LES RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
Recommandation n°1 : dans le cadre d'une évaluation systématique des dispositifs préalable à toute prolongation ou pérennisation, prévoir la mise en place de clauses de revoyure afin d'améliorer la récupération des financements indus (ministère de la culture, ministère du budget)
Recommandation n°2 : veiller à intégrer davantage les réseaux déconcentrés du ministère de la culture afin d'améliorer l'équilibre territorial des projets soutenus (Secrétariat général pour l'investissement - SGPI, ministère de la culture)
Recommandation n°3 : limiter le recours aux modes exceptionnels de financement (programmes d'investissement et plan de relance) aux projets les plus innovants pour lesquels un réel pilotage interministériel est nécessaire (SGPI, ministère des comptes publics)
Recommandation n°4 : améliorer l'information du Parlement sur l'exécution des crédits France 2030, impliquant au préalable la formalisation d'un suivi budgétaire rigoureux (SGPI, ministère des comptes publics)
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
I. DES MONTANTS EN JEU CONSIDÉRABLES POUR LES INDUSTRIES CULTURELLES ET CRÉATIVES
Les crédits qualifiés ici « d'exceptionnels » recoupent des financements ayant des objectifs différents dans des cadres budgétaires spécifiques. Entrent ainsi dans cette catégorie des dispositifs ponctuels de soutien tout comme des investissements de grande ampleur destinés à encourager la transformation et la modernisation du secteur culturel. Ces crédits ont pu prendre la forme de subventions ou d'appels à manifestation d'intérêt. Dans la quasi-totalité des cas, à l'exception des crédits mobilisés dans le cadre du plan de relance, la gestion de ces moyens a été déléguée par le secrétariat général pour l'investissement (SGPI) à des autorités indépendantes (centre national du livre ou centre national du cinéma par exemple) ou à d'autres opérateurs (Caisse des dépôts et consignations et Bpifrance en premier lieu).
Les montants totaux s'élèvent à près de 3 milliards d'euros. Ces plans sont construits de manière pluriannuelle : si les crédits du plan de relance ont été presque intégralement consommés, il reste encore des crédits des programmes d'investissement d'avenir non engagés. Le plan France 2030 n'en est quant à lui qu'aux premières années d'exécution.
Montant total de crédits exceptionnels
ouverts au titre des crédits exceptionnels
à la culture et
aux industries créatrices
(en milliards d'euros)
Montant prévu |
Montant consommé (à mi-2023) |
|
Programmes d'investissement d'avenir - PIA 1 et 3 |
0,508 |
0,187 |
dont PIA 1 |
0,315 |
0,130 |
dont PIA 3 |
0,193 |
0,056 |
Plan de relance |
1,569 |
1,439 |
France 2030 dont PIA 4 |
0,9001(*) |
0,743 |
Total |
2,968 |
2,686 |
Source : commission des finances d'après l'enquête de la Cour des comptes
Ces crédits correspondent en premier lieu aux reliquats du premier plan d'investissement d'avenir (PIA 1) et à ceux du troisième (PIA 3). S'agissant du PIA 1, son volet « culture » a essentiellement ciblé depuis 2017 le soutien aux projets numériques d'établissements publics culturels ou de start-up culturelles.
Les deux principaux dispositifs financés depuis 2017 sont l'appel à manifestation d'intérêts « Culture, Patrimoine et Numérique » doté de 140 millions d'euros et géré par la caisse des dépôts, et le fonds « Industries culturelles et créatives - Tech and Touch » géré quant à lui par Bpifrance et s'élevant à 125 millions d'euros. Les crédits « culture » du PIA 3 ont essentiellement servi à financer les travaux de la Cité de la francophonie au sein du château de Villers-Cotterêts et des travaux de rénovation du Grand Palais, à hauteur de 190 millions d'euros.
Les crédits exceptionnels incluent également les moyens accordés au secteur culturel dans le cadre du plan de relance. Le plan de relance contient 4 volets « culture », eux-mêmes recoupant d'une part un soutien sectoriel aux filières en difficulté (plan presse, mais aussi filière du livre et de la musique) et d'autre part un soutien aux grands opérateurs du patrimoine et du spectacle vivant. Au-delà de la logique d'urgence et d'attribution de subventions, qui concernent la majorité des montants accordés dans le cadre du plan de relance, on peut noter la création du programme « Mondes nouveaux », doté de 30 millions d'euros et destiné aux jeunes créateurs. Les rapporteurs spéciaux relèvent que les crédits du plan de relance ont également financé la réalisation de grands travaux, en particulier du fait d'un dépassement de budget pour la réalisation du projet de Villers-Cotterêts (124 millions d'euros financés par le plan de relance).
Enfin, le secteur de la création bénéficie d'importants montants dans le cadre du volet culturel de France 2030, dont 350 millions d'euros pour la « Grande fabrique de l'image », qui finance la création de studios de cinéma, ou le plan « Culture immersive et métavers », doté de 150 millions d'euros. S'y ajoutent 400 millions d'euros dans le cadre de la stratégie d'accélération des industries culturelles et créatives consécutive aux États généraux des industries culturelles et créatives engagés avant 2020. Ces investissements passent notamment par différents appels à manifestation d'intérêts (« Compétences et métiers d'avenir » ; « Accélérateurs » ; « Pôles territoriaux d'industries culturelles et créatives »), gérés pour certains par la Caisse des dépôts. S'y ajoutent des actions spécifiques (développement d'une offre de billetterie innovante par exemple).
La stratification des programmes et des actions, ainsi que la multiplicité des objectifs, certains gérés directement par le ministère de la Culture ou le SGPI, d'autres confiée à des opérateurs, rendent extrêmement complexe l'établissement d'un panorama global de ces crédits, en dépit de l'importance des montants. La Cour note ainsi des difficultés de périmètre : 19 millions d'euros à destination des industries culturelles et créatives sont identifiés à la fois dans le cadre du plan France 2030 et dans celui du plan de relance. Autre exemple, deux mesures dotées de 80 millions d'euros présentées par le ministère de la Culture comme déployées dans le cadre de France 2030 sont en réalité financées à partir de reliquats du PIA 1.
Enfin, une partie des crédits du plan de relance devait faire l'objet d'un remboursement par l'Union européenne (UE). Ce montant, initialement conséquent (702 millions d'euros, soit près de 4/5e du volet « Culture » du plan) a été fortement diminué du fait du retrait des plans de filières « Presse », « Livre » et « Cinéma » de la demande de remboursement auprès de l'UE. Le montant maximal potentiellement remboursé à la France ne serait donc désormais que de 393 millions d'euros.
Ensemble des crédits exceptionnels concernés par l'enquête
Source : enquête de la Cour des comptes
* 1 Compte tenu de la décision postérieure au lancement de France 2030 de créer un fonds de dotation consacré aux innovations de rupture, abondé en partie par les crédits initialement destinés aux industries culturelles à hauteur de 100 millions d'euros.