C. LA CRAINTE D'UN MANQUE DE MOYENS DES RECTORATS POUR FAIRE FACE AUX ENJEUX
Les nouveaux COMP ont pour objectif de pousser plus loin l'expérience des COMP actuels en matière de déconcentration. Le ministère a annoncé vouloir s'inscrire davantage dans une logique de contractualisation territorialisée, les recteurs ayant désormais un rôle de pilote.
Sur le principe, la poursuite du mouvement de renforcement des recteurs et l'adaptation du cadre de pilotage aux territoires ne peut être que saluée. Pour autant, le rapporteur spécial l'a déjà indiqué dans son précédent rapport d'information mentionné supra sur le suivi de la loi ORE : « le transfert de la compétence au rectorat, si elle répond à une déconcentration de l'action publique et, en théorie, à une meilleure connaissance des universités, implique la poursuite du renforcement du rôle du recteur délégué à l'enseignement supérieur ». Le rapporteur spécial partage la volonté exprimée par la plupart des recteurs de disposer d'un rôle pleinement assumé dans le dialogue stratégique et dans l'allocation territorialisée des moyens. La Cour des comptes a également formulé des recommandations dans le même sens dans son rapport Universités et territoires de 202324(*).
Cette volonté se heurte cependant à la réalité des moyens des rectorats et rectorats délégués à l'enseignement supérieur, lesquels demeurent trop peu dimensionnés. Les équipes des rectorats ont pourtant déjà été fortement sollicitées pour les vagues 1 et 2 des COMP, ainsi que pour la négociation de la vague 3, encore en cours. Les rectorats soulignent le « travail très lourd à moyens humains constants » qui a dû être réalisé depuis 2023, éloigné du contrôle de légalité et de contrôle budgétaire qui constitue le coeur de travail des rectorats délégués à l'enseignement supérieur. En outre, les moyens ne sont pas équivalents dans l'ensemble des rectorats.
Les recteurs délégués sont inégalement armés face à des établissements susceptibles d'avoir, pour certains, une envergure nationale. De plus, si les prochains contrats ont vocation à être davantage centrés sur les sujets recherche et sur les liens avec les opérateurs de recherche, les compétences des recteurs délégués restent limitées sur ces aspects qui sont du ressort de la direction général de la recherche et de l'innovation (DGRI), alors que les recteurs ont principalement pour interlocuteurs la DGESIP.
Par ailleurs, le rôle du rectorat doit être crucial sur le suivi des contrats et non pas uniquement sur leur élaboration. La ministre Sylvie Retailleau indiquait ainsi qu'il appartenait aux recteurs de « mener un suivi opérationnel des contrats »25(*). Elle précisait néanmoins également que « les rôles des rectorats et des directions du ministère doivent probablement être reprécisés suite à la phase d'expérimentation ».
Les rectorats ont exprimé des inquiétudes quant à l'évocation par le ministère d'un « COMP à 100 % de la SCSP » : « actuellement, les équipes ne sont pas dimensionnées ni outillées et ne disposent pas des compétences pour conduire des COMP qui emportent l'intégralité de la SCSP » (rectorat Auvergne-Rhône-Alpes) ; « les moyens d'accompagnement académique devraient être précisés pour soutenir efficacement l'exercice » (rectorat Provence-Alpes-Côte d'Azur) ; « La question des moyens se posera avec l'extension des COMP à l'intégralité de la subvention pour charges de service public, qui devrait impliquer un renforcement du rôle des rectorats, avec des besoins d'analyse, d'expertise et de connaissance plus approfondis » (rectorat Grand Est).
Le cabinet du ministre a tenté de répondre à ces craintes en indiquant que le suivi des prochains contrats serait simplifié par rapport aux précédents du fait d'une diminution du nombre d'indicateurs. Le processus de négociation demeure pour autant complexe pour les équipes des rectorats.
En réalité, comme indiqué plus haut, il est peu crédible que les prochains contrats permettent de refondre l'intégralité des moyens accordés aux établissements et que les rectorats puissent avoir un rôle d'arbitrage budgétaire sur l'ensemble de la SCSP.
Le cabinet du ministre, auditionné par le rapporteur spécial, semble aller dans le sens d'un montant restreint que les recteurs pourraient répartir comme ils le faisaient dans le cadre du DSG, le reste de la SCSP continuant à être attribué par l'administration centrale. Si ce montant reste à déterminer, il ne devrait pas être inférieur au montant du DSG, sans aller nécessairement jusqu'au montant des précédents COMP. Le rapporteur spécial considère que cette liberté accordée aux recteurs sur une portion réduite des financements va dans le sens d'une plus grande responsabilisation des rectorats, tout en demeurant raisonnable à l'échelle de leurs moyens actuels.
Recommandation : inclure dans les prochains COMP des moyens spécifiques pouvant être attribués par les recteurs, qui ne devrait pas être supérieur à 100 millions d'euros au total, les arbitrages budgétaires sur l'essentiel des moyens continuant à relever du niveau national (DGESIP, rectorats)
* 24 Rapport public thématique Universités et territoires, Cour des comptes, février 2023.
* 25 Audition de Mme Sylvie Retailleau.