N° 190

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 décembre 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la dérive normative de l'Union européenne,

Par MM. Jean-François RAPIN, Didier MARIE
et Mme Catherine MORIN-DESAILLY,

Sénateurs et Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Rapin, président ; MM. Alain Cadec, Cyril Pellevat, André Reichardt, Mme Gisèle Jourda, MM. Didier Marie, Claude Kern, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Georges Patient, Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Louis Vogel, Mme Mathilde Ollivier, M. Ahmed Laouedj, vice-présidents ; Mme Marta de Cidrac, M. Daniel Gremillet, Mmes Florence Blatrix Contat, Amel Gacquerre, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jean-Michel Arnaud, François Bonneau, Mme Valérie Boyer, M. Pierre Cuypers, Mmes Karine Daniel, Brigitte Devésa, MM. Jacques Fernique, Christophe-André Frassa, Mmes Annick Girardin, Pascale Gruny, Nadège Havet, MM. Olivier Henno, Bernard Jomier, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Ronan Le Gleut, Mme Audrey Linkenheld, MM. Vincent Louault, Louis-Jean de Nicolaÿ, Teva Rohfritsch, Mmes Elsa Schalck, Silvana Silvani, M. Michaël Weber.

L'ESSENTIEL

Face aux défis majeurs auxquels l'Union européenne est aujourd'hui confrontée - guerre en Ukraine, transition écologique, migrations... -, les attentes de ses citoyens sont très fortes. Or, dans le même temps, comme l'a manifesté la progression des partis populistes et extrémistes aux élections européennes de juin 2024, l'Union européenne est perçue comme technocratique, lointaine et peu efficace. On lui reproche un processus de décision opaque et peu démocratique, une déconnexion des réalités du terrain, une réglementation excessive et complexe qui pèse sur les États et les collectivités territoriales et qui nuit à la compétitivité des entreprises, ainsi que le dénonce Mario Draghi dans son rapport paru en septembre 2024...

Dès lors, peut-on réellement parler d'une dérive normative et technocratique de l'Union européenne ? Alors que l'Union européenne a un rôle essentiel à jouer pour répondre aux nombreux défis du moment, comment rendre l'action de l'Union européenne plus légitime, plus efficace et mieux admise par les citoyens ? À l'aube d'un nouveau cycle institutionnel européen, la commission des affaires européennes du Sénat a souhaité dresser un état des lieux et formuler des propositions. Elle a confié à trois de ses membres un rapport d'information sur ce sujet : tous trois convaincus de la nécessité de l'Union européenne, ils assument une certaine exigence envers elle, comme remède à la défiance croissante.

I. UNE DÉRIVE NORMATIVE DE L'UNION EUROPÉENNE QUI LA FRAGILISE

A. UN VOLONTARISME EUROPÉEN ALIMENTANT LE RISQUE D'UNE DÉRIVE NORMATIVE... 

Le premier mandat de Ursula von der Leyen à la présidence de la Commission européenne a été marqué par une intense activité normative de l'Union européenne. Confrontée à une succession de crises, depuis la crise migratoire à la guerre en Ukraine en passant par la pandémie de Covid 19, mais aussi en réponse au défi de la double transition, écologique et numérique, l'Union européenne a été amenée à adopter de nombreux actes ces dernières années : environ 13 000 textes entre 2019 et 2024, contre 5 500 aux États-Unis.

Certains textes, comme ceux instaurant un devoir de vigilance des entreprises en matière environnementale, interdisant la commercialisation en Europe de produits issus de la déforestation ou encore le règlement sur la gestion des déchets et des emballages, ont imposé de fortes contraintes aux États membres, aux collectivités territoriales et aux entreprises, notamment les PME. Dans son récent rapport, Mario Draghi fait observer que le produit intérieur brut de l'Union européenne décroche sensiblement en raison d'un ralentissement de sa croissance et de sa productivité. Selon une étude, les charges administratives de l'UE représentaient un coût annuel de l'ordre de 150 milliards d'euros, soit 1,3 % du PIB européen.

Il faut aussi déplorer les bases juridiques parfois fragiles des initiatives législatives européennes - fondées de manière parfois contestable sur les articles 114, 122 et 352 du TFUE -, une préférence croissante pour les règlements plutôt que les directives plus respectueuses de la diversité nationale, ainsi qu'un volontarisme exécutif de la Commission se traduisant par un recours abusif aux actes d'exécution ou aux actes délégués.

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