AVANT-PROPOS

Le viol et le meurtre de la jeune Philippine en septembre 2024, dont l'auteur présumé avait déjà été condamné pour viol par la cour d'assises des mineurs du Val d'Oise en 2021 - et qui, ressortissant étranger en situation irrégulière, était par ailleurs frappé par une obligation de quitter le territoire français - ont tristement mis en avant la gravité de la récidive en matière d'infractions à caractère sexuel.

Le phénomène de récidive est, selon les statistiques disponibles du ministère de la justice, plus rare pour de telles infractions que pour les autres formes de délinquance ou de criminalité. Le taux moyen de récidive légale du viol, sur la période 2019-2023, était de 5,7 %, contre 9 % pour l'ensemble des crimes ; s'agissant des délits à caractère sexuel (agression sexuelle, atteinte sexuelle...), la récidive est presque trois fois moins fréquente que pour l'ensemble des délits (7,2 % contre 17,5 %). Mais ces chiffres ne doivent pas masquer la complexe réalité de la récidive en matière d'infractions sexuelles. Non seulement celle-ci est sous-évaluée sous l'effet de la rareté notoire de la dénonciation des infractions aux services d'enquête - les études menées par le ministère de l'intérieur démontrent, avec constance, que moins de 10 % des victimes portent plainte contre leur agresseur, alors même qu'elles le connaissent dans l'immense majorité des cas -, mais surtout la société juge, légitimement, inacceptable la récidive en la matière , de même qu'elle accueille avec une vive émotion les faits d'actualité qui portent sur des violences sexuelles.

C'est dans ce contexte que le Sénat a souhaité engager des travaux sur la prévention de la récidive du viol, en vue d'évaluer la pertinence des textes en vigueur et de l'action des institutions et services publics concernés (police, gendarmerie, juridictions, protection judiciaire de la jeunesse, services d'insertion et de probation...). Cette initiative de la délégation aux droits des femmes a pris la forme, originale, en novembre 2024, d'une mission conjointe de contrôle de la commission des lois, présidée par Muriel Jourda, et de la délégation aux droits des femmes, présidée par Dominique Vérien. Reflétant la diversité des sensibilités politiques représentées au Sénat, Annick Billon, Evelyne Corbière Naminzo, Catherine Di Folco, Audrey Linkenheld, Marie Mercier et Laurence Rossignol en ont été désignées co-rapporteures.

Au cours de six mois de travaux, la mission conjointe de contrôle a entendu près de cent personnes - professionnels, chercheurs, représentants des administrations centrales, psychiatres et psychologues, représentants associatifs... - au cours d'une trentaine d'auditions et de trois déplacements à Joux-la-Ville, à Caen et à Fresnes. Les données et observations recueillies lui ont permis d'établir un diagnostic qui témoigne non seulement de la remarquable mobilisation des hommes et des femmes engagés dans le suivi et l'accompagnement des auteurs d'infractions sexuelles, mais aussi des limites des outils et des moyens actuellement disponibles en matière de lutte contre la récidive de ces infractions. Elles ont également conduit les rapporteures à formuler vingt-quatre recommandations, articulées autour de trois objectifs majeurs :

- la prévention effective de la récidive, en renouvelant les leviers dont disposent les intervenants et en tenant compte de la situation générale de pénurie de moyens dans laquelle se trouve le secteur médico-social dans son ensemble ;

- la juste sanction des auteurs d'infractions sexuelles et la mobilisation de leur temps de peine pour identifier et limiter les facteurs de réitération ;

- la réinsertion des auteurs afin d'offrir à la société une protection efficace contre la récidive.

I. LA RÉCIDIVE DES INFRACTIONS SEXUELLES : UN DÉCALAGE ENTRE LES CHIFFRES CONNUS, LES TEXTES ET LES FAITS

A. LA RÉCIDIVE DES AUTEURS D'INFRACTIONS À CARACTÈRE SEXUEL : UN PHÉNOMÈNE MAL APPRÉHENDÉ AU PLAN STATISTIQUE MALGRÉ UN ARSENAL LÉGISLATIF PARTICULIÈREMENT DÉVELOPPÉ

De nombreux dispositifs juridiques et médicaux sont prévus par la loi afin d'accompagner les auteurs d'infractions à caractère sexuel (AICS) majeurs et mineurs dans l'exécution de leur peine et en post-sentenciel. Malgré cet encadrement législatif, la récidive des AICS demeure une réalité dont l'ampleur ne peut être que partiellement saisie à travers les données statistiques disponibles.

1. Une réalité difficile à appréhender en raison d'un manque de données statistiques et d'évaluation

Si le mouvement #MeToo a mené à une judiciarisation croissante des affaires de violences sexuelles, les statistiques disponibles ne reflètent pas toute l'ampleur du phénomène des violences sexuelles ni de la récidive de leurs auteurs.

a) La récente hausse des condamnations pour des faits d'infractions sexuelles

En premier lieu, il convient de rappeler que la grande majorité des victimes de viol ou d'agressions sexuelles ne portent pas plainte auprès de la justice. Le rapport d'enquête statistique nationale « Vécu et ressenti en matière de sécurité » estime ainsi qu'en 2022, seules 6 % des femmes victimes de violences sexuelles ont porté plainte contre leur agresseur1(*). Les raisons en sont multiples : méconnaissance, incompréhension ou crainte des dispositifs légaux et du système judiciaire, manque de confiance dans les services d'enquête et dans la justice, pressions ou menaces de l'auteur ou de l'environnement familial, incapacité à s'exprimer en raison du traumatisme, honte, sentiment de culpabilité ou encore appréhension des conséquences familiales, sociales et professionnelles que peut entraîner le dépôt de plainte... 38 % des victimes n'ayant pas fait de déclaration ont exprimé un manque de confiance face à l'efficacité des procédures. En outre, 23 % ont estimé que « ce n'était pas assez grave ». Les chiffres suivants doivent donc être appréhendés au regard de cette sous-estimation globale qui crée un biais d'interprétation important.

Dans un contexte de libération de la parole des victimes à la suite du mouvement #MeToo, le nombre de victimes de violences sexuelles enregistrées par la police et la gendarmerie nationales a augmenté de près de 120 % entre 2016 et 2023. Cette augmentation concerne à plus forte raison des faits de viol et de tentative de viol. En 2023, les femmes représentaient 85 % des victimes enregistrées pour l'ensemble des infractions de violences sexuelles. Les violences intrafamiliales et conjugales représentaient plus de 30 % des mises en cause.

Nombre de victimes de violences sexuelles enregistrées par les services de la police et de la gendarmerie nationales entre 2016 et 2023

Source : Service statistique du ministère de l'intérieur (SSMI)

96 % des 76 621 personnes mises en cause pour des violences sexuelles élucidées en 2023 étaient des hommes2(*). Les individus mis en cause étaient majoritairement âgés de 18 à 44 ans, et seulement 7 % avaient plus de 60 ans. Environ 25 % des mis en cause étaient mineurs, la plupart d'entre eux étant âgés de 13 à 17 ans. Par ailleurs, 87 % des mis en cause pour des violences sexuelles étaient français. Parmi les mis en cause étrangers, la plupart (85 %) étaient originaires de pays hors Union européenne. Les auditions menées par la mission ont permis de mettre en avant plusieurs caractéristiques fréquentes des AICS.

La question de l'expérience de violences sexuelles en tant que victime préalable à un passage à l'acte a ainsi été fréquemment évoquée. La Conférence nationale des procureurs de tribunaux judiciaires (CNPTJ) a ainsi précisé que « l'absence de prise en charge et de protection adaptées des victimes dans la sphère tant familiale que sanitaire, aboutit à une augmentation du risque de commission d'infractions sexuelles par ces personnes ayant été victimes ». Si les AICS ont souvent été victimes de violences sexuelles, notamment dans leur enfance, toutes les victimes - notamment les femmes - ne passent pas à l'acte. La population des AICS demeure donc un groupe hétérogène, présentant des profils particulièrement variés. La part d'individus atteints de pathologies psychiatriques serait minoritaire selon la plupart des acteurs interrogés à ce sujet (experts psychiatres, procureurs, police judiciaire, administration pénitentiaire).

La nette augmentation du nombre de plaintes enregistrées s'est également traduite, dans une moindre mesure, par une augmentation du nombre de condamnations pour des infractions à caractère sexuel. Ainsi, le nombre de condamnations prononcées à l'encontre d'auteurs majeurs pour des infractions relatives à des violences sexuelles (viol, agression sexuelle, harcèlement sexuel, atteinte sexuelle sur mineur) a augmenté de 13 % entre 2017 et 20223(*). En 2023, 6 700 condamnations ont été prononcées, dont 5 400 pour des faits d'agression sexuelle (81 %) et 1 300 pour viol (19 %)4(*).

Source : Ministère de la justice

Une tendance inquiétante concerne les auteurs mineurs, qui forment une part croissante des mis en cause et des condamnés pour des faits d'infractions sexuelles. Ils représentent désormais près d'un quart des condamnés, et un tiers des auteurs de viols et d'agressions sexuelles sur mineurs (voir infra).

Les peines prononcées varient en fonction du type d'infraction et de la gravité des faits. Sur la période 2017-2022, on constate que, pour les auteurs majeurs5(*) :

· dans 92 % des cas, une condamnation pour viol s'accompagne d'une peine d'emprisonnement ferme ou de réclusion ;

· les condamnations pour agression sexuelle donnent lieu à des peines d'emprisonnement avec sursis total (48 %) ou partiel (26 %).

Focus sur l'augmentation des mineurs auteurs d'infractions à caractère sexuel (MAICS)

On note une surreprésentation des mineurs de 18 ans parmi les individus mis en cause pour des infractions sexuelles : alors qu'ils représentent environ 21 % de la population, ils représentaient 28 % des mis en cause pour ces infractions de violence sexuelle en 2023. Pour les faits de viols et d'atteintes sexuelles, les mineurs représentent près d'un tiers des mis en cause.

S'agissant des condamnations pour violences sexuelles, entre 2017 et 2022, les mineurs représentent 23 % des condamnés, tandis que 31 % des viols et agressions sexuelles sur mineurs sont commis par un auteur mineur. La proportion de mineurs parmi les condamnés pour ICS a baissé de 11 % sur la période, mais masque des dynamiques distinctes en fonction de la classe d'âge. Ainsi, en valeur absolue, les condamnations des mineurs de moins de 16 ans sont en baisse, alors que le nombre de condamnations de mineurs âgés de 16 à 17 ans a augmenté de 22 %. Ces données confirment qu'il existe bien une problématique liée à la commission de violences sexuelles par les mineurs, en particulier dans le cadre familial.

Les peines prononcées à l'encontre des mineurs sont en moyenne moins sévères : moins de 7 % des mineurs de plus de 13 ans sont condamnés à des peines de prison ferme pour des faits de violence sexuelle. Dans 28 % des cas, les mineurs AICS sont condamnés à des mesures et sanctions éducatives.

Les caractéristiques des mineurs condamnés sont très hétérogènes, comme l'a relevé la docteure en sociologie Marie Romero6(*). En premier lieu, la part de mineurs de moins de 13 ans parmi les affaires traitées par les parquets est particulièrement élevée : « près d'un mineur sur trois a moins de 13 ans, contrairement à la population globale des mineurs délinquants dans laquelle cette catégorie d'âge est seulement de 8,9 % ». Elle note également que les MAICS « se singularisent par la grande hétérogénéité des milieux sociaux d'origine à la différence de la population des mineurs délinquants principalement issue des classes populaires ». La plupart sont également inconnus de la justice et bien intégrés au parcours scolaire.

Source : Mission conjointe de contrôle7(*).

Il est cependant important de mettre ces différents chiffres en perspective et de garder en mémoire que les statistiques des condamnations prononcées chaque année pour des infractions à caractère sexuel ne reflètent pas l'ampleur réelle du phénomène.

Ainsi, le nombre de condamnations est relativement faible en comparaison du nombre de plaintes déposées et encore davantage en comparaison du nombre de victimes estimées. Ainsi, en 2023, seules 6 700 condamnations ont été prononcées alors que, la même année, plus de 114 000 victimes ont été enregistrées par les services de police et de gendarmerie et que le service statistique du ministère de l'intérieur estime que, chaque année, plus de 200 000 femmes sont victimes de violences sexuelles.

Le faible nombre de condamnations, même en cas de plainte, est dû à de nombreux classements sans suite, en raison de difficultés liées à l'enquête et à l'insuffisance des moyens d'enquête, notamment humains. Ces difficultés sont aggravées par l'augmentation des dépôts de plainte plus tardifs. Ainsi, les données du ministère de l'intérieur témoignent qu'en 2023, la part des violences sexuelles dont la date de commission des faits est supérieure à un an au moment du dépôt de plainte est de 39 %, contre 29 % en 2016. Les tribunaux judiciaires se heurtent également à des délais d'enquête qui se comptent parfois en années et « un délai d'audiencement qui tend actuellement à s'allonger en raison de l'augmentation des stocks d'affaires à juger »8(*).

b) La récidive : un phénomène qui paraît limité parmi les AICS

L'état de récidive légale est défini par les articles 132-8 à 132-11 du code pénal. Il correspond à la situation dans laquelle un individu définitivement condamné par une juridiction française ou européenne commet une nouvelle infraction et où, en vertu de la loi pénale, il encourt pour ce motif une aggravation de la peine encourue. En ce qui concerne les infractions sexuelles, l'article 132-16-1 du code pénal établit qu'au regard de la récidive, les délits d'agressions sexuelles et d'atteintes sexuelles sont considérés comme une même infraction.

En ce qui concerne les délits et les crimes, la récidive correspond à des critères restrictifs, qui correspondent à plusieurs cas de figure résumés ci-dessous9(*) :

Nature de la première infraction

Nature de la nouvelle infraction

Délai de commission de la nouvelle infraction

Aggravation de la peine encourue

Article du Code pénal

Crime ou délit puni de 10 ans d'emprisonnement

Crime passible de 20 ou 30 ans de réclusion

Pas de délai

Réclusion à perpétuité

132-8

Crime passible de 15 ans de réclusion

30 ans de réclusion

Délit passible de 10 ans d'emprisonnement

10 ans

Doublement de l'emprisonnement et de l'amende encourue

132-9

Délit passible d'un emprisonnement compris entre 1 et 10 ans

5 ans

Délit puni d'une peine d'emprisonnement inférieure à 10 ans

Délit identique

5 ans

· 132-10

· Délit assimilé

· · Source : Service de la statistique des études et de la recherche du ministère de la justice.

Ainsi, lorsqu'un individu se trouve, selon cette définition, dans un état de récidive légale, la réponse pénale est alourdie et il encourt des peines plus sévères. Un délai de commission de la nouvelle infraction est également prévu entre la première et la seconde infraction afin de limiter dans le temps la possibilité de retenir la récidive légale, sauf en cas de « récidive générale et perpétuelle » (article 132-8 du code pénal) pour les cas les plus graves.

La récidive désigne donc, au sens légal du terme, un nombre de cas en réalité limité, qui ne correspond pas à l'ensemble des situations qui peuvent exister. C'est pourquoi le terme de réitération est également utilisé pour désigner les situations dans lesquelles un individu déjà condamné pour un crime ou un délit commet une nouvelle infraction qui ne répond pas aux critères de la récidive légale (article 132-7-16 du code pénal). La notion de réitération, plus large, peut ainsi désigner des cas où, après un délit puni de moins de dix ans d'emprisonnement, une nouvelle infraction d'une autre nature est commise. La réitération peut également faire référence à des situations dans lesquelles le délai maximum de récidive est dépassé lorsque la seconde infraction est commise, lorsqu'il ne s'agit pas d'une situation de récidive générale et perpétuelle.

En ce qui concerne les infractions sexuelles, les taux de récidive et de réitération transmis par le ministère de la justice semblent moins importants parmi les condamnés AICS que dans l'ensemble de la population pénale. Ainsi, le taux de récidive légale pour des faits de viol est en moyenne de 5,7 %, contre 9 % pour l'ensemble des crimes. De même, le taux de récidive est deux fois moins important pour les délits sexuels (7,2 %) que pour l'ensemble des délits (17,5 %). Il en va de même pour les taux de réitération qui sont deux fois moins importants pour les infractions sexuelles que pour l'ensemble des infractions10(*).

Taux moyen de récidive et de réitération parmi les condamnations prononcées pour des infractions sexuelles entre 2019 et 2023

 

Taux moyen de récidivistes légaux

Taux moyen de réitérants

Viol

5,7 %

9,1 %

Agression sexuelle

5 %

10 %

Source : ministère de la justice

Les caractéristiques des AICS récidivistes et réitérants sont comparables aux caractéristiques des mis en cause pour des affaires de violences sexuelles : il s'agit uniquement d'hommes, pour la plupart de nationalité française. Ainsi, la part de Français dans les récidivistes légaux pour des faits de viols est de 89 % en moyenne entre 2019 et 2023 (86 % pour les agressions sexuelles). La part d'étrangers est plus élevée en ce qui concerne les réitérants (25 % pour les viols et 22 % pour les agressions sexuelles). La majorité des AICS récidivistes et réitérants ont entre 18 et 39 ans. En revanche, la tranche d'âge des 18-29 ans représente plus de la moitié des réitérations de viol11(*).

Il faut ajouter à ces chiffres les cas sans doute plus nombreux où un AICS déjà condamné commet une nouvelle infraction sans que celle-ci soit judiciarisée, par exemple si la victime ne porte pas plainte. On peut donc penser que les statistiques officielles sont incomplètes au regard de l'ampleur réelle du phénomène.

En ce qui concerne les mineurs, on constate également que le taux de récidive en matière d'infractions à caractère sexuel est en-deçà de la récidive pour l'ensemble de la population des mineurs délinquants. Ainsi, le taux de récidive légale est particulièrement bas pour les infractions sexuelles (0,3 %, contre 2,2 % de récidive globale). Il en va de même pour le taux de réitération, qui est cinq fois moins important pour les MAICS que dans l'ensemble de la population des mineurs condamnés12(*). Par ailleurs, selon des études scientifiques et cliniques présentées par Marie Romero lors de son audition par la mission, les MAICS ayant participé à un traitement spécialisé présentent des taux de récidive inférieurs de 24 % à ceux qui n'en ont pas bénéficié, avec une efficacité du traitement 3,8 fois plus élevée chez les adolescents que chez les adultes.

c) Un manque de statistiques fiables permettant d'évaluer les facteurs de récidive et l'efficacité des dispositifs juridiques et médicaux

Il est apparu au cours des travaux de la mission que le ministère de la justice ne disposait pas de plusieurs éléments statistiques qui permettraient de mieux saisir l'ampleur du phénomène de récidive des AICS et, plus largement, d'informations relatives à la judiciarisation des affaires de violences sexuelles. En particulier, les données quantitatives sur le nombre d'expertises réalisées ainsi que le nombre de rétentions de sûreté prononcées par des juridictions n'ont pas pu être évaluées. Par ailleurs, en l'absence de statistiques plus affinées quant aux différents types de prise en charge, il semble difficile d'évaluer l'impact des dispositifs juridiques en place sur le taux de récidive.

Ainsi, plusieurs données indisponibles à ce jour seraient de nature à enrichir l'analyse proposée à ce sujet, particulièrement dans les domaines suivants en ce qui concerne :

· l'expertise médicale : le ministère de la justice ne dispose d'aucune donnée relative au nombre d'expertises médicales menées dans le cadre de la procédure judiciaire. Ainsi, le nombre d'AICS soumis à une expertise psychologique ou psychiatrique, ainsi que le nombre d'éventuelles expertises menées sur les victimes sont inconnus. Le taux de prescription d'inhibiteurs de libido est également inconnu ;

· la récidive : le taux de récidive associé à chaque dispositif (établissements pour peine classiques ou fléchés AICS, suivi socio-judiciaire, libération conditionnelle, aménagement de peine) n'a pas été évalué ;

· les peines : la durée effective de la détention des AICS, compte tenu des réductions de peine et des libérations anticipées, n'a pas été calculée ;

· les mesures de sûreté : aucune donnée concernant le nombre de rétentions de sûreté prononcées par les juridictions depuis 2008 n'est disponible.

2. De nombreuses dispositions législatives encadrent l'accompagnement des AICS afin de réduire le risque de récidive d'infractions sexuelles

La loi française prévoit un accompagnement renforcé des AICS majeurs et mineurs au sein des structures judiciaires et médicales. Ces dispositifs visent à prévenir la récidive à travers une prise en charge sanitaire et des interdictions spécifiques.

a) Les dispositifs juridiques et médicaux pour les AICS majeurs

La loi française prévoit de nombreuses mesures visant à prévenir le risque de récidive des AICS, qu'il s'agisse de dispositifs non seulement judiciaires, mais aussi médicaux visant à accompagner l'auteur et à protéger la victime d'une possible réitération.

La plupart de ces dispositions interviennent après le prononcé d'une condamnation pour une infraction sexuelle. La prise en charge des AICS dans l'attente de leur jugement ne fait l'objet d'aucune disposition à l'heure actuelle, ce qui entraîne une prise en charge relativement tardive dans la procédure judiciaire.

Ainsi, les articles 706-47 et suivants du code de procédure pénale définissent, au sein d'un titre dédié (le titre XIX), des mesures spécifiques applicables aux auteurs reconnus coupables d'infractions sexuelles et commises sur des mineurs, mais aussi aux infractions violentes particulièrement graves et/ou commises en état de récidive légale. Il s'agit en particulier :

· de l'obligation d'une expertise médicale avant tout jugement de fond pour les individus poursuivis pour des infractions à caractère sexuel, conformément à l'article 706-47-1 du code de procédure pénale. Cette disposition permet aux magistrats de prononcer une sanction en ayant une vision précise de la personnalité du prévenu et du suivi le plus adapté, notamment d'un point de vue de la prise en charge médicale ;

· des dispositifs d'obligation de soins (article 132-45 du code pénal), sous le régime du contrôle judiciaire ou du sursis probatoire, et d'injonction de soins (article 706-47-1 du code de procédure pénale), dans le cadre d'une condamnation. Une telle injonction peut être prononcée en complément de la peine de suivi socio-judiciaire conformément à la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et la répression d'infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs ;

Le dispositif d'injonction de soins

L'injonction de soins est une mesure de suivi médical et judiciaire introduite par la loi du 17 juin 1998. Il s'agit d'une mesure dite de « soins pénalement ordonnés » qui peut être prononcée par la juridiction de jugement ou le juge de l'application des peines (JAP) dans le cadre du suivi d'un individu condamné, notamment en matière d'infractions sexuelles. Initialement conçue pour accompagner le suivi socio-judiciaire, une injonction de soins peut désormais également s'appliquer dans d'autres cadres (ajournement ou sursis probatoire, surveillance électronique, libération conditionnelle, surveillance judiciaire...). Il s'agit d'un outil de lutte contre la récidive qui impose une prise en charge médicale ou psychologique de la personne condamnée pendant une durée maximale de trente ans.

Une mesure d'injonction de soins peut uniquement être prononcée après la déclaration de culpabilité et nécessite une expertise psychiatrique préalable (article 706-47-1 CPP). Il s'agit d'une mesure contraignante : dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire, le JAP peut prononcer la mise à exécution de l'emprisonnement en cas de violation des obligations liées à l'injonction de soins (article 763-5 CPP). Dans le cadre d'une mesure de surveillance judiciaire, le non-respect des obligations peut entraîner le retrait des réductions de peine13(*).

L'injonction de soins se déroule uniquement en dehors de la prison : en cas de prononcé d'une peine privative de liberté, l'injonction de soins débute donc à la libération du condamné, bien que le condamné ait la possibilité d'entamer des soins lors de sa détention. Un médecin coordonnateur, désigné par le JAP, est chargé de faire l'intermédiaire entre l'autorité judiciaire et le médecin ou psychologue traitant. Les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) sont également chargés d'assurer le suivi des personnes condamnées à une injonction de soins dans le cadre du suivi socio-judiciaire.

L'injonction de soins ne doit pas être confondue avec l'obligation de soins, une mesure plus souple qui peut être prononcée à tout moment de la procédure (avant ou après la déclaration de culpabilité) et qui ne nécessite pas d'expertise psychiatrique préalable ni l'intervention d'un médecin coordonnateur14(*). L'obligation de soins peut également prendre la forme d'une injonction thérapeutique, qui vise à traiter les problématiques d'addiction.

Source : Mission conjointe de contrôle

· de l'obligation faite au procureur de la République d'informer par écrit l'administration de toute condamnation prononcée pour l'une des infractions sexuelles ou violentes visées au titre XIX à l'encontre d'une personne qui exerce une activité professionnelle ou sociale en contact habituel avec des mineurs et dont l'exercice est contrôlé par ladite administration (article 706-47-4 CPP) ;

· de l'inscription automatique des condamnés (et, dans certaines conditions, des mis en examen) au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijaisv). Les informations sont conservées jusqu'à trente ans et concernent les crimes et les délits de nature sexuelle punis d'une peine d'emprisonnement de cinq ans ou plus, ainsi que toutes les infractions commises sur des mineurs. Le Fijaisv peut être consulté par les autorités judiciaires et le préfet, mais aussi de manière indirecte (sous l'égide des services déconcentrés) par les autres employeurs concernés, pour le recrutement à certains emplois (articles 706-53-1 à 706-53-12 du code de procédure pénale) ;

· de la possibilité de prononcer une mesure de rétention ou de surveillance de sûreté (articles 706-53-13 à 706-53-22).

L'article 222-48-4 du code pénal prévoit également une peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs : celle-ci est prononcée à titre définitif en cas de condamnation pour viol, inceste ou agression sexuelle commise sur un mineur, sauf décision motivée de la juridiction.

Plusieurs mesures complémentaires sont également prévues par le code civil pour le cas particulier des infractions sexuelles commises dans un contexte incestueux. Ainsi, la juridiction pénale peut ordonner le retrait total de l'autorité parentale en cas de condamnation d'un parent comme auteur, coauteur ou complice d'une infraction incestueuse commise sur son enfant (article 378 du code civil). Le code civil prévoit également la suspension des droits de visite et d'hébergement d'un parent poursuivi ou mis en examen pour des faits d'agression sexuelle commis sur son enfant (article 378-1).

D'autres dispositifs visent à protéger les victimes de violences intrafamiliales d'un risque de réitération de la part de l'auteur. Ces mesures font l'objet d'un titre spécifique (titre XIV) au sein du code civil et comprennent, notamment, les mesures relatives à l'ordonnance de protection. Ce dispositif d'urgence vise à rendre effective la séparation entre l'auteur présumé et la victime dans l'attente d'un éventuel jugement pénal grâce à différentes mesures inspirées du droit pénal (interdiction d'entrer en relation, interdiction de se rendre dans certains lieux, port d'un bracelet antirapprochement, par exemple). La durée de cette ordonnance de protection temporaire a été portée à douze mois (contre six auparavant) par la loi du 13 juin 2024 renforçant l'ordonnance de protection.

Sans qu'il s'agisse à proprement parler de mesures de lutte contre la récidive, certaines mesures relatives aux peines et à la procédure en cas de nouvelle infraction constituent une aggravation15(*) et peuvent, en tant que telles, avoir un caractère dissuasif. Il s'agit en particulier :

· de l'augmentation du quantum encouru en cas de récidive, prévue par les articles 132-8 et suivants du code pénal ;

· des règles dérogatoires de prescription : non seulement le délai de prescription des crimes sexuels sur mineurs est aujourd'hui de 30 ans et commence à courir à la majorité de la victime, mais ce délai est également prorogé en cas de récidive ou de réitération avant l'arrivée à échéance de la prescription initiale16(*).

Parallèlement aux procédures judiciaires, l'engagement des auteurs d'infraction sexuelle dans des mesures de justice restaurative peut également contribuer à lutter contre le risque de récidive. L'article 10-1 du code de procédure pénale indique que ces mesures sont systématiquement proposées et peuvent être engagées à tous les stades d'une procédure pénale, sous réserve que les faits aient été reconnus par l'auteur.

b) Les aménagements prévus par la loi pour les auteurs mineurs

En ce qui concerne les mineurs auteurs d'infractions à caractère sexuel (MAICS), plusieurs aménagements de la procédure pénale sont prévus par la loi.

En premier lieu, les peines encourues par des mineurs AICS sont diminuées, comme pour l'ensemble des mineurs auteurs d'infractions, en raison du principe constitutionnel d'atténuation de leur responsabilité pénale, aussi appelé « excuse de minorité ». De plus, les mineurs de moins de treize ans ne peuvent pas être soumis à des peines pour des faits de violences sexuelles, car présumés « non-discernants » et donc pénalement irresponsables, sauf s'il peut être prouvé que le mineur concerné « a compris et voulu son acte » et qu'il « est apte à comprendre le sens de la procédure pénale dont il fait l'objet » (article L. 11-1 du code de la justice pénale des mineurs).

Lors de ses auditions et déplacements - notamment dans l'Yonne -, la mission a constaté avec une vive préoccupation que le cas des mineurs de moins de treize ans commettant des infractions à caractère sexuel n'était pas une hypothèse d'école : la situation de jeunes adolescents, voire d'enfants auteurs d'actes de violences sexuelles lui a ainsi été rapportée par plusieurs professionnels.

Ensuite, plusieurs mesures pénales peuvent être prononcées dans le cadre de procédures concernant des MAICS afin de lutter contre le risque de récidive :

· Les mesures éducatives judiciaires provisoires (MEJP) et les mesures éducatives judiciaires (MEJ) visent à apporter un accompagnement éducatif permettant un travail de responsabilisation du mineur auteur avant et après sa condamnation. Ces mesures sont prévues par l'article L. 112-2 du code de la justice pénale des mineurs et peuvent être accompagnées de plusieurs modules (insertion, réparation, santé, placement) ainsi que d'interdictions (entrer en contact avec la victime, paraître sur les lieux de l'infraction...) et d'obligations (remettre un objet ayant servi à la commission de l'infraction, suivre un stage de formation civique). Dans le cadre d'une mesure de santé, une orientation vers une prise en charge sanitaire ou un placement en établissement de santé ou médico-social peuvent être prononcés (articles L. 112-11 CJPM).

· L'obligation de soins peut également être prononcée pour des mineurs de plus de treize ans dans le cadre d'un contrôle judiciaire en pré-sentenciel ou dans le cadre d'une condamnation à une peine d'emprisonnement ferme17(*).

· L'article 706-53-2 du code de procédure pénale prévoit que les décisions concernant des mineurs auteurs d'infractions sexuelles de moins de treize ans ne sont pas inscrites dans le Fijaisv. Pour les mineurs de treize à seize ans, l'inscription au Fijaisv n'est pas automatique : elle doit faire l'objet d'une décision expresse de la juridiction de jugement ou du procureur de la République. Par ailleurs, la durée de conservation des informations inscrites au Fijaisv est de seulement dix ans pour les mineurs.

Par ailleurs, et outre les mesures également applicables aux majeurs auxquels ils sont éligibles (à l'instar de la justice restaurative), les MAICS peuvent bénéficier de dispositifs spécifiques prévus par le droit ou par la pratique afin de prévenir leur récidive. Certains de ces dispositifs prennent en charge les mineurs avant leur condamnation : il peut s'agir, dans le cadre d'un mandat judiciaire, de groupes éducatifs ou thérapeutiques avec un contenu spécifique aux infractions sexuelles. D'autres sont liés à la forme même de la condamnation, à l'instar de l'assistance éducative en milieu ouvert (AEMO) spécifique, principalement pour des faits d'inceste.

3. Plusieurs acteurs sont formés à la prise en charge spécifique des AICS au cours de leur parcours pénal

Un nombre important d'acteurs intervient auprès des AICS à partir de leur condamnation. Ils sont chargés de veiller à la prévention de la récidive à travers des programmes de sensibilisation et un encadrement renforcé.

a) Les acteurs de la chaîne pénale

Au cours de leur parcours pénal, les AICS sont pris en charge par différents acteurs, avec pour objectif de construire, dès leur condamnation, un accompagnement judiciaire adapté et individualisé afin de limiter le risque de récidive en vue de la réinsertion.

Dès la détention et jusqu'à l'achèvement des obligations liées à leur peine (et notamment du suivi socio-judiciaire), les condamnés AICS sont accompagnés par les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP). Ces derniers sont notamment chargés de l'évaluation de la dangerosité et du risque de récidive de chaque détenu, qui doit permettre de construire un plan d'accompagnement individualisé. Afin de réaliser cette évaluation, les CPIP placés dans des établissements fléchés AICS ont parfois à leur disposition des outils d'évaluation actuarielle dont certains sont spécifiques à ce public (Statique 99R, Stable 2007, Aïgu007, CPORT). Ces outils permettent de structurer la méthodologie d'évaluation mais restent employés de façon expérimentale dans le système judiciaire français, nécessitant une formation longue. Les CPIP disposent d'une offre de formation continue fournie par l'École nationale de l'administration pénitentiaire (ENAP), dont certaines visent spécifiquement la prise en charge des AICS.

Selon les indications recueillies par les rapporteures au cours de leurs déplacements et de leurs auditions, le rôle des CPIP dans l'accompagnement et l'évaluation des condamnés AICS a récemment connu de larges évolutions sous l'effet des échanges internationaux et des règles européennes de probation. Ainsi, l'apport des recherches dans le domaine des sciences criminologiques a permis aux CPIP de mieux identifier les ressorts de la récidive notamment dans le cadre de leur mission d'évaluation. Les CPIP sont également en charge de la construction et de l'animation des programmes de prévention de la récidive (PPR), des actions collectives dont certaines sont spécialement conçues pour les détenus AICS. Enfin, les CPIP accompagnent les condamnés AICS dans le cadre de leur suivi socio-judiciaire, au cours duquel ils veillent à la réinsertion des condamnés et à la prévention de la récidive. Ils entretiennent, plus largement, un dialogue régulier avec les autres acteurs de la chaîne pénale, l'autorité médicale et peuvent impulser de façon bénévole des mesures de justice restaurative.

En coordination avec les CPIP, les juges de l'application des peines (JAP) accompagnent également les condamnés AICS majeurs au cours de l'exécution de leur peine, en milieu fermé et en milieu ouvert. Ils interviennent notamment dans le cadre du suivi socio-judiciaire et partagent les objectifs de réinsertion et de prévention de la récidive. Tout comme les CPIP, les JAP participent au suivi du dispositif d'injonction de soins qui peut être mis en place lors du suivi socio-judiciaire des AICS ; ce sont principalement eux qui échangent et travaillent avec le médecin coordonnateur dont ils ordonnent la nomination pour chaque condamné suivi. Ils ont également la possibilité de tenir compte, dans la définition du régime applicable aux condamnés, du bon respect par ces derniers des obligations qui leur sont imposées dans le cadre de leur suivi socio-judiciaire, ce qui participe à la prévention de la récidive.

Les MAICS, en raison de leur âge, sont pris en charge par des magistrats et juridictions spécialisées pour mineurs, à savoir le tribunal pour enfants (ou le juge des enfants pour les faits d'une moindre gravité). Au sein du ministère de la justice, le service de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) est chargé de l'organisation de la justice des mineurs. La PJJ accompagne les mineurs condamnés et assure leur suivi éducatif et judiciaire.

b) Les acteurs du domaine médico-social

En dehors de la prise en charge judiciaire, les condamnés AICS peuvent (voire doivent, lorsque celle-ci est ordonnée par l'autorité judiciaire) bénéficier d'une prise en charge médicale tout au long de leur parcours pénal. Celle-ci implique plusieurs acteurs qui doivent s'articuler avec l'autorité judiciaire tout en conservant l'exigence du secret médical.

L'expertise médicale prévue par l'article 706-47-1 du code de procédure pénale requiert l'intervention d'experts, psychiatres ou psychologues, en phase pré-sentencielle, étant souligné que les travaux des rapporteures démontrent, sans que cette spécialisation résulte de la loi, que les experts psychiatres disposent d'un quasi-monopole sur l'évaluation des individus mis en cause.

Les experts sont d'abord chargés de déterminer le degré de discernement de l'individu mis en cause au moment des faits. Leur évaluation doit par ailleurs permettre d'évaluer la dangerosité et le risque de récidive.

Malgré le caractère obligatoire de l'expertise médicale, les juridictions font souvent face à une forte pénurie d'experts psychiatres. Il en résulte d'importants délais d'expertise qui allongent la procédure judiciaire, et peuvent parfois affecter la qualité des expertises menées, comme le souligne la Conférence nationale des procureurs de la République : « La ressource en experts est un élément important. Faisant défaut, dans un contexte d'exigences légales et de volumétrie conséquente des procédures, elle impose des arbitrages sur la qualité des expertises et les qualifications pénales pour réserver le travail des meilleurs (voire des seuls) experts aux procédures à plus fort enjeu. ».

Lors de l'exécution d'une injonction de soins, les condamnés AICS sont suivis par un praticien traitant, médecin ou psychiatre, qui les prend en charge en tant que patients et définit un traitement personnalisé. Ce praticien est désigné par le condamné lui-même.

En raison du secret médical, le médecin ainsi choisi n'a pas de lien direct avec les acteurs judiciaires : la transmission des informations et la coordination du suivi sont assurées par un médecin coordonnateur. Celui-ci est désigné par le JAP sur une liste de psychiatres ou de médecins ayant suivi une formation appropriée. Cependant, les différents professionnels du champ judiciaire auditionnés ont fait part d'une pénurie importante de professionnels pouvant assurer cette fonction, ce qui entraîne une surcharge de travail des médecins coordonnateurs sur le territoire.

Acteurs complémentaires, les Centres de ressources pour intervenants auprès d'auteurs de violences sexuelles (CRIAVS) assurent également des missions d'information et de « mise en réseau » des professionnels chargés de la prise en charge des AICS. Issus du champ sanitaire, les CRIAVS interviennent également auprès du personnel du secteur judiciaire, social ou éducatif. Leur ancrage territorial leur permet de structurer la coordination des différents services impliqués au niveau local.

Les centres de ressources pour les intervenants auprès d'auteurs de violences sexuelles (CRIAVS)

Les CRIAVS sont des structures de service public issues de la circulaire n° 2006-168 du 3 avril 2006 relative à la prise en charge des auteurs de violences sexuelles. Financés par les agences régionales de santé (ARS), ils sont présents dans chaque région et souvent rattachés à un établissement public de santé. Les CRIAVS sont fédérés au sein de la Fédération française des CRIAVS (FFCRIAVS), ce qui leur permet de partager des outils et de porter des projets communs. À titre d'exemple, les CRIAVS sont à l'origine d'initiatives comme le numéro STOP, un dispositif téléphonique destiné aux personnes sexuellement attirées par les enfants et permettant une prise en charge adaptée pour éviter le passage à l'acte.

Leurs missions s'articulent autour du partage d'information, de la mise en réseau et de la formation des professionnels chargés de prendre en charge des AICS. Grâce à leur fonction de centre de ressources, les CRIAVS contribuent au dialogue inter-institutionnel entre les services de santé, l'administration pénitentiaire et les juridictions. Si leur rôle initial consistait à assurer la mise en relation des professionnels de la justice et de la santé, ils interviennent désormais de façon plus large auprès de toutes les personnes pouvant être au contact d'auteurs de violences sexuelles (forces de l'ordre, personnels du milieu éducatif, du monde du sport, etc.).

Les CRIAVS jouent également un rôle dans la prévention de la récidive des AICS en construisant des programmes de prévention et de sensibilisation aux violences sexuelles et en les diffusant auprès des professionnels partenaires. Leur action de prévention est structurée en trois niveaux : primaire (en population générale), secondaire (auprès de publics plus à risque de commettre ce type d'infractions), tertiaire (auprès des personnes déjà condamnées).

Source : informations transmises par les CRIAVS auditionnés


* 1 Enquête « Vécu et ressenti en matière de sécurité » (VRS) - SSMSI - 2023.

* 2 Source : SSMI.

* 3 Source : données transmises par le Ministère de la justice

* 4 Source : Ministère de la justice, SDSE, fichier statistique du Casier judiciaire national

* 5 Source : ministère de la justice, SDSE, fichier statistique du Casier judiciaire national.

* 6 Marie Romero, contribution écrite à la MCC.

* 7 À partir des données transmises par le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice.

* 8 Source : Conférence nationale des présidents de tribunaux judiciaires (CNPTJ).

* 9 Tableau réalisé par le Service de la statistique des études et de la recherche du ministère de la justice, Dossier méthode n° 1, février 2025.

* 10 Source : ministère de la justice.

* 11 Source : données transmises par le ministère de la justice.

* 12 Source : Marie Romero, La prise en charge des mineurs auteurs d'infractions à caractère sexuel à la protection judiciaire de la jeunesse.

* 13 Ministère de la Santé et de la prévention, Guide de l'injonction de soins.

* 14 Ministère de la Santé et de la prévention, Guide de l'injonction de soins

* 15  Loi n° 2024-536 du 13 juin 2024 renforçant l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate 

* 16 La proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, votée en première lecture par le Sénat le 3 avril 2025, étend de 20 à 30 ans le délai de prescription en matière civile et maintient le mécanisme de prescription glissante pour les personnes majeures.

* 17  Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

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