C. L'ABSENCE D'ANALYSE PRÉALABLE DES BESOINS A ENTRAÎNÉ UNE CONSOMMATION DES CRÉDITS À GÉOMÉTRIE VARIABLE

Il est certain que la faiblesse des résultats obtenus par la Caisse des dépôts et Bpifrance découle d'un nombre d'entreprises innovantes dans le secteur culturel trop faible par rapport aux montants en jeu, contraignant les opérateurs à s'éloigner toujours davantage des industries culturelles et créatives. Ce constat soulève la problématique plus générale du pilotage par la dépense des programmes d'investissement comme du plan de relance, le principal objectif semblant n'être pas tant la performance du résultat obtenu que la consommation de l'ensemble des crédits alloués.

1. Le PIA 1 : une sous-consommation importante des crédits

Il est vrai que dans le cadre du PIA 1, le problème réside plutôt dans une sous-exécution des crédits prévus. Ainsi, les crédits réellement consommés ne représentent qu'à peine moins d'un quart des crédits issus du PIA 1 activés depuis 2017. Les crédits engagés en représentent quant à eux à peine plus des deux-tiers.

Consommation des crédits activés depuis 2017 dans le cadre
du volet « culture » du PIA 1 à mi- 2023

(en millions d'euros et en %)

 

Montants (en millions d'euros)

Part des crédits mobilisés par rapports aux crédits annoncés (en %)

Crédits annoncés

315

 

- Crédits engagés

120

38,1 %

Crédits consommés

78

24,8 %

Source : commission des finances d'après l'enquête de la Cour des comptes

Cette sous-consommation remet en cause, comme le souligne la Cour, l'argument selon lequel le PIA, qui est un instrument souple et libéré d'un certain nombre de contraintes budgétaires, permet d'engager des financements plus rapidement que des crédits classiques.

Notons par ailleurs que les deux dispositifs précédemment mentionnés gérés par la Caisse des dépôts et Bpifrance ont tous les deux été aménagés afin de tenir compte d'une inadaptation des moyens ouverts aux besoins : l'appel à manifestation d'intérêt Culture, Patrimoine et Numérique a été prolongé jusqu'en décembre 2024 tandis que le fonds ICC/Tech and Touch a vu son montant quasiment divisé par deux (225 millions d'euros étant initialement prévus).

2. Le plan de relance et France 2030 : un pilotage par la dépense

Dans le cas du plan de relance, l'urgence du soutien à apporter à des filières en difficulté a justifié un pilotage davantage quantitatif que qualitatif des crédits. Celui-ci a certes abouti à une consommation satisfaisante des crédits, mais avec deux conséquences : d'une part, une baisse de la sélectivité des projets financés ; d'autre part, le financement par le plan de relance de dispositifs sans lien avec la crise sanitaire. Le financement de la Cité de la francophonie à Villers-Cotterêts est un exemple emblématique du deuxième cas : s'ils ne remettent pas en cause l'intérêt du projet en lui-même, les rapporteurs spéciaux se sont déjà interrogés par le passé sur la pertinence du plan de relance comme vecteur de financement de ces travaux.

Concernant la sélectivité des projets, le ministère de la Culture, en particulier la direction générale des patrimoines, a modulé à plusieurs reprises la liste des monuments bénéficiant de crédits « relance », afin de cibler davantage non pas les opérations les plus indispensables, mais celles dont les travaux pouvaient commencer le plus rapidement afin d'améliorer le taux de consommation des crédits.

Plus généralement, si les crédits ont été correctement consommés, la qualité des dispositifs a pu en souffrir. Ainsi, si la Cour souligne l'intérêt qu'a pu représenter le programme « Mondes nouveaux », elle indique que celui-ci « a souffert d'un défaut de visibilité et de médiation », se privant notamment de l'expertise des réseaux traditionnels de soutien à la création culturelle (fonds régionaux d'art contemporain - FRAC - notamment).

Concernant France 2030, tout comme pour le PIA 1, l'insuffisante analyse des besoins réels du secteur débouche sur une sous-consommation de certains volets du plan. Ainsi, seuls 193 millions d'euros sont d'ores et déjà engagés pour 553,4 millions d'euros prévus.

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