EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 30 avril 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Jean-François Husson, rapporteur général, sur le rapport d'avancement annuel du plan budgétaire et structurel à moyen terme 2025-2029.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Cette communication va faire écho à la présentation que vient de nous faire le Premier président de la Cour des comptes. En effet, je vais vous livrer mon analyse du rapport d'avancement annuel (RAA) pour 2025, qui porte sur le plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT) 2025-2029.

Ce rapport a été présenté il y a deux semaines en conseil des ministres et doit être transmis aujourd'hui à la Commission européenne, pour la première fois depuis l'entrée en vigueur du nouveau cadre de gouvernance économique de l'Union européenne le 29 avril 2024.

Je vous rappelle que les règles du pacte de stabilité et de croissance ont été fortement modifiées l'année dernière. Un nouvel indicateur de suivi de l'effort de redressement des comptes publics a ainsi été instauré : la dépense primaire nette (DPN). Désormais, la Commission propose aux États membres dont la dette publique dépasse 60 % du PIB ou dont le déficit public est supérieur à 3 % du PIB une trajectoire de référence. Puis, les États membres déterminent, dans le cadre de leur PSMT portant sur une période de quatre ou cinq ans, leur trajectoire de dépense nette, qui doit être validée par le Conseil. Cette trajectoire est sous-jacente à une période d'ajustement de quatre à sept ans, à l'issue de laquelle le déficit public doit être inférieur à 3 % et la trajectoire de la dette publique doit être descendante.

Pour obtenir un allongement de la période d'ajustement de quatre à sept ans, les États membres doivent détailler la liste des réformes et des investissements conformes aux priorités communes de l'Union européenne qu'ils comptent déployer. C'est ce qu'a fait la France. Les États membres doivent ensuite communiquer chaque année à la Commission, avant le 30 avril, un rapport d'avancement annuel qui remplace le programme de stabilité et le programme national de réforme. Cette démarche a vocation à assurer le suivi de l'application du PSMT. Le texte que nous examinons aujourd'hui est donc le rapport d'avancement annuel 2025, qui vise à faire le point sur l'application du PSMT 2025-2029.

En cas de déviation ponctuelle ou cumulée trop importante par rapport à la trajectoire de dépense nette, les États membres dont le déficit public est supérieur à 0,5 % du PIB et la dette publique supérieure à 60 % du PIB se voient appliquer la procédure pour déficit excessif. Pour les États qui sont déjà en procédure de déficit excessif, comme la France, la trajectoire de dépense nette fait figure de trajectoire de correction : une déviation par rapport à cette trajectoire doit entraîner des actions suivies d'effets et, à défaut, des sanctions financières.

Le PSMT 2025-2029 de la France, adopté en conseil des ministres le 23 octobre 2024 et dont le Sénat a débattu en séance publique le 30 octobre 2024, a été validé par le Conseil de l'Union européenne le 21 janvier 2025. Sa trajectoire de dépense avait au préalable été rectifiée au cours du mois de janvier 2025 pour prendre en compte l'évolution de la cible du déficit 2025 entre les gouvernements Barnier et Bayrou. Je précise que le Sénat n'avait alors pas eu connaissance du détail de cette révision.

Alors que la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf) n'a pas encore été actualisée pour tenir compte du remplacement du programme de stabilité par le PSMT et le rapport annuel d'avancement, le Gouvernement a tout de même transmis au Haut Conseil des finances publiques (HCFP) ce dernier document, en amont de sa transmission au Parlement. Je salue ce geste, sans en exagérer la portée : la transmission du programme de stabilité était une pratique bien établie et la forte dégradation des finances publiques de notre pays, qui exige une transparence accrue, aurait rendu impensable la rétention de ce document par le Gouvernement.

J'en viens à mon analyse du rapport à proprement parler, en débutant par un point sur la situation économique.

Entre la fin 2019 et la fin 2024, le PIB de la France a progressé de près de 1,5 point de moins que celui de la zone euro. Si l'on peut tenter de se rassurer en constatant qu'il a augmenté de près de quatre points de plus que celui de l'Allemagne, j'estime à titre personnel que les performances économiques de la France depuis six ans ont été relativement médiocres.

S'agissant des prévisions de croissance, le Gouvernement revient assez fortement sur le scénario du PSMT 2025-2029 présenté il y a six mois.

Pour 2025, le Gouvernement a fait évoluer son scénario macroéconomique et a revu à la baisse sa prévision de croissance initiale : de 1,1 %, elle était tombée à 0,9 % au moment de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi de finances (PLF). Par la suite, une semaine avant la présentation du rapport annuel d'avancement, le ministre de l'économie et des finances a annoncé une nouvelle révision de la prévision de croissance pour 2025, en l'établissant à 0,7 %, s'alignant ainsi sur les autres prévisions officielles.

Ces révisions successives à la baisse témoignent d'une intensification des incertitudes, que le Gouvernement impute essentiellement à l'environnement international. Aussi, malgré un recul de 0,4 point de la prévision de croissance par rapport à octobre 2024, il n'est pas exclu que celle-ci soit de nouveau revue à la baisse en raison des nombreux aléas qui pourraient nuire à notre économie.

Cette orientation à la baisse se manifeste dans les prévisions les plus récentes, légèrement plus pessimistes que celle du Gouvernement. Ainsi, dans leurs projections du mois d'avril, le Fonds monétaire international (FMI) et le consensus des économistes prévoient une croissance de 0,6 %, tandis que l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) l'estime à 0,5 %.

Les facteurs de croissance identifiés par le Gouvernement pourraient être légèrement moins porteurs qu'il ne le prévoit et les facteurs de recul un peu plus marqués. J'emploie le conditionnel, car il convient de rester prudent.

La croissance serait principalement portée par la consommation des ménages, qui augmenterait de 1,2 % selon le Gouvernement. Hors administrations, alors qu'une progression - certes très limitée - était envisagée en janvier dernier par le Gouvernement, l'investissement poursuivrait sa baisse malgré l'assouplissement de la politique monétaire que la Banque centrale européenne (BCE) a engagé au printemps 2024, dont les effets mettent du temps à se produire. L'investissement des ménages reculerait ainsi de 0,3 point et celui des entreprises de 0,8 point.

Au total, la demande intérieure privée hors stocks contribuerait à hauteur de 0,5 point à la croissance du PIB en 2025, en retrait de 0,1 point par rapport à la prévision gouvernementale de janvier. Si l'on suit les prévisions du consensus ou de l'OFCE, elle pourrait contribuer légèrement moins à la croissance, ce qui est cohérent avec la prévision du FMI.

Cet écart peut s'expliquer par le fait que le Gouvernement ne tient compte que de manière limitée des effets de l'incertitude qui continue de régner à l'échelle nationale. Selon l'OFCE, l'incertitude nationale grèverait la croissance de 0,3 point en 2025, contre 0,1 point en 2024. Celle-ci se conjugue à une incertitude internationale grandissante et à une situation politique toujours instable, qui implique un manque de visibilité sur les mesures de politique économique et fiscale à venir. Ces facteurs sont de nature à renforcer le comportement attentiste des entreprises.

S'ajoute à ce contexte une dégradation du marché de l'emploi due au ralentissement de l'activité et au redressement de la productivité, qui se manifeste par une hausse progressive du taux de chômage. Selon la Banque de France et l'OFCE, celui-ci approcherait les 8 % en 2025, contre 7,4 % en 2024 et 7,3 % en 2023. Cette situation n'encouragerait que modérément la reprise de la consommation des ménages.

En revanche, la consommation publique soutiendrait davantage la croissance qu'initialement prévu du fait d'une consolidation budgétaire moins marquée entre la mouture du budget 2025 du gouvernement Barnier et la cible actuelle du gouvernement Bayrou.

Enfin, le Gouvernement anticipe une contribution nulle du commerce extérieur à la croissance, alors qu'il prévoyait à l'origine une contribution de 0,1 point. Pour l'OFCE, elle pourrait même être légèrement négative, à - 0,1 point.

Ce recul s'explique par l'assombrissement du tableau de l'économie mondiale causé par la politique commerciale américaine, dont les effets seront globalement négatifs sur l'économie française. Le Gouvernement s'est risqué à une réflexion prospective sur l'impact de l'augmentation des droits de douane engagée en février 2025 par le président américain, malgré le caractère imprévisible de ce dernier, qui est revenu à deux reprises sur cette augmentation. Il estime qu'elle grèverait la croissance de 0,3 point en 2025. Ce chiffre est un peu moins élevé que pour d'autres pays européens du fait de la moindre dépendance de l'économie française au marché américain. Au demeurant, cette estimation se fonde sur les mesures annoncées jusqu'au 2 avril inclus, ne tenant donc pas compte de l'assouplissement annoncé par Donald Trump le 9 avril dernier. Par conséquent, elle est probablement légèrement surévaluée.

La hausse des droits de douane de l'ordre de 10 % subie par la France devrait conduire à une baisse des exportations et affaiblir la contribution du commerce extérieur à la croissance. La baisse du dollar et la hausse concomitante de l'euro enregistrée depuis mars dégraderaient notre compétitivité prix, tandis que la réorientation des exportations chinoises vers l'Europe - celles-ci sont soumises à des droits de douane américains de 145 % hors produits high-tech et semi-conducteurs depuis début avril - peut faire craindre une aggravation du déficit commercial.

Les mesures et contre-mesures commerciales auraient un effet positif sur les prix, mais en raison de l'appréciation de l'euro et de la baisse des prix du pétrole résultant du ralentissement des échanges et de l'économie mondiale, un recul de l'inflation en deçà de la prévision gouvernementale de 1,4 % paraît assez probable : la prévision d'inflation pour 2025 est décrite par le HCFP comme « un peu élevée ».

Les risques de délocalisation sur le territoire américain, bien qu'ayant rencontré un certain écho médiatique, restent à documenter, tandis que la baisse des valorisations boursières mondiales pourrait venir amputer la consommation des ménages détenant des actifs.

Les prévisions de croissance contenues dans le rapport annuel d'avancement pour les années à venir sont légèrement révisées à la baisse, ce qui constitue un scénario un peu plus réaliste qu'un maintien pur et simple des prévisions du PSMT, même si elles pourraient être amenées à être encore une fois reconsidérées à la baisse à cause de la multiplication des incertitudes. Cette moindre croissance nous compliquerait la tâche pour atteindre notre cible de déficit pour 2025.

Après un dérapage majeur en 2023, lorsqu'il a atteint 5,4 % du PIB, notre déficit public a continué de se dégrader et s'élevait en 2024 à 5,8 %, au lieu des 4,4 % prévus dans la loi de finances pour 2024 et dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2023-2027. La cible de 3,7 % de déficit public en 2025 fixée par la LPFP il y a seulement dix-huit mois est définitivement hors d'atteinte. Pour l'année en cours, le Gouvernement prévoit en effet un déficit public de 5,4 % du PIB, soit un écart de l'ordre de 50 milliards d'euros par rapport à la cible de la LPFP.

Si l'ambition d'un retour du déficit à son niveau de 2023 est fragilisée par l'assombrissement des perspectives économiques et par le caractère sans doute un peu optimiste des prévisions de recettes, le décret du 25 avril dernier est une raison supplémentaire de penser qu'elle reste atteignable. En effet, celui-ci annule 2,7 milliards d'euros de crédits en crédits de paiement et prévoit, selon le rapport qui lui est associé, qu'« une mise en réserve complémentaire, d'un montant comparable à la présente annulation, sera mise en oeuvre pour reconstituer des marges de manoeuvre visant à sécuriser le bon déroulement de la gestion budgétaire tout au long de l'année 2025 ».

J'en viens maintenant à la trajectoire de finances publiques pour la période 2026-2029. Celle qui est contenue dans le rapport annuel d'avancement n'est pas contraignante, le droit européen se limitant à prévoir que ce document doit rendre compte des progrès accomplis. Mais tant qu'à faire, autant donner tous les éléments dont nous disposons, tant en matière de trajectoire que d'objectifs.

La trajectoire est utilement précisée par le RAA 2025, qui prévoit un effort de l'ordre de 110 milliards d'euros, dont 40 milliards d'euros pour la seule année 2026 pour atteindre notre objectif de ramener le déficit à 3 % du PIB à l'horizon 2029. La réduction prévue par le RAA serait portée par, d'une part, « un ajustement structurel cumulé de 2,1 points de PIB potentiel, malgré un renchérissement du coût de la charge d'intérêt de la dette de 1 point, soit un ajustement structurel primaire de 3,1 points » ; et, d'autre part, « une amélioration de 0,4 point de PIB du solde conjoncturel, la croissance effective étant supposée être plus dynamique que la croissance potentielle jusqu'en 2029 ».

En raison de cet ajustement et de la croissance faible dans les années à venir, l'endettement public augmenterait encore plus que prévu dans le PSMT jusqu'en 2027, pour s'approcher des 120 % du PIB, avant de suivre une trajectoire descendante à partir de 2028.

Cette trajectoire, même si elle part d'un point de départ alarmant, est cohérente avec celle qui est prévue par le PSMT et paraît soutenable. Les décisions nécessaires pour respecter la trajectoire de dépense nette, la seule vraiment contraignante et actuellement tenue, devront de toute façon être prises en temps et en heure.

Je déplore au passage des explications un peu rapides, ou tout du moins pas assez précises sur la prévision d'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB. Après les erreurs d'estimation de 2023 et 2024, ce n'est pas pleinement satisfaisant.

Seule véritablement engageante au niveau européen, la trajectoire de dépense primaire nette (DPN), qui est également notre trajectoire de correction dans le cadre de la procédure pour déficit excessif, est pour l'instant tenue.

Le rapport annuel d'avancement signale que, en 2025, l'évolution de la dépense primaire nette, prévue à + 0,9 %, serait de 0,1 point supérieure à ce que recommande le Conseil, ce qui constitue un écart inférieur au maximum de 0,3 point prévu par les nouvelles règles. Cette bonne orientation ne doit toutefois pas faire perdre de vue que la vigilance et le volontarisme doivent demeurer les maîtres mots de l'action du Parlement en matière de finances publiques dans les années à venir.

En conclusion, je voudrais me réjouir de l'amélioration de la qualité de la documentation dont nous disposons désormais, même si elle reste perfectible. En remettant ce rapport annuel d'avancement, le Gouvernement s'est montré davantage respectueux du Parlement et bien plus rigoureux qu'il ne l'avait été par le passé, notamment dans le cadre du programme de stabilité 2024-2027. Je rappelle que nous avions intitulé notre rapport, d'une manière quelque peu prémonitoire, Programme de stabilité 2024-2027 : chronique d'une dérive budgétaire annoncée. Dans l'océan d'incertitudes dans lequel nous sommes plongés, cette transparence accrue mérite d'être soulignée.

M. Grégory Blanc. - Je m'interroge sur la trajectoire du déficit public. Aux dires du rapporteur général, l'objectif d'une baisse de 0,4 point du déficit en 2025 semble atteignable. Celui-ci passerait ainsi de 5,8 % du PIB en 2024 à 5,4 % en 2025. En revanche, nous savons que l'effort sera considérable pour le ramener de 5,4 % en 2025 à 4,6 % en 2026. Il est question d'un redressement de 40 milliards d'euros en tendanciel, mais nous savons que le chiffre est beaucoup plus faible en structurel.

Sauf erreur de ma part, les ponctions sur les agences de l'État représentent environ 10 % de l'effort en 2025. L'année prochaine, cela ne sera pas le cas. Existe-t-il une estimation des économies qui pourraient encore être réalisées ? Il n'est pas neutre de faire reposer 10 % à 15 % de l'effort sur une ponction des trésoreries. Nous ne pourrons certainement pas reproduire un tel effort l'année prochaine.

Mme Florence Blatrix Contat. - Je partage la satisfaction du rapporteur général sur le fait de disposer de prévisions plus fiables, notamment sur la croissance. Toutefois, je tiens à exprimer mes inquiétudes sur les incertitudes liées au contexte international. Nous espérons davantage de consommation grâce à un reflux de l'inflation, mais les inquiétudes risquent de pousser les ménages à épargner plutôt qu'à dépenser.

Dans le même temps, nous constatons que les entreprises investissent peu. La réindustrialisation promise ne se concrétise pas. Nous observons même plutôt une poursuite de la désindustrialisation, ce qui est inquiétant.

Par ailleurs, le PSMT est relativement peu documenté sur les années à venir. Nous voyons mal comment financer nos besoins d'investissement très importants, tout en respectant la trajectoire proposée. Nous en débattrons cet après-midi en séance publique.

Mme Christine Lavarde. - Mes propos s'inscriront dans la continuité de ceux de Florence Blatrix Contat, avec qui je travaille sur le cadre de gouvernance économique européen, qui a été modifié, et a conduit à la production de ce nouveau document.

Certes, grâce à ce rapport annuel d'avancement, la Commission va nous donner son feu vert sur le PSMT alors que ce n'était pas garanti en janvier. Mais quid de la suite ?

Nous sommes passés du programme de stabilité et du programme national de réforme (PNR) au rapport annuel d'avancement. La partie prospective est désormais optionnelle. Le Gouvernement l'a incluse, mais il aurait pu ne pas le faire. Je me suis amusée à regarder les PNR précédents et rien n'a changé, à part le titre. On nous dit toujours la même chose.

Il est cocasse de lire que les réformes des gouvernements précédents seront poursuivies quand on voit à quel point elles ont bien fonctionné, nous conduisant au niveau de dette et au déficit actuel, qui sont structurels.

Nous devons nous poser la question de l'avenir. Oui, ce document est un quitus pour aujourd'hui, car la trajectoire d'évolution du déficit public qu'il fait figurer est conforme aux attentes des instances européennes. En revanche, qu'avons-nous à proposer à nos concitoyens ? Je ne suis pas sûre que l'évolution de la dépense primaire soit très évocatrice à leurs yeux...

M. Vincent Delahaye. - Je me réjouis des améliorations constatées par le rapporteur général en matière de transparence. Toutefois, j'aimerais que nous profitions tous de ces avancées, car je me pose encore de nombreuses questions.

La prévision de croissance est en baisse. Elle était de 1,1 % au moment où nous avons adopté la partie recettes du PLF ; elle est désormais à 0,7 %, voire moins. Or, nous avons l'impression que cela ne change rien aux recettes. Le Premier président de la Cour des comptes estime atteignable la trajectoire malgré presque un demi-point de croissance de moins que prévu, sauf mauvaise surprise. En réalité, il se couvre en évoquant de potentielles mauvaises surprises, car il pourra toujours dire qu'il nous avait prévenus si tel était le cas - ce qui me semble le plus probable.

J'ai râlé ces dernières années sur le fait qu'on ne distingue pas les dépenses exceptionnelles et les dépenses courantes, ce qui constituait un manque de transparence. A priori, nous n'avons plus de dépenses exceptionnelles, puisque nous sommes sortis de la crise. Cela facilite donc la comparaison. Néanmoins, je m'étonne que l'on nous ait présenté à l'automne 2024 un document prévoyant 0 % de croissance de la dépense nette primaire et que l'on prévoie aujourd'hui 0,9 %. Que s'est-il passé depuis l'automne ? Ces 0,9 % incluent-ils les 5 milliards d'euros de dépenses qui ont été annoncés en faveur de la défense ? Je n'ai pas trouvé la réponse en lisant le rapport.

Nous avons eu une bonne surprise relative en 2024, le déficit s'élevant à 5,8 %, alors que nous redoutions qu'il atteigne 6 %, voire 6,1 %. Dès lors, pourquoi ne modifions-nous pas notre trajectoire pour faire un effort supplémentaire dès 2025 et réduire les marches à franchir les années suivantes ? Cela me semblerait logique et de bonne gestion.

Je suis étonné que la trajectoire change si peu et que les économies nécessaires soient aussi peu documentées, que ce soient les 40 milliards d'économies annoncées ou les 8 milliards d'euros de crédits gelés. J'y reviendrai en séance, mais je veux bien travailler avec le Gouvernement, à condition de le faire en toute transparence. Lorsqu'il nous annonce des chiffres, j'attends de sa part qu'il nous les explique. Aujourd'hui, je suis dans une forme de flou artistique.

M. Claude Raynal, président. - Je suis d'accord avec la dernière remarque de Vincent Delahaye. Pourquoi, malgré le déficit meilleur que prévu en 2024, rien ne se passe-t-il en matière de prospective ? Pourquoi ne pas faire évoluer l'objectif de cette année pour rendre plus facilement atteignable celui des années suivantes ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je donnerai simplement mon point de vue, car mon rôle n'est pas de répondre à la place de l'exécutif. Il y a quelques mois, Laurent Saint-Martin disait espérer que le déficit se limite à 6 % du PIB. Or il a finalement été contenu à 5,8 % - cela, je le répète, n'est tout de même pas glorieux. Cette différence de 0,2 point représente tout de même 6 milliards d'euros ; ce n'est pas l'épaisseur du trait !

Selon moi, en réalisant les efforts nécessaires et en ayant de bonnes surprises, il est possible d'obtenir un résultat meilleur que la prévision. J'entends une bonne partie des sénateurs appeler à trouver 40 milliards d'euros d'économies, mais le dire est une chose, l'obtenir en est une autre. Cela exige du volontarisme.

L'exercice budgétaire est devenu un tunnel dont on ne sort plus. On ne fait que s'accorder quelques pauses.

Chacun en convient, la vision prospective est le principal point d'amélioration. Certes, il existe déjà une loi de programmation des finances publiques, mais il convient de tirer les conséquences des erreurs commises et de la dégradation vertigineuse des comptes publics. Il faut dresser un état des lieux et fixer des objectifs et des trajectoires pour redresser la situation. Il y aura toujours une part d'aléas, mais il est possible de solidifier les trajectoires avec les bons outils et la bonne documentation. Ce travail ne doit pas être optionnel. Nous devrons trouver un moyen de l'imposer.

Monsieur Delahaye, en ce qui concerne les perspectives de croissance, on ne peut pas dire qu'il ne se passe rien. La publication rapide d'un décret d'annulation de crédits me semble tenir compte des alertes que nous avons formulées. Je suis disposé à recevoir la ministre des comptes publics pour évoquer ce sujet.

À ce stade, je pense pouvoir affirmer que l'augmentation des dépenses en matière de défense n'est pas incluse dans les données que je viens de vous présenter.

Enfin, pour répondre à votre dernière question, le Gouvernement chiffre à + 0,15 % l'effet positif sur le solde en 2025 de l'amélioration du solde en 2024 (- 5,8 % du PIB au lieu de - 6,1 %). Toutefois, cette amélioration risque d'être neutralisée par les mauvaises nouvelles sur la croissance et l'emploi.

La commission a autorisé la publication de cette communication sous la forme d'un rapport d'information.

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