II. LA RESTRUCTURATION DU RÉSEAU DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES LAISSE APPARAÎTRE DES FRAGILITÉS, QUI DOIVENT ÊTRE COMBLÉES POUR PRÉVENIR TOUTE DÉGRADATION DE LA QUALITÉ DU SERVICE PUBLIC RENDU AUX USAGERS

Le déploiement du nouveau réseau de proximité et des conseillers aux décideurs locaux s'est avéré être une source d'inquiétudes pour de nombreux élus locaux, qui ont craint que ces deux évolutions conjointes ne se traduisent par un moindre niveau d'accompagnement et de soutien. C'est d'ailleurs ce qui a conduit la commission des finances à demander à la Cour des comptes une évaluation de l'action de la DGFiP auprès des collectivités du bloc communal, évaluation qui devait s'inscrire dans le contexte particulier de la restructuration de son réseau déconcentré.

A. LA RESTRUCTURATION DU RÉSEAU, UN CHANTIER DE GRANDE AMPLEUR QUASIMENT MENÉ À SON TERME, MAIS NON SANS DIFFICULTÉ ET SANS ÉCUEIL

L'enquête de la Cour des comptes intègre, de manière inédite, un sondage mené auprès d'un échantillon représentatif de collectivités du bloc communal. Si, globalement, l'appréciation portée sur l'action de la DGFiP est positive, des divergences se font jour entre les communes urbaines et rurales, en particulier sur le maillage territorial du réseau de la DGFiP.

1. Le nouveau réseau de proximité, un projet quasiment achevé mais critiqué par les communes rurales
a) Une restructuration concertée

Alors que la mise en place du nouveau réseau de proximité est supposée s'achever en 2026, la Cour des comptes souligne qu'en dépit de l'ampleur de la restructuration, la DGFiP est en avance sur ses objectifs : 97,2 % du réseau cible devait ainsi être atteint à la fin de l'année 2023. Seules demeurent quelques opérations immobilières complexes en région.

Le nombre de services locaux devrait passer de 3 500 à 2 000 tandis que le nombre de communes disposant d'un point de contact « DGFiP » augmenterait de 1 977 à plus de 3 000. Cette évolution est principalement due à la présence de la DGFiP dans les espaces France services (2 601 au mois de novembre 2023) et en mairie (400 permanences).

Évolution du réseau déconcentré
de la DGFiP entre 2019 et 2026 (projection)

* Services des impôts des entreprises, services des impôts des particuliers, services de publicité foncière et d'enregistrement, pôles de recouvrement spécialisés et trésorerie « amendes ».

Source : commission des finances, d'après les données publiées par la Cour des comptes

Le rapporteur spécial relève qu'une fois n'est pas coutume, la concertation, si souvent galvaudée, n'est pas restée un vain mot dans le cadre de la mise en place du nouveau réseau de proximité. L'enquête de la Cour des comptes a confirmé qu'une large concertation a été menée tant au niveau national qu'au niveau local, avec les organisations syndicales et les élus, sans pour autant parvenir à les convaincre.

Les chartes signées couvrent désormais 71 % de la population et 73 % des communes, et des projets ont pu connaître des évolutions substantielles :

- dans trois départements, 8 ou 9 services locaux supplémentaires ont été créés à l'issue de la concertation, par rapport au projet cible ;

- dans 14 départements, au minimum 5 et au maximum 8 services supplémentaires ont été créés ;

- dans 72 départements, le nombre de services a augmenté de 0 à 5 par rapport au projet cible ;

- dans 11 départements, le nombre de services est resté stable ou a diminué d'une ou deux implantations.

Ainsi, alors que le nombre de services locaux devait initialement passer de 3 500 à 1 760 entre 2019 et 2026, la cible serait désormais d'environ 2 000. 53 antennes provisoires et 263 antennes pérennes supplémentaires ont été créées, en majorité pour pallier les difficultés liées au déplacement des agents dans certains départements, en raison de la reconfiguration du réseau.

Cette dernière se traduira également par une nette diminution du nombre de services locaux comprenant moins de cinq agents. La densification des services est une évolution positive : elle permet de garantir un service financier de qualité dans la durée, en lieu et place de petits services davantage soumis aux aléas des absences, des départs en retraite et des mobilités. Près de 60 % des services déconcentrés qui compteront moins de 5 agents à l'issue de la restructuration du réseau de la DGFiP seront des antennes, et seront donc à la fois proches des usagers et adossées à un service de plus grande échelle.

Force est de constater que le principe longtemps défendu d'une trésorerie par intercommunalité apparaît peu adapté aux réalités territoriales : certaines intercommunalités comptent des dizaines de milliers d'habitants, d'autres à peine quelques milliers. L'abandon de cette grille de lecture trop rigide est donc plutôt un gage d'adaptabilité du réseau de la DGFiP aux particularités d'un territoire.

La signature des chartes doit par ailleurs, et enfin, apporter un peu de stabilité au réseau déconcentré de la DGFiP : la pérennité des nouvelles implantations territoriales est garantie au moins jusqu'au 31 décembre 2026. Cette perspective semble encore trop proche pour le rapporteur spécial, qui estime nécessaire, après les efforts consentis sur le réseau et sur les emplois, d'apporter un peu plus de visibilité aux collectivités territoriales et aux usagers.

b) Des critiques qui reflètent les inquiétudes des communes rurales

Pour autant, concertation n'est pas acceptation. Il y a un décalage significatif entre les constats de la Cour des comptes, plutôt positifs quant au rôle de la DGFiP et la conduite de la restructuration de son réseau, et le ressenti des élus locaux, sur le terrain et au plus près de la vie quotidienne de nos concitoyens.

Ainsi, seulement 32 % des communes rurales interrogées par la Cour considèrent que la nouvelle carte des implantations de la DGFiP est pertinente. Ce taux est porté à 53 % pour les communes non rurales, ce qui reste bien inférieur aux résultats obtenus sur les autres sujets soumis à l'appréciation des communes - à savoir généralement plus de 80 % de satisfaction pour les services remplis par la DGFiP au profit des collectivités du bloc communal.

Ainsi que le souligne la Cour, la fermeture des petites trésoreries locales est souvent vécue comme un symptôme du retrait de l'État dans les territoires et comme la perte d'un expert de proximité sur les questions budgétaires et financières, dans un contexte de surcroît marqué par des tensions quant au recrutement et à la formation des secrétaires de mairie (cf. infra).

Si le déploiement des conseillers aux décideurs locaux peut remédier en partie à ces craintes et « contrebalancer » le sentiment d'abandon parfois ressenti par les communes rurales, encore faut-il que leur répartition soit adaptée aux besoins exprimés par les collectivités.

2. Les conseillers aux décideurs locaux, des interlocuteurs appréciés mais des engagements non tenus quant à leur nombre

Le regard porté sur les CDL est très positif : d'après le sondage réalisé par la Cour des comptes, 90 % des communes ont bien identifié leur conseiller et 92 % apprécient leur action en matière budgétaire, fiscale, comptable et financière. Ce résultat confirme celui de l'enquête menée par la DGFiP, avec un taux de satisfaction de 88,3 % en 2022. 400 000 prestations ont été réalisées par les CDL cette même année, soit en moyenne 500 prestations par conseiller4(*). 54 % de ces prestations ont concerné le conseil budgétaire et comptable (préparation budgétaire, qualité et fiabilisation des comptes), 8 % le conseil fiscal et 8 % les recettes.

Pour autant, le rapporteur spécial regrette que le Gouvernement et la DGFiP n'aient pas tenu leurs engagements, alors même que ces conseillers jouent un rôle primordial auprès des plus petites collectivités, et en particulier auprès des communes rurales. En 2022, 81 % des prestations des CDL ont ainsi été réalisées au profit de communes et 68 % au profit de communes de moins de 3 500 habitants. Or, alors que 1 200 conseillers étaient promis d'ici 2025, la cible a été revue à la baisse, à 993 CDL, 917 conseillers étant déjà en poste au mois de décembre 2023.

C'est d'autant plus curieux que l'enquête de la Cour des comptes met en exergue un déséquilibre dans la répartition de la charge de travail entre les CDL. Alors que la DGFiP estimait qu'un conseiller aurait environ 73 comptes à sa charge, ce nombre est d'environ 46 en moyenne dans les départements de plus d'un million d'habitants et de 80 dans les départements de moins d'un million d'habitants.

La DGFiP doit impérativement conduire une nouvelle évaluation de la cible adéquate du nombre de CDL : les élus locaux sont de plus en plus exigeants à l'égard de leurs conseillers et sont amenés à se tourner de plus en plus vers eux, ce qui pourrait accroître les déséquilibres constatés quant à leur charge de travail. L'évaluation ne doit donc pas se contenter de procéder à des moyennes nationales, mais être beaucoup plus fine et territorialisée.


* 4 Au 31 décembre 2022, le nombre de conseillers aux décideurs locaux s'élevait à 807.

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