B. NE LAISSER DE CÔTÉ NI LES COMMUNES RURALES, NI LES POPULATIONS ÉLOIGNÉES DU NUMÉRIQUE

En sus des préoccupations suscitées par le maillage territorial du réseau déconcentré de la DGFiP et par la répartition des conseilleurs aux décideurs locaux, d'autres sujets, qui relèvent du quotidien des élus locaux et de nos concitoyens, soulèvent des inquiétudes. Il s'agit notamment des bases cadastrales et foncières et de l'accompagnement des populations éloignées du numérique.

1. L'accompagnement des secrétaires de mairie, une préoccupation majeure des communes rurales

Les attentes exprimées par les collectivités du bloc communal à l'égard de la DGFiP sont particulièrement fortes du côté des communes rurales, qui s'appuient sur des équipes restreintes et ne disposent que peu, voire pas, d'expertise en interne en matière financière. Elles s'appuient ainsi bien souvent sur les 23 000 secrétaires de mairie, dont 60 % exercent leurs fonctions à temps partiel.

Or, selon les résultats du sondage mené par la Cour des comptes, 56 % des communes - 57 % dans les communes rurales - considèrent que les secrétaires de mairie ne sont pas suffisamment formés sur les sujets budgétaire, financier et comptable. Par ailleurs, les collectivités sont aujourd'hui confrontées à d'importantes tensions de recrutement5(*), 90 % d'entre elles ayant indiqué avoir du mal à recruter un secrétaire de mairie.

Ce sujet peut être rapproché de celui des conseillers aux décideurs locaux : leur répartition territoriale doit intégrer cette mission d'accompagnement et de formation des secrétaires de mairie, au bénéfice de tous. Par exemple, les faire progresser en matière budgétaire pourrait conduire à décharger une partie des CDL des demandes qui leur sont faites lors de la préparation du budget. Les conseillers n'interviendraient plus pour la préparation complète d'un budget mais plutôt sur des points précis, présentant une complexité particulière.

2. Les bases cadastrales, le « marronnier » de la fiscalité locale

Comme le rappelle la Cour des comptes dans son enquête, « la fiabilisation des bases d'imposition de la fiscalité directe locale et la restitution régulière d'informations statistiques sont identifiées comme des enjeux importants dans un contexte où les taxes foncières constituent les principaux impôts dévolus au bloc communal ».

Répartition des impôts et taxes locaux
perçus par les communes en 2022

* Ce qui comprend également la taxe d'habitation sur les logements vacants et l'effet net des coefficients correcteurs.

Source : commission des finances, d'après les données publiées par la direction générale des collectivités locales, «  La fiscalité locale », juin 2023

L'actualisation des bases cadastrales n'est pas un problème nouveau pour le bloc communal ; c'est un sujet ancien, sur lequel on ne progresse que très lentement. La mise à jour des valeurs locatives des locaux professionnels a quant à elle pu susciter quelques interrogations6(*), tandis que celle des locaux d'habitation n'a jamais été véritablement engagée7(*).

La Cour des comptes souligne dans son enquête que les collectivités attendent encore une amélioration des services proposés par la DGFiP en matière foncière et cadastrale, notamment en termes de délais de réponses et d'échanges d'informations. Ces attentes sont particulièrement fortes à l'issue du ressaut important des bases de taxe d'habitation constaté avec les déclarations effectuées sur le service en ligne « Gérer mes biens immobiliers » (GMBI). En effet, si le Gouvernement s'est engagé à identifier les erreurs, qui seront à la charge de l'État, il est impératif que les collectivités disposent le plus rapidement possible de ces informations, pour identifier le caractère pérenne ou non de leurs recettes supplémentaires.

Dès lors, et de manière plus générale, il est nécessaire que la DGFiP soit en mesure de communiquer aux décideurs locaux des informations statistiques précises sur la nature des contribuables assujettis aux taxes foncières8(*). Cet échange peut être réciproque - dans les petites communes, les maires ont souvent une connaissance plus fine du tissu bâti que l'administration fiscale.

3. Garantir le meilleur accompagnement aux populations éloignées du numérique

Certains de nos concitoyens, éloignés du numérique, sont aujourd'hui dans l'incapacité d'effectuer leurs démarches par internet, tandis que les services sont parfois difficilement joignables par téléphone : dans ce contexte, il est impératif de conserver un accueil physique des contribuables, avec une haute qualité de service. Sept millions de personnes ont été accueillies aux guichets des services déconcentrés de la DGFiP en 2023, alors que le prélèvement à la source et la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales avaient conduit à anticiper une baisse de la fréquentation.

Ce chiffre, très élevé, s'explique aussi par les inquiétudes suscitées par la nouvelle obligation déclarative sur le service en ligne GMBI, ce qui a de nouveau illustré la crainte que peut susciter, chez une partie de nos concitoyens, des démarches entièrement dématérialisées, à réaliser sans l'appui d'un accompagnement personnalisé9(*). Il est important de rappeler que, selon la Défenseure des droits, 13 millions de personnes connaissent des difficultés d'accès aux services numériques, un nombre qui stagne depuis 2019, « les laissés pour compte de la dématérialisation étant toujours aussi nombreux »10(*).

Il est par exemple paradoxal que le Gouvernement, pour vanter l'accessibilité des services publics, enjoigne aux usagers de consulter des cartes dématérialisées des points d'accueil de proximité ou des espaces France services. Ainsi, et ayant plusieurs fois abordé le sujet dans ses rapports budgétaires sur la mission « Gestion des finances publiques », le rapporteur spécial ne peut que partager la recommandation de la Cour des comptes appelant à compléter les outils de recensement de la satisfaction des usagers avec des enquêtes permettant de mesurer les difficultés d'accès de certaines populations éloignées des outils dématérialisés.

À cet égard, la participation de la DGFiP aux espaces France services apparaît cruciale pour continuer d'accompagner les populations les plus fragiles, celles qui sont éloignées du numérique ou encore les contribuables dont la situation fiscale ne rentre pas dans les dispositifs de déclaration « standards ». Le rapporteur spécial soutient donc pleinement la recommandation de la Cour des comptes appelant la DGFiP à conforter sa participation à ces espaces, dans une démarche de mutualisation des moyens, et en étant attentif aux besoins exprimés.

Contribution de la DGFiP aux espaces France services

Le financement des dispositifs France services repose sur plusieurs opérateurs. La DGFiP y contribue à hauteur de 13,8 % de l'enveloppe totale, pour 11 % environ des sollicitations d'usagers. En absolu, sa contribution progresse, puisqu'elle est passée de 4,6 millions d'euros en 2022 à 5,1 millions d'euros en 2023, avec une projection à 7,4 millions d'euros en 2026.

Source : enquête de la Cour des comptes

Un tiers des communes considère que la participation de la DGFiP aux espaces France services est encore insuffisante. Ces espaces permettent pourtant de ramener les services publics au plus près de la population et de la vie quotidienne de nos concitoyens, un enjeu primordial pour remédier aux fractures territoriales.


* 5 Sur ce sujet, le rapporteur spécial renvoie au rapport d'information n° 676 (2022-2023) de Mme Catherine di Folco, M. Jérôme Durain et M. Cédric Vial, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, «  Attractivité du métier de secrétaire de mairie - Faire de la fonction de secrétaire de mairie un véritable métier ! », déposé le 1er juin 2023.

* 6 Par exemple, selon l'Association des maires de France, et à rebours de la logique de revalorisation des centres bourgs, les magasins sur rue auraient en moyenne connu une hausse de leur fiscalité foncière plus élevée que les hypermarchés.

* 7 Les bases cadastrales sont simplement revalorisées chaque année.

* 8 Une recommandation que la Cour des comptes avait rappelée dans ses observations définitives sur «  Les taxes foncières », février 2023.

* 9 Outre l'augmentation du nombre de personnes s'étant rendues dans un guichet de la DGFiP, les sollicitations adressées à la DGFiP au sein des espaces France services ont également augmenté sur les neuf premiers mois de l'année 2023 (768 000 contacts, contre 225 000 demandes pour toute l'année 2022).

* 10 Défenseur des droits, «  Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ? », février 2022.

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