N° 725

SÉNAT

2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 juillet 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur l'aide alimentaire dans le cadre de l'aide publique au développement,

Par MM. Michel CANÉVET et Raphaël DAUBET,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

L'ESSENTIEL

La commission des finances a examiné, le mercredi 10 juillet 2024, le rapport de MM. Michel Canévet et Raphaël Daubet, rapporteurs spéciaux de la mission « Aide publique au développement », sur l'aide alimentaire au sein de la politique de développement de la France.

I. L'AIDE ALIMENTAIRE, UNE POLITIQUE FRANÇAISE D'AIDE AU DÉVELOPPEMENT EN HAUSSE FACE À LA DÉGRADATION DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE MONDIALE

A. L'AIDE ALIMENTAIRE, PRINCIPALE RÉPONSE D'URGENCE FACE AUX CRISES ALIMENTAIRES DANS LE MONDE

Si l'aide alimentaire constitue une des parts les plus visibles de l'aide publique au développement, sa définition apparaît complexe, tant sur le plan du contenu et des formes que peut prendre ce type d'aide qu'au regard de son articulation avec le nexus crise-résilience-développement.

Il est toutefois possible d'appréhender l'aide alimentaire comme une action d'assistance alimentaire visant, à court terme, à garantir l'accès à une alimentation suffisante et sûre en période de crise alimentaire et, à moyen et long termes, à renforcer la résilience des populations des pays affectés par l'insécurité alimentaire. Elle peut prendre la forme d'une aide en nature, au travers de livraisons directes de denrées alimentaires, ou de transferts financiers et de bons alimentaires. Dans un contexte de « transition de l'aide vers l'assistance alimentaire »1(*), les organisations internationales et les bailleurs nationaux tendent désormais à privilégier les transferts financiers.

Selon les dernières données rendues disponibles par les Nations unies2(*), entre 691 et 783 millions de personnes dans le monde ont souffert de la sous-alimentation en 2022. Cette estimation, dont la moyenne se situe à 735 millions de personnes, représente une très forte progression de la faim dans le monde depuis la pandémie.

Évolution de la population mondiale affectée par la sous-alimentation
entre 2015 et 2022

(en millions de personnes et en pourcentage)

Source : commission des finances, d'après les données des Nations unies

Répartition de la population en sous-alimentation
selon les zones géographiques entre 2015 et 2022

(en millions de personnes)

Note : les données relatives à l'Amérique du Nord et l'Europe ne sont pas disponibles

Source : commission des finances, d'après les données des Nations unies

En réponse à la multiplication des crises alimentaires, les flux internationaux d'aide alimentaire ont largement progressé depuis le début des années 2010. Selon l'OCDE, l'aide alimentaire représenterait 32 % du total des flux mondiaux d'aide publique au développement (APD) sur la période 2016-2021. La comptabilisation de l'aide alimentaire demeure toutefois un exercice délicat. Deux instances internationales, l'OCDE et la Convention de Londres pour l'assistance alimentaire assurent un recensement des contributions d'aide alimentaire.

B. UNE PRISE EN COMPTE RÉCENTE DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE DANS L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT DE LA FRANCE

Depuis 2019, dans le cadre de son réinvestissement dans sa politique de développement, la France a progressivement renforcé ses versements en matière d'aide alimentaire. Cette évolution correspond à un double objectif politique et humanitaire de renforcement de notre influence au sein des instances multilatérales et d'assistance aux populations menacées.

Les financements de l'aide alimentaire programmée (AAP)3(*), « noyau dur » de l'aide alimentaire française, ont été multiplié par 6,5 sur dix ans, illustrant l'investissement croissant de la France dans ce domaine. Deux facteurs ont ainsi contribué à la forte augmentation des crédits de l'aide alimentaire : l'accroissement généralisé de l'aide humanitaire de la France et le contexte géopolitique dégradé entre 2020 et 2022.

Évolution des financements de l'aide alimentaire programmée
entre 2014 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

L'action de la France en faveur de la sécurité alimentaire internationale peut constituer un vecteur utile de sa politique étrangère et de son influence dans le monde. Il importe par conséquent de valoriser la visibilité de l'aide alimentaire française, tant dans son volume que dans la souplesse de ses instruments de mise en oeuvre.

II. DISPERSÉE ENTRE LES DIFFÉRENTS CANAUX DE L'AIDE HUMANITAIRE, L'AIDE ALIMENTAIRE DE LA FRANCE NÉCESSITERAIT UNE CLARIFICATION DE SES INSTRUMENTS

A. L'ABSENCE D'UN « GUICHET UNIQUE » POUR L'AIDE ALIMENTAIRE FRANÇAISE

L'aide alimentaire versée par la France transite essentiellement par ses canaux d'aide humanitaire : l'aide alimentaire programmée, pilotée par la direction générale de la mondialisation du MEAE, le Fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation (FUHS) du centre de crise et de soutien (CDCS) et les contributions volontaires aux Nations unies. Toutefois, seule l'AAP est uniquement concentrée sur l'aide alimentaire.

L'éclatement de l'aide alimentaire française rend difficile une évaluation précise du montant total de la contribution de la France à la lutte contre les crises alimentaires dans le monde.

La combinaison des crédits de ces trois instruments permet d'obtenir une évaluation, sans doute incomplète, du total de l'aide alimentaire d'urgence de la France.

Aide alimentaire mise en oeuvre par les canaux d'aide humanitaire
du ministère de l'Europe et des affaires étrangères en 2023

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
et les réponses au questionnaire de contrôle

Il n'existe actuellement aucune formalisation des mandats respectifs des différents instruments intervenant en matière d'aide alimentaire, particulièrement s'agissant de l'AAP et du FUHS. Or l'augmentation des enveloppes respectives de l'AAP et du fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation (FUHS), combiné à un élargissement du mandat de ce dernier, renforce les risques de chevauchement.

En une décennie (2014-2024), les crédits de l'AAP ont été multipliés par cinq et ceux du FUHS par douze. Or, les terrains d'interventions et les opérateurs financés par les différents instruments sont similaires. En l'absence de guichet unique, les opérateurs de la société civile peinent à distinguer les différents canaux de financement.

B. CLARIFIER ET MIEUX COORDONNER LES DIFFÉRENTS CANAUX D'AIDE ALIMENTAIRE

La coordination au niveau central paraît insuffisante depuis la suppression du comité interministériel de l'aide alimentaire (CIAA) en 2023, alors même que sa revalorisation était, au contraire, recommandée par une évaluation demandée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE). Cette suppression exclut de facto un dialogue stratégique efficace avec les acteurs extérieurs au MEAE, en premier lieu l'AFD, en matière d'aide alimentaire. Or, au-delà de l'aide alimentaire d'urgence et de stabilisation, les instruments d'aide au développement permettent de renforcer la sécurité alimentaire.

Schéma d'intervention des canaux de gestion
et de sortie de crise en matière d'aide alimentaire

Liste des abréviations : organisations internationales (OI), organismes de la société civile (OSC), programme alimentaire mondial (PAM).

Source : commission des finances

III. EN DÉPIT D'UN FORT RÉINVESTISSEMENT FINANCIER, L'INFLUENCE FRANÇAISE DEMEURE LIMITÉE AU SEIN DU SYSTÈME INTERNATIONAL DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

A. UN IMPORTANT RÉINVESTISSEMENT MULTILATÉRAL DE LA FRANCE EN MATIÈRE D'AIDE HUMANITAIRE

Sur la période 2018-2023, le montant des contributions françaises en matière de sécurité alimentaire a été multipliée par trois. Le MEAE évalue le total des contributions multilatérales contribuant à la sécurité alimentaire, toutes missions budgétaires confondues, à 252,93 millions d'euros en 2023.

La France s'est, par ailleurs, particulièrement investie dans des initiatives multilatérales, à l'image de l'initiative européenne « Mission pour la résilience alimentaire et agricole » (dite FARM)4(*), en réaction à l'agression russe contre l'Ukraine, et de la Coalition pour l'alimentation scolaire dont elle assure la coprésidence.

Évolution des contributions multilatérales de la France
en matière de sécurité alimentaire entre 2018 et 2023

(en millions d'euros et en crédits de paiement)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire de contrôle

Le recours aux organisations internationales en matière d'aide alimentaire présente des avantages certains par rapport à l'aide bilatérale. En effet, elles disposent d'une expertise technique certaine et d'une forte capacité de mobilisation des bailleurs internationaux. Trois organisations spécialisées des Nations unies interviennent en matière de sécurité alimentaire : l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (OAA/FAO), organisation généraliste, le Programme alimentaire mondial (PAM), centré sur l'aide alimentaire d'urgence, et le Fonds international pour le développement agricole (FIDA), institution financière.

Au sein des organisations internationales, le PAM constitue le principal opérateur international d'assistance alimentaire. Il dispose, au sein du système onusien, d'une expertise unique en matière de logistique et d'approvisionnement. Son financement reposant uniquement sur des contributions volontaires, les exigences de redevabilité sont particulièrement développées par cet organisme. 

B. LE MAINTIEN DE CONTRIBUTIONS ÉLEVÉES, PRIX DE L'INFLUENCE FRANÇAISE EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

L'augmentation par la France de ses contributions volontaires a permis de mettre un frein au recul de son influence au sein de organisations des Nations unies spécialisées dans l'alimentation et l'agriculture. S'agissant du PAM, le fait que ses contributions soient tombées au plus bas en 2018 avait conduit de facto à exclure la France du groupe des principaux contributeurs et avait réduit considérablement son influence au sein des instances de gouvernance.

L'effort financier consenti par la France auprès du PAM depuis 2022 lui a permis de rattraper une partie de ce retard en termes d'influence. D'une part, tout en recourant de manière croissante au levier des contributions fléchées, la France conserve une part de contributions flexibles, particulièrement appréciées des organisations internationales. D'autre part, la hausse de sa participation au PAM lui a permis de rejoindre le conseil d'administration de l'organisation, aux côtés des principaux donateurs.

La progression continue de ses contributions au Programme alimentaire mondial, principal opérateur international de l'aide alimentaire, a permis à la France de maintenir son influence au sein du système onusien de la sécurité alimentaire.

Cette remontée de l'influence française au sein du PAM doit toutefois être relativisée. Sur le plan financier, la France demeure loin derrière les principaux contributeurs et fait figure de « goutte d'eau dans l'océan ».

Classement des principaux donateurs du Programme alimentaire mondial en 2022

(en millions de dollars)

Source : commission des finances d'après les données publiées par le PAM

Les rapporteurs estiment nécessaire de progresser en termes de coordination de l'action européenne, au sein du système onusien de l'alimentation et de l'agriculture. Hors États-Unis, l'UE et ses États membres combinés sont en effet le principal contributeur du PAM avec un total de 2,6 milliards de dollars de contributions en 2023. Cet objectif est néanmoins rendu plus complexe par la disproportion manifeste entre l'Allemagne et ses partenaires européens en termes de volume de contributions au système onusien.

LES RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

Mieux valoriser l'effort français en faveur de la lutte contre les crises alimentaires dans le monde :

Recommandation n° 1 : Faire apparaître, au sein du document de politique transversale dédié à la politique de développement, une synthèse de l'aide engagée par grande thématique, dont celle de la sécurité alimentaire (ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE), direction générale de la mondialisation (DGM)).

Recommandation n° 2 : Consolider l'évaluation de l'aide alimentaire française pouvant être comptabilisée au titre de la convention de Londres, au-delà du seul instrument de l'aide alimentaire programmée (MEAE, DGM).

Recommandation n° 3 : Changer la dénomination de l'aide alimentaire programmée, éventuellement en « assistance alimentaire programmée », pour mieux refléter les évolutions de cet instrument et plus largement de cette politique d'aide internationale (MEAE, DGM).

Recommandation n° 4 : Dans le cadre de l'augmentation des crédits de l'aide humanitaire, maintenir le montant total d'aide alimentaire de la France, tant dans son volet bilatéral que dans son volet multilatéral (MEAE).

Clarifier et mieux articuler les instruments contribuant à l'aide alimentaire de la France :

Recommandation n° 5 : Formaliser et préciser les mandats d'intervention respectifs des différents instruments participant à l'aide alimentaire française, en premier lieu le fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation (FUHS) et l'aide alimentaire programmée (AAP) (DGM, centre de crise et de soutien (CDCS)).

Recommandation n° 6 : Envisager un rapprochement des procédures de sélection et de redevabilité des projets entre le FUHS et l'AAP (DGM, CDCS).

Recommandation n° 7 : Permettre à Expertise France de participer aux appels à projets de l'AAP (DGM).

Recommandation n° 8 : Assurer, au niveau de l'administration centrale, une véritable coordination de l'aide alimentaire associant le groupe Agence Française de Développement et ses filiales et prévoir une consultation annuelle des organismes de la société civile (MEAE, AFD).

Recommandation n° 9 : Évaluer les besoins en ressources humaines, au niveau central comme dans les postes diplomatiques, et transcrire les recrutements éventuels dans la programmation des 700 nouveaux ETP prévus au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères d'ici à 2027 (MEAE, DGM, CDCS).

Poursuivre la démarche de soutien à l'influence française au sein des organisations internationales dans le domaine de la sécurité alimentaire :

Recommandation n° 10 : Encourager les coopérations opérationnelles et logistiques entre le centre de crise et soutien et le Programme alimentaire mondial (PAM) (MEAE, CDCS).

Recommandation n° 11 : Valoriser, auprès des organisations spécialisées de l'ONU, l'expertise des entreprises françaises en matière d'alimentation et de nutrition (MEAE).

Recommandation n° 12 : Poursuivre les efforts de redevabilité et de transparence au sein des organisations spécialisées des Nations unies, en particulier au sein de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (OAA/FAO) (Représentation permanente de la France auprès des Nations unies à Rome).

Recommandation n° 13 : Plaider auprès de nos partenaires européens et de la Commission européenne pour que la contribution de l'UE au PAM soit répartie entre les États membres, sous la forme d'une quote-part calculée selon leur participation au budget de l'Union et qui serait reportée sur la contribution de chaque État à ces organisations (MEAE, représentation permanente de la France auprès des Nations unies à Rome).

I. DANS UN CONTEXTE D'INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE MONDIALE AGGRAVÉ, LA FRANCE S'EST PLUS FORTEMENT ENGAGÉE EN MATIÈRE D'AIDE ALIMENTAIRE

A. FACE À LA MULTIPLICATION DES CRISES ALIMENTAIRES, L'AIDE ALIMENTAIRE MONDIALE EST EN PROGRESSION

1. D'une définition complexe, l'aide alimentaire se situe entre l'aide d'urgence et l'aide au développement
a) L'aide alimentaire est d'une définition complexe et relève, au sens strict, de la gestion et de la sortie de crises et, au sens large, peut inclure des actions d'aide au développement

Si l'aide alimentaire constitue l'une des parts les plus visibles de l'aide publique au développement, sa définition apparaît complexe, tant sur le plan de son contenu et de ses formes qu'au regard de son articulation avec le nexus crise-résilience-développement.

L'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) définit l'aide alimentaire internationale d'une manière particulièrement large. Au sens de l'OCDE, l'aide alimentaire comprend ainsi l'ensemble des dons et prêts « qui sont conformes aux critères aux définitions de l'aide publique au développement » du comité de l'aide au développement en matière alimentaire5(*). Cette définition est toutefois affinée par l'OCDE à l'aide d'une double compréhension de l'aide alimentaire : selon ses modalités d'utilisation et son contenu.

En premier lieu, l'aide alimentaire peut être distinguée selon ses modalités d'utilisation entre trois catégories, à savoir :

l'aide alimentaire d'urgence, correspond à une assistance alimentaire ciblée et distribuée à titre gratuit aux victimes de catastrophes naturelles ou d'origines humaines ;

l'aide alimentaire programme, vise à soutenir des groupes et des zones géographiques spécifiques dans le but de mener des actions de prévention des catastrophes ou de lutte contre la pauvreté. Il peut s'agir de programmes de distribution directe d'aide alimentaire, au travers de mécanismes de protection sociale mis en place par les autorités des États bénéficiaires, des organismes de la société civile ou des organisations internationales. À titre d'exemple, les programmes d'alimentation scolaire s'inscrivent dans ce cadre. L'aide programme peut également consister en des actions de monétisation. Le produit de la vente des ressources alimentaires permet de soutenir des actions de prévention et des projets locaux ;

l'aide alimentaire projet, soit un transfert de ressources visant à assurer le soutien de la balance des paiements, en remplaçant des importations commerciales ou en permettant des importations supplémentaires soutenant la sécurité alimentaire.

En second lieu, l'aide alimentaire peut être définie selon son contenu. Ce dernier correspond à la fois aux sources d'approvisionnement de l'aide alimentaire et aux méthodes de transfert de cette aide vers les bénéficiaires. Les biens alimentaires peuvent être directement issus du pays donateur, être achetés dans un pays en développement tiers et redirigés vers le pays bénéficiaire ou être sélectionnés sur les marchés locaux du pays bénéficiaire.

L'acheminement de l'aide alimentaire vers les bénéficiaires peut ensuite prendre deux formes principales face à une crise alimentaire.

D'une part, le donateur peut organiser des transferts directs de vivres vers les bénéficiaires. L'analyse économique de ce type d'aide a conduit à identifier différents effets indésirables pour les bénéficiaires6(*), notamment au travers :

- d'un effet potentiel de dépendance des populations touchées par l'insécurité alimentaire ;

- d'une fragilisation des systèmes agricoles locaux, les transferts de vivres pouvant induire un effet dépressif et déstabilisateur sur le prix des denrées alimentaires sur les marchés locaux et, partant, affaiblir la production locale ;

- d'une perturbation des échanges commerciaux internationaux par un effet d'éviction des exportations alimentaires par l'aide alimentaire.

D'autre part et de manière plus fréquente, l'aide alimentaire peut être fournie sous la forme de transferts financiers ou bons alimentaires. Le bailleur offre aux bénéficiaires des bons d'achat de ressources alimentaires qu'il peut utiliser auprès de magasins sélectionnés et dûment contrôlés. Cette dernière forme d'aide présente de forts avantages sur le plan logistique en facilitant grandement la distribution et permet de plus de soutenir le tissu économique local. Ce type de transferts financiers n'est toutefois possible que si le marché local est encore fonctionnel, ce qui n'est pas toujours le cas en période de crise grave. Les organisations internationales privilégient désormais ce mode d'acheminement de l'aide. Les évaluations des programmes de transferts financiers tendent à démontrer que ce type d'aide favorise une alimentation diversité tout en soutenant les marchés locaux7(*).

Pour autant, la définition de l'aide alimentaire développée par l'OCDE n'est pas partagée par l'ensemble des organisations et acteurs internationaux intervenant en matière d'aide alimentaire. À titre d'illustration, l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (OAA ou FAO) s'est refusée, dans un rapport consacré à l'aide alimentaire8(*), à trancher entre différentes propositions académiques de définitions. Une première définition indiquait que l'aide alimentaire « consiste à trouver à l'échelle internationale des ressources octroyées à des conditions de faveur sous forme de nourriture ou en vue de la fourniture de nourriture ». Cette proposition présentait l'inconvénient d'être trop restrictive à deux égards. D'une part, elle limitait l'action d'aide alimentaire à l'échelle internationale et ne prenait pas en compte les programmes nationaux susceptibles d'intervenir. D'autre part, cette proposition était centrée sur la fourniture de biens alimentaires alors que l'aide alimentaire peut également recouvrir la fourniture de biens autres que des vivres en vue de soutenir la sécurité alimentaire. Le rapport évoquait par conséquent une deuxième définition, plus large, de l'aide alimentaire : « comme l'ensemble des interventions alimentaires visant à améliorer la sécurité alimentaire des populations pauvres dans le court et le long terme, qu'elles soient financées au moyen de ressources publiques et privées internationales ou nationales ».

À partir de ces différentes approches, il est possible d'appréhender l'aide alimentaire comme une action d'assistance alimentaire visant, à court terme, à garantir l'accès à une alimentation suffisante et sûre en période de crise alimentaire et, à moyen et long termes, à renforcer la résilience des populations des pays affectés par l'insécurité alimentaire.

L'organisation temporelle des actions de lutte contre l'insécurité alimentaire

Source : commission des finances

Dans cette perspective, l'aide alimentaire s'articule en fonction de la temporalité de l'insécurité alimentaire : à court terme, dans un contexte de crise alimentaire sévère ; à moyen terme, dans un contexte de stabilisation et de sortie de crise ; à plus long terme, dans une perspective de développement. Cette dernière dimension prend en compte des actions de prévention et de recherche fondamentale visant à identifier les besoins futurs en alimentation et à prévenir la survenue de crises alimentaires.

Sécurité alimentaire, malnutrition : de quoi parle-t-on ?

L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (OAA/FAO) définit la sécurité alimentaire comme la capacité, à tout moment, à avoir un accès physique, sociale et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive permettant aux hommes et femmes de satisfaire leurs besoins énergétiques.

La sécurité alimentaire est mesurée par les organisations internationales à l'aide de l'Integrated Food Security Phase Classification (IPC)9(*). Cet indice est compris entre 1, qui correspond à une situation de sécurité alimentaire générale dans le cadre de laquelle 80 % des ménages peuvent satisfaire leurs besoins alimentaires, et 5 qui correspond à un état de catastrophe alimentaire ou de famine exigeant une intervention urgente pour stopper la mortalité. Il a été initialement développé par l'Unité d'analyse de la sécurité alimentaire et de la nutrition (FSNAU) de la FAO en 2004 pour être utilisée en Somalie.

En 2023, environ 0,7 million de personnes dans cinq pays et territoires10(*) ont connu une situation de phase 5 de l'IPC, dont 0,6 million résidaient dans la bande de Gaza. L'année 2024 pourrait se traduire par une dégradation de la situation alimentaire avec 1,5 million de personnes en IPC phase 5.

La FAO, comme l'OCDE, estiment que la sécurité alimentaire recouvre quatre dimensions cumulatives :

- la disponibilité, soit l'existence physique de biens alimentaires, caractérisée par une production agricole suffisante et des échanges commerciaux effectifs ;

- l'accès, soit la capacité des individus à obtenir une nourriture en qualité et en quantité suffisantes et diversifiée ;

- l'utilisation, soit la capacité des individus à disposer la nourriture disponible pour en tirer une énergie et des nutriments nécessaires à une vie active ;

- la stabilité, soit la garantie d'un accès et d'une disponibilité durables de la nourriture dans le temps.

L'insécurité alimentaire doit être distinguée de la malnutrition qui constitue la conséquence d'un apport insuffisant en nutriments, en qualité comme en quantité, ou d'une mauvaise assimilation des nutriments par l'organisme. La malnutrition comporte trois déclinaisons : la sous-nutrition, qui peut être chronique ou aigüe, les carences en micronutriments ou l'obésité.

Source : commission des finances d'après la FAO

b) La gouvernance internationale de l'aide alimentaire

Différents mécanismes contribuent à la gouvernance internationale de l'aide alimentaire.

Premièrement, le principal instrument demeure la Convention sur l'assistance alimentaire ou Convention de Londres, adoptée en 2012 et ratifiée par la France en 2017. Cet instrument conventionnel a pris le relais de la Convention relative à l'aide alimentaire, adoptée en 1999 pour remplacer une convention de 1967. La convention poursuit les objectifs d'améliorer la sécurité alimentaire et de préserver les populations les plus vulnérables, notamment dans un contexte de crise. Elle prend également en compte une perspective de réhabilitation et de développement à long terme des pays bénéficiaires.

Par rapport à la précédente convention, le traité de 2012 intègre l'évolution des modalités d'intervention de l'aide alimentaire. Historiquement, l'aide alimentaire internationale reposait sur des transferts de surplus agricoles vers les pays en développement. Dans la perspective d'une « transition de l'aide vers l'assistance alimentaire »11(*), cette politique correspond aujourd'hui davantage à des transferts financiers. Par suite, les États parties à la convention s'engagent sur des volumes financiers d'aide et non plus sur des quantités d'aide mesurées en tonnes, comme dans le cadre de l'ancienne convention.

La Convention de Londres constitue le seul dispositif de droit international contraignant en matière d'aide alimentaire. Le cadre de la convention de Londres prévoit, au travers du comité de l'assistance alimentaire (CAA), un contrôle du respect des engagements des États parties à la convention. Ces derniers rendent compte annuellement, en juin, des financements versés en matière d'aide alimentaire. La convention prévoit également des critères de qualité de l'assistance alimentaire, notamment au travers d'un objectif d'au moins 50 % des financements alloués aux bénéficiaires finaux.

Deuxièmement, des organisations internationales participent à la gouvernance internationale de l'aide alimentaire en coordonnant l'action des pays donateurs et en menant directement des projets d'assistance alimentaire.

D'une part, le Programme alimentaire mondial (PAM), programme subsidiaire commun de l'Assemblée générale des Nations unies et de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (OAA/FAO) créé en 1961, constitue le principal opérateur international d'assistance alimentaire. Il est placé sous la double tutelle des Nations unies et de la FAO. Son directeur exécutif est ainsi conjointement nommé par le secrétaire général des Nations unies et le directeur général de la FAO. Ses objectifs sont « d'utiliser l'aide alimentaire pour appuyer le développement économique et social, de répondre aux besoins alimentaires des réfugiés et des victimes d'autres situations d'urgence et de crise rendant nécessaires des secours prolongés, et de promouvoir la sécurité alimentaire mondiale conformément aux recommandations formulées par l'ONU et par l'OAA ».

D'autre part, et dans une moindre mesure, l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (OAA/FAO) contribue également à l'aide alimentaire mondiale. Cette organisation intergouvernementale, créée en 1945 et comptant 194 États membres, dispose d'une mission d'appui aux politiques publiques et de coopération technique. Pour ce faire, la FAO s'est vue confier des capacités d'expertise et d'évaluation en matière d'alimentation et d'agriculture. Elle a également une fonction normative et produit des lignes directrices. En complément du PAM, la FAO peut intervenir dans un contexte d'urgence et mener des actions d'assistance alimentaire. Ces actions se concentrent sur la réhabilitation des systèmes de production agricole.

Par ailleurs, sans intervenir directement dans le champ de l'aide alimentaire, un troisième organisme relevant des Nations unies, le Fonds international pour le développement agricole (FIDA)12(*), finance des projets de soutien aux filières agricoles des pays en développement. Il bénéficie du double statut d'organisation spécialisée de l'ONU et d'institution financière internationale. Son fonctionnement et la nature de ses interventions le rapprochent de l'Agence française de développement (AFD). Le FIDA accorde en effet des prêts concessionnels ou des dons, à hauteur d'un milliard de dollars par an, à des États qui les reversent ensuite aux bénéficiaires finaux. Son activité est concentrée à plus de 50 % sur le continent africain et vise plus précisément à soutenir les petits exploitants agricoles.

Troisièmement, la gouvernance de l'aide alimentaire internationale repose également sur les instances multilatérales de dialogue. Le G20 et le G7 forment ainsi des forums intergouvernementaux de négociations et d'impulsion privilégiés pour les principaux États donateurs. Cette « diplomatie des sommets » permet l'émergence d'initiatives communes et sectorielles en matière de sécurité alimentaire. Les échanges multilatéraux entre donateurs peuvent excéder le cercle des principaux contributeurs. L'accord dit du « Grand Bargain », lancé lors du Sommet mondial sur l'action humanitaire en mai 2016, associe les États donateurs et les agences humanitaires dans un objectif d'amélioration de l'action humanitaire internationale, dans laquelle s'inscrit l'aide alimentaire. L'accord est fondé sur un principe de « quid pro quo » reposant sur des concessions mutuelles entre bailleurs et opérateurs afin de générer des gains d'efficience dans la gestion des projets d'aide. La France l'a rejoint en septembre 2017.

2. La sécurité alimentaire est aujourd'hui particulièrement menacée dans le monde
a) En 2022, environ 735 millions de personnes ont souffert de la faim dans le monde

Selon les dernières données rendues disponibles par les Nations unies13(*), entre 691 et 783 millions de personnes dans le monde ont souffert de la sous-alimentation en 2022. Cette estimation, dont la moyenne se situe à 735 millions de personnes, représente une très forte progression de la faim dans le monde depuis la pandémie. Par rapport à 2019, avant la pandémie de covid-19, 122 millions de personnes en plus sont concernées par la sous-alimentation, soit une augmentation de près de 17 %. Au total, les Nations unies estiment que 11,3 % de la population mondiale se trouve en situation d'insécurité alimentaire grave et que 29,6 % se situe en situation d'insécurité alimentaire grave ou modérée.

Évolution de la population mondiale affectée par la sous-alimentation
entre 2015 et 2022

(en millions de personnes et en pourcentage)

Source : commission des finances, d'après les données des Nations unies

Les données brutes présentées par les agences des Nations unies peuvent néanmoins masquer des disparités sur la répartition des personnes concernées par la sous-alimentation. Ainsi, dans une perspective de genre, les femmes sont plus susceptibles de subir des situations de sous-alimentation. La proportion de femmes en situation d'insécurité alimentaire modérée ou aigüe était en effet 4,3 % supérieure à celle des hommes en 202114(*). Sous un angle géographique, au sein d'un même pays, les situations de crises alimentaires concernent davantage les zones rurales que les zones urbaines, paradoxalement mieux approvisionnées. Environ 33 % des adultes résidant en zone rurale sont concernés par l'insécurité alimentaire dans le monde contre 26 % des urbains. Il existe une convergence entre les phénomènes de sous-alimentation et de grande pauvreté.

Répartition de la population en sous-alimentation
selon les zones géographiques entre 2015 et 2022

(en millions de personnes)

Note : les données relatives à l'Amérique du Nord et l'Europe ne sont pas disponibles.

Source : commission des finances, d'après les données des Nations unies

S'agissant de la répartition géographique de la sous-alimentation, l'Afrique et l'Asie regroupent une très large majorité des personnes sous-alimentées, avec respectivement 55 et 38 % du total de cette population. Si près de 402 millions de personnes en situation de sous-alimentation vivent en Asie contre 282 millions de personnes en Afrique, cette dernière comprend une proportion bien plus élevée de sa population affectée par la sous-alimentation. Environ 20 % de la population africaine souffre ainsi de la faim et l'Afrique est la région où la faim a le plus progressé au cours des dernières années avec une progression de 48,5 % entre 2015 et 2022.

États comprenant le plus de personnes menacées
par une insécurité alimentaire grave en 2023

(en millions de personnes)

Pays

Population concernée

République démocratique du Congo

25,8

Nigéria

24,9

Soudan

20,3

Afghanistan

19,9

Éthiopie

19,7

Yémen

18,0

Syrie

12,9

Bengladesh

11,9

Pakistan

11,8

Birmanie

10,7

Source : commission des finances, d'après les données du rapport mondial sur les crises alimentaires

Cette concentration de la sous-alimentation et des crises alimentaires se retrouve au sein des pays les plus frappés par l'insécurité alimentaire. Sur les cinq pays comprenant le plus important nombre de personnes menacées par la faim, quatre se situent en Afrique (République démocratique du Congo, Nigéria, Soudan et Éthiopie). À titre d'exemple, la situation est particulièrement critique au Soudan où 20,3 millions de personnes soit 42 % de la population sont touchées par une insécurité alimentaire aigüe.

Pays et territoires connaissant une crise alimentaire en 2024
selon le rapport mondial sur les crises alimentaires

Source : rapport mondial sur les crises alimentaires

b) L'instabilité géopolitique, le changement climatique et les chocs économiques conduisent à une multiplication des crises alimentaires et à leur installation dans la durée

Les crises alimentaires sont rarement issues d'une pénurie généralisée de produits alimentaires. Trois facteurs principaux contribuent en effet aujourd'hui à la dégradation de la sécurité alimentaire et sont mis en avant par le rapport mondial sur les crises alimentaires.

Premièrement, l'insécurité et les conflits déstabilisent les systèmes agricoles et l'approvisionnement des pays concernés. Sur l'année 2023, l'instabilité géopolitique a contribué, dans 20 pays distincts, à l'aggravation de l'insécurité alimentaire pour un total de 134,5 millions de personnes directement affectées. Les cinq pays et territoires en situation d'IPC 5 en 2023 (Bande de Gaza, Burkina Faso, Mali, Somalie et Soudan du Sud) connaissent un niveau de conflictualité très élevé.

De plus, les déplacements de population entraînés par les affrontements peuvent étendre des situations de crises alimentaires aux pays limitrophes, d'une part, et conduire à l'abandon des terres arables et des zones de pâturage et de pêche par les populations d'agriculteurs, d'autre part. En 2022, 103 millions de personnes ont ainsi été déplacées sous la contrainte15(*).

Deuxièmement, les chocs climatiques, manifestés par des chaleurs extrêmes, des sécheresses, des feux ou des pluies intenses et des inondations se multiplient et viennent perturber la production alimentaire des pays les plus vulnérables. Ce sont 18 pays dont la sécurité alimentaire s'est trouvée dégradée en 2023 du fait d'aléas climatiques.

Troisièmement, les chocs économiques peuvent limiter l'accès aux ressources alimentaires. Un contexte de forte inflation dans des pays en crise alimentaire réduit la disponibilité des ressources. Les marges de manoeuvre budgétaires limitées des pays les moins avancés empêchent par ailleurs les gouvernants d'engager des mesures de soutien aux achats de nourriture. En 2023, la dégradation du contexte économique a ainsi renforcé l'insécurité alimentaires dans 21 pays du globe, pour un total de 75 millions de personnes. La volatilité des prix alimentaires constitue également un facteur de l'insécurité alimentaire. Une hausse de 5 % du prix réel des aliments a en moyenne pour conséquence une hausse de 9 % du risque d'émaciation chez les enfants.

Outre ces différents facteurs, les observateurs de l'insécurité alimentaire constatent une multiplication et une installation dans la durée des crises alimentaires au cours des dernières années. Les entretiens menés par vos rapporteurs lors de leur déplacement à Rome auprès des organisations des Nations unies spécialisées dans l'alimentation et l'agriculture ont confirmé cette évolution.

L'agression russe contre l'Ukraine :
une menace pour la sécurité alimentaire mondiale

La guerre en Ukraine, déclenchée par l'agression russe en février 2022, a constitué un choc majeur pour la sécurité alimentaire mondiale en augmentant considérablement le prix des produits alimentaires.

Les deux belligérants sont en effet d'importants producteurs de biens agricoles. Selon les données de la FAO, la production combinée de ces deux États représente 19 % de la production mondiale d'orge, 14 % de la production mondiale de blé et 4 % de la production mondiale de maïs sur la période 2016-2021. Ils constituent également des fournisseurs de tourteaux et d'huile de tournesol. En conséquence des dégâts causés aux terres agricoles ukrainiennes et aux restrictions d'exportation, le coût total des importations alimentaires s'est accru de 10 % entre 2022 et 2023.

Or, vingt pays dans le monde sont importateurs nets et dépendants de l'Ukraine et de la Russie pour plus de 50 % de leurs importations de blés. Il s'agit, par ordre de dépendance décroissant de l'Érythrée, de l'Arménie, de la Mongolie, de l'Azerbaïdjan, de la Géorgie, de la Somalie, de la Biélorussie, de la Turquie, du Liban, de l'Égypte, de Madagascar, de l'Albanie, de la Tanzanie, de la Libye, du Congo, de la Namibie, de Djibouti, du Sénégal, du Cameroun et de la Mauritanie.

Par ailleurs, outre ses conséquences sur les exportations céréalières, le conflit a également affecté conduit à un choc d'offre négatif sur le marché des engrais agricoles, dont la Russie constitue l'un des premiers producteurs. Ce marché étant caractérisé par une élasticité positive à l'offre, la pression à la baisse sur les exportations russes a conduit à une hausse de 48 % du prix des intrants agricoles. Cette réduction de la disponibilité des engrais pourrait avoir des effets dramatiques sur les productions agricoles des pays en développement et in fine sur la situation alimentaire de ces États. Les Nations unies évaluent le risque de perte nette de production à 66 millions de tonnes de céréales en 2023.

En réponse à cette menace, l'initiative céréalière de la mer Noire, lancée en juillet 2022, visait à garantir une liberté de navigation en mer Noire afin de permettre la reprise des exportations de céréales et produits agricoles ukrainiens, en particulier vers les pays vulnérables. Issue d'un accord quadrilatéral entre la Russie, l'Ukraine, la Turquie et les Nations unies, l'initiative reposait sur l'ouverture d'un couloir humanitaire depuis les trois ports ukrainiens d'Odessa, Tchornomorsk et Youjné. L'accord a fait l'objet de deux prolongations mais a été unilatéralement dénoncé par la Russie en juillet 2023.

En un an, l'initiative aura permis d'exporter 33 millions de tonnes de céréales et de produits agricoles vers 45 pays. Le Programme alimentaire mondial a pu transporter un total de 725 000 tonnes de céréales au profit de ses opérations d'aide alimentaire d'urgence en Afghanistan, en Éthiopie, au Kenya, au Soudan, en Somalie et au Yémen. Le corridor humanitaire a maintenu l'Ukraine comme le premier fournisseur de blé de du PAM pour l'année 2022.

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux, les données des Nations unies et de la Commission européenne

3. En réponse à l'aggravation de l'insécurité alimentaire, les flux internationaux d'aide alimentaire, auxquels la France contribue à une faible échelle, sont en progression
a) À l'échelle internationale et en dépit de divergences d'évaluation, les flux d'aide alimentaire sont en hausse depuis le début des années 2010

La place de l'aide alimentaire au sein de l'APD mondiale a connu des évolutions importantes depuis le XXe siècle. Ainsi, l'aide alimentaire représentait plus de 20 % de l'APD mondiale dans les années 1960, contre seulement 5 % dans les années 1990. Selon l'OCDE, cette proportion s'établissait à 32 % sur la période 2016-2021.

En réponse à la multiplication des crises alimentaires, les flux internationaux d'aide alimentaire ont largement progressé depuis le début des années 2010.

La comptabilisation de l'aide alimentaire demeure toutefois un exercice délicat. Deux instances internationales opèrent une comptabilisation de l'aide apportée par leurs membres. D'une part, le comité de l'assistance alimentaire de la convention de Londres recense les engagements annuels des États parties à la convention et mesure a posteriori le respect de ces promesses de dons. Le total de l'aide alimentaire évaluée par ce comité ne regroupe que l'assistance des 14 États et organisation parties à la convention. Or, si la plupart des grands donateurs, au premier rang desquels les États-Unis et l'Union européenne, participent au cadre de la convention de Londres, d'autres contributeurs majeurs, à l'instar de l'Allemagne, ne le font pas.

D'autre part, le comité de l'aide au développement (CAD) de l'OCDE mesure également l'aide alimentaire des 38 États membres de l'OCDE. Cette comptabilité intègre un plus large champ d'États donateurs mais exclut l'aide alimentaire de l'Union européenne, versée au travers des outils de la Commission européenne. Par ailleurs, la méthode de comptabilisation de l'aide par le CAD est plus restrictive que celle proposée par le comité de l'assistance alimentaire. À titre d'exemple, l'aide alimentaire apportée par la France en 2022 est évaluée à 42,7 millions de dollars par l'OCDE et à 147,8 millions de dollars par le comité de la convention de Londres.

Évolution de l'aide alimentaire entre 2014 et 2022

(en milliards de dollars)

Note : entre 2014 et 2022, le nombre d'États parties à la convention de Londres a augmenté.

Source : commission des finances d'après les données de la convention sur l'assistance alimentaire

En dépit de ces difficultés de recensement de l'aide alimentaire mondiale, plusieurs éléments peuvent être relevés concernant la répartition de l'aide entre les différents donateurs. S'agissant des principaux donateurs, les États-Unis contribuent à la majorité de l'aide alimentaire mondiale avec plus de 70 % de l'aide alimentaire au sens de la convention de Londres et 54 % de l'aide alimentaire des pays de l'OCDE. L'Union européenne s'est également imposée comme l'un des principaux donateurs en matière alimentaire, qu'il s'agisse de la seule aide fournie par la Commission européenne ou de la combinaison de l'action du budget européen et de l'aide apportée par les États membres.

La France se positionne en retrait au sein des donateurs internationaux. Si elle se place en sixième position des États parties à la convention de Londres en 2022, elle n'est que le quatorzième contributeur d'aide alimentaire parmi les pays de l'OCDE. Avec 39 millions de dollars, le montant de l'aide alimentaire française comptabilisée au titre de l'OCDE est particulièrement faible en comparaison d'autres donateurs européens comme l'Allemagne (1,14 milliard de dollars en 2022), le Royaume-Uni (301 millions de dollars), la Suède (80,6 millions de dollars) ou la Suisse (77,6 millions de dollars).

Cette approche comparative fondée sur les volumes d'aide alimentaire ne suffit toutefois pas à évaluer à elle seule l'effort français. En effet, comme développée infra, l'aide alimentaire doit également être appréciée selon la nature de l'aide, les canaux de versement et la temporalité des interventions.

Comparaison de l'aide alimentaire des États parties
à la convention de Londres en 2022

(en millions de dollars)

Source : commission des finances d'après les données de la convention sur l'assistance alimentaire

S'agissant des principaux bénéficiaires de l'aide alimentaire, les flux d'aide des États parties à la convention sont principalement dirigés vers les pays frappés par des crises alimentaires majeures. En cohérence avec la répartition géographique de l'insécurité alimentaire mondiale, six des dix pays recevant le plus d'aide alimentaire des pays parties à la convention de Londres sont situés en Afrique.

Principaux pays bénéficiaires de l'aide alimentaire des États parties
à la convention de Londres en 2022

(en millions de dollars)

Source : commission des finances d'après les données de la convention sur l'assistance alimentaire

Par ailleurs, dans son rapport annuel 202216(*), le comité de l'assistance alimentaire, chargé du suivi des engagements de la convention de Londres, relevait des besoins croissants au titre des « crises oubliées ». Ces crises alimentaires, installées dans le temps, ne bénéficient pas d'une attention marquée de la part des donateurs qui n'orientent pas leur aide bilatérale ou leurs contributions aux organisations internationales vers ces zones.

Dans cette configuration budgétaire contrainte, les entretiens menés par les rapporteurs auprès des organisations de l'ONU à Rome ont souligné le renforcement d'une compétition entre ces organisations, qui partagent le même objectif de sécurité alimentaire mondiale, pour la captation des financements des États17(*).

L'aide alimentaire des États-Unis

L'aide alimentaire américaine est la plus importante au niveau mondial. Les cibles de l'aide internationale américaine sont réparties dans le monde entier : si l'Afrique représente 51 % de l'aide en 2022, la zone « MENAE » (Middle East, North Africa, and Europe) tend à représenter une proportion plus importante : 27 % en 2022, contre 23 % en 2020. L'Asie et la zone « LAC » (Latin America and the Caribbean) représentent respectivement 8 % et 5 % des aides reçues.

En premier lieu, concernant l'aide multilatérale, principalement coordonnée par le Programme Alimentaire Mondial (PAM), les Etats-Unis représentent 36,1 % des contributions en 2023, après un pic à 51,1 % en 2022. Traduction du statut de premier contributeur au PAM dont disposent les États-Unis, le poste de directeur exécutif du PAM est occupé de manière continue depuis 2002 par des ressortissants américains18(*). En dépit d'un positionnement relativement hostile au multilatéralisme, l'administration du président Trump n'avait pas remis en cause le montant des contributions américaines aux agences de l'ONU.

Si cette contribution est stable et importante, la proportion de financements flexible demeure minoritaire. Elle représentait seulement 5,69 % des versements en 2020 ; il convient cependant de noter un effort fait en 2023 pour atteindre 14,43 %.

En second lieu, concernant l'aide bilatérale, les États-Unis représentent 36 % des 62 milliards de dollars dépenses à échelle globale entre 2014 et 201819(*).

Les dépenses annuelles pour l'aide alimentaire internationale des États-Unis se sont élevées en moyenne à 3,3 milliards de dollars entre l'exercice 2010 et l'exercice 2020. L'aide américaine est gérée par deux entités : l'Agence américaine pour le développement international (USAID20(*)) et le ministère américain de l'agriculture (USDA21(*)).

Concernant la forme de l'aide alimentaire, les programmes américains apportent un soutien par le biais de deux méthodes distinctes : une aide en nature, au travers de l'expédition de produits alimentaires américains, et une aide basée sur le marché, par des transferts financiers ou des denrées achetées localement. Depuis la mise en place du Programme d'urgence pour la sécurité alimentaire (EFSP) en 2010, l'aide alimentaire des États-Unis fondée sur le marché a augmenté pour atteindre environ 59 % du total de l'aide alimentaire.

L'aide en nature continue cependant de figurer au centre de l'aide alimentaire américaine. En 202422(*), cette méthode est encore largement privilégiée par un nouveau programme : le ministère américain de l'agriculture et l'agence américaine pour le développement international ont annoncé déployer un milliard de dollars de fonds pour acheter des produits de base cultivés aux États-Unis afin de fournir une aide alimentaire d'urgence aux personnes dans le besoin dans le monde entier, principalement en Afrique. Ce type de programmes permet indirectement de soutenir le secteur agro-alimentaire américain et la filière du transport.

Source : commission des finances d'après les données du PAM et de l'administration américaine

b) Dans ce contexte, la France a accru son engagement en faveur de l'aide alimentaire, poursuivant un double objectif politique et humanitaire

Depuis 2019, dans le cadre du réinvestissement dans sa politique de développement, la France a progressivement renforcé ses versements en matière d'aide alimentaire. Cette évolution correspond à un double objectif politique et humanitaire. Sur le plan politique, la croissance des financements permet à la France de réinvestir les instances multilatérales, en particulier le système des Nations unies, et de se placer comme un acteur central des questions de sécurité alimentaire. La visibilité de l'aide alimentaire permet également, au travers d'une communication stratégique volontaire, de valoriser l'aide au développement française auprès de nos partenaires et des bénéficiaires finaux. Sur un plan humanitaire, l'investissement français vise à intervenir pour assister les populations touchées par des crises alimentaires graves et de renforcer la résilience des pays les plus vulnérables. L'aide alimentaire permet en ce sens d'apporter une réponse rapide aux besoins immédiats des populations.

Pour répondre à ces objectifs, la France a ratifié en 2017 la convention relative à l'assistance alimentaire, qu'elle avait signée en 2012. Sans conduire à un basculement immédiat des volumes de l'aide alimentaire française, la ratification d'un instrument impliquant des obligations de rapportage et un contrôle des promesses de versements a encouragé un renforcement significatif des montants de financement à compter de 2019.

Au niveau national, le ministère de l'Europe et des affaires étrangers a adopté en 2019 une « Stratégie internationale de la France pour la sécurité alimentaire, la nutrition et l'agriculture durable », pour les années 2019 à 2024. Parmi les cinq objectifs fixés par cette stratégie, deux intéressent plus spécialement l'aide alimentaire :

- l'objectif 3 de cette stratégie « renforcer l'action française sur la nutrition », concerne directement l'action d'aide alimentaire. Les situations de sous-nutrition, qui affectent en premier lieu les enfants et les femmes enceintes et allaitantes, sont plus susceptibles d'émerger dans des pays marqués par une forte insécurité alimentaire. Prévenir ce type de situation permet de renforcer la résistance des États concernés face à la survenance de crise alimentaire ;

- à travers l'objectif 5 « renforcer les actions d'assistance alimentaire aux populations vulnérables et améliorer leur résilience », la stratégie française vise directement l'aide alimentaire d'urgence en apportant un soutien immédiat aux populations mais également, dans une perspective de résilience, à anticiper les aléas et chocs en matière alimentaire en restaurant les capacités de production agricole.

De même, la sécurité alimentaire se trouve parmi les objectifs exprimés par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Le rapport annexé à la loi de programmation indique ainsi : « À travers l'aide alimentaire programmée et l'APD, soutenant en priorité les agricultures familiales et paysannes, la France s'engage pour aider les populations à lutter contre la malnutrition, renforcer leur résilience et leur permettre de retrouver une autonomie alimentaire tout en relançant la production et le commerce local »

Évolution des financements de l'aide alimentaire programmée
entre 2014 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Comme vos rapporteurs l'exposerons infra, la compilation du total des versements en matière d'aide alimentaire s'avère complexe. La dispersion de l'aide entre les différents instruments d'aide humanitaire et leur prolongement par la politique de développement ne permettent pas d'identifier clairement la totalité de l'aide alimentaire française. L'existence d'un instrument dédié aux problématiques de sécurité alimentaire, l'aide alimentaire programmée (AAP), permet cependant d'apprécier l'évolution de l'aide française en volume. Ce « noyau dur » de l'aide alimentaire, dont les financements ont été multiplié par 6,5 sur dix ans, illustre l'investissement croissant de la France dans ce domaine.

B. L'AIDE ALIMENTAIRE DE LA FRANCE EST DISPERSÉE ENTRE SES DIFFÉRENTS CANAUX D'AIDE HUMANITAIRE

L'aide alimentaire apportée par la France relève essentiellement d'une aide humanitaire. Selon le Centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, l'aide humanitaire vise à « assurer l'assistance et la protection des personnes vulnérables et à répondre aux besoins fondamentaux des populations affectées par une catastrophe naturelle ou un conflit ». Ces besoins fondamentaux regroupent l'accès à l'eau, à des soins médicaux ou à la nourriture.

L'aide alimentaire de la France se déploie donc au travers des différents instruments de gestion et de sortie de crise qui mobilisent tant le canal bilatéral que le canal multilatéral et le canal européen.

1. L'aide alimentaire programmée, « noyau dur » de la réponse française à l'insécurité alimentaire

Depuis 1999, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères dispose d'un instrument spécifiquement dédié à la lutte contre l'insécurité alimentaire : l'aide alimentaire programmée. Cet outil, qui relève du programme 209 « Solidarité avec les pays en développement » de la mission « Aide publique au développement », est géré par la direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international. Sa création poursuivait un objectif de centralisation de cette aide au sein d'une même ligne budgétaire, notamment afin d'éviter un effet de « saupoudrage », et de visibilisation de l'aide alimentaire. À cet égard, les dépenses de l'AAP visent à s'inscrire dans le cadre de comptabilisation de la convention de Londres. Le budget de l'AAP inscrit dans la loi de finances initiale pour 2024 s'établit à 225 millions d'euros, soit une augmentation conséquente, de l'ordre de 32 %, par rapport à l'exercice précédent.

En dépit de l'absence d'un document fixant précisément son mandat, deux cibles principales ont été fixées à l'AAP, en cohérence avec les objectifs de l'aide humanitaire de la France, par la Stratégie internationale de la France pour la sécurité alimentaire, la nutrition et l'agriculture durable précitée.

D'une part, 50 % des financements de l'AAP doivent être consacrés à la nutrition. Cette thématique constitue une priorité de l'aide alimentaire française. Dans une perspective d'urgence et de résilience, les projets AAP sont plus spécifiquement axés sur la sous-nutrition et les publics les plus vulnérables. Ces derniers recouvrent les femmes enceintes et allaitantes et les enfants de moins de deux ans, âge qui correspond à la période dite des « mille jours », jugée cruciale pour la croissance et le développement physiques. En 2023, 58 % des financements de l'AAP ont été consacrés à la thématique de la nutrition.

D'autre part, 50 % des financements de cet instrument doivent être dirigés vers les « pays prioritaires » de l'APD française. Les conclusions de la réunion de 2013 du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), instance de coordination et direction de notre politique de développement, ont en effet fixé une liste de 19 « pays prioritaires » vers lesquels les efforts français doivent être concentrés. Il s'agit, pour 18 d'entre eux dont Madagascar, de pays africains23(*). La loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales a repris la notion de pays prioritaires. Cet objectif est considéré comme étant rempli pour 2023 par le ministère puisque 72 % des financements de l'AAP se sont concentrés sur les « pays les moins avancés » (PMA), nomenclature ayant remplacée en 2023 la liste des 19 pays prioritaires.

Principales orientations géographiques de l'aide alimentaire programmée en 2023

(en millions d'euros et en crédits de paiement)

Zone géographique

Montant de l'aide

Afrique

114,35 millions d'euros

...dont Sahel

31,75 millions d'euros

...dont Éthiopie

13 millions d'euros

...dont Somalie

7,25 millions d'euros

...dont Soudan du Sud

8,25 millions d'euros

Afrique du Nord/Moyen-Orient

21,70 millions d'euros

...dont Yémen

7,20 millions d'euros

...dont Syrie

6 millions d'euros

...dont Liban

4 millions d'euros

Asie

12,75 millions d'euros

...dont Afghanistan

5,5 millions d'euros

Amériques/Caraïbes

13 millions d'euros

...dont Haïti

8,5 millions d'euros

Europe continentale (Ukraine)

8 millions d'euros

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

S'agissant du champ d'intervention matériel de l'AAP, les projets qu'elle finance peuvent relever de trois grandes catégories :

- les projets d'aide alimentaire d'urgence, qui correspondent à une assistance alimentaire d'urgence, par des transferts financiers ou en nature, aux populations touchées par une crise alimentaire ;

- les projets luttant contre la malnutrition, qui s'inscrivent dans des actions de prévention et de sensibilisation à la nutrition. Ce type de projets est essentiellement destinés aux publics les plus vulnérables des enfants et des femmes enceintes et allaitantes ;

- les projets soutenant un retour à l'autonomie et à la résilience par une reconstitution des moyens de production agricole et d'un soutien aux communautés rurales.

La typologie des projets financés par l'AAP correspond ainsi aux deux premières phases temporelles de la réponse aux crises alimentaires : l'urgence alimentaire et la résilience.

Si l'AAP est pilotée, au sein de la direction générale la mondialisation, par la sous-direction des droits de l'homme et des affaires humanitaires (dite sous-direction HUMA), l'identification et la gestion des projets s'opère au niveau des ambassades. Les services de coopération et d'action culturelle (SCAC) ou les attachés humanitaires au sein des postes sont chargés du suivi de l'instrument AAP. Les propositions de financement identifiées sont remontées à l'administration centrale, revues par les sous-direction compétente et arbitrés, jusqu'il y a peu, par le comité interministériel de l'aide alimentaire (CIAA).

Afin de garantir une gestion souple en cours d'année, les projets financés par l'AAP sont sélectionnés en trois tranches temporelles : une première entre janvier et mars (pour 60 % des projets), une deuxième entre mai et juillet (30 % des projets) et une troisième entre août et septembre (10 % des projets).

Sur le plan opérationnel, l'aide alimentaire programmée peut être mise en oeuvre au travers de différents opérateurs. Une majorité des financements est versée des organisations internationales comme le Programme alimentaire mondial (PAM), le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) ou l'UNICEF, ou à une organisation sui generis, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Les organisations de la société civile (OSC) reçoivent également une part substantielle de ces financements.

2. Les autres canaux de gestion et de sortie de crises du MEAE comme de l'AFD contribuent de manière croissante à l'aide alimentaire française

Premièrement, le Fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation (FUHS) intervient de manière croissante en matière d'aide alimentaire. Le FUHS constitue l'instrument de réaction rapide du ministère de l'Europe et des affaires étrangères face aux crises humanitaires. La gestion et le suivi de ce fonds est assurée par le centre des opérations humanitaires et de stabilisation (COHS) du Centre de crise et de soutien du MEAE.

Son positionnement de gestion et de sortie de crises conduit le CDCS à intervenir fréquemment en matière d'alimentation et de nutrition. Disposant d'une procédure de décaissement d'urgence, le FUHS peut être mobilisé rapidement dans des contextes de crise humanitaire où les besoins en termes d'alimentation sont généralement élevés.

La progression constante des crédits du FUHS depuis 2015 s'est accompagnée d'une augmentation mécanique de la part de cette enveloppe mobilisée pour financer des projets en matière d'aide alimentaire. À cet effet en volume, s'est ajoutée une extension du mandat du CDCS et par suite, du FUHS, aux actions de stabilisation et de résilience. Initialement désigné « Fonds d'urgence humanitaire », l'instrument a ainsi vu sa dénomination complétée en 2021, pour intégrer une dimension de stabilisation.

Sur l'exercice 2023, les financements relevant de l'aide alimentaire identifiés au sein du FUHS recouvraient 47 projets pour un montant de 47,8 millions d'euros, soit environ 17 % de l'enveloppe totale du FUHS.

Part des financements d'aide alimentaire au sein du FUHS
depuis 2015 en exécution budgétaire

(en millions d'euros et en crédits de paiement)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire de contrôle

Troisièmement, les contributions volontaires aux Nations unies, pilotées par la direction des Nations unies, des organisations internationales, des droits de l'homme et de la francophonie (NUOI) constituent désormais un des vecteurs principaux de l'aide humanitaire de la France. Sur l'exercice 2023, les contributions volontaires aux Nations unies ont représenté un total de 451,3 millions d'euros de crédits de paiement. L'ensemble de cette enveloppe ne contribue exclusivement ni à l'aide humanitaire ni à l'aide alimentaire. Toutefois c'est sur cette enveloppe que la France contribue aux acteurs de l'aide alimentaire mondial.

Le principal opérateur d'aide alimentaire internationale, le PAM, est ainsi financé à hauteur de 75 millions d'euros par les crédits mis en oeuvre par NUOI en 2023, soit 16,6 % du total des contributions volontaires aux Nations unies (CVNU).

Par ailleurs, la provision pour crises majeures, instrument de souplesse budgétaire du Quai d'Orsay, abonde régulièrement des actions d'aide alimentaire en cours de gestion. Intervenant en complément des autres instruments d'aide humanitaire, la provision pour crises majeures est une réserve d'urgence inscrite au sein du programme 209 depuis 2022. Elle permet d'abonder des lignes budgétaires existantes, en premier lieu l'aide alimentaire programmée, le Fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation et les contributions volontaires aux Nations unies, pour faire face à des engagements humanitaires ou sanitaires imprévus sans nécessité de demander l'ouverture de nouveaux crédits en cours de gestion.

Dotée de 22,4 millions d'euros lors de sa création en 2022, la provision pour crises majeures a vu son montant bondir à 270 millions d'euros pour l'exercice 2023. Selon le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, sur un total de 235 millions d'euros exécutés sur ce même exercice, 35,9 millions d'euros ont permis de financer des projets d'aide alimentaire, dont :

- un financement de 5 millions d'euros à destination du Soudan au titre de l'aide alimentaire programmée ;

- un abondement de 13,9 millions sur dix projets du FUHS en matière d'aide alimentaire ;

- une contribution volontaire additionnelle au Programme alimentaire mondial de 17 millions d'euros, répartis entre 10 millions d'euros fléchés vers les Territoires palestiniens et 7 millions d'euros vers l'Ukraine.

Au total, la combinaison des crédits de l'aide alimentaire programmée et des crédits consacrés à l'aide alimentaire au sein du FUHS et des CVNU permettent d'obtenir une première évaluation du total de l'aide française. Cet exercice suppose toutefois, compte tenu de la dispersion de l'aide entre différents instruments dont les mandats excèdent le champ de l'alimentation de se reposer sur des données en exécution.

Aide alimentaire mise en oeuvre par les canaux d'aide humanitaire
du ministère de l'Europe et des affaires étrangères en 2023

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire de contrôle

Pour compléter ces actions d'aide alimentaire menées par le MEAE au titre de ses trois instruments d'aide humanitaire, l'Agence française de développement (AFD) peut également mobiliser des financements afin d'intervenir en zones de crises sur des actions en faveur de la sécurité alimentaire.

En effet, si l'AFD intervient essentiellement dans un contexte de développement, elle dispose depuis 2017 d'un instrument dédié à la consolidation de la paix dans les zones de conflits. Le Fonds Paix et Résilience Minka ou Fonds Minka permet ainsi à l'agence de financer des projets dans les zones de crises. Il se décline entre quatre initiatives correspondant aux grandes zones de conflictualité où l'insécurité alimentaire est systématique : l'initiative Minka Sahel, l'initiative Minka Lac Tchad, l'initiative Minka RCA et l'initiative Minka Moyen-Orient. Pour l'exercice 2024, les crédits alloués au Fonds représentent un total de 200 millions d'euros.

L'AFD ne dispose toutefois pas d'indicateur spécifique à l'aide alimentaire au sein des dispositifs de redevabilité des projets financés par le Fonds Minka. Une estimation approximative du montant de l'aide alimentaire relevant de ce dispositif peut être néanmoins assurée en retenant les financements mis en oeuvre par la division technique « Agriculture, développement durable et biodiversité » de l'AFD. Les projets portés par cette division regroupent 422,6 millions d'euros, soit 35 % du total de l'enveloppe du Fonds Minka sur la période 2017-2022. Dans ce cadre, les projets d'aide alimentaire de l'AFD permettent :

- un appui au développement rural dans les zones de crises, par un appui à la gouvernance locale ou des investissements dans les infrastructures agricoles ;

- un appui au secteur agricole et pastoral, notamment au travers d'apports en intrants agricoles et d'amélioration de la productivité et de la qualité ;

- une atténuation et une préparation aux crises, par exemple grâce à des projets d'adaptation des territoires, d'alimentation scolaire et d'autres types de protection sociale.

Par ailleurs, au travers des appels à projets de la délégation pour les collectivités territoriales et la société civile (DCTCIV)24(*) et de leurs propres capacités de subvention25(*), les collectivités territoriales peuvent également intervenir en matière d'aide alimentaire. À titre d'exemple, la DCTCIV a ouvert en 2023 un appel à projets « Sécurité alimentaire et coopération décentralisée » visant à cofinancer des initiatives de collectivités françaises en faveur de la sécurité alimentaire.

L'ensemble de ces dispositifs illustre la forte contribution des outils de l'aide humanitaire à l'aide alimentaire de la France. Le total des financements alloués par ces différents instruments permet à la France de largement excéder ses engagements auprès de la convention de Londres. Pourtant, la dispersion des crédits de l'aide alimentaire d'urgence et de résilience complexifie la visibilité de l'aide française.

L'action de l'Union européenne en matière d'aide alimentaire

Au travers de sa contribution au budget de l'Union européenne, la France participe au financement de l'aide alimentaire versée par la Commission européenne dans le cadre ses actions d'aide humanitaire. L'Union européenne s'est en effet positionnée comme un des premiers donateurs d'aide alimentaire avec plus d'un milliard d'euros consacré à cette politique en 2023. Ce montant représente environ 28 % de l'aide humanitaire de l'Union. Si plus d'un quart de l'aide alimentaire européenne a été consacré aux « crises oubliées », les premiers bénéficiaires demeuraient en 2022 similaires aux principaux destinataires de l'aide internationale, à savoir l'Afghanistan, le Soudan et le Yémen.

L'aide alimentaire de l'Union relève de l'instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (NDICI) dont l'enveloppe s'élève à 79,5 milliards d'euros dans le cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027. Les projets financés peuvent relever tant de l'assistance alimentaire d'urgence, que du développement agricole, de la nutrition et de la santé et du renforcement des systèmes agroalimentaires.

De 2020 à 2024, l'UE a investi près de 18 milliards d'euros dans la sécurité alimentaire et la nutrition. Avec les conséquences de la guerre en Ukraine et l'exacerbation des conflits en Afrique subsaharienne et au Proche-Orient, les enjeux de sécurité alimentaire occupent une place de plus en plus importante dans la coopération au développement européenne.

Au sein des services de la Commission européenne, l'aide alimentaire est pilotée par la direction générale ECHO (European Civil Protection and Humanitarian Aid Operations), chargée de l'aide humanitaire.

Au niveau du Conseil de l'Union européenne, le COHAFA (Council working party on Humanitarian Aid and Food Aid) assure un rôle de forum de dialogue entre les États membres. Si cette instance permet une circulation de l'information et des échanges sur les questions d'aide alimentaire, il ne s'agit toutefois pas d'une cellule de coordination de l'action des États membres et de l'Union. Par ailleurs, c'est le centre de crise et de soutien qui représente la France au sein de cette instance et non pas la sous-direction HUMA de la direction générale de la mondialisation.

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire de contrôle

C. UN INVESTISSEMENT ACCRU AU SEIN DES ACTEURS MULTILATÉRAUX DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

1. L'aide alimentaire de la France est majoritairement versée par le canal multilatéral...

La répartition de l'aide alimentaire française selon les canaux de versement semble indiquer un tournant bilatéral dans la mise en oeuvre de cette politique.

Répartition entre canal bilatéral et canal multilatéral de l'aide alimentaire d'urgence mise en oeuvre par le Quai d'Orsay en 2023

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Cette répartition schématique entre canal bilatéral et canal multilatéral appelle deux remarques.

En premier lieu, l'évaluation des contributions internationales qui relèvent de l'aide alimentaire est complexe. L'estimation des contributions volontaires aux Nations unies retenue dans le graphique supra est restrictive en ce qu'elle ne retient que les contributions au Programme alimentaire mondial, dont l'activité est exclusivement centrée sur l'aide alimentaire. Or la plupart des agences des Nations unies auxquelles la France contribue par les financements de NUOI interviennent subsidiairement en matière d'aide alimentaire, à l'image de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNWRA26(*)), le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) ou le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF). S'il est simple de comptabiliser les contributions de l'AAP à des organisations internationales comme de l'aide alimentaire multilatérale en raison de leur fléchage sur des projets alimentaires, isoler la part des contributions humanitaires volontaires mobilisées pour de l'aide alimentaire est plus complexe.

En second lieu, au niveau de l'aide alimentaire d'urgence versée par les instruments d'aide humanitaire, l'identification précise des financements transitant par le canal multilatéral n'est pas aisée. Les contributions volontaires aux agences des Nations unies apparaissent clairement comme un financement multilatéral. Elles ne couvrent cependant pas l'ensemble de l'aide alimentaire multilatérale de la France. Les deux instruments de crise que sont l'aide alimentaire programmée et le Fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation peuvent en effet abonder des organisations multilatérales, par des contributions additionnelles. Cette mobilisation d'opérateurs internationaux est particulièrement flagrante dans le cas de l'AAP où plus de 55 % des financements transite par des organisations internationales. Le Programme alimentaire mondial était ainsi le premier opérateur de l'APP en 2023. Les contributions volontaires de DNUOI et celles portées par l'AAP sont toutefois complémentaires. Alors que NUOI finance des projets structurants ou transversaux au sein des organisations internationales, les contributions de l'AAP sont directement fléchées vers des programmes pays.

Contributions à des organisations internationales versées
au titre de l'aide alimentaire programmé en 2023

(en euros et en crédits de paiement)

Organisation bénéficiaire

Montant de la contribution

PAM

92 593 952 euros

UNICEF

8 233 061 euros

FAO

7 500 000 euros

CICR

6 250 000 euros

UNRWA

6 000 000 euros

OIM

3 000 000 euros

HCR

500 000 euros

ONU Femmes

325 000 euros

Total

124 402 013 euros

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire de contrôle

Si la politique de développement de la France se caractérise par l'absence de critères clairement définis d'arbitrage entre volet bilatéral et volet multilatéral, l'articulation entre ces deux canaux et les avantages d'un recours aux organisations internationales sont plus aisés à identifier en matière d'aide alimentaire.

Le recours aux organisations internationales en matière d'aide alimentaire présente des avantages certains par rapport à l'aide bilatérale.

En premier lieu, les organisations internationales spécialisées sur les questions humanitaire ou alimentaires ont une capacité d'expertise sur ces sujets qui peut dépasser celles de certains bailleurs.

En second lieu, les organisations disposent d'une capacité de mobilisation des bailleurs et de coordination des opérateurs. Sur le terrain, les organisations internationales spécialisées se coordonnent de façon satisfaisante et complémentaire. De manière schématique, lors de la survenue d'une crise alimentaire, le PAM se charge de la distribution de biens alimentaires, dans une logique d'aide d'urgence, et la FAO intervient pour fournir des intrants agricoles afin de redresser la production locale, dans une logique de résilience. FAO et PAM pilotent conjointement le Food security cluster qui coordonne, au sein des pays bénéficiaires, l'assistance alimentaire de l'ensemble des bailleurs.

Au sein des organisations internationales, le Programme alimentaire mondial constitue un opérateur reconnu en matière d'aide alimentaire et dispose d'avantages comparatifs certains.

D'une part, le PAM est considéré, au sein du système des Nations unies, comme disposant d'une expertise unique en matière de logistique et d'approvisionnement. Il est désigné comme chef de file logistique pour les autres agences et assure, à ce titre, la gestion des services de stockage et de transport des Nations unies. Ces derniers comprennent le Dépôt de réponse humanitaire des Nations unies (UNHRD27(*)), organisé autour de cinq « hubs » de stockage prépositionnés en Italie (Brindisi), au Ghana (Accra), en Malaisie (Kuala Lumpur), au Panama (Panama City) et aux Émirats Arabes Unis (Dubaï).

Le PAM contrôle également le Service aérien humanitaire des Nations Unies (UNHAS). Ce service aérien dispose de plus de 90 appareils qui permettent le transport de plus de 33 000 passagers et de 300 tonnes de fret léger par mois. Les services d'entrepôts du PAM comme les services de transport fournis par l'UNHAS ne sont pas réservés au seul usage de cette agence mais peuvent bénéficier à l'ensemble des instance humanitaires.

Cette expertise logistique bénéficie d'une organisation relativement souple et décentralisée du PAM. Il dispose d'une structure très décentralisée : 5 bureaux régionaux, près de 80 bureaux pays. Il compte environ 18 600 agents, à 88 % recrutés localement dans les pays d'intervention du PAM. Les coûts de gestion de l'organisation figurent parmi les plus bas au sein du système onusien avec un taux de seulement 6,5 % du budget total.

D'autre part, le mode de financement du PAM, qui repose uniquement sur des contributions volontaires, incite cette organisation à une approche vertueuse du contrôle et de la recevabilité. Les audits internes et le contrôle de recevabilité sont facilités par le choix du PAM de fournir la majorité de ses distributions d'aide alimentaire en espèces, au travers de bons alimentaires notamment. L'objectif de plus de 50 % de transferts financiers au sein des distributions d'aide alimentaire réduit les risques de détournement.

L'action du PAM face à la crise alimentaire dans la Bande de Gaza

Depuis le déclenchement du conflit dans la Bande de Gaza depuis l'attaque du 7 octobre 2023, le PAM a été largement mobilisé pour fournir une assistance alimentaire à la population menacée par la faim. Les Nations unies estiment que 1,1 million de personnes souffrent de la faim à des niveaux catastrophiques (niveau IPC5). Le taux de malnutrition aigüe chez les enfants de moins de deux ans a bondi pour passer de 15 à 30 % entre janvier et mars 2024.

L'assistance alimentaire du PAM s'est fondée, en premier lieu, sur la fourniture de bons alimentaires et de transferts financiers permettant aux habitants de s'approvisionner auprès d'une des 17 boulangeries conventionnées par le PAM. Toutefois, début juin, seulement neuf boulangeries étaient encore en état d'activité. Par la suite, le PAM a organisé le transfert d'aide en nature, au travers d'achats en Égypte et Turquie. À cet égard, le PAM a pu livrer 7,7 millions de repas chauds en s'appuyant sur un réseau de plus de 70 cuisines communautaires.

Chef de file logistique pour les Nations unies, le PAM assure la coordination du cluster logistique pour l'ensemble des opérateurs intervenant à Gaza. Il dispose de quatre points de stockage à Rafah, d'un entrepôt de prépositionnement à Amman (Jordanie) et d'un entrepôt à El Arish (Égypte). Ce dernier point de stockage permet d'assurer le regroupement de l'aide débarquée à Port-Saïd, plus à l'ouest.

Source : cluster logistique, PAM

Les interlocuteurs du PAM rencontrés par vos rapporteurs sont unanimes pour souligner que la livraison d'aide alimentaire à la population gazaouie ne représente en rien un problème logistique. Il s'agirait avant tout d'une problématique d'accès, les principaux points de passage constituant des goulots d'étranglement dans l'acheminement de l'aide. Début juin, 16 000 tonnes d'aide alimentaire se trouvaient ainsi bloquées en Égypte faute de pouvoir être livrées.

Par ailleurs, si l'action du PAM permet de soutenir un million de personnes par mois, les besoins de financement de l'organisation d'ici à fin 2024 sont estimés à 341 millions de dollars. La mobilisation du compte de réponse immédiate, l'enveloppe d'urgence du PAM, a permis une mobilisation rapide des ressources de l'organisation, sans attendre l'intervention des bailleurs traditionnels.

Source : commission des finances d'après les données du PAM et l'entretien avec le bureau des urgences du PAM

2. ...traduisant une stratégie de renforcement des contributions internationales en matière de sécurité alimentaire...

La prévalence du canal multilatéral de l'aide alimentaire de la France s'inscrit dans un mouvement plus large de progression des contributions internationales françaises en matière de sécurité alimentaire. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères évalue le total des contributions multilatérales contribuant à la sécurité alimentaire, toutes missions budgétaires confondues, à 252,93 millions d'euros en 2023. 

Les contributions multilatérales qui contribuent à la sécurité alimentaire mondiale relèvent de différents programmes budgétaires, au-delà de ceux relevant de la seule mission « Aide publique au développement ». Ces financements se répartissaient, en 2023, entre :

- le programme 209 « Solidarité avec les pays en développement », géré par la direction générale de la mondialisation, qui porte l'essentiel (près de 80 %) de l'aide multilatérale dans le domaine qui nous intéresse. Il regroupe les contributions volontaires aux Nations unies, les contributions versées sur les crédits de l'aide alimentaire programmée et du FUHS ainsi qu'une contribution volontaire à la FAO ;

- le programme 110 « Aide économique et financière au développement », qui relève du ministère de l'économie et des finances et porte la contribution de la France à la reconstitution du Fonds international de développement agricole pour 32,9 millions d'euros ;

- le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » qui comprend la contribution obligatoire de la France au titre de sa participation à la FAO, de l'ordre de 20 millions d'euros ;

- le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt », géré par le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, qui comporte une contribution volontaire du fonds fiduciaire de la FAO de 250 000 euros.

Contrairement au volet bilatéral de l'action française en faveur de la sécurité alimentaire, essentiellement pilotée par le MEAE, l'aide multilatérale comprend une dimension interministérielle. Les financements du ministère de l'agriculture constituent une infime partie de cette aide et découlent du rôle historique de ce ministère dans la gestion des surplus alimentaires aux fins d'aide alimentaire. Le rôle du ministère de l'économie et des finances est à ce titre plus conséquent. En matière de sécurité alimentaire, le MESFIN représente la France au sein des instances du FIDA.

Cette dimension interministérielle impose une certaine coordination entre le MEAE et le MEFSIN, en particulier s'agissant du choix des organisations internationales à financer, de la détermination du montant des contributions volontaires et de leur suivi dans le temps. Or, à la connaissance de vos rapporteurs, il n'existe aucune instance interministérielle de pilotage des contributions multilatérales de la France, a fortiori en matière de sécurité alimentaire.

Répartition des contributions multilatérales de la France en matière
de sécurité alimentaire selon les programmes budgétaires en 2023

(en AE=CP et en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire de contrôle

Sur la période 2018-2023, le montant des contributions françaises en matière de sécurité alimentaire a été multipliée par trois. Cette progression significative traduit une stratégie plus large, annoncée par le Quai d'Orsay et soutenue en 2022 par nos collègues Vincent Delahaye et Rémi Féraud28(*), d'effort de renforcement des contributions volontaires. En ce sens, l'augmentation de l'aide multilatérale en matière de sécurité alimentaire illustre au mieux cette orientation. Les contributions volontaires, qui représentaient en 2018 un peu plus de 60 % du total des contributions, correspondaient en 2022 à 92 % de cet ensemble.

Évolution des contributions multilatérales de la France
en matière de sécurité alimentaire entre 2018 et 2023

(en millions d'euros et en crédits de paiement)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire de contrôle

Pour mémoire, les contributions obligatoires forment le socle des ressources de la plupart des organisations internationales et sont fixées lors de la préparation de leur budget. Une fois ce dernier adopté, des appels de fonds sont transmis aux États qui doivent verser leurs contributions dans un délai fixe. La détermination de la participation financière des États membres procède généralement de l'application d'un barème fondé sur des critères objectifs. À cet égard, le barème de l'ONU qui constitue une référence pour une grande partie des autres organisations repose ainsi sur le revenu national des États.

À l'inverse, les contributions volontaires ne découlent pas du budget adopté par les organisations internationales. Elles dépendent d'engagements discrétionnaires pris par les États, en principe en cohérence avec leurs objectifs stratégiques. Certaines organisations, parmi lesquelles le PAM, se financent uniquement par appel à des contributions volontaires.

Par rapport aux contributions obligatoires, les contributions volontaires permettent aux donateurs de flécher des financements vers leurs priorités thématiques ou géographiques. De plus, en contrepartie de ces versements additionnelles, les États contributeurs peuvent négocier avec l'organisation bénéficiaire des conditions de redevabilité renforcées. Cette « bilatéralisation » du canal multilatéral a longtemps été refusée par la France, au contraire de ses partenaires allemands ou britanniques29(*). La stratégie française pour l'aide multilatérale 2017-2021 affirmait ainsi que « la France privilégie en règle générale les contributions aux ressources générales des institutions multilatérales, contribuant ainsi au fonctionnement et aux objectifs de l'institution, par opposition aux contributions fléchées ou pré-affectées, qui constituent une dérogation aux règles collégiales des institutions multilatérales »30(*). La doctrine française a néanmoins évolué et la hausse des contributions volontaires s'est accompagnée d'un recours plus systématique aux mécanismes de fléchage, notamment pour le PAM.

3. ...complétée par un soutien de la France à des initiatives phares sur le plan multilatéral

En parallèle de la hausse significative de ses contributions volontaires aux organisations intervenant en matière de sécurité alimentaire, la France s'est investie dans des initiatives multilatérales.

En mars 2022, dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'Union européenne et en réaction à l'agression russe contre l'Ukraine, la France a lancé l'initiative européenne « Mission pour la résilience alimentaire et agricole » (dite FARM)31(*). Cette coalition rassemble des États volontaires, soutenus par les organisations spécialisées des Nations unies, et mobilise des partenaires du secteur privé. Elle s'articule autour de trois piliers :

- un pilier I commercial visant à apaiser les tensions sur les marchés agricoles, garantir la transparence des flux et des stocks et lutter contre les barrières commerciales, en lien avec l'OMC ;

- un pilier II de solidarité dans l'urgence pour soutenir les capacités agricoles de l'Ukraine, appuyé par les capacités d'intervention du PAM ;

- un pilier III d'appui à la production agricole durable et locale dans les pays en développement, coordonné par le FIDA.

Par ailleurs, la France apparait comme l'un des premiers soutiens de la Coalition pour l'alimentation scolaire. Initiée par le PAM en 2021, cette coalition portée au niveau intergouvernemental était initialement co-dirigée par la France et la Finlande. Les deux États ont été rejoint par le Brésil en 2023. Cette coalition poursuivait un double objectif de retrouver a minima le niveau d'alimentation scolaire préexistant à la crise sanitaire, au cours de laquelle 370 millions d'enfants ont été privés de repas scolaires, et de perfectionner les programmes existants.

L'alimentation scolaire correspond à la distribution de repas aux enfants, dans un cadre scolaire, au travers de cantines ou de repas à emporter. Il s'agit d'un filet de sécurité sociale généralement géré par les autorités nationales ou les collectivités territoriales, qui représente un total de 48 milliards de dollars américains par an, dont 98 % d'argent public. La gestion de tels programmes dans des pays en développement peut être soutenue par des OSC ou des organisations internationales.

D'apparence sectorielle, les programmes d'alimentation scolaire présentent plusieurs avantages pour leurs bénéficiaires directs32(*) :

- par un renforcement de la santé des enfants et une amélioration de la nutrition ;

- par un soutien aux revenus des populations concernées, 10 % du revenu découlant des transferts de repas scolaires. Les programmes d'alimentation scolaire sont généralement les derniers dispositifs de protection sociale en activité dans les pays en crise. Lors de la crise haïtienne de 2023, 450 000 enfants continuaient de bénéficier de repas scolaires ;

- par une augmentation du niveau d'éducation, la présence d'un programme d'alimentation scolaire augmentant de 9 % les inscriptions scolaires et de 8 % la présence en cours ;

- par une stimulation du tissu économique local, le PAM estimant que 100 000 enfants nourris impliquent la création de 1 370 emplois.

II. APRÈS AVOIR AUGMENTÉ SES EFFORTS D'AIDE ALIMENTAIRE, LA FRANCE DOIT CLARIFIER SA STRATÉGIE ET SES INSTRUMENTS ET CONFORTER SES POSITIONS AU SEIN DU SYSTÈME INTERNATIONAL DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

A. SUR LE PLAN STRATÉGIQUE, NOTRE AIDE ALIMENTAIRE DEVRAIT ÊTRE MIEUX VALORISÉE AU SEIN DE L'APD FRANÇAISE

1. La sécurité alimentaire paraît progressivement mieux identifiée au sein de l'aide au développement de la France

Si l'aide alimentaire de la France a continuellement augmenté au cours des dernières années, cette progression ne semble toutefois pas découler d'une priorité particulière initialement accordée à cette thématique.

Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a certes adopté en 2019 une « Stratégie internationale de la France pour la sécurité alimentaire, la nutrition et l'agriculture durable ». Pourtant la publication de ce document n'a pas conduit à une progression significative de l'AAP ou des contributions de NUOI aux organisations spécialisées de l'ONU. En outre, la stratégie humanitaire de la République française pour 2018-2022 traitait très indirectement des questions de sécurité alimentaire et de nutrition. De même, les conclusions du CICID de 2018 fixait un objectif d'augmentation de l'aide humanitaire dans son ensemble et ne comprenait pas d'objectif dédié à l'aide alimentaire.

Deux facteurs ont ainsi contribué au bondissement des crédits de l'aide alimentaire. D'une part, l'accroissement généralisé de l'aide humanitaire, dont l'aide alimentaire est une composante, a indirectement fait progresser cette dernière. L'augmentation de l'enveloppe du FUHS dès 2017-2018 précède ainsi celle de l'AAP à compter de 2020. Car, d'autre part, c'est le contexte géopolitique ayant émergé entre 2020 et 2022, qui a placé les questions alimentaires au centre de l'attention. La pandémie de covid-19 en 2020 et ses conséquences économiques, dans un premier temps, puis le déclenchement de la guerre en Ukraine, dans un second temps, a conduit la France comme d'autres bailleurs à se saisir de cette thématique.

Cette priorité se retrouve désormais dans la nouvelle stratégie humanitaire de la République française pour 2023-2027 publiée fin 2023. Cette dernière mentionne l'objectif de « poursuivre les efforts en matière de sécurité alimentaire et de nutrition ». Le renforcement de la sécurité alimentaire, notamment en Afrique, figure parmi les dix objectifs politiques présentés dans les conclusions du CICID de 2023. En outre, la préparation de la prochaine stratégie internationale de la France pour la sécurité alimentaire, la nutrition et l'agriculture durable devrait rapidement intervenir. La publication de ce document devra toutefois être précédée d'une évaluation de la précédente stratégie.

2. Une nécessaire communication sur l'action de la France en matière d'aide alimentaire

À titre liminaire, vos rapporteurs estiment que l'aide alimentaire de la France, comme l'aide publique au développement en général, doit conserver une dimension politique. L'impératif humanitaire et les enjeux de lutte contre la sous-alimentation doivent présider à la sélection des projets financés par l'aide de la France. La prééminence de critères politiques pourrait en effet conduire à un effet de « saupoudrage » des interventions. Cependant, les crédits de l'aide alimentaire peuvent permettre de soutenir les relations bilatérales avec les pays bénéficiaires, dans une logique partenariale. À cet égard, l'enjeu de la visibilité de l'aide alimentaire est crucial.

L'action de la France en faveur de la sécurité alimentaire internationale peut ainsi constituer un vecteur utile de notre politique étrangère et de notre influence dans le monde. Dans le contexte du conflit russo-ukrainien, où l'alimentation se trouve au coeur des narratifs, les initiatives dans ce domaine ont une portée conséquente.

Il importe par conséquent de valoriser la visibilité de l'aide alimentaire française, tant dans son volume que dans la souplesse de ses instruments de mise en oeuvre.

Sur le plan quantitatif, l'éclatement de l'aide française entre différents instruments, en premier lieu les canaux de l'aide humanitaire, réduit la visibilité de l'engagement français. L'instrument d'aide alimentaire programmée permet certes d'identifier un « noyau dur » de l'effort français, mais comme expliqué supra, il ne s'agit en rien d'un instrument exhaustif. Le fonctionnement souple de certains canaux d'aide, comme le FUHS, dont les crédits ne sont pas programmés en amont de l'exercice budgétaire, ne permettent pas d'identifier a priori leur contribution à l'aide alimentaire.

De plus, les estimations du total de l'aide française varient selon les critères de définition retenus, comme ont pu le constater vos rapporteurs au cours des auditions et dans les réponses aux questionnaires de contrôle. Il n'existe ainsi pas, dans les documents budgétaires comme dans les publications du MEAE, de définition précise de l'aide alimentaire et, par suite, d'évaluation du total de l'aide.

Le volume de l'aide alimentaire pourrait donc, en interne, être plus clairement présentée au sein des documents budgétaires. Le document de politique transversale (DPT) consacré à la politique de développement pourrait comprendre un chapitre présentant l'action de la France en matière d'aide alimentaire et, plus largement, de sécurité alimentaire. Au-delà de notre sujet, cette présentation thématique pourrait être élargie à chacun des grands sujets transversaux de notre aide publique au développement (environnement, santé, genre, éducation...).

Recommandation n° 1 : Faire apparaître, au sein du document de politique transversale dédié à la politique de développement, une synthèse des montants d'aide engagée par grande thématique, dont celle de la sécurité alimentaire (MEAE, direction générale de la mondialisation).

Cette valorisation devrait se prolonger, sur un plan multilatéral, par un travail de consolidation des données transmises au Comité de l'assistance alimentaire de la convention de Londres. Une telle consolidation permettrait d'élargir l'évaluation de l'aide française en incluant les contributions d'autres canaux comme le FUHS, qui n'est actuellement pas comptabilisé. Or le cadre de la convention de Londres constitue une référence pour comparer les engagements des grands donateurs.

Recommandation n° 2 : Consolider l'évaluation de l'aide alimentaire française pouvant être comptabilisée au titre de la convention de Londres, au-delà du seul instrument de l'aide alimentaire programmée (MEAE, direction générale de la mondialisation).

Sur un plan communicationnel, se pose la question de la dénomination de l'outil d'aide alimentaire programmée. Le rapport d'évaluation de 2009 soulignait déjà que cet intitulé était avant tout un reflet de l'histoire de l'aide au développement de la France. Ce nom correspond aux objectifs initiaux de l'instrument, créé pour écouler les surplus de production agricole. Une réflexion est en cours au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour le faire évoluer.

Recommandation n° 3 : Changer la dénomination de l'aide alimentaire programmée, éventuellement en « assistance alimentaire programmée », pour mieux refléter les évolutions de cet instrument et plus largement de cette politique d'aide internationale (MEAE, direction générale de la mondialisation).

Au-delà du volume de l'aide alimentaire, sur lequel la France se situe en retrait par rapport aux plus grands donateurs, il importe de valoriser la spécificité de l'aide française. La souplesse et la rapidité de déploiement de ses instruments d'aide alimentaire, couplées à un investissement fort sur des thématiques précises, constituent la spécificité de l'action de la France en la matière. Par comparaison, l'aide alimentaire de l'Allemagne, largement supérieure en montant (1,14 milliard de dollars en 2022 selon la comptabilisation de l'OCDE), transite presque exclusivement au travers des organisations internationales.

Ainsi, des instruments de réaction rapide aux crises humanitaires, comme l'AAP et le FUHS, contribuent à la valorisation de l'aide française. La préservation de la spécificité de l'aide alimentaire française repose donc en grande partie sur le maintien, au sein de cette aide, d'une capacité d'intervention bilatérale directe.

3. Les montants consacrés à l'aide alimentaire, tant bilatérale que multilatérale, devraient être maintenus dans les années à venir

Compte tenu des besoins exprimés par les organisations internationales et les organismes de la société civile et de la portée politique et humanitaire de l'aide alimentaire, le maintien du volume actuel semble s'imposer.

Dans le cadre du comité interministériel pour la coopération internationale et le développement de juillet, le Gouvernement a acté une augmentation des fonds dédiés à l'aide humanitaire à un milliard d'euros en 2025. Ces financements se situent d'ores et déjà à un niveau de 895 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2024. Au sein de ces financements, il apparaît nécessaire, aux yeux de vos rapporteurs, de conserver une part substantielle d'aide alimentaire, afin de stabiliser les moyens qui lui sont affectés au sein de l'aide publique au développement.

Recommandation n° 4 : Dans le cadre de l'augmentation par la France des crédits d'aide humanitaire, maintenir le montant consacré à l'aide alimentaire, tant dans son volet bilatéral que dans son volet multilatéral (MEAE).

Néanmoins, et comme exposé infra, la progression continue des moyens de l'aide alimentaire française au cours des dernières années devrait conduire à adapter les instruments et les procédures mises en oeuvre à ce nouveau volume. L'articulation entre les différents instruments comme les moyens humains consacrés à leur gestion, ne peuvent demeurer identiques alors que le montant des crédits alloué à chaque instrument a plus que doublé depuis 2021.

B. POUR AGIR EFFICACEMENT SUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE, L'AIDE ALIMENTAIRE FRANÇAISE DOIT CLARIFIER SES INSTRUMENTS ET DAVANTAGE S'APPUYER SUR SES ACTIONS DE DÉVELOPPEMENT À PLUS LONG TERME

1. Pour éviter les risques de recoupements, il apparait nécessaire de clarifier le mandat des instruments d'aide alimentaire et de renforcer leur coordination
a) La similarité des instruments concourant à l'aide alimentaire appelle une clarification de leurs objectifs et de leurs interventions

La diversité des outils mobilisés dans le cadre de l'aide humanitaire de la France soulève un risque de perte de lisibilité de l'action de la France en matière d'aide alimentaire, d'une part, et de chevauchements entre les différents instruments, d'autre part.

Ces risques s'expliquent en grande partie par l'absence de formalisation des mandats respectifs des différents instruments intervenant en matière d'aide alimentaire, particulièrement s'agissant de l'AAP et du FUHS. Les rapports d'évaluation successifs de ces deux canaux, respectivement publiés en 202133(*) et en 202334(*), s'étonnent de l'absence de cadre indiquant les objectifs stratégiques qui leur sont respectivement assignés.

Il existe toutefois un cadre théorique d'intervention de ces différents outils. D'une part, le FUHS a été pensé comme un instrument de réaction rapide aux crises humanitaires. Son objectif initial était la mise en oeuvre de projets à impact rapide dans un horizon temporel court. D'autre part, l'AAP est comme un instrument intermédiaire : « À l'interface entre humanitaire et développement [...] en finançant des projets d'assistance alimentaire sur des terrains de fragilité chronique, et favorisant le retour à l'autonomie des populations vulnérables »35(*). En conséquence, le FUHS intervient en principe immédiatement après le déclenchement d'une crise alimentaire et ne serait suivi par l'AAP que dans un second temps, dans une logique de sortie de crise.

En cohérence avec leurs mandats respectifs, les deux instruments, se caractérisent par une temporalité distincte. Le FUHS, principalement tourné vers la réaction aux crises, se distingue par la rapidité potentielle du décaissement de ses fonds. La procédure accélérée d'examen d'un projet peut donner lieu à un versement des fonds dans les 48 heures. À l'inverse, le positionnement intermédiaire théorique de l'AAP conduit à des procédures plus longues. Le versement des financements, y compris dans l'hypothèse d'une procédure accélérée prend a minima deux à trois semaines. Néanmoins, dans le cas de projets relevant de la stabilisation / résilience, les délais sont relativement similaires.

Schéma d'intervention des canaux de gestion et de sortie de crise en matière d'aide alimentaire

Source : commission des finances

Toutefois, cette subtile distinction initiale cède en partie devant la mise en oeuvre opérationnelle de ces deux canaux d'aide humanitaire. Plusieurs facteurs contribuent à ce rapprochement de facto des deux instruments.

Premièrement, l'augmentation conséquente des enveloppes respectives de l'AAP et du FUHS renforce les risques de chevauchement. En une décennie (2014-2024), les crédits de l'AAP ont été multipliés par cinq et ceux du FUHS par douze. De plus, l'élargissement du champ d'intervention du FUHS aux opérations de stabilisation, phase intermédiaire entre urgence et développement, rapproche cet instrument du mandat initial confié à l'AAP. La combinaison de l'accroissement de son enveloppe et de son mandat a conduit le centre de crise et de soutien (CDCS) à davantage mobiliser le FUHS sur des questions d'alimentation.

Deuxièmement, les contextes d'intervention des différents instruments concourant à l'aide alimentaire sont en réalité relativement similaires. La distinction théorique entre crise et stabilisation s'efface en raison de la multiplication des crises et de leur inscription dans le temps. En moyenne, les deux tiers de l'aide humanitaire sont dirigés vers des crises d'une durée moyenne de sept ans36(*). Il en ressort un champ d'intervention géographique relativement similaire en dépit du mandat donné à l'AAP par la Stratégie alimentaire de 2019 de concentrer son activité sur les « pays prioritaires » désignés par le CICID. Dans la pratique, zones de crises et pays prioritaires se rapprochent.

Troisièmement, les opérateurs de la société civile bénéficiaires des financements du FUHS et de l'AAP sont, pour la plupart, les mêmes OSC. Comme indiqué par l'évaluation de l'AAP et confirmé par les auditions menées par vos rapporteurs, une même OSC peut basculer de l'un des instruments à l'autre pour un même dispositif entre deux exercices. Ces mêmes OSC peuvent également obtenir des financements de l'AFD en matière d'aide alimentaire, au travers du Fonds Minka.

Principales OSC bénéficiaires des financements de l'AAP et du FUHS

OSC bénéficiaires de l'AAP

OSC bénéficiaires du FUHS

Action contre la Faim

Solidarités International

Solidarités International

ACTED

ACTED

Première Urgence Internationale (PUI)

Première Urgence Internationale (PUI)

Humanité et Inclusion

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire de contrôle

Compte tenu de ces éléments, les rapporteurs réitèrent les recommandations déjà formulées par une première évaluation de l'aide alimentaire programmée en 200937(*) et reprises, tant par l'évaluation de la stratégie humanitaire de la République française 2018-202238(*), que par les récentes évaluations du FUHS39(*) et de l'AAP40(*), d'une définition précise des objectifs stratégiques assignés à chaque instrument. Dans sa réponse à l'évaluation de l'AAP, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a indiqué qu'une note stratégique avait été rédigée à la demande du cabinet du ministre. Ce document, également évoqué à de multiples reprises lors des auditions, vise à préciser la valeur ajoutée de chaque instrument et leur articulation avec l'action de l'AFD. Si l'utilité d'une telle note est indéniable, elle n'a pas été rendue publique.

Recommandation n° 5 : Formaliser et préciser les mandats d'intervention respectifs des différents instruments participant à l'aide alimentaire française, en premier lieu le fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation (FUHS) et l'aide alimentaire programmée (AAP) (DGM, CDCS).

Pour terminer, outre la difficulté à distinguer clairement le cadre d'intervention de ces instruments, les organismes de la société civile, qui bénéficient de 30,9 % des financements de l'AAP et de 84 % des financements du FUHS en 2023 ont regretté l'absence d'un guichet unique pour les financements des projets d'aide alimentaire41(*).

Comme indiqué supra, pour un objectif similaire d'aide alimentaire ou, plus largement, de sécurité alimentaire, les organismes de la société civile peuvent introduire des dossiers auprès du centre de crise et de soutien pour le FUHS, de la sous-direction HUMA pour l'aide alimentaire programmée et de l'AFD pour le Fonds Minka ou pour son guichet OSC. Chaque instrument implique des procédures de sélection et des temporalités distinctes. Ainsi, le CDCS privilégie une sélection de gré à gré des projets avec les OSC. Ces dernières soumettent leurs propositions d'intervention directement auprès du CDCS ou par l'intermédiaire des postes. Dans le cas de l'AAP, les OSC soumettent leurs propositions à la suite d'un appel à projets diffusé par le MEAE auprès d'acteurs pré-identifiés, qu'il s'agisse d'OSC françaises ou d'interlocuteurs spécialisés dans l'aide alimentaire. Les projets sont soumis aux ambassades et arbitrés au sein de l'administration centrale. Les exigences de redevabilité diffèrent également selon les bailleurs.

La complémentarité des projets financés peut ainsi dépendre davantage d'une démarche des opérateurs OSC que de la coordination entre les différents guichets d'aide alimentaire.

Le positionnement international des OSC, qui reçoivent des financements de bailleurs étatiques et multilatéraux, leur permet à cet égard de comparer l'organisation française avec les pratiques de nos partenaires internationaux. Elles ont notamment mis en avant l'unité d'action qui domine Outre-Rhin, où les financements humanitaires sont distribués par une seule entité. En effet, en Allemagne, le ministère des affaires étrangères (Office des affaires étrangères - Auswärtiges Amt) dispose d'une compétence pleine et entière pour la gestion de l'aide humanitaire, centralisée au sein d'une direction dédiée. L'exemple allemand contrasterait ainsi avec la prévalence d'un « millefeuille » français des canaux de financement de l'aide alimentaire.

Les OSC auditionnées dans le cadre du contrôle seraient favorables à un rapprochement des procédures, si ce n'est des structures, de financement de l'aide alimentaire. La souplesse d'examen des demandes de crédits par le centre des opérations humanitaires et de stabilisation (COHS)du CDCS et la rapidité de décaissement des fonds est à ce titre cité en exemple.

En outre, ce double objectif de souplesse et de rapidité doit cependant être concilié avec les exigences de redevabilité et de contrôle des comptes. Dans la conduite des projets, les OSC sont en effet soumises à des obligations de redevabilité, sur le plan financier comme sur l'impact des projets menés. Ces obligations interviennent tant au stade de l'instruction du projet, que de sa conduite et sa validation finale. Les opérateurs doivent notamment remettre en fin de projet AAP un rapport final d'exécution et un rapport financier.

Pourtant, si vos rapporteurs approuvent ces démarches de contrôle qui sont imposées aux opérateurs OSC, ils soulignent le risque d'un alourdissement de ces contraintes. Ces organismes n'ont, par comparaison, pas les mêmes moyens internes pour répondre aux conditions de redevabilité que les organisations internationales. Il importe de garder à l'esprit que tout renforcement du contrôle implique un coût budgétaire additionnel pour l'organisme et réduit par conséquent la part des financements alloués par le bailleur qui sera directement investie dans le projet final. Or, comme le souligne le rapport d'évaluation de l'AAP42(*), la moyenne des coûts associés à la mise en oeuvre des projets ne revenant pas aux bénéficiaires est de 36 % pour les OSC et de 25 % pour les organisations internationales.

Recommandation n° 6 : Envisager un rapprochement des procédures de sélection et de redevabilité des projets entre le FUHS et l'AAP (DGM, CDCS).

Cette difficulté à comprendre l'articulation des outils participant à l'aide alimentaire de la France est également valable pour les opérateurs publics. C'est le cas pour l'Agence française d'expertise technique internationale, « Expertise France », filiale du groupe AFD, qui dispose d'une capacité d'intervention en matière d'aide alimentaire, dans un contexte de sortie de crise et de résilience. Le département « Paix, Stabilité, Sécurité » de l'agence met en oeuvre des programmes de coopération technique pour le compte de financeurs étatiques ou internationaux. En 2023, ce pôle a ainsi conduit des projets en matière d'aide alimentaire à hauteur de 25 millions d'euros au Liban, en Syrie et au Yémen dans le cadre de financements du CDCS sur l'enveloppe du FUHS et, subsidiairement de l'AFD. À titre d'exemple, Expertise France conduit, pour le compte du CDCS et pour un budget de 11 millions d'euros en 2023, le projet Sabir en Syrie. Ce dernier vise à renforcer la sécurité alimentaire dans le nord du pays en soutenant une approche intégrée des organisations locales de la société civile. Il se concentre sur le relèvement des capacités des agriculteurs et des éleveurs à résister aux chocs climatiques.

Pour autant, alors qu'elle est en mesure de mener des programmes d'aide alimentaire dans des situations d'urgence, l'agence a signalé à vos rapporteurs qu'elle n'était pas considérée comme un opérateur éligible aux financements de l'aide alimentaire programmée43(*). Le cadre d'intervention d'Expertise France paraît pourtant adapté aux projets de l'AAP. Son positionnement lui permet de conduire des projets de « jointure » entre urgence et développement qui correspondent au cadre d'intervention théorique de l'AAP, intervenant davantage dans une logique de sortie de crise que d'urgence absolue. Toutefois, sans explication claire, la manifestation d'intérêt d'Expertise France pour des financements AAP auprès du MEAE a jusqu'à présent fait l'objet d'une fin de non-recevoir.

Recommandation n° 7 : Permettre à Expertise France de participer aux appels à projets de l'aide alimentaire programmée (DGM).

Par opposition, au niveau des postes diplomatiques, même s'il existe des disparités géographiques, la lisibilité et la coordination de facto entre les instruments paraît satisfaisante. L'articulation entre ces instruments se déroule de manière satisfaisante, en particulier lors de la survenue d'une crise alimentaire.

Le cas du Liban illustre cette coordination effective dans un contexte de crise alimentaire chronique, aggravée depuis l'explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020. Les trois canaux du MEAE contribuant à l'aide alimentaire (FUHS, AAP et contributions volontaires) interviennent dans ce pays. Au sein de l'ambassade, un conseiller référent pour l'aide humanitaire est chargé depuis septembre 2021 d'assurer la coordination entre ces différents outils avec un référent du CDCS présent à Beyrouth. La bonne articulation de l'« Équipe France » au Liban a également été citée en exemple aux rapporteurs lors de l'audition de l'Agence française de développement. De même, la Cour des comptes, dans son audit flash sur l'aide de l'État au Liban, n'a relevé aucun défaut de coordination dans l'action humanitaire de la France sur place44(*).

Toutefois, si sur le terrain et dans un contexte de crise, l'articulation de l'aide alimentaire de la France paraît poser peu de difficulté, la coordination et l'orientation stratégique de cette aide au niveau centrale est moins évidente.

b) Au niveau central, une meilleure coordination doit être recherchée entre ces différents outils

Au niveau central, la coordination entre les différents instruments concourant à l'aide alimentaire de la France paraît pour le moins perfectible.

La dispersion de l'aide alimentaire française entre les trois instruments principaux (AAP, FUHS, CVNU), voire quatre en incluant le Fonds Minka, implique un éclatement de leur gestion entre différents services (DGM, CDCS et NUOI).

Au niveau central, le pilotage de l'aide alimentaire programmée était, jusqu'il y a peu, assurée par le comité interministériel de l'aide alimentaire (CIAA). Selon la décision interministérielle du 12 juillet 2004, la mission de ce comité était « d'assurer la cohérence de l'aide alimentaire française avec des engagements pris dans différentes enceintes internationales et européennes, avec les actions d'appui au développement agricole et à la sécurité alimentaire qui impliquent plusieurs institutions publiques ». Le CIAA était composé des services concernés du MEAE (DGM, CDCS, NUOI, divisions géographiques), du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique (direction générale du Trésor) et, suite aux recommandations du premier rapport d'évaluation de l'AAP en 2008, de l'AFD.

Concrètement, le rôle du CIAA revenait, dans le cadre du déroulement des projets de l'AAP à approuver les projets remontés par les ambassades et arbitrés au sein de la sous-direction HUMA. Les différents services du MEAE interrogés par les rapporteurs spéciaux ont indiqué lors de leurs auditions que cette instance était devenue une chambre d'enregistrement peu investie par ses membres.

À l'inverse de la mission d'évaluation de l'AAP qui recommandait de revitaliser le CIAA, le MEAE a tiré de ce constat la conclusion que ce format n'était plus adapté. Par décision du cabinet de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères du 27 juin 2023, le comité interministériel, qui n'était encadré par aucun texte réglementaire, a été supprimé.

Le rôle d'arbitrage du CIAA est désormais dévolu à une « consultation interservices » associant, outre la sous-direction HUMA chargée de l'AAP, les directions géographiques, NUOI et le CDCS. Par ailleurs, interrogés sur la suppression du CIAA, les administrations auditionnées ont mis en avant la récente « Task Force humanitaire » créée pour coordonner les trois outils de l'aide humanitaire française. La task force se réunit tous les trois mois et est animée par le CDCS, chef de file de l'aide humanitaire.

S'ils trouvent surprenant de la part du ministère de prendre le contrepied d'une évaluation réalisée à sa demande, vos rapporteurs partagent le souci de rationalisation et de simplification des instances interministérielles peu utilisées. Cette évolution appelle toutefois deux remarques.

En premier lieu, il paraît indispensable que les nouveaux cadres d'échanges interservices fonctionnent effectivement. L'éclatement de l'aide alimentaire en trois instruments et le maintien d'un outil spécifiquement dédié comme l'AAP n'est envisageable que si la coordination entre services est réelle.

En second lieu, ce nouveau format traduit un double recentrage de l'aide alimentaire sur l'aide humanitaire et sur le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. En centrant les instances de coordination tant de l'aide alimentaire que de l'aide humanitaire sur les services du ministère, le dialogue avec l'AFD s'en trouve affaibli. Or, au travers du Fonds Minka, les interventions de l'AFD dans les zones de crises sont croissantes. Si les décisions prises au sein du CIAA faisaient certes l'objet de peu de discussion, ce format présentait a minima l'avantage d'harmoniser les positions françaises en matière d'aide alimentaire.

Ce choix est d'autant plus surprenant que l'AFD est généralement associée aux « task forces » de réponse à des crises humanitaires soudaines et se coordonne, sur le terrain, avec les attachés humanitaires et SCAC. Si cette exclusion ne signifie pas une absence de dialogue entre les directions de l'AFD et les services du MEAE, elle illustre toutefois un faible dialogue stratégique entre l'Agence et le ministère pour fixer les orientations de l'aide humanitaire et plus spécifiquement de l'aide alimentaire.

De même, il paraît nécessaire que les organismes de la société civile puissent être mieux associées à la définition des priorités annuelles de la politique d'aide alimentaire.

Recommandation n° 8 : Assurer, au niveau de l'administration centrale, une véritable coordination de l'aide alimentaire associant le groupe AFD et ses filiales et prévoir une consultation annuelle des organismes de la société civile (MEAE, AFD).

2. Les efforts engagés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères en matière de gestion et d'évaluation des projets devraient être prolongés et systématisés

L'accroissement significatif de l'aide alimentaire portée par les outils d'aide humanitaire de la France ne s'est pas accompagnée d'un alignement suffisant des moyens, en interne, pour assurer la gestion et le suivi de ces crédits.

Au sein de la direction générale de la mondialisation, les équipes de la sous-direction HUMA affectées au suivi de l'aide alimentaire programmée restent peu nombreuses. Entre 2017 et 2022, seulement 1,5 équivalents temps plein travaillés (ETPT) instruisaient et suivaient les projets AAP. Suite aux rapports d'évaluation de la Stratégie humanitaire 2018-2022 puis de l'aide alimentaire programmée, le DGM a procédé, en juillet 2023, au recrutement d'un ETP chargé du suivi, de l'évaluation et du processus de capitalisation des projets d'AAP. Ce chargé de mission est également affecté à des missions de communication. Un autre recrutement, sur un poste similaire serait envisagé par le ministère45(*).

Du côté du CDCS, sur la période 2017-2022 et alors que l'enveloppe du FUHS avait été multiplié par plus de six, les créations de postes se sont limitées à deux ETP. Le centre de crise s'est toutefois étoffé par la création en son sein d'une cellule d'audit et d'évaluation et d'une unité de gestion administrative et financière, chargées des questions d'évaluation et de redevabilité.

Au niveau des postes, la pratique de désignation d'un attaché humanitaire au sein des services de coopération et d'action culturelle (SCAC) des pays plus vulnérables permet d'appuyer le suivi de l'aide alimentaire réalisé au niveau central, de coordonner le déploiement de l'aide au niveau local et de fluidifier la communication avec les acteurs humanitaires sur le terrain. Le MEAE a également procédé à des créations de postes plus spécifiques comme l'adjonction d'un poste de conseiller politique chargé du PAM au sein de la représentation permanente de la France auprès des organisations spécialisées de l'ONU à Rome.

Ces recrutements ont certes permis de renforcer la gestion de l'aide alimentaire française au sein du MEAE. Pour autant, il n'est pas certain que cette progression limitée du nombre de personnels soit suffisante compte tenu du bondissement des crédits. La taille des effectifs a une incidence sur la mise en oeuvre et le suivi des projets. Des ressources humaines plus limités peuvent conduire à financer un nombre moins important de projets tout en augmentant leur taille et leur champ d'intervention géographique. Le suivi de redevabilité de ces projets peut également s'avérer moins poussé. Un palliatif à cette réduction des effectifs consiste à intervenir de manière plus fréquente au travers d'opérateurs, notamment les organisations internationales, et à faire reporter sur ces institutions la charge du contrôle et de l'audit.

À titre de comparaison46(*), au Royaume-Uni, le Foreign, Commonwealth and Development Office (FDCO)47(*) dispose d'une équipe de 15 personnes dédiée au suivi de l'aide humanitaire au niveau central et pouvant s'appuyer sur des équipes dédiées au sein des postes diplomatiques. Au Danemark, l'ensemble des moyens humains consacrés à l'aide humanitaire regroupent 25 à 30 personnes.

Si vos rapporteurs ne recommandent pas nécessairement une augmentation des effectifs chargés de l'aide alimentaire, au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, il apparaît tout le moins souhaitable de mieux évaluer l'adéquation des moyens humains avec les besoins exprimés au regard de la croissance continue de cette politique. Si nécessaire, il pourrait être envisagé de prévoir l'affectation d'une partie des créations de postes annoncées au sein du MEAE sur les missions liées à l'aide alimentaire. La conclusion des États généraux de la diplomatie en mars 2023 a en effet conduit à l'annonce de la création de 700 ETP au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères d'ici à 2027.

Recommandation n° 9 : Évaluer les besoins en ressources humaines, au niveau central comme dans les postes diplomatiques, et transcrire les recrutements éventuels dans la programmation des 700 nouveaux ETP prévus au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères d'ici à 2027 (MEAE, DGM, CDCS).

Au-delà de la problématique des moyens humains, le Quai d'Orsay a engagé un effort de renforcement de l'évaluation de son aide alimentaire.

Comme indiqué supra, le ministère a commandé au cabinet de conseil Technopolis Group, en 2021 puis en 2023, deux évaluations consécutives du Fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation et de l'aide alimentaire programmée. Dans le prolongement de l'évaluation des instruments, le ministère a lancé une mission d'évaluation, confiée au cabinet ITAR, d'une grappe de 27 projets AAP. Selon le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, ces évaluations visent à définir des indicateurs d'évaluation et de suivi pertinents pour les projets futurs afin de standardiser les procédures applicables aux projets AAP.

3. Les instruments d'aide d'urgence et d'aide au développement apparaissent peu coordonnés en matière de sécurité alimentaire
a) Une coordination discrète entre l'aide d'urgence et l'aide au développement en matière de sécurité alimentaire

Au-delà de la seule question de l'aide alimentaire, l'articulation entre l'aide humanitaire et l'aide au développement demeure l'un des points d'amélioration de notre politique d'APD. Les différents textes et documents formant la doctrine française en la matière, notamment la loi de programmation du 4 août 2021 et la stratégie humanitaire, fixent un objectif de meilleure coopération entre les outils d'urgence et de développement, dans une logique dite de « nexus ». Il est ainsi convenu qu'en matière de sécurité alimentaire, une aide d'urgence ne peut traiter les problématiques de sous-alimentation qu'à court terme. L'aide au développement doit intervenir pour traiter les causes structurelles de l'insécurité alimentaire.

Pour autant, l'évaluation de la précédente stratégie humanitaire de la République française estime que cette logique de nexus humanitaire-développement a fait l'objet d'une « pratique discrète » au cours des dernières années.

L'instrument d'aide alimentaire programmée est pourtant conçu comme un intermédiaire entre urgence et développement. Intervenant dans un contexte post-crises, il est censé se positionner en amont des interventions d'acteurs du développement comme l'AFD. Or, l'évaluation de l'AAP comme celle du FUHS relèvent qu'il existe peu d'exemples d'articulations entre des projets d'aide alimentaire gérés par l'un de ces instruments et l'action de l'AFD en matière de sécurité alimentaire.

La mise en oeuvre des conseils locaux de développement (CLD), qui associent les équipes des ambassades avec les bureaux de l'AFD et d'Expertise France sur le terrain, est identifiée comme un levier pour faire progresser l'articulation entre urgence et développement. Vos rapporteurs seront attentifs, à l'avenir, à ce que les CLD soient réellement mobilisés en ce sens.

b) Or, au-delà de l'aide alimentaire d'urgence et de stabilisation, les instruments d'aide au développement permettent de renforcer la sécurité alimentaire

Les actions d'aide au développement en matière d'alimentation et d'agriculture, qui sortent du champ de l'aide alimentaire au sens strict, interviennent sur les causes structurelles de l'insécurité alimentaire. À cet égard, les différents acteurs de la politique de développement mènent des interventions sur ces thématiques.

En premier lieu, l'AFD intervient, au-delà du Fonds Minka, sur le moyen et long terme en matière de sécurité alimentaire. La doctrine de l'AFD en la matière est fixée par le cadre d'intervention sectoriel « Agriculture, développement rural et biodiversité »48(*). Son action repose sur trois objectifs : contribuer aux transitions productives et écologiques ; soutenir des territoires ruraux solidaires, inclusifs et résilients ; promouvoir des institutions et politiques favorables aux transitions écologiques productives et territoriales.

Sur la période 2013-2023, l'AFD a engagé un total de 4,4 milliards d'euros pour la sécurité alimentaire, en suivant une évolution croissante depuis 2014. Les engagements annuels de l'Agence dans le secteur de l'agriculture et de la sécurité alimentaire sont de l'ordre de 400 à 500 millions d'euros. Ainsi, 497 millions d'euros ont été engagés en 2023 pour financer de nouveaux projets, dont 256 millions d'euros en Afrique. La majorité de ces financements, soit 260 millions d'euros, ont été versés sous forme de subventions.

L'AFD entretient un partenariat suivi avec le Fonds international de développement agricole. Les deux institutions financières ont ainsi renouvelé en juillet 2021, un accord de partenariat pour une durée de trois ans. La coopération entre AFD et FIDA se traduit sur le plan opérationnel par des co-financements, sous formes de prêts ou de subventions, dans plusieurs États en développement. L'AFD participe également au financement du FIDA, au travers de prêts ciblés sur des objectifs précis.

En second lieu, l'activité d'Expertise France promeut une « agriculture au service de systèmes alimentaires durables, permettant d'améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle »49(*). Si l'aide alimentaire au sens strict, portée par le pôle stabilisation d'Expertise France, ne représente que 2 à 3 % de son activité, les projets concernant l'agriculture regroupent près de 12 % des financements mis en oeuvre par l'agence. Cette proportion correspond à un total de 53,8 millions d'euros de projets en cours, portés pour moitié sur fonds européens et pour moitié sur financement de l'AFD.

Les instituts de recherche français au service de la sécurité alimentaire

Les instituts de recherche français participent à l'effort d'aide au développement en matière de sécurité alimentaire.

D'une part, les deux instituts de recherche en développement, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et l'Institut de recherche pour le développement (IRD), s'investissent particulièrement dans le développement agricole. Ces deux instituts sont placés sous la double tutelle du ministère de l'enseignement et de la recherche et du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

D'autre part, l'Institut national de la recherche agronomique (INRAE), dépendant du ministère de l'enseignement et de la recherche et du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, s'est investi depuis 2021 dans les thématiques de développement. Cette mobilisation lui a permis se positionner sur l'appui technique aux politiques publiques, au travers d'une expertise reconnue en modélisation et en prospective alimentaire.

Ces trois instituts coopèrent sur des projets conjoints relevant des thématiques d'alimentation et de nutrition avec les organisations internationales. Ils sont par exemple engagés tous les trois dans le plan d'action « Une seule santé » au sein de l'initiative internationale PREZODE sur la prévention de l'émergence de zoonoses. Les trois instituts ont également signé en 2022 avec la FAO un protocole d'accord pour la période 2022-2027 portant sur la transformation des systèmes agricoles et alimentaires.

Au sein de la représentation permanent de la France à Rome, un conseiller scientifique représente le CIRAD, INRAE et l'IRD et aide au développement de la coopération entre les autres acteurs de recherche (IFREMER, ANSES, Instituts Pasteurs, CNES) et les agences onusiennes. Il s'assure également de la participation des chercheurs français aux Coalitions issues du sommet onusien des systèmes alimentaires dans lesquelles la France est particulièrement impliquée.

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire de contrôle

C. LA FRANCE DOIT POURSUIVRE SES EFFORTS D'INFLUENCE ET DE REDEVABILITÉ DE SES CONTRIBUTIONS DANS LE SYSTÈME INTERNATIONAL DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

1. Le regain d'influence de la France au sein du système onusien de sécurité alimentaire reste limité
a) Si l'investissement financier croissant de la France lui a permis de regagner en influence dans le système onusien, il demeure « une goutte d'eau dans l'océan » des contributeurs

L'augmentation par la France de ses contributions volontaires a permis de mettre un frein au recul de son influence au sein de organisations des Nations unies spécialisées dans l'alimentation et l'agriculture.

Premièrement, s'agissant du PAM, les contributions de la France étaient tombées au plus bas en 2018. À l'occasion de l'exercice 2018, les contributions françaises s'élevaient ainsi à 17,4 millions d'euros au titre de l'AAP et de 100 000 euros au titre des contributions volontaires de NUOI contre respectivement 92 et 75 millions d'euros en 2023. Ce faible montant excluait la France du groupe des principaux contributeurs et réduisait considérablement son influence au sein des instances de gouvernance du PAM.

L'effort financier consenti par la France auprès du PAM depuis 2022 lui a permis de rattraper une partie de ce retard en termes d'influence. Compte tenu d'un financement reposant quasi intégralement sur des contributions volontaires fléchées, la position de donateur important offre de facto un contact privilégié avec l'agence et une plus forte influence sur l'élaboration de ses politiques ou la conduite de ses opérations.

D'une part, la France a pu mobiliser les mécanismes de fléchage des contributions pour orienter son aide au sein de l'organisation. Les contributions NUOI fléchées vers des programmes pays ou des projets transversaux, comme l'alimentation scolaire, le sont de façon souple pour laisser au PAM une marge de manoeuvre dans leur déploiement.

Les mécanismes de fléchage sont en effet une contrainte pour les organisations internationales qui peuvent avoir des difficultés à financer les programmes les moins attractifs pour les donateurs, comme les questions de prévention50(*).

Une part de la contribution française, à hauteur de 7 millions d'euros, est toutefois directement fléchée vers le compte d'intervention immédiate (CII) du PAM. Ce dispositif constitue une forme de réserve de crise du PAM lui permettant de mobiliser rapidement des ressources en cas de crise soudaine et dans l'attente de financements additionnels de ses contributeurs. Un financement français de 7 millions d'euros est aussi affecté au Service aérien humanitaire des Nations Unies (UNHAS).

D'autre part, la progression de la France dans le classement des contributeurs lui a obtenu une place plus importante dans les instances de gouvernance. Le nouvel accord de rotation des États au Conseil d'administration du PAM, fixé pour neuf ans à compter de 2024, a traduit cette progression. Les sièges au Conseil d'administration se répartissent au sein de plusieurs listes d'États membres : A, BI, BII et C pour les pays en développement et D et E pour les pays développés. Au sein de la liste D, dans laquelle figure la France, les cinq plus gros donateurs, à savoir les États-Unis, l'Allemagne, le Canada, le Royaume-Uni et la Suède, siègent tout au long des neuf ans de l'accord au conseil. La France a pu négocier d'y siéger sept ans sur neuf, contre quatre ans sur douze lors du précédent accord.

Classement des principaux donateurs du PAM en 2022

(en millions de dollars)

Source : commission des finances d'après les données publiées par le PAM

Cette remontée de l'influence française au sein du PAM doit toutefois être relativisée. Sur le plan financier, la France demeure loin derrière les principaux contributeurs. Les auditions d'Action contre la Faim et d'ACTED, organismes opérateurs tant de l'aide française que du PAM, ont confirmé que les financements français représentaient une « goutte d'eau dans l'océan ». En 2022, la contribution de l'Allemagne était ainsi dix fois supérieure à celle de la France. Celle du Royaume-Uni, puissance dotée de l'arme nucléaire et membre du Conseil de sécurité des Nations unies comme la France, était deux fois plus conséquente.

Deuxièmement, au sein de la FAO, l'influence française sur la gouvernance de l'institution apparaît moins évidente. Le modèle de financement sur contributions obligatoires limite l'effet levier des contributions volontaires.

Ainsi, lors du dernier renouvellement de la direction de la FAO, une candidate française au poste de directeur général a perdu la désignation au profit de l'actuel directeur, M. Qu Dongyu, candidat chinois.

Troisièmement, l'investissement financier de la France lors de la 13eme reconstitution de fonds du Fonds international de développement agricole a été déterminant. Elle a adopté, en partenariat avec l'Angola, le rôle de « champions » de la reconstitution de ce fonds en annonçant précocement une contribution de 150 millions d'euros.

Au-delà de ces contributions directes aux organisations spécialisées des Nations unies, les initiatives multilatérales de la France ont pu également constituer un levier d'influence.

L'initiative européenne « Mission pour la résilience alimentaire et agricole » (FARM) a permis à la France d'approfondir ses relations avec les organisations spécialisées de l'ONU. Concernant le PAM, la mise en oeuvre du pilier II de FARM a conduit la France à augmenter de manière significative son financement à l'organisation. La contribution de la France au PAM en lien avec FARM s'élevait à 197 millions d'euros. Cette contribution additionnelle a permis, d'une part, l'acheminement de céréales ukrainiennes vers des pays vulnérables et, d'autre part, la constitution de réserves stratégiques dans les pays les plus menacés par les crises alimentaires. De même, l'investissement de la France dans la Coalition mondiale pour l'alimentation scolaire lui a permis d'être clairement identifiée par ses partenaires sur cette thématique majeure de la sécurité alimentaire.

Néanmoins, vos rapporteurs notent que, si ces initiatives vertueuses ont conduit à une plus grande identification de la France sur les questions de sécurité alimentaire, il apparaît nécessaire de souligner certains écueils propres à ces dispositifs multilatéraux.

D'une part, ils interviennent dans un contexte de multiplication des coalitions, initiatives et fonds multilatéraux en matière d'aide et de sécurité alimentaires. Les rapporteurs incitent à limiter la prolifération de nouvelles structures. Cette évolution participe à une dispersion de l'aide internationale et nourrit un risque de saupoudrage des contributions multilatérales de la France. Le suivi pluriannuel des contributions françaises s'en trouve complexifié.

D'autre part, dans une logique de rationalisation de la gouvernance internationale de l'aide et de la sécurité alimentaires, il importe que ces nouvelles initiatives et structures s'appuient sur des organisations existantes. À cet égard, adosser le pilier II de FARM sur le PAM et le pilier III sur le FIDA illustre une bonne pratique qu'il paraît nécessaire de pérenniser pour limiter la création de nouvelles structures de gestion administrative.

b) Au-delà du seul levier financier, la France dispose d'atouts certains au sein du système onusien de l'agriculture et de l'alimentation

Sortant du prisme des contributions, la France peut également mettre en avant certains atouts au sein du système onusien de la sécurité alimentaire.

Il s'agit notamment de la possibilité de soutenir l'intégration d'experts français au sein des organisations internationales. D'une part, le dispositif des experts techniques internationaux (ETI) permet de mettre à disposition des organisations internationales un appui technique et de conseil. Les ETI sont sélectionnés et suivis par Expertise France. Cinq ETI sont actuellement déployés dans des activités relevant de la sécurité alimentaire selon expertise France dont un conseiller agriculture, climat et biodiversité au sein de la FAO. De plus, trois ETI sont en cours d'instruction et six en cours de publication. Cette projection d'experts français à l'international permet, tout en soutenant leurs organisations d'accueil, de promouvoir les priorités stratégiques françaises. Ainsi, parmi les futurs postes d'ETI figurent un poste d'« expert Coalition mondiale pour l'alimentation scolaire » et un expert nutrition, tous deux au sein du PAM, au siège et en bureau pays. D'autre part, les dispositifs des jeunes experts associés (JEA) et des volontaires des Nations unies (VNU) peuvent également être mobilisés.

En outre, la France peut valoriser sa propre expertise logistique et opérationnelle dans l'acheminement et la distribution de l'aide alimentaire. Dans cette perspective, l'expérience acquise par le centre de crise et de soutien du ministère de l'Europe et des affaires étrangères constitue une plus-value certaine par rapport aux autres contributeurs. Cette démarche confirmerait l'investissement de la France, qui copréside un groupe des amis de la logistique et de la chaîne d'approvisionnement du PAM depuis juin 2024, dans cette thématique.

Des coopérations logistiques pourraient être ainsi envisagées avec le CDCS pour mutualiser avec le PAM les stocks humanitaires de la France prépositionnés dans les Outre-mer. Trois centres de stockage sont en effet localisés en Guadeloupe, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, à proximité des zones fréquemment touchées par des catastrophes. Une mise à disposition d'une partie de ces stocks au PAM permettrait à ce dernier d'élargir sa couverture, notamment dans l'Indopacifique.

De même, des bonnes pratiques de formation et de retours d'expérience devraient être encouragées entre les opérateurs français et les organisations internationales. L'Armée de l'air et de l'espace a organisé un retour d'expérience auprès de l'UNHAS après ses premiers largages humanitaires au-dessus de la Bande de Gaza.

Recommandation n° 10 : Encourager les coopérations opérationnelles et logistiques entre le centre de crise et soutien et le Programme alimentaire mondial (MEAE, CDCS).

Par ailleurs, les entreprises françaises disposent d'une expertise certaine en matière d'alimentation et de nutrition. À titre d'exemple, l'entreprise normande Nutriset, qui produit des aliments nutritionnels spécifiques, constitue un fournisseur essentiel pour le Programme alimentaire mondial. Les rapporteurs estiment que la promotion du savoir-faire français devrait être davantage valorisé auprès du PAM et des autres organisations spécialisées de l'ONU.

Recommandation n° 11 : Valoriser, auprès des organisations spécialisées de l'ONU, l'expertise des entreprises françaises en matière d'alimentation et de nutrition (MEAE).

2. Les efforts engagés pour encourager la redevabilité des organisations internationales en matière de sécurité alimentaire doivent être poursuivis

L'exigence de redevabilité des contributions internationales versées par la France est consubstantielle à la nature de cette aide multilatérale. Lorsqu'un État finance l'action de telles organisations, il externalise une partie de son action extérieure. Cette délégation d'une politique publique est plus complexe à valoriser pour les autorités nationales auprès de leurs citoyens-contribuables comme des bénéficiaires finaux. Les mécanismes de redevabilité poursuivent en ce sens un double objectif de contrôle du bon usage des deniers publics et de valorisation de l'action publique déléguée à des organisations internationales.

Les ambassadeurs et membres des représentations permanentes d'États membres rencontrés par vos rapporteurs lors de leur déplacement à Rome (Brésil, Maroc et Suisse) leur ont confirmé l'activisme de la France au sein des instances de gouvernance pour contrôler la conformité des actions menées par les différentes organisations avec ses priorités. Au travers de sa représentation permanente, la France encourage le renforcement des dispositifs de redevabilité et la publicité des travaux d'évaluation. À titre d'exemple, au niveau de l'OAA/FAO, la France a ainsi exigé, avec un succès limité, la publication sur le site de l'organisation des accords-cadres bilatéraux conclus avec les pays bénéficiaires.

L'action de la représentation permanente de la France auprès des Nations unies à Rome est déterminante. Seuls 25 États disposent aujourd'hui d'une représentation permanente distincte de leur ambassade en Italie. Outre les pays dits « du P5 » (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie), il s'agit en majorité des grands contributeurs aux organisations des Nations unies.

Les efforts de la représentation sont soutenus, au niveau central, par l'équipe de NUOI consacrée aux contritions volontaires. Cette dernière comprend douze personnes dont deux plus spécifiquement chargées du suivi des contributions en matière de sécurité alimentaire. À cette équipe s'ajoute la « cellule redevabilité » mise en place à la suite des recommandations de nos collègues Vincent Delahaye et Rémi Féraud51(*). Leur rapport sur les contributions internationales de la France avait en effet souligné la nécessité de disposer, en interministériel, d'une structure permettant la mise en commun des données budgétaires relatives aux contributions et d'analyser leur cohérence au regard des objectifs poursuivis par la France.

Au niveau du PAM, les moyens d'audit, de suivi de la performance et d'évaluation sont particulièrement poussés. La publication de rapports pays est complétée par des évaluations transversales et des rapports de redevabilité sur les contributions fléchées. Si la France est particulièrement investie sur cette question, vos rapporteurs notent que cette culture de la redevabilité du PAM tient particulièrement à son modèle de financement dépendant de contributions volontaires.

Au niveau de l'OAA/FAO, les efforts de transparence de la France et d'autres bailleurs rencontrent moins de succès. Un rapport du corps commun d'inspection des Nations unies consacré à cette organisation52(*) et publié fin 2023 a ainsi souligné les dysfonctionnements administratifs qui perdurent en son sein. Tout d'abord, le rapport a souligné le manque de transparence budgétaire de la FAO. Les programmes budgétaires ne détaillent pas la ventilation des crédits entre les différentes actions et les effectifs consacrés. L'indépendance des services de déontologie et des services d'audit interne et d'évaluation, ensuite, semble très insuffisante, ce qui compromet l'objectif de redevabilité de son action. Enfin, la gestion des ressources humaines de l'organisation paraît largement hasardeuse, compte tenu d'un taux de vacance des postes supérieur à 20 %. Afin de davantage peser sur cette problématique, la représentation permanente de la France a oeuvré à revitaliser le « groupe de Genève », une enceinte de coordination rassemblant les principaux contributeurs affinitaires sur les questions de gouvernance.

Recommandation n° 12 : Poursuivre les efforts de redevabilité et de transparence au sein des organisations spécialisées des Nations unies, en particulier au sein de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (OAA/FAO) (Représentation permanente de la France auprès des Nations unies à Rome).

Il importe néanmoins de souligner, comme l'ont rappelé les auditions menées par vos rapporteurs auprès des organismes de la société civile et des services de la représentation permanente de la France à Rome, que le risque zéro constitue un objectif inatteignable en matière de contrôle de l'aide alimentaire. Cette dernière intervient dans des zones de crises où la situation sécuritaire est particulièrement dégradée et où les autorités locales n'assurent plus les fonctions régaliennes. À titre d'illustration, en juin 2023, le PAM a pris la décision, conjointement avec l'Agence américaine du développement international (USAID), de suspendre ses activités d'aide alimentaire en Éthiopie en raison d'un détournement massif de l'aide dans la région du Tigré.

3. Une amélioration de la coordination européenne semble nécessaire mais paraît difficilement atteignable

Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a souligné auprès de vos rapporteurs la nécessité de progresser, au sein du système onusien de l'alimentation et de l'agriculture, dans la coordination de l'action européenne. Si les États membres de l'Union européenne ont chacun des orientations spécifiques en matière d'aide alimentaire, la mise en commun de leur influence leur permettrait de peser davantage face aux autres contributeurs. Hors États-Unis, l'UE et ses États-membres combinés sont en effet le principal contributeur du PAM avec un total de 2,6 milliards de dollars de contributions en 2023.

Or, actuellement, la coordination européenne au sein des organisations spécialisées de l'ONU à Rome est très largement perfectible. À titre d'illustration, la représentation permanente française ne dispose pas en amont du montant des contributions des autres États européens ni de l'orientation de leurs contributions fléchées. Elle doit s'appuyer sur les organisations bénéficiaires elles-mêmes pour obtenir des informations consolidées.

Place des contributions combinées de la Commission européenne
et des États membres sur les quinze principaux contributeurs du PAM en 2022

(en millions de dollars)

Source : commission des finances, d'après les données du PAM

Au sein du PAM, l'idée avait été émise par la France, au cours des négociations du dernier accord de répartition des sièges du Conseil d'administration, d'une plus grande mobilisation des contributions de l'Union européenne. Cette mobilisation se serait traduite par une répartition d'une partie de la contribution de la Commission européenne au PAM entre les États membres sous la forme d'une quote-part calculée selon leur participation au budget de l'Union. Ce « bonus européen » aux contributions des États membres leur permettrait de peser davantage au sein du PAM notamment.

Part des contributions des États membres de l'Union européenne au PAM en 2023

(en pourcentage et en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après les données du PAM

Vos rapporteurs approuvent cette volonté du ministère de l'Europe et des affaires étrangères de se saisir du canal européen mais voient dans le positionnement de l'Allemagne, contributeur majeur au système onusien, la principale limite à cette initiative. La disproportion entre les contributions volontaires de l'Allemagne et celles de ses partenaires européens en matière d'aide alimentaire la place en position de force et ne l'incite en rien à une mutualisation des contributions européennes. Plus de 64 % du total des contributions européennes au PAM (hors Commission) sont ainsi versées par l'Allemagne contre moins de 9 % par la France.

Recommandation n° 13 : Plaider auprès de nos partenaires européens et de la Commission européenne pour que la contribution de l'UE au PAM soit répartie entre les États membres, sous la forme d'une quote-part calculée selon leur participation au budget de l'Union et qui serait reportée sur la contribution de chaque État à ces organisations (MEAE, représentation permanente de la France auprès des Nations unies à Rome).

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 10 juillet 2024 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de MM. Michel Canévet et Raphaël Daubet, rapporteurs spéciaux, sur l'aide alimentaire.

M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons par une communication de nos rapporteurs spéciaux sur la mission « Aide publique au développement », relative à l'aide alimentaire.

M. Raphaël Daubet, rapporteur spécial. - En tant que rapporteurs spéciaux de la mission « Aide publique au développement », Michel Canévet et moi-même avons choisi de poursuivre le travail de contrôle engagé avec mon prédécesseur Jean-Claude Requier sur l'aide alimentaire au sein de notre politique de développement, et ce pour deux raisons principales.

La première raison tient à l'actualité : la crise sanitaire liée au covid-19 et l'agression russe contre l'Ukraine ont profondément dégradé la sécurité alimentaire dans le monde. Cela exige un effort important de la part des grands États donateurs, dont fait partie la France.

La seconde raison tient à la situation budgétaire propre à la mission « Aide publique au développement ». Le total des crédits consacrés à l'aide au développement dans le budget de l'État a plus que doublé entre 2017 et 2024, pour atteindre environ 15 milliards d'euros. Si cet effort honore la France, le contexte budgétaire incertain renforce notre obligation de veiller à l'efficience de la dépense publique. C'est pourquoi nous cherchons à mieux évaluer notre politique d'aide au développement, comme nous le faisons pour n'importe quelle autre politique publique. Nous poursuivrons d'ailleurs cette démarche à la rentrée, puisque la Cour des comptes devrait remettre prochainement à la commission des finances une enquête 58-2 sur les contributions de la France en matière d'aide multilatérale.

Si les définitions peuvent varier selon les organisations internationales, nous estimons que l'aide alimentaire correspond à une action d'assistance alimentaire visant, à court terme, à garantir l'accès à une alimentation suffisante et sûre en période de crise alimentaire et, à moyen et long termes, à renforcer la résilience des populations des pays affectés par l'insécurité alimentaire.

L'aide alimentaire peut prendre différentes formes : traditionnellement, elle visait à écouler les surplus de production agricole des pays développés ; de nos jours, elle s'exerce de plus en plus sous la forme de transferts financiers. Pour prendre un exemple récent, à Gaza, le Programme alimentaire mondial (PAM) fournit aux habitants des bons d'achat auprès de boulangeries agréées.

Ces éléments de définition étant posés, permettez-moi de revenir un instant sur la situation alimentaire mondiale. Les Nations unies estiment que 735 millions de personnes ont souffert de la faim en 2022, soit 9,2 % de la population mondiale. L'insécurité alimentaire est plus particulièrement concentrée en Afrique, où se situent la majorité des pays les moins avancés (PMA) et où 20 % de la population est touchée par la faim. Il s'agit également de la région où la faim a le plus progressé au cours des dernières années, le nombre de personnes touchées ayant augmenté de plus 48 % entre 2015 et 2022.

Trois facteurs principaux contribuent au déclenchement de crises alimentaires.

Premièrement, les crises géopolitiques et les conflits déstabilisent les systèmes agricoles et l'approvisionnement des pays concernés. Les cinq pays et territoires en situation de crise alimentaire majeure en 2023 - la bande de Gaza, le Burkina Faso, le Mali, la Somalie et le Soudan du Sud - connaissent un niveau de conflictualité très élevé.

Deuxièmement, le changement climatique perturbe la production alimentaire des pays les plus vulnérables. La sécurité alimentaire de quelque dix-huit pays s'est dégradée en 2023 du fait d'aléas climatiques : sécheresse, feux, pluies intenses ou inondations.

Troisièmement, les chocs économiques peuvent limiter l'accès aux ressources alimentaires. Une forte inflation dans les pays en crise alimentaire réduit évidemment la disponibilité des ressources. En 2023, la dégradation du contexte économique a renforcé l'insécurité alimentaire dans vingt et un pays.

La dimension politique et géopolitique de cette question devient majeure. Il convient de reconnaître que la dimension politique de l'agriculture a été quelque peu oubliée en Europe cependant que des pays tels que la Russie, la Chine, le Brésil ou les États-Unis ne l'avaient pas perdu de vue, comme l'a souligné la représentante permanente de la France auprès de l'ONU à Rome, Mme Céline Jurgensen, lorsque nous l'avons rencontrée.

En réponse à la multiplication de ces crises alimentaires, les flux internationaux ont largement progressé depuis le début des années 2010. Si leurs estimations du total de l'aide alimentaire distribuée diffèrent, l'OCDE et la Convention de Londres s'accordent sur le fait que le montant de celle-ci a été multiplié par trois entre 2014 et 2022.

La comptabilisation de l'aide alimentaire demeure un exercice délicat. Nous avons constaté qu'il n'existe pas d'évaluation transversale de l'aide alimentaire de la France. Le ministère n'a pas été en mesure de nous fournir cette donnée. En reconstituant les dépenses effectuées en 2023, nous avons évalué le total de notre aide alimentaire à 347 millions d'euros. Si cette estimation est exacte, la France se situe plutôt en retrait par rapport à d'autres contributeurs : elle ne serait que le quatorzième contributeur d'aide alimentaire parmi les pays de l'OCDE. Au sein des pays européens, elle se classe après l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Suède.

Pour autant, la France a accentué ses efforts, dans la mesure où l'aide alimentaire programmée (AAP), qui constitue le « noyau dur » de notre aide alimentaire, a été multipliée par cinq depuis 2019. Les personnes que nous avons auditionnées ont largement souligné la réactivité et l'agilité de la France, qui en font une exception à préserver absolument. Nous ne sommes pas les plus gros contributeurs, mais nous sommes certainement les plus réactifs. Or en matière alimentaire, le coût de l'inaction est toujours très supérieur à celui de l'action - il faut aller vite !

J'en viens maintenant aux canaux de distribution de notre aide alimentaire. Il existe un canal bilatéral et un canal multilatéral. J'évoquerai brièvement le premier et laisserai Michel Canévet présenter le second.

Sur le plan bilatéral, le principal constat que nous formulons est qu'il n'existe pas de guichet unique de l'aide alimentaire française. La direction générale de la mondialisation du ministère de l'Europe et des affaires étrangères dispose d'un instrument dédié, l'aide alimentaire programmée, mais d'autres instruments budgétaires contribuent à financer nos actions en la matière, notamment le fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation (FUHS), géré par le centre de crise et de soutien (CDCS) et le fonds Minka, géré par l'Agence française de développement (AFD).

Cette dispersion de notre aide alimentaire bilatérale soulève de forts risques de chevauchements. Deux rapports demandés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ont souligné ces risques, que nos auditions ont confirmés. Les projets financés sont similaires et les organisations de la société civile que nous avons interrogées ont du mal à distinguer les différents guichets.

Trois facteurs semblent expliquer ces redondances : premièrement, il n'existe pas de formalisation des mandats respectifs des différents instruments bilatéraux qui concourent à notre aide alimentaire ; deuxièmement, la hausse des enveloppes consacrées à l'aide alimentaire programmée et au fonds d'urgence humanitaire a multiplié les zones de recoupements ; troisièmement, la coordination entre ces différents instruments est largement perfectible.

En effet, l'AAP, le FUHS et le fonds Minka sont gérés par trois services différents. Il existait jusqu'en 2023 un comité interministériel de l'aide alimentaire. Si nous n'allons pas jusqu'à recommander de recréer une nouvelle instance, il nous parait au moins nécessaire que les services échangent davantage sur les priorités de notre politique d'aide alimentaire.

M. Michel Canévet, rapporteur spécial. - S'agissant de l'aide alimentaire française transitant par le canal multilatéral, le total des contributions multilatérales de la France aux organisations participant à la sécurité alimentaire représentait 252,93 millions d'euros en 2023, soit la majeure partie de notre aide en la matière.

Trois organisations spécialisées des Nations unies situées à Rome contribuent plus spécifiquement à la lutte contre la faim dans le monde : l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (OAA/FAO), qui est spécialisée dans l'appui aux politiques agricoles et dans la coopération technique ; le Programme alimentaire mondial, qui est le principal opérateur d'aide alimentaire ; et le Fonds international de développement agricole (Fida), qui est centré sur l'appui au développement agricole et dont les modes d'intervention sont proches de ceux de l'Agence française de développement.

Dans le cadre de notre mission de contrôle, nous nous sommes rendus à Rome pour mieux comprendre le travail de ces trois agences et échanger avec ses différents responsables. Pour éviter d'être trop long tout en restant concret, j'aborderai plus en détail l'engagement de la France auprès du Programme alimentaire mondial, qui est de loin le premier opérateur international d'aide alimentaire, son budget s'élevant à 8 milliards d'euros.

Cette organisation dispose d'une expérience logistique et assure un soutien technique à l'ensemble des acteurs de l'aide humanitaire. Elle assure notamment la gestion du service aérien humanitaire des Nations unies (UNHAS), qui lui permet de transporter 900 tonnes de fret par mois. Le PAM nous a donné un exemple parlant de son action : il achète environ 399 tonnes de nourriture par heure, soit l'équivalent du poids de 266 hippopotames.

D'une part, la France a considérablement renforcé ses contributions à cette organisation, qui sont passées de 17,5 millions d'euros en 2018 à 167 millions d'euros en 2023, et par conséquent son influence au sein de celle-ci. En effet, son financement reposant uniquement sur des contributions volontaires, la position de donateur important offre de facto un contact privilégié avec l'agence. Dans le cadre du dernier accord de rotation des États au conseil d'administration du PAM, l'apport financier de la France lui a permis d'y siéger sept ans sur neuf.

D'autre part, la France s'est engagée auprès du PAM et d'autres acteurs multilatéraux sur de grandes priorités thématiques, à l'instar de la coalition mondiale pour l'alimentation scolaire, que la France préside avec la Finlande et le Brésil. L'alimentation scolaire est en effet un filet de sécurité sociale particulièrement utile aux bénéficiaires finaux : elle améliore la nutrition et la santé des enfants ; elle soutient le revenu des ménages en créant des emplois dans les cantines et en renforçant les marchés locaux ; et elle augmente le niveau d'éducation, notamment celui des filles.

L'engagement de la France sur un sujet aussi porteur a renforcé sa visibilité dans le domaine de la sécurité alimentaire, comme nous avons pu le constater au cours de nos échanges avec les ambassadrices du Brésil et de la Suisse auprès des agences onusiennes à Rome.

Par ailleurs, nous avons pu mesurer les efforts de la France au sein du système onusien pour renforcer la redevabilité des organisations internationales intervenant dans le domaine de la sécurité alimentaire. Nos contributions internationales reviennent à déléguer une politique publique à un opérateur international. Il paraît donc nécessaire de contrôler, en retour, le bon usage de ces financements et de valoriser cette action publique externalisée. En effet, si l'action de la France en faveur d'une meilleure recevabilité rencontre plus de succès auprès du PAM que de la FAO, d'importants problèmes de gouvernance et de transparence persistent au sein de cette organisation.

Nous avons également pu observer un déficit de coordination européenne au sein des instances de gouvernance des agences de l'ONU à Rome. Ce point avait déjà été soulevé dans un précédent rapport par nos collègues Vincent Delahaye et Rémi Féraud. Il nous apparaît nécessaire de faire progresser la coordination de l'action européenne au sein du système onusien de l'alimentation et de l'agriculture, l'Union européenne et ses États membres constituant le principal contributeur du PAM, auquel ils ont octroyé 2,6 milliards de dollars au total en 2023.

J'en viens aux recommandations qui découlent de nos travaux. Elles sont au nombre de treize - ce qui, je l'espère, ne sera pas de mauvais augure pour notre réunion - et se découpent en trois ensembles.

Les premières ont trait à la valorisation de l'effort français en matière d'aide alimentaire, qui est la condition du maintien d'un niveau élevé de celui-ci. Il nous paraît souhaitable que cette aide soit mieux identifiée au sein du total de notre aide publique au développement.

Ensuite, nous avons émis plusieurs recommandations portant sur les instruments bilatéraux contribuant à l'aide alimentaire de la France. Nous appelons à une clarification de leurs objectifs et à une meilleure coordination pour éviter les chevauchements.

Enfin, certaines recommandations font suite à notre déplacement à Rome auprès des organisations de l'ONU spécialisées dans l'aide alimentaire. Si nous estimons que le travail de ces agences est positif, en particulier celui du PAM, il nous semble indispensable que la France poursuive ses efforts en faveur d'une meilleure redevabilité et d'une plus grande transparence au sein de ces institutions.

Avant de passer aux questions, Raphaël Daubet et moi-même tenons à remercier chaleureusement de leur accueil et de la qualité de leur travail la représentante permanente de la France auprès de l'ONU à Rome, Mme Céline Jurgensen, qui s'est particulièrement impliquée dans ce déplacement, ainsi que ses équipes.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'aide publique au développement est toujours un sujet sensible au moment d'examiner le budget. Je remercie les deux corapporteurs d'avoir mis l'accent sur l'aide alimentaire, cela m'a rajeuni de cinquante ans, me renvoyant à une époque où nous allions dans les villages vendre des timbres pour lutter contre la faim dans le monde... Nous ne saurions rester sans réagir face aux carences alimentaires dans le monde.

Votre constat est préoccupant, et la complexité du schéma de l'aide alimentaire qui figure dans le rapport est éloquente. Faute d'une vision consolidée, à 360 degrés, les coûts s'additionnent de manière vertigineuse. Cela contrevient à l'esprit de responsabilité auquel nous aspirons s'agissant de la dépense publique. Cela vaut tant à l'échelle de la France qu'à celle des instances internationales.

J'espère que vos recommandations permettront d'améliorer la situation et d'aboutir à une dépense publique mieux ciblée. Lorsque le sujet ne manquera pas d'être remis sur la table au moment de l'examen du budget, nous devrons nous montrer précis pour convaincre que nous pouvons réaliser des économies sans nuire à notre efficacité.

M. Bernard Delcros. - Je remercie les rapporteurs spéciaux pour ce rapport très précis et intéressant.

La France est un contributeur important à l'aide publique au développement. Des chiffres ont été évoqués, mais quelle est précisément la place de l'aide alimentaire dans cette contribution ?

Par ailleurs, les collectivités territoriales participent de plus en plus à l'aide publique au développement. Est-ce également le cas pour l'aide alimentaire et, le cas échéant, dans quelles proportions ?

Enfin, quel est le coût de gestion des organisations internationales de l'aide alimentaire ?

Mme Isabelle Briquet. - Merci à nos deux rapporteurs d'avoir réalisé un rapport sur ce sujet complexe et foisonnant.

Je partage l'objectif d'une meilleure coordination avec l'Agence française de développement, qui pilote l'aide au développement. Nous voyons bien que l'aide alimentaire n'est qu'un petit morceau de l'aide publique au développement. Il convient de distinguer ce qui relève de l'urgence et ce qui relève du long terme, notamment les actions pensées en aval pour que les pays puissent aider directement leur population.

Toutefois, je m'interroge sur un point de détail de la recommandation n° 3 : quelle est la nuance entre l'aide alimentaire programmée et l'assistance alimentaire programmée ?

Mme Christine Lavarde. - Quelle forme prend l'aide alimentaire ? Est-ce essentiellement des conteneurs remplis de denrées provenant des pays donateurs ou des flux financiers qui sont ensuite injectés dans l'économie locale, ce qui, en plus d'apporter des calories aux habitants, permet au système économique de vivre ?

Par ailleurs, l'aide alimentaire vise-t-elle à adapter les agricultures locales des pays receveurs pour qu'ils produisent eux-mêmes plus de denrées ? Comment la France lie-t-elle ce sujet aux actions de l'AFD ?

Enfin, la question des réfugiés est gérée par un autre versant de l'ONU, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), ce qui peut avoir pour conséquence que les déplacés finissent par vivre mieux que la population endogène, car ils bénéficient de per diem en dollars alors que la monnaie locale s'effondre. Les responsables des organisations internationales que vous avez rencontrés ont-ils évoqué ce sujet ?

M. Thierry Cozic. - Vous avez mentionné les cinq pays d'Afrique les plus dans le besoin. Comment s'organise l'aide alimentaire avec ces pays ? Nous savons que la France a plutôt mauvaise presse dans certains d'entre eux. Cela remet-il en cause le niveau de l'aide alimentaire que nous leur apportons ?

M. Claude Raynal, président. - L'aide publique au développement est souvent abordée sous un prisme très simple : il s'agit de la seule dépense publique que nous pouvons diminuer sans que cela ait un impact sur la croissance. Qu'en pensez-vous ?

M. Michel Canévet, rapporteur spécial. - Monsieur le rapporteur général, la complexité des dispositifs nous a également frappés. Cela appelle à une meilleure coordination, pour que notre action nationale soit cohérente. C'est l'objet de l'une de nos recommandations. De même, il est souhaitable de simplifier les dispositifs. Plusieurs ONG nous ont indiqué que la multiplication des portes d'entrée ne leur permettait pas de s'y retrouver.

Je suis également d'accord sur la nécessité d'utiliser les moyens de l'aide publique au développement de la manière la plus efficiente possible, indépendamment du niveau des crédits consentis. Si nous avons proposé lors de l'examen du dernier projet de loi de finances de réduire ces crédits, c'est parce que nous avions constaté que nous n'étions pas capables de bien les consommer dans leur ensemble. Il vaut mieux inscrire des objectifs ciblés plutôt que de surconsommer des crédits. Par ailleurs, l'annulation de crédits opérée en 2024 a finalement été plus élevée que l'effort que nous proposions.

Notre contribution à l'aide alimentaire représente environ 350 millions d'euros. Nos contributions internationales au profit d'organisations intervenant en matière de sécurité alimentaire s'élèvent à 252 millions d'euros, sur un total de 15 milliards d'euros d'aide publique au développement, qui concerne également les prêts que nous accordons.

En ce qui concerne les collectivités territoriales, elles interviennent en effet sur l'aide alimentaire. L'AFD peut d'ailleurs leur accorder des crédits pour mener leurs projets en la matière. Toutefois, nous ne disposons pas d'évaluation sur cette question.

Le coût de gestion des organisations internationales demeure une interrogation. C'est pourquoi nous avons demandé à la Cour des comptes un rapport sur les organisations multilatérales, qui devrait nous être remis à la rentrée. Nous savons toutefois que les coûts de gestion du PAM s'élèvent à 6,5 %, ce qui en fait sans doute l'une des organisations internationales où ils sont le moins élevés. Il convient de veiller à réduire au maximum ces coûts pour que les crédits que nous consacrons à l'aide internationale soient perçus par ceux qui en ont effectivement besoin.

Pour répondre à l'interrogation de Mme Briquet sur le sigle AAP, nous avons tenu à conserver celui-ci car il est connu par les acteurs. Mais, estimant que notre action ne doit pas se réduire à des aides matérielles et financières, et que nous devons soutenir et accompagner les acteurs sur le terrain dans une logique de résilience et non plus seulement d'urgence, nous avons jugé le mot « assistance » plus approprié que le mot « aide ».

M. Raphaël Daubet, rapporteur spécial. - Notre aide publique au développement prend essentiellement la forme de flux financiers, et non de conteneurs remplis de denrées. Cela permet de contribuer au développement local, comme l'a souligné Michel Canévet. Les organisations internationales privilégient les flux financiers dès lors que les systèmes productifs agricoles et les systèmes logistiques sur place permettent de fournir les denrées alimentaires nécessaires.

Monsieur le rapporteur général, nous pensons que le besoin de clarification passera certainement par le nexus des trois temps de l'aide alimentaire. Le premier temps est la gestion de la crise, durant laquelle les denrées alimentaires doivent être fournies en urgence. Le second temps est celui de la résilience, c'est-à-dire la reconstruction des moyens de productions agricoles. Le troisième temps est le développement et le soutien à l'agriculture - en cela, je réponds à la deuxième question de Christine Lavarde.

Le terme d'« assistance » traduit mieux cet aspect que celui d'« aide ». La clarification des dispositifs et des organisations internationales passera aussi par l'identification de ces temps, pour y répondre de manière coordonnée.

Nous avons effectivement abordé la question des réfugiés avec nos interlocuteurs, dans la mesure où les populations déplacées provoquent malheureusement des crises alimentaires dans les pays riverains. Nous le voyons actuellement dans le cas du Soudan du Sud et de l'Éthiopie. Les déplacements de réfugiés peuvent aggraver les crises alimentaires. Il s'agit d'un sujet important.

M. Michel Canévet, rapporteur spécial. - J'imagine, monsieur Cozic, que vous pensiez particulièrement aux pays du Sahel - Niger, Mali et Burkina Faso - dans votre intervention. Le sentiment anti-français s'y est développé et la France a mis fin à ses actions d'aide au développement à l'exception des actions d'aide humanitaire. Le Mali est le seul pays à avoir refusé toute forme d'aide. En revanche, les actions internationales se poursuivent, et ces pays continuent d'être soutenus par le Programme alimentaire mondial.

Sur l'invitation de Bruno Belin, qui est le président du groupe d'amitié France-Afrique de l'Ouest, nous avons reçu le directeur général de l'Agence française de développement, qui nous a dit que les liens étaient renoués avec les pouvoirs en place au Mali et étaient en passe de l'être avec les dirigeants du Burkina Faso pour faire en sorte que la France intervienne de nouveau. En tout état de cause, une rupture très claire de nos liens avec ces pays est intervenue.

Claude Raynal a évoqué l'impact des crédits de la mission sur la croissance. Il y a un intérêt direct de la France sur l'ensemble de ces dispositifs. Avec la délégation sénatoriale aux entreprises, j'ai visité voilà quelques années l'entreprise Nutriset en Normandie, qui produit des éléments nutritifs pour les pays en développement. Il y a dix jours, j'ai visité le groupe agroalimentaire coopératif Even dans le Finistère, dont une partie de la production laitière est destinée aux pays en développement. Le PAM achète pour environ 88 millions de dollars par an de produits français pour acheminer directement des denrées alimentaires dans les pays qui en ont besoin.

L'aide alimentaire contribue à la croissance des pays en développement. Les dispositifs du PAM, du Fida et de la FAO reposent sur la mise en place de systèmes de production locaux. C'est le cas pour la distribution de repas dans les écoles, que j'ai évoquée, visant à encourager la scolarisation des enfants, mais permettant également de développer l'économie locale.

La commission a adopté les recommandations des rapporteurs spéciaux et autorisé la publication de leur communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Table ronde des acteurs du Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères

Direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international

- M. Christophe GUILHOU, directeur des affaires globales ;

- M. Jérémy OPRITESCU, sous-directeur des moyens et des opérateurs.

Direction des Nations unies, des organisations internationales, des droits de l'homme et de la francophonie

- Mme Béatrice LE FRAPER DU HELLEN, directrice ;

- Mme Coline MORTEROLLE, rédactrice enjeux globaux ;

- Mme Laetitia MESNAGE, rédactrice à la sous-direction des droits de l'homme et des affaires humanitaires.

Centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

- M. Pierre SALIGNON, chef du centre des opérations humanitaires et de stabilisation.

Direction du Budget - 7e Sous-direction (budgets de l'agriculture, de l'alimentation, de la forêt, des affaires rurales, de l'aide publique au développement, de l'action extérieure de l'État, de l'immigration, de l'asile et de l'intégration)

- M. Louis PASQUIER DE FRANCLIEU, sous-directeur ;

- M. Tài NGUYEN, chef du bureau des affaires étrangères et de l'aide au développement.

Agence française de développement (AFD)

- Mme Marie-Hélène LOISON, directrice générale adjointe ;

- M. Mathieu LE GRIX, responsable du département Agriculture Développement Rural et Biodiversité ;

- Mme Laura COLLIN, chargée de mission.

Expertise France

- Mme Cassilde BRENIÈRE, directrice générale adjointe en charge des opérations ;

- M. Nicolas CHENET, directeur développement durable ;

- M. Xavier CHAMBARD, directeur de la stratégie et des partenariats.

Table ronde des acteurs humanitaires

Agence d'aide à la coopération technique et au développement (ACTED)

- Mme Marie-Pierre CALEY, directrice générale.

Action contre la Faim

- M. Chibuzo OKONTA, directeur général.

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Déplacement auprès des organisations spécialisées des Nations unies à Rome

Représentation permanente de la France auprès des Nations unies à Rome

- S.E. Mme Céline JURGENSEN, Ambassadrice, représentante permanente de la France auprès des Nations unies à Rome ;

- M. Sylvain FOURNEL, représentant permanent adjoint ;

- M. Lacina KONE, conseiller PAM ;

- M. Michel LÉVÊQUE, conseiller agricole ;

- Mme Anaïs DEFFRENNES, chargée de mission FIDA ;

- M. Ismaël LAGRANGE, attaché PAM.

Organisation mondiale pour l'alimentation et l'agriculture (OAA/FAO)

- M. Alexander JONES, directeur de la division mobilisation des ressources ;

- M. Rein PAULSEN, directeur du bureau des urgences et de la résilience.

Programme alimentaire mondial (PAM)

- Mme Carmen BURBANO, directrice de la division alimentation scolaire ;

- M. Robert VAN DER ZEE, directeur financier ;

- M. Samer ABDELJABER, directeur de la coordination des urgences, de l'analyse stratégique et de la coordination des bureaux régionaux ;

- Mme Betty KA, directrice de la chaîne d'approvisionnement et de l'exécution ;

- Mme Valérie GUARNIERI, sous-directrice exécutive aux programmes et opération.

Fonds international pour le développement agricole (FIDA)

- Mme Gérardine MUKESHIMANA, vice-présidente du FIDA ;

- M. Charles TELLIER, directeur de cabinet du président.

Table ronde avec des ambassadeurs des États partenaires de la France

- S.E. Mme Carla CARNEIRO BARROSO, Ambassadrice du Brésil ;

- S.E. Mme Krisztina BENDE, Ambassadrice de Suisse.

Déjeuner de travail avec des Français des organisations spécialisées des Nations unies à Rome

- M. David LABORDE, directeur de la division de l'économie agroalimentaire de la FAO ;

- M. Gilles MARTIN, spécialiste technique en chef du climat du FIDA ;

- M. David RYCKEMBUSCH, chief corporate performance planning du PAM.

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI (TEMIS)

N° de la proposition

Proposition

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support

1

Faire apparaître, au sein du document de politique transversale dédié à la politique de développement, une synthèse de l'aide engagée par grande thématique, dont celle de la sécurité alimentaire

Direction générale de la mondialisation (DGM)

Automne 2024

Documents annexés au PLF 2025

2

Consolider l'évaluation de l'aide alimentaire française pouvant être comptabilisée au titre de la convention de Londres, au-delà du seul instrument de l'aide alimentaire programmée

DGM

2025

Documents transmis en vue du rapport annuel de la convention de Londres

3

Changer la dénomination de l'aide alimentaire programmée, éventuellement en « assistance alimentaire programmée », pour mieux refléter les évolutions de cet instrument et plus largement de cette politique d'aide internationale

DGM

Automne 2024

Documents annexés au PLF 2025

4

Dans le cadre de l'augmentation des crédits de l'aide humanitaire, maintenir le montant total d'aide alimentaire de la France, tant dans son volet bilatéral que dans son volet multilatéral

Ministère de l'Europe et des Affaires Étrangères (MEAE)

Automne 2024

PLF 2025

5

Formaliser et préciser les mandats d'intervention respectifs des différents instruments participant à l'aide alimentaire française, en premier lieu le fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation (FUHS) et l'aide alimentaire programmée (AAP)

DGM, Centre de crise et de soutien (CDCS)

2024

Instruction ministérielle

6

Envisager un rapprochement des procédures de sélection et de redevabilité des projets entre le FUHS et l'AAP

DGM, CDCS

2024

Instruction ministérielle

7

Permettre à Expertise France de participer aux appels à projets de l'AAP

DGM

2024

Tous moyens

8

Assurer, au niveau de l'administration centrale, une véritable coordination de l'aide alimentaire associant le groupe Agence Française de Développement et ses filiales et prévoir une consultation annuelle des organismes de la société civile

MEAE, Agence française de développement (AFD)

2024

Tous moyens

9

Évaluer les besoins en ressources humaines, au niveau central comme dans les postes diplomatiques, et transcrire les recrutements éventuels dans la programmation des 700 nouveaux ETP prévus au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères d'ici à 2027

MEAE

Automne 2024

Documents annexés au PLF 2025

10

Encourager les coopérations opérationnelles et logistiques entre le centre de crise et soutien et le Programme alimentaire mondial (PAM)

MEAE, CDCS

2025

Tous moyens

11

Valoriser, auprès des organisations spécialisées de l'ONU, l'expertise des entreprises françaises en matière d'alimentation et de nutrition

MEAE

2025

Tous moyens

12

Poursuivre les efforts de redevabilité et de transparence au sein des organisations spécialisées des Nations unies, en particulier au sein de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (OAA/FAO)

Représentation permanente de la France auprès de l'ONU à Rome

2025

Action diplomatique auprès des organisations spécialisées de l'ONU à Rome

13

Plaider auprès de nos partenaires européens et de la Commission européenne pour que la contribution de l'UE au PAM soit répartie entre les États membres, sous la forme d'une quote-part calculée selon leur participation au budget de l'Union et qui serait reportée sur la contribution de chaque État à ces organisations

MEAE, représentation permanente de la France auprès de l'ONU à Rome

2025

Action diplomatique auprès de la Commission européenne et de nos partenaires européens


* 1 Site de la représentation permanente de la France auprès des Nations unies à Rome, « L'aide humanitaire pour lutter contre l'insécurité alimentaire », 2021.

* 2 FAO, FIDA, UNICEF, PAM et OMS, L'état de la santé alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Urbanisation, transformation des systèmes agroalimentaires et accès à une alimentation saine le long du continuum rural-urbain, 2023.

* 3 L'AAP est un instrument spécifiquement dédié à la lutte contre l'insécurité alimentaire au sein du programme 209.

* 4 Pour « Food and Agriculture Resilience Mission ».

* 5 OCDE, « L'efficacité de l'aide alimentaire pour le développement », 2006.

* 6 FAO/OAA, La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture. L'aide alimentaire pour la sécurité alimentaire ?, 2006.

* 7 PAM, «  Evidence Summary. Cash-based transfers : lessons from evaluations », mars 2021.

* 8 FAO/OAA, La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture. L'aide alimentaire pour la sécurité alimentaire ?, 2006.

* 9 Représentation permanente de la France auprès des Nations unies à Rome.

* 10 Burkina Faso, Gaza, Somalie, Soudan du Sud et Mali.

* 11 Site de la représentation permanent de la France auprès des Nations unies à Rome, « L'aide humanitaire pour lutter contre l'insécurité alimentaire », 2021.

* 12 Créé en 1978, à la suite d'une résolution de 1974 adoptée par la conférence mondiale sur l'alimentation, le FIDA découle d'une coopération inédite entre les bailleurs traditionnels, les pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et les pays en développement.

* 13 FAO, FIDA, UNICEF, PAM et OMS, L'état de la santé alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Urbanisation, transformation des systèmes agroalimentaires et accès à une alimentation saine le long du continuum rural-urbain, 2023.

* 14 FAO, FIDA, UNICEF, PAM et OMS, L'état de la santé alimentaire et de la nutrition dans le monde 2022. Réorienter les politiques alimentaires et agricoles pour rendre l'alimentation saine plus abordable, 2022.

* 15 FAO, FIDA, UNICEF, PAM et OMS, L'état de la santé alimentaire et de la nutrition dans le monde 2022. Réorienter les politiques alimentaires et agricoles pour rendre l'alimentation saine plus abordable, 2022.

* 16 Food Assistance Convention, 2022 Annual Narrative Report, 2023.

* 17 Entretien avec Alexander Jones, Directeur de la Division mobilisation des ressources de l'OAA/FAO.

* 18 Depuis 2017, il s'agit de Mme Cindy McCain.

* 19 GAO (US Government Accountability Office) https://www.gao.gov/international-food-assistance.

* 20 Pour United States Agency for International Development.

* 21 Pour United States Department of Agriculture.

* 22 USDA, USAID Deploy $ 1 Billion for Emergency Food Assistance, 18 avril 2024, site officiel du Département américain de l'agriculture.

* 23 La liste de pays prioritaires a été revue par une réunion du CICID en février 2013 et comprenait, avant sa suppression par le CICID de 2023 : le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, les Comores, Djibouti, l'Éthiopie, la Gambie, la Guinée, Haïti, le Liberia, Madagascar, le Mali, la Mauritanie, le Niger, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, le Sénégal, le Tchad et le Togo.

* 24 Anciennement délégation pour l'action extérieure des collectivités territoriales (DAECT).

* 25 Article L. 1111-5 du code général des collectivités territoriales : « Dans le respect des engagements internationaux de la France, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en oeuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire (...) ».

* 26 Pour United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East.

* 27 Pour United Nations Humanitarian Response Depot.

* 28 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances sur les contributions de la France au financement des organisations internationales, par MM. Vincent DELAHAYE et Rémi FERAUD, sénateurs, janvier 2022.

* 29 Cour des comptes, « Comparaison des politiques française, allemande et britannique d'aide publique au développement. Exercices 2015-2021 », 2023.

* 30 Direction générale de la mondialisation, direction générale du Trésor, « Pour une aide au développement performante, au service des plus vulnérables. Stratégie française pour l'aide multilatérale 2017-2021 », avril 2017.

* 31 Pour « Food and Agriculture Resilience Mission ».

* 32 Entretien avec Carmen Burbano, directrice de la division alimentation scolaire du Programme alimentaire mondial.

* 33 Technopolis Group, Évaluation du Fonds d'urgence humanitaire 2015-2018, rapport final, août 2020.

* 34 Technopolis Group, Évaluation de l'aide alimentaire programmée du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, rapport final d'évaluation, mars 2023.

* 35 Rapport annuel de performances, Annexe au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2023, Programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement ».

* 36 Sonia Rahal, « Le Triple Nexus à l'épreuve du terrain : humanitaire-développement-paix », Conférence Nationale Humanitaire du 17 décembre 2020.

* 37 Direction générale de la Coopération internationale et du Développement, Évaluation de l'aide alimentaire programmée, mai 2008.

* 38 Groupe URD, Revue stratégique, « Bilan des engagements de la stratégie humanitaire de la République française 2018-2022 : une aide humanitaire plus efficace face aux crises de demain ? », janvier 2023.

* 39 Technopolis Group, Évaluation du Fonds d'urgence humanitaire 2015-2018, rapport final, août 2020.

* 40 Technopolis Group, Évaluation de l'aide alimentaire programmée du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, rapport final d'évaluation, mars 2023.

* 41 Audition conjointe d'ACTED et Action contre la Faim.

* 42 Technopolis Group, Évaluation de l'aide alimentaire programmée du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, rapport final d'évaluation, mars 2023.

* 43 Audition d'Expertise France.

* 44 Cour des comptes, L'aide apportée par l'État au Liban depuis 2020. Exercices 2020-2022, audit flash, juin 2023.

* 45 Ministère de l'Europe et des affaires étrangères, Réponses aux recommandations issues de l'évaluation de l'aide alimentaire programmée, février 2024.

* 46 Source : réponse au questionnaire de contrôle.

* 47 Bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth.

* 48 Agence française de développement, Cadre sectoriel d'intervention « Agriculture, développement rural et biodiversité », 2022.

* 49 Réponses au questionnaire de contrôle.

* 50 Entretien avec Alexander Jones, Directeur de la Division mobilisation des ressources de la FAO.

* 51 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances sur les contributions de la France au financement des organisations internationales, par MM. Vincent DELAHAYE et Rémi FERAUD, sénateurs, janvier 2022.

* 52 Corps commun d'inspection des Nations unies, Examen de la gestion et de l'administration de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, 2023.

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