieurs saisons de suite. Les enjeux concernant les golfs sont abordés en fin de rapport.
2. La disponibilité de la ressource en eau remise en cause par le changement climatique
a) Des besoins en eau par nature sans limite
On a longtemps vécu avec l'idée que les ressources en eau seraient toujours disponibles pour répondre à l'ensemble de nos besoins, et que les ajustements à réaliser seraient limités.
Cette conviction est ébranlée par la succession des crises de l'eau, qui font prendre conscience de la nécessité d'aller vers moins de prélèvements et moins de consommations d'eau.
À cet égard, les prélèvements sont en baisse tendancielle depuis les années 2000. En 2020, ils s'établissent à 30,4 milliards de m3, soit une réduction de 1,3 % par an28(*), mais répartie de manière inégale selon les secteurs. Les prélèvements ont été réduits en 2020 de 42 % par rapport à ceux de 1994 pour les activités industrielles et de 13 % par rapport à ceux de 2003, pour la production d'eau potable. Le volume d'eau prélevé pour le refroidissement des centrales, se contracte en moyenne de 2 % par an depuis 2005. Si les prélèvements pour la navigabilité des canaux sont restés très stables sur la période 2008-2020, celle pour les usages agricoles tend à varier en fonction des précipitations. Ayant atteint un point bas en 2014 avec 2,1 milliards de m3, en raison d'une forte pluviométrie estivale, ces prélèvements s'établissent à 3,4 milliards de m3, en 2020. Sur la période 2010-2020, le prélèvement moyen par hectare irrigué diminue de 1 924 à 1 902 m3.
Pour autant, peut-on préjuger d'une réduction généralisée des besoins en eau dans tous les secteurs ? À système de culture inchangé, les agriculteurs pourraient avoir besoin de mobiliser davantage d'eau. Dans le secteur résidentiel, les économies d'eau marquent aussi le pas. Le rapport de la délégation à la prospective précité soulignait par ailleurs que l'on dénombre « environ 3 millions de piscines privées en France (dont 50 % de piscines enterrées). 15 % des maisons individuelles environ en disposent et le phénomène ne cesse de progresser, en particulier dans le Sud-Est et le Sud-Ouest, où précisément l'eau manque à la saison chaude. Chaque piscine consomme de l'ordre de 15 m3 par an, pour un volume moyen d'eau stockée de l'ordre de 50 m3 ». Dans le secteur de l'énergie, le développement de nouvelles tranches nucléaires nécessitera aussi de mobiliser davantage d'eau pour le refroidissement.
En réalité, les besoins en eau sont par nature sans limite, et la consommation d'eau dépendra davantage de la disponibilité de la ressource.
b) Diminution et variabilité de la ressource en eau dues au changement climatique
Il ne fait aucun doute que le changement climatique bouleverse les cycles de l'eau. Les projections du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) retiennent comme hypothèse centrale (scénario dit SSP2-4.5) à l'horizon 2100 une hausse de 2,7° C de la température du globe par rapport à la moyenne 1850-1900. Or, le réchauffement au-dessus des terres est près de deux fois plus important qu'au-dessus des mers. Le Gouvernement invite désormais à travailler sur un scénario qui conduirait la température moyenne en France à augmenter de 4 °C d'ici la fin du siècle.
La France se situe en effet dans la zone qui va être affectée par le déplacement de la zone de convergence intertropicale. Le sud de l'Europe est ainsi appelé à être plus aride.
Les projections climatiques de Météo-France dans le cadre de l'étude DRIAS-202029(*) font l'objet d'une déclinaison en matière de disponibilité de l'eau à travers l'étude DRIAS-Eau qui contient des projections hydrologiques des eaux de surface et souterraines. Un portail est d'ailleurs mis à disposition du public pour présenter ces projections sur les différents territoires.
Par ailleurs, le projet Explore2, porté par l'Institut National de Recherche pour l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement (INRAE) s'inscrit dans la suite de la première étude prospective nationale Explore 2070 (2010-2012) portée par le ministère de la transition écologique. Lancé en juin 2021 et financé par le ministère de la transition écologique et l'OFB, Explore2 a pour objectif, d'ici 2024, d'actualiser les connaissances sur l'impact du changement climatique sur l'hydrologie, et aussi d'accompagner les acteurs des territoires dans la compréhension et l'utilisation de ces résultats pour adapter leurs stratégies de gestion de la ressource. D'autres études locales ont pu être aussi engagées sur différents grands bassins hydrographiques (Moselle-Sarre-Rhin, Chiers-Meuse, Durance, Garonne, etc.), afin de quantifier les impacts futurs sur les territoires.
Effectuer des projections n'est pas facile, du fait de la variété du territoire national en termes de climat, d'hydrogéologie et d'occupation du sol. Les changements projetés pour le climat sont certes structurés selon un gradient Nord-Sud mais avec la nécessité de prendre en compte des facteurs locaux.
Sur la base des études existantes, il apparaît qu'à l'horizon 2050 :
- l'évolution du cumul annuel de précipitation serait faible et de signe incertain ;
- la variabilité saisonnière des précipitations pourrait augmenter avec une hausse de l'ordre de +15 % en hiver et une baisse de l'ordre de -10 % en été, l'étude Explore 2070 table sur une baisse de précipitations en été de l'ordre de 16 à 23 % ;
- une augmentation de la fréquence des précipitations extrêmes de l'ordre de +10 % est également attendue. Or, les phénomènes de précipitations extrêmes (épisodes cévenols) ne sont pas favorables à l'infiltration de l'eau : sur des sols secs, celle-ci ruisselle ;
- on devrait en conséquence constater une diminution significative globale des débits moyens annuels à l'échelle du territoire, de l'ordre de 10 % à 40 %, particulièrement prononcée sur les bassins Seine-Normandie et Adour-Garonne. En 2022, ce sont près de 1 400 cours d'eau ont connu des ruptures d'écoulement ou des assecs à la fin du mois d'août, soit trois fois plus qu'en 202130(*) ;
- la vitesse de recharge des nappes devrait aussi diminuer de 10 à 25 %, avec globalement deux zones plus sévèrement touchées : le bassin versant de la Loire avec une baisse de la recharge comprise entre 25 et 30 % sur la moitié de sa superficie et surtout le sud-ouest de la France avec des baisses comprises entre 30 et 50 %. Le BRGM constate d'ores et déjà une dégradation du niveau de remplissage sur une longue période de la nappe de la Beauce, des nappes du Roussillon, de la nappe du Carbonifère (secteur nord de Lille) ;
- en outre, la hausse constante de l'évapotranspiration de l'ordre de 17 % sur la période 1970-202131(*) devrait se poursuivre et réduire le volume d'eau pouvant être utilisé par les plantes ;
- l'humidité du sol devrait aussi baisser : les valeurs d'humidité des sols superficiels étaient inférieures à la normale de 20 % à 60 % sur une grande partie de la métropole en entrée d'hiver 2022.
Les tensions sur les nappes
phréatiques :
l'épisode 2022-2023 en passe de devenir la
norme ?
Les nappes se rechargent en hiver et durant l'automne, mais assez peu le reste de l'année. Il est donc important de bénéficier d'une pluviométrie significative à partir du mois d'octobre. Or, cela n'a pas été le cas durant l'hiver 2022-2023.
La période de recharge des nappes sur 2022 et 2023 a été déficitaire sur une grande partie du territoire. « La situation demeure peu satisfaisante sur une grande partie du pays32(*) : 66 % des niveaux des nappes restent sous les normales mensuelles en mai (68 % en avril 2023) avec de nombreux secteurs affichant des niveaux bas à très bas. En juin et pour le prochain trimestre, les niveaux des nappes devraient rester en baisse. Les épisodes de recharge devraient rester ponctuels et peu intenses et impacter uniquement les nappes réactives, sauf événements pluviométriques exceptionnels. »33(*)
En juin, les pluies intervenues en mai avaient à peine amélioré la situation ; La baisse du niveau des nappes pourrait constituer désormais un phénomène ordinaire et non plus une situation exceptionnelle, comme le montre le bulletin de situation publié par le BRGM pour le mois de mai 2023 :
c) La perspective de multiplication des sécheresses
Il faut donc s'attendre à la multiplication des phénomènes de sécheresse. D'après Météo-France, la surface des sécheresses a augmenté, passant de valeurs de l'ordre de 5 % dans les années 1960 à plus de 10 % de nos jours. Météo-France dresse le constat d'une corrélation entre la hausse des températures et les déficits de précipitations, d'une part, et l'apparition de sécheresses de plus en plus précoces et intenses, d'autre part. Elle observe également une plus grande volatilité des ressources en eau.34(*)
Finalement, la sécheresse de 2022 considérée comme « extrême pourrait n'être qu'un épisode moyen d'ici la fin du XXIe siècle »35(*).
Nous sommes donc exposés à des phénomènes très perturbants :
- des sécheresses-éclair, combinant températures anormalement élevées, vent desséchant et absence de précipitation ;
- des sécheresses hivernales, entraînant un non-remplissage des nappes et une accumulation insuffisante d'humidité dans les sols ;
- des sécheresses prolongées, le déficit de précipitations pouvant s'observer sur plusieurs années consécutives.
Jean-Michel Soubeyroux, directeur adjoint scientifique à la direction de la climatologie et des services climatiques de Météo-France, a insisté lors de son audition sur le fait que « l'année 2022 montre l'importance de prendre en compte la variabilité naturelle des phénomènes climatiques et météorologiques : pour s'adapter efficacement aux évolutions à venir, il ne faut pas se fonder sur des prévisions moyennes établies tous les trente ans, mais sur les événements extrêmes. » Par ailleurs, il a ajouté que « l'analyse [de Météo-France]36(*) des évolutions saisonnières montre une tendance à la hausse des précipitations en hiver et une tendance à leur baisse en été, ce qui confirme, avec une quasi-certitude, l'aggravation du risque de sécheresse des sols et d'une multiplication des événements du même type que celui que nous avons connu au cours de l'été 2022. »
Qu'est-ce que la sécheresse ?
« On distingue trois types de sécheresse :
- la sécheresse météorologique : déficit de précipitation ;
- la sécheresse agricole ou édaphique : déficit d'eau du sol ;
- la sécheresse hydrologique : déficit des eaux de surface et souterraines.
Depuis l'été 2021, la France métropolitaine subit une sécheresse météorologique préoccupante qui s'est poursuivie en début d'année 2023. Depuis août 2021, tous les mois sont déficitaires en pluie à l'exception des mois de décembre 2021, juin 2022 et septembre 2022. Cette situation se traduit par un assèchement des sols, sans retour à la normale depuis la sécheresse de l'été 2022.
La sécheresse estivale 2022 qui est liée à un déficit des précipitations en période de végétation entre avril et octobre combinée à une forte anomalie de température et donc de demande évaporative est une sécheresse agricole.
[...] [Le] déficit de précipitations ne permet pas une recharge satisfaisante des nappes, (dont le niveau était déjà particulièrement bas après la sécheresse de cet été), alors que l'hiver permet habituellement aux sols de se gorger d'humidité, aux nappes souterraines et rivières de retrouver leurs niveaux habituels. Cette période dite « de recharge des nappes » est cruciale pour que les stocks d'eau se reconstituent. Ainsi la sécheresse hivernale 2023 qui est liée à un déficit des précipitations pendant la période de recharge des nappes entre septembre et mars est une sécheresse hydrologique. »
Source : Extrait - Météo-France
3. Une gestion quantitative équilibrée « écologiquement » indispensable
Si l'eau est vue comme une ressource, elle est aussi un élément essentiel à l'équilibre écologique et le maintien de ces équilibres est un des objectifs assignés par le code de l'environnement à la politique de l'eau. L'obligation de protéger et de restaurer les milieux aquatiques est également prévue par la directive-cadre sur l'eau (DCE).
L'insuffisance d'eau est en effet dommageable aux usages mais surtout aux milieux. Le bon fonctionnement des écosystèmes aquatiques, les zones humides ou encore la continuité écologique jouent par ailleurs un rôle important pour pouvoir retenir les volumes d'eau et créer une bonne liaison avec les eaux souterraines, telles que la nappe d'accompagnement du cours d'eau. Sacrifier les milieux pour mobiliser davantage d'eau n'est donc pas une bonne stratégie à long terme.
a) La restauration des zones humides
À l'interface des milieux terrestres et aquatiques, les surfaces des zones humides représentent des réservoirs d'importance écologique. Ces zones tampons revêtent différentes géologies : prairies, tourbières, marais, forêts alluviales, mares, rives des étangs et des cours naturels.
De l'ordre de 13 millions d'hectares sur le territoire de la métropole37(*), leur surface tend à régresser, sous l'effet d'une double tendance, ancienne et récente. D'une part, elles ont fait l'objet d'un processus d'assèchement depuis le Moyen Âge, en particulier pour assainir les marais et prévenir les maladies. D'autre part, le cycle d'évapotranspiration de l'eau a été fortement perturbé par les épisodes de sécheresse, conduisant également à des assèchements naturels. Enfin, les aménagements urbains mais aussi ruraux (drainage, destruction de haies) ont conduit à assécher certaines zones. Selon le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, la moitié des zones humides françaises ont disparu entre 1960 et 1990.
Lorsque les sites ont échappé à l'urbanisation et au drainage des terres, leur intégrité n'en est pas moins menacée.38(*) Sur la période 2000-2020, « 21 % des zones humides se sont fortement dégradées, 37 % se sont dégradées, 31 % sont restées stables, et seulement 7 % se sont améliorées et 4 % se sont fortement améliorées. » Ceux dont l'état est le plus préoccupant sont les sites de vallées alluviales et du littoral atlantique, de la Manche et de la mer du Nord, ainsi que des plaines intérieures.
Cette tendance s'est accélérée les dix dernières années (2010-2020) avec 41 % des sites humides emblématiques en France qui ont vu leur état se dégrader. Les sites de plaines intérieures et de vallées alluviales sont particulièrement concernés par cette tendance à la dégradation (respectivement 53 % et 49 %).
Or, les zones humides fournissent de multiples services notamment en termes de rétention des crues, d'épuration de l'eau, de réservoir de biodiversité, ou encore de stockage de carbone. Selon l'étude du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ces territoires « accueillent 30 % des espèces rares ou menacées, la totalité des amphibiens, la moitié des oiseaux ou encore le tiers des espèces végétales remarquables. [...] Entre 1980 et 2021, la présence des oiseaux d'eau hivernants réguliers (cygnes, oies, canards, plongeons, ardéidés, grèbes, rallidés et limicoles), comptabilisée sur les 533 principales zones humides françaises, a progressé de 124 % » 39(*).
Ces zones humides jouent un rôle de filtrage de l'eau avant que celle-ci n'atteigne les aquifères. Selon le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ce rôle de purification ferait économiser 2 000 €/ha sur le traitement de l'eau potable40(*). Les tourbières recouvrant 3 % de la surface de la terre stockent deux fois plus de carbone que toutes les forêts de la planète. Enfin, les zones humides fournissent les produits alimentaires issus de la pêche et de l'agriculture (riz, céréales etc.).
Le cadre de leur protection est organisé par le quatrième plan national en faveur des zones humides 2022-2026, la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016, la Stratégie nationale pour la biodiversité 2030 et les politiques publiques de préservation et de gestion des sites Ramsar41(*) et sites Natura 2000. À titre d'illustration, 2 431 sites Ramsar ont été labellisés dans le monde dont 501 en France pour une surface de plus de 3,7 millions d'hectares, la Baie d'Audierne étant le dernier site à avoir été désigné, le 4 septembre 2021.
b) La recharge des nappes souterraines
La recharge des nappes souterraines contribue au bon fonctionnement de l'écosystème. La recharge artificielle, technologiquement maîtrisée, consiste à « augmenter les volumes d'eau souterraine disponibles en favorisant, par des moyens artificiels, son infiltration jusqu'à l'aquifère. »42(*). Le volume accru de ressource disponible est alors utilisable en période de basses eaux pour compenser certains prélèvements affectant les écoulements de surface ou pour restaurer l'état quantitatif et/ou qualitatif des eaux souterraines. « Ces pratiques de recharge maîtrisée des aquifères participent au rééquilibre des nappes surexploitées, mais aussi au maintien des zones humides, au soutien des débits d'étiage, assurant un débit de base « réservé » qui répond aux exigences spécifiques des écosystèmes aquatiques (recharge environnementale). [...].
Cette technique n'est cependant pas adaptée à tous les territoires. Il faut en effet être en présence à la fois, d'un aquifère susceptible de pouvoir assurer le stockage d'une quantité d'eau suffisante pour que sa recharge présente un intérêt (cartes établies par le BRGM) et d'un cours d'eau situé à proximité de l'aquifère à recharger, en capacité de fournir à certaines périodes de l'année, le volume et la qualité d'eau nécessaire pour le stockage envisagé. »43(*)
Le BRGM a illustré son propos lors de son audition par le projet sur la Garonne, dont l'objectif est de dériver via des canaux une partie des eaux hivernales en surplus de la Garonne, afin de la réinjecter dans des zones éloignées de la plaine alluviale. Cette technique vise à ce que cette eau revienne vers la Garonne lors des périodes d'étiage, et participe au soutien du débit d'étiage
Une autre expérience, celle de la ville d'Hyères, illustre les enjeux économiques de recharge des nappes. Cette ville dont la population quadruple en été et dont les nappes phréatiques surexploitées subissent des intrusions d'eau de mer, a mis en place en 2011, avec SUEZ le projet « Aqua Renova ». Un de ses objectifs consiste notamment à restaurer la nappe alluviale du bas Gapeau sur le continent, en repoussant l'eau salée par réalimentation, en particulier par infiltration d'eau douce, puisée dans une masse d'eau proche. Ce procédé qui s'inspire de la nature en s'appuyant sur les capacités épuratoires des sols, garantit la bonne hauteur des nappes tout au long de l'année. La ville a ainsi pu regagner 97 % d'autonomie en eau grâce cette réalimentation de la nappe associée à une modernisation de son réseau de distribution44(*).
Projet Aqua Renova
Source : Groupe Suez
c) La restauration des habitats et la continuité écologique
Outre la restauration des zones humides, celle des habitats des espèces vivant dans les milieux aquatiques telles que les poissons, les amphibiens et les crustacés, est indispensable à leur cycle de vie et à l'équilibre écologique des milieux. 21 % des 1 372 espèces aquatiques évaluées en métropole et en outre-mer, sont éteintes ou menacées en juin 202045(*). Parmi les espèces les plus menacées, on dénombre les crustacés (28 %), suivis des poissons (18 %), des sélaciens (13 %) et des amphibiens (11 %).
La préservation de leur habitat requiert la mise en oeuvre d'actions contre la prédation de certaines espèces exotiques envahissantes, la pollution localisée et diffuse des cours d'eau, l'artificialisation des berges, le drainage des zones humides, l'acidification des océans ainsi que contre les obstacles à l'écoulement.
La question de la continuité écologique est particulièrement sensible et se concrétise par deux obligations :
• la première obligation est issue de l'article 214-18 du code de l'environnement qui impose un débit minimal ou débit réservé en cas d'installation d'un ouvrage pour la meilleure protection et circulation des espèces: « Tout ouvrage à construire dans le lit d'un cours d'eau doit comporter des dispositifs maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux au moment de l'installation de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, des dispositifs empêchant la pénétration du poisson dans les canaux d'amenée et de fuite. »46(*). On doit donc faire primer le maintien d'un certain débit sur tout autre usage ;
• la seconde obligation consiste à supprimer les seuils et barrages faisant obstacle à l'écoulement des eaux sur les fleuves, rivières et ruisseaux, qui peuvent aussi dans certaines circonstances, nuire également à la qualité de l'eau, par la création de zones d'eaux stagnantes qui se réchauffent et sont peu oxygénées, avec le développement d'algues (phénomène d'eutrophisation).
Surtout, les seuils et barrages empêchent de nombreuses espèces aquatiques de remonter les fleuves et les rivières pour atteindre les zones favorables à leur reproduction, croissance et alimentation. L'OFB alerte sur l'impact négatif des obstacles qui fragmentent les cours d'eau : « Le ralentissement des écoulements et le piégeage des sédiments grossiers dus à la présence d'ouvrages transversaux altèrent les habitats aquatiques en les rendant uniformes et pauvres en substrats. Les habitats sont modifiés - milieux courants qui deviennent lentiques -, et donc moins, ou plus du tout, adaptés aux espèces censées les coloniser. Par ailleurs l'isolement de ces espèces peut conduire à un appauvrissement génétique. »47(*)
Le maintien des ouvrages est alors subordonné à la création d'aménagements autorisant la remontée des cours d'eau par les espèces aquatiques (passes à poissons). Mais ceux-ci sont chers et ne peuvent être réalisés partout. Par ailleurs, la stratégie mise en oeuvre est de rétablir la course de l'eau dans un lit au faciès varié, et aux berges connectées aux variations des niveaux d'eau. On dénombre donc de nombreuses expériences de suppression de retenues d'eau dans le lit du cours d'eau ou de seuils, afin de restaurer la morphologie du lit et des berges du cours d'eau.
Selon l'OFB, leurs impacts en matière de biodiversité et de qualité physico-chimique portent sur une température de l'eau plus faible48(*), une plus faible concentration de pollutions et de nutriments, une meilleure autoépuration grâce aux organismes vivants détritivores qui vont se multiplier avec la reprise de la course de l'eau et la variabilité des débits.
En janvier 2020, 101 500 ouvrages ont été inventoriés en France dont 99 003 en métropole, soit en moyenne un obstacle tous les 5 km, sur les cours d'eau nationaux49(*). Or, 10 % des obstacles à l'écoulement seraient de nature à avoir un impact sur la continuité écologique, et être susceptibles d'effacement, arasement partiel ou de mise en place de dispositifs de gestion d'éléments mobiles ou de franchissement piscicole. Selon la Fédération Française des Associations de sauvegarde des Moulins (FFAM), 7 800 ouvrages ont été « partiellement détruits » et 4 300 ont été « totalement détruits » en l'espace de douze années dont environ 10 000 chaussées de moulins.
La politique d'effacement des obstacles afin de garantir la continuité écologique donne lieu à un débat tout autant politique que scientifique50(*).
D'une part, le lien de causalité entre certains seuils de rivière et l'état de conservation de certaines espèces est parfois remis en cause. D'autre part, la continuité écologique conduit à concilier plusieurs objectifs si différents, qu'ils peuvent être parfois inconciliables. Il s'agit d'assurer la protection des espèces et la restauration des milieux aquatiques et la conservation du patrimoine culturel et paysager, tout en permettant le développement des énergies renouvelables, en particulier l'hydroélectricité et le développement de la production aquacole.
S'agissant des aspects quantitatifs, Pierre Potherat, géologue, décrit les conséquences de ces destructions sur les rivières de la Seine amont et de l'Ource (Côte d'Or) : « Au début du XXIème siècle, avec l'application de la continuité écologique, l'effacement planifié des ouvrages a entrainé la vidange de leurs retenues d'eau amont. La force érosive du courant aidant, l'abaissement de la cote au fil de l'eau s'est accru et, en été, dans la partie amont des cours d'eau, la nappe alluviale a fini par être complètement vidangée en raison d'une recharge de moins en moins efficace au fil des ans. Les assecs estivaux sont devenus plus fréquents et plus prolongés dans le temps. La nappe profonde qui bénéficiait de l'apport de la nappe alluviale a peiné à maintenir son niveau au préjudice de plusieurs sources du versant. [...] »51(*)
Lors de son audition devant la mission, la FFAM faisant valoir l'ancienneté des chaussées de moulins, remontant au haut Moyen Âge52(*), a insisté sur leurs apports écologiques. « Ces petits barrages rehaussent le niveau des eaux et ralentissent les écoulements sur l'essentiel du réseau hydrographique français. Ils préservent des centaines de millions de m3 d'eau douce à l'occasion des sécheresses estivales, amortissent les phénomènes de crue et jouent un rôle clé dans le stockage des eaux de pluie dans les nappes alluviales et profondes de nos vallées. »
À la suite de la politique de rectification des rivières dans les années 1960 à 1970 et de la destruction des petits ouvrages à partir des années 2010, la FFAM constate une montée d'eau plus rapide lors des fortes pluies. Les eaux de ruissellement ne s'écoulent plus lentement dans les vallées mais à grande vitesse et les nappes alluviales ne sont plus alimentées comme auparavant.
Face aux objections récurrentes sur l'aménagement ou l'effacement d'ouvrages, le Conseil scientifique de l'Agence française pour la biodiversité a dès 2018, tenu à démentir certaines affirmations concernant l'aspect quantitatif du cycle de l'eau53(*). Tout d'abord, le Conseil indique qu'il est inexact d'affirmer que la suppression des petits seuils et donc des retenues associées ne permet plus de soutenir les étiages. En effet, le faible volume de ces retenues ne permet de soutenir l'étiage que pendant une courte durée de quelques heures. En outre, les phénomènes de sédimentation et d'évaporation tendent à diminuer l'effet de soutien à l'étiage de ces retenues54(*).
En outre, le Conseil affirme également que les seuils ne protègent pas du risque d'inondation. En effet, la plupart des seuils ne disposent pas de la capacité de stockage nécessaire pour réguler les crues de forte intensité. Ils peuvent éventuellement la retarder mais ne pourront pas en modifier l'ampleur. Un tel effet nécessiterait une gestion spécifique de vidanges préalables à l'arrivée d'une crue, à l'instar des barrages qui sont en temps normal partiellement remplis afin de pouvoir écrêter les crues55(*).
Outre la nécessité de disposer de suffisamment d'eau pour maintenir la biodiversité et l'équilibre écologique, un usage industriel et agricole et piscicole de la ressource, raisonné et respectueux des milieux aquatiques, est nécessaire.
4. Prévenir les excès d'eau
a) Une urgence à agir, les PPRI et PAPI
Les effets du changement climatique sur l'intensité des pluies ainsi que les conséquences d'une imperméabilisation croissante des sols tendent à accroître le risque inondation.
En effet il existe une corrélation entre température et humidité de l'air. Une augmentation d'un degré de l'air le conduit à porter 7 % de vapeur d'eau en plus56(*). L'équilibre entre humidité et température est subtil et complexe à atteindre. « Il y a alors une demande évaporative plus forte, comme si l'atmosphère aspirait plus d'eau du sol et des lacs, les asséchant ainsi plus rapidement, et induisant de plus longues périodes sans pluie, génératrices de sécheresses. Les précipitations plus intenses augmentent le risque d'inondations pluviales, qui ne concernent désormais plus seulement les personnes vivant à proximité des rivières, mais tout le monde. Comme nous l'ont montré les événements dramatiques de juillet 2021 en Allemagne, ces inondations sont accompagnées par une forte érosion, avec pour corollaire une perte de la zone la plus fertile des sols et des risques de pollution accrus »57(*).
Or, 17,1 millions d'habitants58(*) sont exposés à ce risque, dont 16,8 millions en métropole, soit un Français sur quatre et un emploi sur trois qui sont aujourd'hui potentiellement exposés59(*) .
Deux outils permettent de mieux connaitre, contrôler et gérer les risques de crues. Il s'agit, d'une part, des plans de préventions des risques naturels (PPRn), appelés PPRI, s'agissant des inondations et, d'autre part, des programmes d'actions de prévention contre les inondations (PAPI).
Si le PPRI élabore les règles de construction dans les secteurs susceptibles d'être inondés, le PAPI prévoit les travaux destinés à réduire les effets des crues ainsi que les aides financières qui peuvent y être attachées, telles que le fonds Barnier60(*).
Le PPRI est un document d'urbanisme réglementaire d'utilisation du sol, qui prend en compte le risque d'inondation61(*). Il cartographie les zones à risques et les réglemente en fonction du risque par des dispositions d'urbanisme (inconstructibilité), des dispositions constructives à respecter, ou encore des dispositions d'usage (amarrage des citernes). Il constitue la base juridique d'un refus de permis ou d'extension de maisons existantes. Il est annexé au PLU(i) comme servitude d'utilité publique.
En revanche, le PAPI est un document contractuel62(*) visant à réduire les conséquences des inondations. Créée en 2002, cette démarche partenariale indépendante entre les EPCI-FP et l'État s'appuie sur une approche globale de la gestion des inondations, à l'échelle d'un bassin. Elle couvre la prévention jusqu'à la gestion de crise63(*). Le PAPI rassemble plusieurs actions telles que la révision du PPRI, la réalisation d'ouvrages hydrauliques de défense (digues) ou de ralentissement des écoulements.
Le cahier des charges du PAPI a été mis à jour en 2020, tendant à réaffirmer le rôle de l'État tout en amplifiant la déconcentration de la labellisation des PAPI. D'une part, un référent État pour chaque PAPI est désormais désigné par le préfet. D'autre part, les dossiers d'un PAPI d'un montant inférieur à 20 millions d'euros sont labellisés au niveau du bassin hydrographique tandis que ceux d'un montant supérieur à 20 millions d'euros le sont au niveau national64(*). Ces programmes bénéficient également d'un soutien financier de l'État accru pour l'animation des PAPI, s'établissant à 65 000 € au lieu de 24 000 €65(*).
En 2022, on recensait 224 PAPI labellisés, par la CMI ou par une instance locale66(*), dont 116 « PAPI complets » (comportant un programme d'actions et généralement des travaux)67(*) et 120 programmes d'études préalables68(*). Ils représentent un montant total d'opérations de 2,6 milliards d'euros dont 1,1 milliard de cofinancement par l'État, notamment au titre du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier », pour 934 millions d'euros69(*). Ces PAPI couvrent plus de 17 000 communes contre 11 117 communes couvertes par un PPRN Inondations approuvé et 381 par un PPRN Littoral approuvé70(*).
La question de l'articulation des PPRI et PAPI avec les nouveaux outils issus de la transposition de la directive « inondations » de 2003, les plans de gestion des risques d'inondation (PGRI) et les stratégies locales de gestion des risques d'inondation (SLGRI)71(*) s'est posée. Rappelons que le PGRI met en oeuvre, pour six ans, à l'échelle du district hydrographique, la stratégie nationale de gestion des risques d'inondation (SNGRI)72(*). Il définit les objectifs de la politique de gestion des inondations et les dispositions pour les atteindre. Il est lui-même décliné à l'échelle du bassin par la SLGRI qui adopte une nouvelle démarche par rapport à la mise en oeuvre des PPRI considérés comme plus segmentés. Bien que le PGRI et la SLGRI ne réglementent pas directement l'urbanisme, le PAPI doit respecter le PGRI et le SLRGI tandis que le PPRI doit être compatible avec le PGRI.
Communes couvertes par un PAPI par type de PAPI
Source : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires
La Caisse centrale de réassurance (CCR) a évalué l'impact du PPRI et du PAPI sur la sinistralité en 2020. Les résultats démontrent que les communes dotées exclusivement d'un PPRI voient leur sinistralité diminuer de 23 %. Si la commune complète son dispositif de prévention des inondations avec un PAPI, la fréquence des sinistres est réduite de 51 %.73(*)
Ce constat doit toutefois être nuancé à la lecture du rapport du CGEDD et de l'IGA, relevant des difficultés de mise en oeuvre du dispositif : « Le dispositif des PAPI bénéficie d'une image globalement très favorable. Il est adossé à une politique technique fondée sur une vision globale, cohérente, moderne et ambitieuse, [...]. Néanmoins l'ambition même du cahier des charges, tout en étant compris comme totalement légitime dans sa vision théorique, est contrariée par les nombreuses difficultés de mise en oeuvre, qui provoquent des délais que les populations concernées peinent à comprendre. Il n'existe pas une cause principale de ces difficultés, mais souvent les effets cumulés de nombreux problèmes.
La mission a constaté les défis à surmonter tout au long de la vie des projets, à commencer par la constitution d'une gouvernance à la bonne échelle, la réunion des multiples compétences requises et l'identification à l'amont des enjeux et de leur priorisation. À l'inadéquation des moyens humains des porteurs de projets au regard des ambitions affichées, peuvent s'ajouter, entre autres, des ambiguïtés et incompréhensions sur l'accompagnement que peut apporter l'État, la confrontation de temporalités perçues différemment selon les acteurs et le contexte, et des débats non arbitrés sur la proportionnalité aux enjeux. »74(*)
Ces différents outils sont aujourd'hui accompagnés de nouvelles solutions d'adaptation fondées sur la nature, symbole d'un changement de paradigmes.
b) Un changement de paradigmes : la fin du « tout tuyau » et le développement de solutions fondées sur la nature
La politique du « tuyau » développée à partir du XIXe siècle, qui vise à évacuer l'eau vers aval à l'aide de canalisations a très vite démontré ses limites. En effet, la gestion en aval des eaux pluviales se heurte désormais à l'augmentation de la fréquence et de l'intensité des inondations, à la saturation des réseaux et au ruissellement qui en découle. En outre, l'augmentation du nombre de tuyaux et leur dimensionnement est onéreuse pour les collectivités et les aménageurs.
La gestion quantitative et qualitative de l'eau ne peut se résumer à une question de débit ainsi que nous le rappelle Florence Habets, hydroclimatologue. « On arrive aujourd'hui à vouloir contrôler les débits minimaux et maximaux pour maintenir les usages, traitant les rivières comme des tuyaux, branchant et débranchant des connexions et des bassines, tel un super Mario Bross, plombier de l'environnement ! »75(*)
Ce constat rappelé lors des auditions devant la mission conduit à observer un changement de paradigme de la gestion des eaux pluviales. « Auparavant pensée comme une gestion de tuyaux, la compétence est progressivement appréhendée comme une gestion d'espaces. Cela amène à faire évoluer la gestion des espaces verts ainsi que les politiques d'urbanisme, pour gérer les eaux pluviales à la parcelle. Cette évolution est due à la prise de conscience que les impacts du changement climatique et de l'artificialisation des sols sur les eaux pluviales ainsi que la vétusté des réseaux entraîneraient des coûts que ne peuvent supporter les services, particulièrement en l'absence de financement dédié. »76(*)
En conséquence, la politique publique incite à la gestion à la source des eaux pluviales afin que la pluie soit gérée au plus près de son point de chute, à la parcelle. Dans cet esprit, l'arrêté du 21 juillet 201577(*) pose comme principe la gestion des eaux pluviales « le plus en amont possible, pour limiter les apports d'eaux pluviales dans le système de collecte ».
Cette politique de gestion à la parcelle conduit également à favoriser l'absorption des sols pour éviter tout ruissellement et à ne pas prévoir de nouvelle imperméabilisation des surfaces.
La politique de gestion des eaux pluviales à la parcelle est donc associée à la mise en oeuvre de techniques favorisant l'infiltration dans les sols78(*). Se sont alors développées des solutions d'adaptation qui visent à une « renaturation » du cycle de l'eau qui « apporte aussi d'autres bénéfices via la mise en oeuvre diffuse d'ouvrages d'infiltration à la source souvent végétalisés (noue, jardin, arbre d'alignement, parking et chaussées perméables, ...) : aménité paysagère, support de biodiversité, régulation des îlots de chaleur urbains, amélioration du cadre de vie.... »79(*)
L'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN)80(*) définit ces solutions comme étant : « les actions visant à protéger, gérer de manière durable et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés pour relever directement les défis de société de manière efficace et adaptative, tout en assurant le bien-être humain et en produisant des bénéfices pour la biodiversité »81(*). Ces actions consistent en notamment en :
- la préservation, la restauration et la création de zones humides et la restauration hydromorphologique des cours d'eau ;
- la végétalisation du territoire du bassin versant ;
- la végétalisation et la désimperméabilisation en milieu urbain ;
Il convient d'y ajouter les pratiques agroécologiques.
Force est de constater que l'artificialisation des sols rend plus vulnérables les populations, les activités implantées en zone à risques et les milieux naturels au changement climatique. En effet, elle tend à accroître le risque d'inondations, d'érosion, de glissements de terrain, de coulées de boues et de sécheresses. Au cours de la dernière décennie, entre 20 000 et 30 000 hectares ont été artificialisés chaque année en moyenne en France82(*).
Ainsi l'article 2224-10 du code de l'environnement impose aux communes de délimiter « [...] 3° Les zones où des mesures doivent être prises pour limiter l'imperméabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement ; [...] ». La loi ALUR 83(*), et la loi Biodiversité84(*) prévoient également des dispositions contre l'imperméabilisation.
S'agissant du futur, la loi climat et résilience du 22 août 202185(*) a fixé un rythme d'artificialisation nouvelle entre 2021 et 2031 réduit de moitié par rapport à la décennie précédente afin d'atteindre à horizon 2050 une artificialisation nette de 0 % (ZAN), c'est-à-dire au moins autant de surfaces « renaturées » que de surfaces artificialisées. L'adoption par les deux assemblées de la proposition de loi sénatoriale de mise en oeuvre des objectifs ZAN86(*) tend à résoudre les difficultés d'application du texte relayées par de nombreux élus et acteurs. La proposition de loi tend à un meilleur partage de l'effort de réduction de l'artificialisation entre l'État et les territoires ainsi que des conditions adaptées afin de permettre aux communes, en particulier rurales, de pouvoir réaliser les projets essentiels à leur développement.
Le BRGM a mené plusieurs projets en lien avec la désimperméabilisation, rappelés ci-dessous.
Extrait de la réponse du BRGM sur les projets de désimpermébilisation
- DésiVille - outils d'aide à la Désimperméabilisation des sols artificialisés : développements méthodologiques pour l'évaluation du potentiel de désimperméabilisation et catalogue de solutions applicables en Ville (Responsable, Cécile Le Guern BRGM Nantes).
- À Toulouse les méthodes développées dans le projet Phoebus déployées à Rennes pour évaluer la profondeur de la nappe et les contraintes d'infiltration sont adaptées et appliquées sur le territoire. Le projet CAPITOUL vise à faciliter l'instruction des permis de construire et l'accompagnement des pétitionnaires (service Eau & Aménagement de la Direction du Cycle de l'Eau), étudier les potentiels de désimperméabilisation en lien avec l'infiltrabilité des sols, concourir au zonage pluvial sectorisé, annexé au PLUIH, dont les prescriptions seront notamment basées sur la capacité d'infiltration des sols.
- URB'EAU à Lille : scénarios de politique d'aménagement urbain comprenant désimperméabilisation et déconnexion de réseau : impact sur les aquifères sous-jacents.
- À Bordeaux, le BRGM étudie la possibilité d'infiltrer les eaux pluviales et les stocker en aquifère urbain pour une réutilisation à des fins non potables. Le projet est constitué d'une étude multicritère de faisabilité d'implémentation des solutions et d'un démonstrateur (2022-2024).
- Le projet SOILval (2021) vise une meilleure reconnaissance de la valeur des sols, de leur qualité en contexte de lutte contre l'artificialisation des sols et de gestion économe de l'espace suite aux objectifs de Zéro artificialisation nette (ZAN) fixés par l'Europe d'ici 2050. En France cet objectif s'inscrit dans le cadre du ZAN prévu par le Gouvernement français au travers du Plan Biodiversité (2018) et concrétisé par l'adoption de la loi dite climat et résilience du 22/08/2021.
Source : BRGM
Le CEREMA accompagne les acteurs dans cette politique d'infiltration à la source. Il propose un outil de conception et de dimensionnement des ouvrages en ligne87(*), des formations, des observations d'ouvrages in situ et des modélisations numériques afin de comprendre et extrapoler les réelles performances des ouvrages.
En outre, le CEREMA est en train de concevoir un laboratoire vivant des Solutions Fondées sur la Nature (SFN) à Trappes. « Différentes techniques de reconstitution et de construction de sols seront mises en oeuvre, pour illustrer les moyens de désimperméabiliser et de renaturer les sols. Concernant la gestion des eaux pluviales, des ouvrages à l'échelle 1 proposant des techniques alternatives au tout tuyau seront aménagés. La déconnexion maximale des bâtiments et surfaces imperméabilisées sera visée. [...] »88(*)
L'ensemble des expériences de solutions fondées sur la nature visant à favoriser l'infiltration appelle plusieurs observations.
En premier lieu, cette nouvelle politique d'infiltration et de « renaturation » devrait toutefois conduire à une réflexion de l'ensemble des acteurs sur les priorités d'usage, comme le souligne Emma Haziza, hydrologue et présidente et fondatrice de Mayane, lors de son audition devant la mission. En effet, il peut apparaître paradoxal de vouloir végétaliser massivement les villes afin de rafraichir l'air et de poser une interdiction d'arrosage, y compris ce qui vient d'être planté.
En second lieu, les techniques d'infiltration connaissent des limites, comme le souligne le CEREMA. « [...] une infiltration totale des eaux pluviales à la source (c'est la politique du « zéro rejet ») n'est pas toujours possible en fonction des contraintes de site, et dans ces cas il est difficile de s'affranchir d'un réseau : un sol peu perméable (par exemple d'ancien marais), une nappe phréatique superficielle, ou des contraintes géotechniques dans le proche sous-sol (anciennes carrières, présence de gypse, réseaux de transports, ....) et/ou de pollution. Une politique d'infiltration à la source reste possible, mais de façon maîtrisée et souvent partielle en tout cas pour les pluies courantes (et pas forcément possible pour les pluies exceptionnelles qui devront être gérées par d'autres ouvrages via des réseaux séparatifs). »89(*)
Certains plébiscitent un recours aux diverses solutions fondées sur la nature afin de faire jouer leurs complémentarités et synergies, en fonction des territoires et non les mettre en concurrence, pour une approche globale des enjeux, ainsi que le fait valoir l'ATEP, auditionnée par la mission : « [...] Cette vision de l'infiltration, très fréquemment plébiscitée, fait que l'on cherche à adapter la ville à cette volonté d'infiltrer au lieu de chercher à gérer les eaux pluviales en fonction des contraintes des collectivités et des communes. De plus, les solutions ont beau être nombreuses, non seulement elles sont mises en concurrence au lieu d'être juxtaposées et considérées dans leur singularité technique, et surtout elles alimentent une espèce de politique mono-solution. Il faut penser complémentarité et efficacité par rapport à la typologie des territoires concernés.
Au regard du contexte territorial, il faut privilégier une approche croisée des solutions de gestion de l'eau à la parcelle, dont on en distingue trois principales : infiltration, évapotranspiration et valorisation. »90(*)
* 24 Source : https://www.cieau.com/connaitre-leau/les-ressources-en-france-et-dans-le-monde/en-france-quelles-sont-les-ressources-en-eau/
* 25 Dagorn G., et Sanchez l. (2023), Quelles quantités d'eau sont prélevées et consommées par la population, les usines et l'agriculture ? Le Monde 1er avril 2023.
* 26 Source : Étude « Eau et milieux aquatiques Les chiffres clés » Édition 2020. Ministère de la transition écologique et de la cohésion du territoire. p.26.
* 27 Source : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Datalab.
* 28 Source : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Datalab.
* 29 http://www.drias-climat.fr/
* 30 Source : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
* 31 Source : Météo-France.
* 32 Il s'agit des « nappes inertielles du Dijonnais au Bas-Dauphiné [qui] affichent des niveaux bas à très bas, du fait de plusieurs recharges hivernales successives peu intenses ; des nappes alluviales côtières et des calcaires karstifiés de Provence et de Côte d'Azur [qui] enregistrent des niveaux très bas, voire localement historiquement bas, suite à des pluies très déficitaires en 2022 et 2023 ; des nappes de l'aquifère multicouche du Roussillon [qui] connaissent une situation inédite, avec des niveaux bas sur la nappe profonde du Pliocène à très bas sur la nappe superficielle. Des points de la nappe superficielle affichent des niveaux historiquement bas et le risque d'intrusion saline est fort. »
Source : Situation hydrogéologique au 1er juin 2023 du BRGM.
* 33 Source : Situation hydrogéologique au 1er juin 2023 du BRGM.
* 34 Source : Audition devant la mission de Jean-Michel Soubeyroux, directeur adjoint scientifique à la direction de la climatologie et des services climatiques de Météo-France.
* 35 Source : Bertrand N., Blanc P., Cazin, P., Debrieu-Levrat C., Kles V., Plante S.,(2023) Retour d'expérience sur la gestion de l'eau lors de la sécheresse 2022, pour l'IGEDD, l'IAG et le CCAAER (Mars 2023).
* 36 Météo-France a également produit des simulations hydrologiques dans le cadre du projet national Explore 2 sur la base des projections DRIAS-2020 (données disponibles sur le nouveau portail DRIAS_Eau).
* 37 Données et études statistiques du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; « Les zones humides en France- Synthèse des connaissances en 2021 » publiée le 2 mars 2022.
* 38 L'étude a observé l'évolution de 132 sites humides.
* 39 Source : Étude intitulée « Les zones humides en France, synthèse des connaissances en 2021. »
* 40 Idem.
* 41 La Convention sur les zones humides est un traité intergouvernemental adopté en 1971 et entré en vigueur en 1975 encadrant l'action nationale et la coopération internationale pour la conservation et l'utilisation rationnelle des zones humides et de leurs ressources. Près de 90% des États-Membres de l'ONU y ont adhéré.
* 42 Casanova J., Cagnimel M., Devau N., Pettenati M., Stollsteiner P., Recharge artificielle des eaux souterraines : état de l'art et perspectives, BRGM et ONEMA (sept. 2013). Cette technique peut freiner ou repousser une intrusion d'eau salée ou, en utilisant la capacité épuratrice du sol, des berges des cours d'eau et de l'aquifère lui-même, pour une épuration naturelle de l'eau. L'eau injectée/infiltrée, dont la qualité doit être compatible avec les objectifs de qualité et d'état des eaux souterraines, est généralement prélevée localement dans les cours d'eau lorsque la ressource est abondante (hautes eaux) afin de ne pas impacter le fonctionnement des écosystèmes aquatiques.
* 43 Source : Réponse du BRGM au questionnaire de la mission.
* 44 Source : Réponse de l'UIE au questionnaire de la mission.
* 45 Source : Étude Datalab intitulée « Eau et milieux aquatiques - Les chiffres clés 2020 » de l'OFB - Service Données et études statistiques - SDES MTES (décembre 2020).
* 46 Source : réponse de Villes de France au questionnaire de la mission.
* 47 Source : Site de l'OFB.
* 48 L'écart de température peut atteindre 6° entre un plan d'eau et l'amont de la rivière courante en pleine canicule.
* 49 Source : Datalab - données 2020 précitées.
* 50 Parmi les travaux des opposants à la destruction des petits barrages, on compte l'ouvrage de Pierre Potherat, géologue, et ancien ingénieur en chef des travaux publics d'État , Si les truites pouvaient parler, l'étude de Jacques Mudry, docteur d'État en hydrogéologie publiée dans la revue scientifique Bourgogne Franche-Comté Nature n°34 2021, l'étude de Depoilly et Dufour 2015 : Influence de la suppression des petits barrages sur la végétation riveraine des rivières du Nord-Ouest.
* 51 Source : Potherat P., (2021) Si les truites pouvaient parler.
* 52 « Les rivières de France et d'Europe sont barrées depuis des millions d'années par des dizaines de milliers de « petits barrages » ; anciennement de castors, progressivement remplacés à partir du haut Moyen Âge par des barrages de moulins à eau, de même hauteur modeste, dans une admirable continuité historique et écologique. [...] »
Source : Audition de la FFAM.
* 53 Source : délibération du Conseil scientifique de l'Agence française pour la biodiversité n° CS/2018-02 : note du conseil scientifique : éléments de réponse à certains arguments contradictoires sur le bien-fondé du maintien et de la restauration de la continuité écologique dans les cours d'eau du 26-27 avril 2018.
* 54 Alors qu'en l'absence de seuils, la part d'écoulement des graviers est plus importante, contribuant ainsi à refroidir les eaux et limiter l'évaporation.
* 55 Source : délibération du Conseil scientifique de l'Agence française pour la biodiversité n° CS/2018-02 : note du conseil scientifique : éléments de réponse à certains arguments contradictoires sur le bien-fondé du maintien et de la restauration de la continuité écologique dans les cours d'eau du 26-27 avril 2018.
* 56 Source : audition devant la mission de Florence Habets, hydroclimatologue, directrice de recherche au CNRS et professeure attachée au Laboratoire de géologie de l'ENS. « Cet excès de vapeur accroit le volume d'eau déversé lors des pluies au-dessus des océans. Mais les continents se réchauffant plus vite que les océans, il y a moins de vapeur d'eau. Donc on augmente le déficit de vapeur d'eau au-dessus des continents ce qui provoque des sécheresses. Quand cela se décharge, il y a plus d'eau qui tombe mais pas assez. »
* 57 Source : Habets F., (2022). Gestion de l'eau : devons-nous être les «plombiers» de l'environnement ? in CNRS le Journal (Mai 2022).
* 58 Source : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
* 59 Source : Ministère en charge de l'écologie, 2014. Stratégie nationale de gestion des risques d'inondation.
* 60 La Directive européenne du 23 octobre 2007 sur le risque inondation « Directive inondation », transposée en 2010 par la loi Grenelle II du 12 juillet 2010 (engagement national pour l'environnement (LENE) s'est achevée par l'adoption des Stratégies locales de gestion des risques inondation (SLGRI).
* 61 Il se base sur une carte des aléas de fréquence centennale.
* 62 Le PAPI donne lieu à la signature d'une convention entre le porteur de projet (la collectivité territoriale ou le groupement), l'État et les cofinanceurs.
* 63 Elle traite de la prévention avec l'information du public, la connaissance du risque, la prévision des crues, à la maitrise de l'urbanisme, et la réalisation d'ouvrages de protection et de rétention, ainsi que de la gestion de crise avec l'alerte, la réduction des dommages aux biens. Les appels à projets comportent deux phases, celle du programme d'études préalables et celle du programme d'actions.
* 64 Il convient de préciser que Les projets sont soumis, avant labellisation, à l'avis d'une instance partenariale locale ou nationale (la commission mixte inondation), regroupant entre autres des représentants de l'État et des collectivités locales.
* 65 Ce soutien financier est désormais déployé dès la déclaration d'intention du porteur de projet.
* 66 La première génération d'une cinquantaine de PAPI de 2003 à 2010 a été majoritairement concentrée dans le quart Sud-Est pour un montant global de 884 millions d'euros. La deuxième entre 2011 et 2017 a été financée à hauteur de 1,9 milliard d'euros. Ma troisième génération a été lancée en 2018.
* 67 Chiffres au 31 août 2022. Source : Réponses de la DGPR au questionnaire de la mission.
* 68 Chiffres au 9 juin 2022. Source : Réponses de la DGPR au questionnaire de la mission.
* 69 Source : Réponse au questionnaire du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
* 70 Chiffres au 11 janvier2023. Source : Réponses de la DGPR au questionnaire de la mission.
* 71 La directive européenne 2007/60 CE du 23 octobre 2007 relative à l'évaluation et la gestion des risques d'inondation « Directive inondation » définit un cadre pour l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques publiques de gestion des risques d'inondations. Elle a été transposée par la loi Grenelle II du 12 juillet 2010 (engagement national pour l'environnement (LENE). La transposition s'est achevée par l'adoption des Stratégies locales de gestion des risques inondation (SLGRI).
* 72 La SNGRI détermine trois objectifs ; « Augmenter la sécurité des populations exposées », « Stabiliser sur le court terme et réduire à moyen terme le coût des dommages potentiels liés aux inondations », et « Raccourcir fortement le délai de retour à la normale des territoires sinistrés ».
* 73 CCR, Évaluation des impacts de la prévention des risques d'inondation sur la sinistralité de juin 2020. La CCR précise que ces résultats ne sont que des tendances compte tenu du faible échantillonnage.
* 74 Barthold C., Bozonnet M6C., Scarbonchi F., (2019), Évaluation du dispositif des programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI) et de l'efficacité de sa mise en oeuvre, CGEDD et IAG (Octobre 2019).
* 75 Source : Habets F., (2022). Gestion de l'eau : devons-nous être les « plombiers » de l'environnement ? in CNRS le Journal (Mai 2022).
* 76 Source : Réponse au questionnaire de votre rapporteur, des Intercommunalités de France.
* 77 Cf. article 5 de l'arrêté du 21 juillet 2015 relatif aux systèmes d'assainissement collectif et aux installations d'assainissement non collectif, à l'exception des installations d'assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5.
* 78 https://www.ecologie.gouv.fr/lancement-du-premier-plan-national-dactions-gestion-des-eaux-pluviales
* 79 Réponses de CEREMA au questionnaire de la mission.
* 80 « Le Comité français de l'UICN est le réseau des organismes et des experts de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature en France. Il regroupe au sein d'un partenariat original 2 ministères, 8 organismes publics, 42 organisations non gouvernementales et plus de 250 experts. Par cette composition mixte, le Comité français de l'UICN est une plate-forme unique de dialogue, d'expertise et d'action sur les enjeux de la biodiversité, qui associe également les collectivités locales et les entreprises. » Source : site de l'UICN.
* 81 Source : UICN, 2016. Motion 77 : définition des Solutions fondées sur la Nature.
* 82 Source : https://www.vie-publique.fr/loi/288650-proposition-de-loi-zero-artificialisation-nette-au-coeur-des-territoires
* 83 La loi ALUR a introduit le « coefficient de biotope » qui établit un ratio entre la surface favorable à la nature et la surface d'une parcelle construite ou en passe de l'être. Le PLU peut réserver lors d'opérations de constructions neuves, rénovées ou réhabilitées, une part de surfaces non imperméabilisées ou éco-aménageables (sols, surfaces en pleine terre végétalisées, toitures et terrasses ou murs et façades végétalisés, surfaces alvéolées perméables, zones humides, etc.). Elle plafonne également la superficie des parcs de stationnement des équipements commerciaux. La superficie du parking peut représenter au maximum les trois quarts de la surface du bâti. La possibilité est laissée au PLU de moduler ce ratio jusqu'à 1, pour tenir compte des circonstances locales.
* 84 La loi n° 2016-1487 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages codifiées à l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme.
* 85 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
* 86 Proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au coeur des territoires n° 76 (2022-2023) adopté par le Sénat le 16 mars 2023. Dossier législatif : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-205.html
* 87 Cf. site : oasis.cerema.fr
* 88 Source : le CEREMA : https://www.cerema.fr/fr/actualites/laboratoire-vivant-solutions-fondees-nature-amenage-cerema
* 89 Source : Réponse du CEREMA au questionnaire de la mission.
* 90 Source : Réponse de l'ATEP au questionnaire de la mission.