B. PRÉSENTATION DES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX APPLICABLES EN MATIÈRE MIGRATOIRE
Au-delà de ces recommandations transversales, la mission d'information s'est attachée à évaluer au cas par cas chacune des catégories d'instruments internationaux applicables en matière migratoire. Cinq catégories principales ont pu être identifiées :
· les accords relatifs aux visas de court séjour : les accords de cette nature peuvent être subdivisés en deux catégories, selon la nature des passeports concernés. Les exemptions de visas de court séjour applicables aux détenteurs de passeports « civils » sont exclusivement traitées au niveau européen, sans qu'un accord ne vienne toutefois systématiquement formaliser cette exemption. La conclusion d'accords d'exemption applicables aux titulaires de passeports diplomatiques reste en revanche de la compétence des États membres. Dans les deux cas, ces accords possèdent une dimension politique qui ne doit pas être négligée. Suivant l'avis de Muriel Jourda et Olivier Bitz, la commission a estimé qu'il n'était pas illégitime de mettre ces exemptions de visas au service des autres objectifs de la politique migratoire, à l'instar de ce qui est fait au niveau européen avec le « levier visa-réadmission » ;
· les accords relatifs à la lutte contre l'immigration irrégulière : cet ensemble comprend à la fois des accords dits de « réadmission », bilatéraux ou européens, et des instruments techniques plus souples et non contraignants. Ils visent à formaliser un cadre de coopération en matière de retour reposant sur des procédures dont le caractère négocié est supposé fluidifier le retour des étrangers en situation irrégulière sur le territoire d'un État signataire. D'un point de vue quantitatif, 90 % des réadmissions sont réalisées vers des États tiers couverts par un accord de réadmission. Cet indicateur présente toutefois de nombreuses limites, ne serait-ce que parce que les accords ont été conclus avec les États présentant le plus d'enjeux en matière migratoire. D'un point de vue qualitatif, l'intérêt de ces accords procède en réalité moins de leur lettre que dans les espaces de discussion bilatéraux qu'ils créent. Ceux-ci facilitent a minima le dialogue pour résoudre les dossiers les plus sensibles ;
· les accords de gestion concertée et de codéveloppement : conclus entre 2007 et 2009, ces accords traduisaient une nouvelle politique d'ouverture sélective des frontières. Outre la mise en place d'une structure ministérielle et budgétaire dédiée, leur originalité reposait sur le traitement commun de thématiques jusqu'alors traitées isolément : les migrations et le développement. Ces accords ont toutefois été progressivement délaissés et seuls ceux conclus avec la Tunisie et le Sénégal sont encore actifs aujourd'hui ;
· les accords relatifs aux mobilités professionnelles : ils visent à faciliter l'admission au séjour de deux catégories de travailleurs présentant un intérêt du point de vue de la stratégie d'attractivité de la France : les jeunes et les travailleurs les plus qualifiés. Les résultats obtenus sont particulièrement disparates selon les catégories d'accords concernés. Le dispositif « jeunes professionnels » est ainsi particulièrement décevant, tandis que les programmes « vacances-travail » connaissent un succès qui ne se dément pas ;
· les accords relatifs aux conditions de circulation, de séjour ou d'emploi : ces accords constituent une catégorie particulièrement hétérogène. Certains aménagent des régimes dérogatoires substantiels, à l'image des accords conclus avec les États du Maghreb et singulièrement avec l'Algérie. D'autres sont essentiellement symboliques, à l'instar des conventions de circulation et de séjour conclues avec des États d'Afrique de l'Ouest. Sur ce point, la mission d'information a émis de sérieuses réserves quant à l'intérêt juridique d'accords internationaux qui, lorsqu'ils ne se bornent pas à renvoyer au droit commun, établissent des dérogations qui ne sont souvent qu'imparfaitement connues des services de l'État comme de ceux qui sont supposés en bénéficier. Elle invite a minima à renforcer et harmoniser l'information des services de l'État comme des usagers sur les dérogations au droit au séjour résultant de l'application d'accords internationaux.
Tableau de synthèse des accords internationaux conclus par la France et l'Union européenne en matière migratoire2(*)
Accords relatifs aux visas |
|
Accords européens relatifs à la délivrance de visas court séjour Nombre d'États exemptés (dont accord) Dont accords de facilitation |
31 65 (26) 5 |
Accords d'exemption de visas court séjour pour les détenteurs de passeport diplomatique, de service ou spécial Dont accords bilatéraux Dont accords européens |
27 25 2 |
Sous-total |
58 |
Accords relatifs à la lutte contre l'immigration irrégulière |
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Accords de réadmission Dont accords bilatéraux Dont accords européens |
55 37 18 |
Instruments de coopération technique en matière de réadmission Dont instruments bilatéraux Dont instruments européens |
13 7 6 |
Sous-total |
68 |
Accords de gestion concertée et de codéveloppement |
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Accords de gestion concertée et de codéveloppement |
7 |
Accords relatifs aux mobilités professionnelles |
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Accords relatifs à la mobilité des jeunes Dont accords de mobilité Dont accords « Vacances-Travail » |
27 13 14 |
Accords hybrides relatifs aux mobilités professionnelles |
5 |
Sous-total |
32 |
Accords relatifs aux conditions de circulation de séjour ou d'emploi |
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Accords de circulation Dont accords de circulation nationaux Dont accords de circulation régionaux |
7 3 4 |
Accords mixtes de séjour de circulation ou d'emploi |
16 |
Conventions d'établissement |
6 |
Accords divers |
3 |
Sous-total |
32 |
TOTAL Dont bilatéraux |
197 140 |
Source : Commission des lois, à partir des données communiquées à la mission d'information
* 2 Par souci de lisibilité, les accords hybrides ne sont recensés qu'une seule fois.