PARTIE 3 - L'AVENIR DE L'ACCORD FRANCO-ALGÉRIEN : UNE QUESTION DÉSORMAIS INÉLUCTABLE
Parmi les 197 instruments internationaux étudiés par la mission d'information, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 occupe, pour des raisons historiques, juridiques et politiques, une place à part. Conséquence d'une longue histoire partagée, l'intensité des liens entre les deux pays confère une dimension toute particulière à cet accord dont la portée juridique est, en outre, sans commune mesure avec celle des autres accords étudiés. Celui-ci régit en effet complètement les conditions d'accès au séjour, de circulation et d'exercice d'une activité professionnelle des Algériens en France. Ces derniers sont ainsi soumis à un droit intégralement dérogatoire sans équivalent. Le caractère exceptionnel de l'accord du 27 décembre 1968 tient enfin à son caractère éminemment politique. Le maintien de ce régime spécial est ainsi à l'origine d'importants et vigoureux débats de part et autre de la Méditerranée.
A. UN RÉGIME SPÉCIAL POUR L'ESSENTIEL FAVORABLE AUX ALGÉRIENS
Contrairement à une idée répandue, la philosophie de l'accord du 27 décembre 1968 n'était pas de libéraliser les flux migratoires entre la France et l'Algérie mais, au contraire, de les réguler davantage, le régime de libre-circulation établi par les accords d'Évian s'étant traduit par l'établissement d'un volume important et largement inattendu d'Algériens en France. Dans ce contexte, l'accord du 27 décembre 1968 a mis en place un régime spécial de circulation et d'admission au séjour pour les seuls ressortissants algériens. Si l'accord a par la suite fait l'objet de trois avenants (en 1985, 1994 et 2001) qui ont eu pour effet de rapprocher ce statut spécial du droit commun, il n'en demeure pas moins une anomalie dans le droit des étrangers. À titre d'exemple, les Algériens ne se voient pas délivrer des titres de séjour « classiques » mais des certificats de résidence (valables un ou dix ans).
La question du caractère favorable (ou non) du régime dérogatoire dont bénéficient les Algériens est âprement débattue. À l'issue d'une analyse minutieuse de l'ensemble des stipulations de l'accord, les rapporteurs sont néanmoins parvenus à une conclusion sans ambiguïté : les Algériens bénéficient majoritairement de règles plus favorables que le droit commun dans des segments essentiels du droit au séjour ; à l'inverse les stipulations pouvant être considérées comme défavorables aux Algériens sont peu nombreuses et concernent pour l'essentiel des points mineurs de l'accès au séjour. Elles ne sauraient donc remettre en cause le constat général d'un régime très avantageux pour les Algériens.
Part des certificats de résidence délivrés aux Algériens dans les primo-délivrances de titres de séjour et dans le stock de titres valides (2019-2023)
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
|
Primo-délivrances de titres |
287 503 |
229 388 |
282 772 |
318 926 |
326 954 |
Dont Algériens |
27 452 |
23 939 |
25 925 |
29 271 |
31 943 |
En % |
9,5 % |
10,4 % |
9,2 % |
9,2 % |
9,8 % |
Stock de titres valides |
3 411 241 |
3 426 309 |
3 569 298 |
3 833 443 |
4 003 718 |
Dont certificats de résidence |
590 320 |
599 397 |
584 431 |
599 255 |
614 835 |
En % |
17,3 % |
17,5 % |
16,4 % |
15,6 % |
15,4 % |
Source : Commission des lois, à partir des données publiées par le ministère de l'intérieur