III. L'AVENIR DE L'ACCORD : UNE QUESTION QUI NE PEUT PLUS ÊTRE ÉLUDÉE
La nécessité de mettre fin au statu quo fait aujourd'hui l'objet d'un large consensus. La commission considère en effet que les avantages dont bénéficie l'Algérie en matière migratoire n'ont plus de justification évidente en 2025. Le maintien de ce régime de faveur semble par ailleurs d'autant moins justifié qu'il ne s'accompagne pas d'une coopération satisfaisante en matière de lutte contre l'immigration irrégulière, bien au contraire. Considérant l'achoppement de l'ensemble des discussions conduites depuis 2001 pour l'adoption d'un nouvel avenant et l'absence durable de progrès en matière de retours, la nécessité de faire évoluer ce régime justifie dès lors l'établissement d'un rapport de force.
Dans ce contexte, la commission a estimé qu'une solution négociée devait être envisagée en priorité mais que, dans l'hypothèse d'un échec, la France ne devait pas s'interdire de mettre unilatéralement fin à l'application de l'accord pour laisser le droit commun s'appliquer. Juridiquement, la commission souscrit en effet à l'analyse selon laquelle rien ne s'oppose à une dénonciation unilatérale et que celle-ci entraînerait l'application du droit commun aux ressortissants algériens. Une telle mesure aurait un coût diplomatique, politique et économique important et ne saurait donc être envisagée qu'en toute dernière extrémité. Par cohérence, l'accord du 16 décembre 2013 sur l'exemption réciproque de visas de court séjour pour les titulaires d'un passeport diplomatique ou de service devrait alors également être dénoncé
A. LA RENÉGOCIATION DE L'ACCORD, UNE VOIE À PRIORISER EN DÉPIT DE NOMBREUX OBSTACLES
Dans ce contexte, la conclusion d'un quatrième avenant semble a priori constituer la voie la plus rationnelle. De fait, les deux parties ont des revendications légitimes s'agissant de l'évolution de l'accord du 27 décembre 1968. La France souhaiterait revenir sur celles des dispositions qui sont les plus dérogatoires du droit commun en matière d'admission au séjour et retrouver des marges de manoeuvre s'agissant des refus et retraits de titres pour des motifs d'ordre public. L'Algérie aspire, quant à elle, à ce que les dernières évolutions de la législation sur les étrangers puissent être applicables à ses ressortissants, en particulier s'agissant des « cartes talents ». Ces demandes ne semblent a priori pas incompatibles.
L'avantage évident de la solution négociée est par ailleurs de s'épargner les inévitables mesures de rétorsion diplomatiques, économiques et stratégiques qui découleraient d'une remise en cause unilatérale de l'équilibre (ou du déséquilibre) actuel. Si elle ne présente aucune garantie de succès sur le plan de la modification de l'accord, cette approche aurait au moins le mérite de préserver une relation franco-algérienne précieuse pour les deux États mais qui a connu de fortes turbulences sur la période récente.
S'exprimant en son nom, l'ancienne ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des français de l'étranger Sophie Primas a défendu cette position lors de son audition devant la commission le 3 décembre 2024. Les termes qu'elle a utilisés pour résumer l'équation sont limpides : « Trois options s'ouvrent à nous : le statu quo, la négociation d'un avenant, la dénonciation. Chacune doit être pesée en considération de l'ensemble des intérêts en présence : intérêts migratoires, mais aussi intérêts économiques, politiques et diplomatiques. Compte tenu de la place qu'occupe l'accord dans la relation bilatérale franco-algérienne, nous ne pouvons ignorer que du choix retenu dépendra en grande partie le visage que prendra cette relation, laquelle est importante pour nous du point de vue tant humain que stratégique, sécuritaire et migratoire. Toute décision doit donc faire l'objet d'une concertation entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère de l'intérieur. À titre personnel, je pense que la négociation d'un avenant constitue la meilleure option, afin de préserver nos intérêts avec l'Algérie, qui ne disparaîtront pas en dépit des crises, et de nous diriger vers un nouvel équilibre entre immigration familiale et immigration des chercheurs et des entrepreneurs ».
Selon les informations recueillies par la mission d'information, des discussions avaient effectivement été récemment engagées sur ce point. L'ambassade de France en Algérie a ainsi confirmé que, à l'occasion de la cinquième session du Comité intergouvernemental de Haut-Niveau (CIHN) en octobre 2022, les deux parties avaient convenu de réactiver le groupe technique bilatéral de suivi de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 en vue de l'élaboration, le moment venu, d'un quatrième avenant. Ces discussions, par ailleurs encore préliminaires, semblent toutefois avoir été interrompues par la suite.