LISTE DES RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1 : Renforcer le volet addictologie de la feuille de route psychiatrie et santé mentale, sous l'angle des comorbidités réciproques (Gouvernement, ARS) Recommandation n° 2 : Renforcer le temps dédié à la psychiatrie et à la santé mentale dans la formation des infirmiers diplômés d'État, notamment par la mise en place d'un stage obligatoire en psychiatrie (Gouvernement) Recommandation n° 3 : Développer la collaboration entre les médecins généralistes et les psychiatres par le biais de la téléexpertise (Assurance maladie) Recommandation n° 4 : Développer les consultations avancées assurées par les IPA mention PSM au sein des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) et des centres de santé (établissements psychiatriques) Recommandation n° 5 : Garantir la continuité de la prise en charge des patients suivis dans le cadre de MonSoutienPsy en renforçant la coopération entre les psychologues, les médecins généralistes et les psychiatres (Assurance maladie) Recommandation n° 6 : Étendre les formations premiers secours en santé mentale à toutes les professions clés (soignants, travailleurs sociaux, forces de l'ordre, enseignants) puis à l'ensemble des citoyens (Ministères concernés) Recommandation n° 7 : Capitaliser sur la proposition de loi sur la profession d'infirmier pour développer les IPA mention PSM au sein de l'éducation nationale (Ministère de l'Éducation nationale) Recommandation n° 8 : Mieux intégrer les professionnels de santé de l'éducation nationale aux conseils locaux de santé mentale et à la démarche des PTSM (DGS, collectivités territoriales, ARS) Recommandation n° 9 : Rendre effectif l'accès des médecins de l'éducation nationale au dossier médical partagé, avec l'accord des représentants légaux de l'enfant (DGESCO, DGOS) Recommandation n° 10 : Développer les antennes des MDA et les dispositifs mobiles pour accroître leur accessibilité territoriale (ARS, collectivités territoriales) Recommandation n° 11 : Renforcer la présence des psychologues parmi les effectifs de l'aide sociale à l'enfance (conseils départementaux) Recommandation n° 12 : Développer les équipes mobiles pluridisciplinaires intervenant en faveur des enfants protégés (établissements psychiatriques, ARS, conseils départementaux) Recommandation n° 13 : Simplifier le dispositif d'autorisation d'exercice des Padhue (Ministère de la Santé) Recommandation n° 14 : Encourager, auprès des étudiants en médecine, la réalisation d'un stage en psychiatrie en privilégiant les services des hôpitaux non-universitaires (Ministère de la Santé) Recommandation n° 15 : Apprécier l'opportunité et la faisabilité de recréer une spécialité d'infirmière en psychiatrie (Gouvernement) Recommandation n° 16 : Mieux accompagner les établissements de santé dont une IDE souhaite entamer une formation à la pratique avancée (ARS) Recommandation n° 17 : Instaurer des grilles indiciaires appropriées pour les IPA exerçant dans les trois versants de la fonction publique (Pouvoir règlementaire) Recommandation n° 18 : Revoir le modèle économique des IPA mention PSM dans une révision globale de la rémunération des IPA exerçant en libéral (Assurance maladie) Recommandation n° 19 : Augmenter le nombre de professionnels, notamment d'IPA mention PSM, exerçant en CMP en priorisant les territoires où les délais d'attente sont les plus longs (Ministère de la Santé) Recommandation n° 20 : Conduire une réflexion, à l'échelle territoriale, sur la création de permanences d'accueil en urgence et l'aménagement des horaires d'ouverture au sein des CMP (ARS) Recommandation n° 21 : Flécher des financements pérennes en faveur du développement des équipes mobiles (ARS) Recommandation n° 22 : Mettre en place des partenariats locaux pour soutenir et faciliter le suivi à domicile des patients (Conseils locaux de santé mentale) |
LISTE DES SIGLES
A |
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ADF |
Assemblée des Départements de France |
Ademe AFP ALD AMF ANSM Apadhe Apec ARS ASE |
Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie Association française de psychiatrie Affection longue durée Association des maires de France Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé Accompagnement pédagogique à domicile, à l'hôpital ou à l'école Association pour l'emploi des cadres Agence régionale de santé Aide sociale à l'enfance |
C |
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CAMSP CATTP CCARPSY CDEF CLS CLSM CMP CMPP CNH CNOI CNP CNSA CRPS CRUP CSSM CTS |
Centres d'action médico-sociale précoce Centres d'accueil thérapeutique à temps partiel Comités régionaux consultatifs d'allocation de ressources en psychiatrie Centres départementaux de l'enfance et de la famille Contrats locaux de santé Conseils locaux de santé mentale Centres médico-psychologiques Centres médico-psycho-pédagogiques Centre national du handicap Conseil national de l'Ordre des infirmiers Commission nationale de psychiatrie Caisse nationale de la solidarité de l'autonomie Centres de réhabilitation psychosociale (CRPS) Centres renforcés d'urgences psychiatriques Commission spécialisée en santé mentale Conseil territorial de santé |
D |
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DGESCO DGOS DGS |
Direction générale de l'enseignement scolaire Direction générale de l'offre de soins Direction générale de la santé |
DMP DMSMP DNS Drees |
Dossier médical partagé Délégation Ministérielle à la Santé Mentale et à la Psychiatrie Délégation du numérique en santé Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques |
E |
|
Ehpad EIG EMIL |
Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Évènement indésirable grave Équipe mobile de pédopsychiatrie |
EMIP EMPP EMPPA Enclass EPIC EpiCov ESMS |
Équipe mobile d'intervention précoce en psychiatrie Équipes mobiles psychiatrie précarité Équipes mobiles de psychiatrie de la personne âgée Enquête nationale en collèges et lycées chez les adolescents sur la santé et les substances Équipe mobile psychiatrique d'intervention et de crise Épidémiologie et Conditions de vie liées au Covid-19 Établissement social ou médico-social |
F |
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FAM FFP FIOP Fire |
Foyer d'accueil médicalisé Fédération française de psychiatrie Fonds d'innovation organisationnelle en Psychiatrie Fonds d'intervention régionale |
H |
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HDJ |
Hôpitaux de jour |
HOME |
Habitat cOMmunautaire soutEnu |
I |
|
IDE Igas Inserm IPA |
Infirmier diplômé d'État Inspection générale des affaires sociales Institut national de la santé et de la recherche médicale Infirmier en pratique avancée |
M |
|
MAS MDA |
Maison d'accueil spécialisée Maison des adolescents |
O |
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OFDT |
Observatoire français des drogues et des tendances addictives |
OMS |
Organisation mondiale de la santé |
P |
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Padhue PAEJ PMI PSM |
Praticien à diplôme hors union européenne Point accueil et écoute des jeunes Protection maternelle et infantile Psychiatrie et santé mentale |
PTSM |
Projets territoriaux de santé mentale |
S |
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SAS SIIS SISM SNS SpF SPT SSMSI |
Service d'accès aux soins Suivi Intensif pour l'Inclusion Sociale Semaines d'information sur la santé mentale Stratégie nationale de santé Santé publique France Syndrome de stress-post traumatique Service statistique ministériel de la sécurité intérieure |
U |
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UHSA UMD Unipa USP |
Unité hospitalière spécialement aménagée Unité pour malades difficiles Union nationale des infirmier.es en pratique Union syndicale de la psychiatrie |
I. LA DÉGRADATION DE LA SANTÉ MENTALE : UNE TENDANCE DE FOND, PARTICULIÈREMENT INQUIÉTANTE CHEZ LES JEUNES
Si le terme de « psychiatrie », apparu au milieu du XIXe siècle, est assez simple à définir - discipline médicale traitant des maladies mentales, la notion de santé mentale s'avère plus large et surtout plus floue.
De la psychiatrie vers la santé mentale
Notons d'abord que l'usage courant de l'expression « santé mentale » est assez récent. En anglais, les termes mental hygiene sont bien plus répandus de la fin du XIXe siècle jusqu'aux années 19401(*), durant lesquelles la tendance s'inverse au profit de mental health. En 1948, le IIIe Congrès international d'hygiène mentale se tenant à Londres aboutit à ce que le Comité International d'Hygiène Mentale soit renommé en Fédération mondiale pour la santé mentale.
En 1946, la constitution de la nouvelle Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité ». Ses tentatives de définir la santé mentale rejettent, de la même manière, les conceptions purement négatives « qui en font un état dans lequel l'individu ne présente aucun trouble mental caractérisé » pour la concevoir comme un état qui n'est pas statique « mais présente des variations et des fluctuations de degré » 2(*).
La psychiatrie, et les troubles dont elle s'occupe, ne sont donc qu'un seul aspect de la santé mentale qui, peu à peu, devient un objet de politique publique. Il est vrai que ce concept offre la possibilité d'insister sur la prévention3(*), ce que permet moins le terme de psychiatrie. En outre, il permet, comme le remarque Claude-Olivier Doron4(*), de fédérer toutes sortes d'acteurs qui, désormais, appartiennent au « champ de la santé mentale ».
La santé mentale devient donc ainsi un sujet de santé publique et l'OMS n'aura de cesse de le promouvoir. En France, où les termes ont pris plus de temps à s'imposer, ce sont surtout les années 1990 qui voient l'émergence de la santé mentale comme un axe majeur de santé publique. Un plan « Santé mentale » est présenté en 2001 par Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. Ce plan s'appuie d'ailleurs sur un rapport au titre éloquent « De la psychiatrie vers la santé mentale »5(*).
La définition synthétique de la santé mentale, arrêtée par l'OMS, est « un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de la communauté ». C'est en se fondant sur cette conception holiste, qui prend en compte les déterminants biologiques, sociaux et environnementaux, que Santé publique France (SpF) distingue trois dimensions de la santé mentale :
- la santé mentale positive, qui recouvre le bien-être, l'épanouissement personnel, les ressources psychologiques et les capacités d'agir de l'individu dans ses rôles sociaux ;
- la détresse psychologique réactionnelle, induite par les situations éprouvantes et difficultés existentielles, qui n'est pas forcément révélatrice d'un trouble mental ;
- les troubles psychiatriques de durée variable, plus ou moins sévères ou handicapants.
Les principaux troubles mentaux
Les troubles dépressifs se caractérisent par une perturbation de l'humeur (tristesse, perte de plaisir...) dans la durée, entraînant une vision pessimiste du monde et de soi-même. Ils ont des répercussions de manière importante sur la vie quotidienne (sommeil, appétit, libido...).
Les troubles anxieux, différents de la peur, et aux symptômes variables d'une personne à une autre, sont ressentis dans la durée et sans lien avec un danger. Six types de troubles anxieux peuvent être recensés : l'anxiété généralisée, le trouble panique, les phobies spécifiques, l'agoraphobie, le trouble d'anxiété sociale et le trouble d'anxiété de séparation.
Les troubles psychotiques regroupent un ensemble de troubles comme la schizophrénie ou les troubles bipolaires, qui se manifestent par une altération de la perception de la réalité.
Les troubles des conduites alimentaires, comme la boulimie ou l'anorexie, engendrent une relation à la nourriture perturbée. Ils apparaissent souvent à l'adolescence et nécessitent une prise en charge thérapeutique globale.
Les troubles addictifs sont liés à l'utilisation d'une substance psychoactive entrainant une dépendance (alcool, tabac, drogue) ou à un comportement (jeux d'argent et de hasard, jeux vidéo...). Le fonctionnement mental en est modifié et des conséquences négatives s'ensuivent sur la santé physique et mentale.
Source : Ministère de la santé et de la prévention
A. LA SANTÉ MENTALE DES FRANÇAIS NE S'EST PAS AMÉLIORÉE DEPUIS LA FIN DE LA CRISE SANITAIRE
1. Des indicateurs qui témoignent d'un maintien d'un état dégradé de la santé mentale de la population
Le rapport de la commission des affaires sociales de décembre 20216(*) rendait compte de la dégradation sensible de l'état psychologique de la population générale dès le premier confinement de la crise sanitaire à travers plusieurs indicateurs. Les rapporteurs soulignaient également que « plus d'un an après le début de la pandémie, les différents aspects analysés demeur[aient] à des niveaux estimés très supérieurs à la situation observée hors épidémie »7(*).
Il ressort des travaux de la présente mission d'information que la dégradation observée pendant la crise sanitaire a été générale et s'avère en grande partie durable. Les auditions des professionnels de santé ont fait ressortir que l'état de santé mentale de la population ne s'est pas amélioré en dépit de la fin des confinements et du retour à la vie normale.
Les données des enquêtes épidémiologiques étayent aussi ce constat. L'enquête CoviPrev8(*) révèle ainsi que les signes d'anxiété concernaient 23 % de la population générale en septembre 2023 contre 13,5 % en 20179(*). De même, les problèmes de sommeil sont relevés à une prévalence de 71 % en 2023 contre 49,4 % en 2017.
Les enquêtes CoviPrev et EpiCov
• Menée par Santé publique France, depuis le 23 mars 2020, CoviPrev est une enquête transversale répétée (chaque échantillon est indépendant) par internet auprès de 2000 répondants âgés de 18 ans et plus, recrutés au sein d'un panel d'internautes (inscrits pour obtenir des points cadeaux en l'échange de participation à des enquêtes) selon la méthode des quotas appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, CSP, taille d'agglomération, région de résidence.
• L'enquête EpiCov (Épidémiologie et Conditions de vie liées au Covid-19) a été mise en place par l'Inserm et la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) depuis 2020. Elle allie une interrogation par questionnaire, en ligne ou téléphonique, avec des analyses sérologiques menées auprès de répondants volontaires âgées de 15 ans ou plus en 2020.
Plus difficile à appréhender, la prévalence des troubles psychotiques dans l'ensemble de la population ne semble pas avoir présenté des évolutions significatives ces dernières années. Toutefois, derrière cette stabilité apparente, les données de la Cnam suggèrent quelques évolutions selon l'âge (voir encadré ci-dessous).
La prévalence des troubles psychotiques
La littérature internationale suggère qu'entre 0,5 et 2 % de la population serait atteinte d'un trouble psychotique. L'OMS indique ainsi que la prévalence de la schizophrénie serait de 0,45 % parmi les adultes10(*).
En France, une étude de 201411(*) estime que 3,8 habitants sur 1000 ont fait l'objet, en 2012, d'une prise en charge pour troubles psychotiques par les établissements psychiatriques et 4,8 sur 1000 étaient en affection de longue durée (ALD) en raison d'une psychose. Il ne s'agit donc pas d'une prévalence totale des personnes souffrance d'une maladie psychotique mais de deux indicateurs qui peuvent s'en rapprocher. Les effectifs identifiés, en établissement comme en ALD, pointent un taux 1,3 à 1,5 fois plus important chez les hommes que chez les femmes.
Enfin, l'exploitation de la base de données Data pathologies de la Cnam suggère une prévalence de troubles psychotiques, en 2022, qui serait de 7,1 cas pour 1 000 habitants. Ce taux serait 8,2 cas chez les hommes et de 6,0 cas parmi les femmes. La prévalence serait donc 1,37 fois supérieure chez les hommes que chez les femmes.
Depuis 2015, en se fondant sur ces données, qui ne répertorient que les patients pris en charge, la prévalence des troubles psychotiques aurait peu évolué dans la population générale : elle a ainsi oscillé entre 7,0 et 7,3 cas pour 1 000 habitants. Il semblerait cependant qu'elle ait eu tendance à décroître avant 50 ans et à augmenter après cet âge sans que des facteurs explicatifs ne puissent être avancés.
Prévalence des troubles psychotiques par classe d'âge en 2015 et en 2022
Source : Data pathologies, calculs Sénat
a) Les syndromes dépressifs, quoique légèrement décroissants en population générale, restent à un niveau élevé.
S'agissant des syndromes dépressifs, la même enquête CoviPrev indique qu'ils concernent 16 % de la population en septembre 2023 soit une proportion globalement décroissante depuis la fin de la pandémie mais nettement supérieure à la période antérieure à la crise (9,8 % en 2017).
Le dernier volet12(*) d'une autre enquête, dénommée EpiCov, réalisé fin 2022, met également en évidence une légère baisse des syndromes dépressifs dans toutes les catégories de la population. Toutefois, la prévalence des syndromes sévères, rendant compte d'une dépression caractérisée, est stable depuis 2020 et concernent 5,3 % de la population à l'automne 2022 - soit un niveau supérieur à celui constaté en 2014.
Prévalences dans la population
générale, par sexe,
des syndromes dépressifs
majeurs et mineurs de 2014 à 2022
Source : Drees, enquête Epicov
b) Une inquiétude majeure sur les pensées suicidaires dont la prévalence est en hausse constante
Concernant, enfin, les pensées suicidaires, autre indicateur pertinent de l'état de la santé mentale des Français, l'enquête CoviPrev indique qu'elles seraient présentes chez 10 % de la population contre 4,7 % en 2017. De même, les données issues d'EpiCov suggèrent une progression de la prévalence de pensées suicidaires, légère dans toutes les classes d'âge, sauf chez les jeunes où elle est nettement plus marquée (voir infra).
Prévalence des pensées suicidaires en 2020, 2021 et 2022 selon l'âge
En pourcentage
Source : Sénat, données Drees.
Les bulletins mensuels de Santé publique France, recensant les passages aux urgences pour des raisons liées à la santé mentale, font apparaître un constat alarmant sur ce point. Le nombre de passages aux urgences pour des idées suicidaires augmente chaque année depuis 2021. Pour les premiers mois de 2025, il s'établit encore à des niveaux largement supérieurs à ceux constatés les trois années précédentes. Cette tendance se confirme y compris pour les personnes âgées de plus de 65 ans, moins concernées par les pensées suicidaires.
Nombre hebdomadaire de passages aux urgences
pour des idées suicidaires pour les années 2022 à
2025.
Tous âges
Personnes âgées de 65 ans ou plus
La santé mentale des personnes âgées
La santé mentale des personnes âgées est un sujet de préoccupation souvent moins mise en exergue que l'état psychologique d'autres populations. Comme le notait, en 2014, l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm), « la souffrance psychique des personnes âgées et ses différentes formes d'expression (...) sont encore souvent banalisées et mises sur le compte du seul vieillissement »13(*). Alors même que la dépression est bien « une pathologie et en aucun cas la conséquence d'un vieillissement normal »14(*).
En outre, les personnes âgées constituent une catégorie de la population vulnérable à des troubles psychiques du fait de l'isolement social, dont ils peuvent souffrir, qui demeure un facteur aggravant des troubles comme la dépression et l'anxiété. La solitude peut en outre nuire au maintien des capacités cognitives. Les isolements et confinements de la période de la crise sanitaire n'ont pas été anodins pour cette population.
L'OMS met en avance que 14 % des personnes âgées de plus de 60 ans souffrent d'un trouble mental et que 27,2 % des décès par suicide concernent des personnes âgées de 60 ans ou plus15(*).
En France, la consommation des médicaments montre d'ailleurs que la prévalence des traitements antidépresseurs ou régulateurs de l'humeur, ainsi que des traitements anxiolytiques est globalement croissante en fonction de l'âge.
Prévalence des traitements antidépresseurs ou régulateurs de l'humeur par classe d'âge en 2015 et en 2022
Source : Data pathologies, calculs Sénat.
Ce constat, conjugué au vieillissement de la population, explique que les besoins de gérontopsychiatrie sont fortement croissants comme il a été souligné aux rapporteurs en audition. Les unités existantes ne sont pas dimensionnées pour le nombre de patients potentiels. Sans structure adaptées dans le secteur médico-social, et au sein des services psychiatriques ou gériatriques, les services des urgences se retrouvent à devoir accueillir un nombre toujours plus grand de ces patients.
c) Les gestes auto-infligés réaugmentent depuis 2020 en raison de leur prévalence chez les femmes
Les travaux de l'Observatoire national du suicide soulignent que les hospitalisations pour gestes auto-infligés - tentatives de suicide - sont en augmentation constante depuis 202016(*), en raison de la hausse de la prévalence de ces gestes chez les femmes. En effet, alors que le nombre de tentatives de suicides a diminué en population générale à partir des années 2010, cette décroissance s'est interrompue pour les femmes à compter de 2021, augmentant de nouveau jusqu'en 2023 (+ 4 %).
Nombre de patients hospitalités en MCO pour geste auto-infligé, par sexe, entre 2010 et 2023.
Source : ONS, Rapport précité, p. 131.
2. Un aspect à ne pas négliger : les effets de la déstigmatisation
a) La part de responsabilité de la crise sanitaire
Une rupture dans l'état de santé mentale de la population semble se dessiner aux alentours de 2020-2021, pointant, de prime abord, la responsabilité de la crise sanitaire. Les effets à très court terme de cette dernière sur la santé mentale sont plutôt documentés et le présent rapport n'entend pas y revenir précisément. Pour rappel, le rapport précité de la commission dépeignait la santé mentale comme une « victime collatérale de la crise sanitaire »17(*) en s'appuyant sur la détérioration constatée des indicateurs de santé mentale dès le premier confinement.
Cet effet immédiat peut être lié à l'anxiété d'une contamination, avérée ou redoutée au Sars-cov2, la situation pesante engendrées par les mesures de protection ou, plus généralement le contexte anxiogène qui bousculait beaucoup de repères. La Commission nationale de psychiatrie (CNP) indique ainsi aux rapporteurs : « les conséquences sur la santé mentale et psychiatriques sont aujourd'hui indéniables et quel que soit les tranches d'âge et les catégories sociales. La peur de contracter le Sars-cov2, les mesures de confinement, les restrictions de la circulation, le port du masque, la distanciation sociale, les deuils, la crise socio-économique ont pesé sur les équilibres psychologiques, sociétaux et individuels ».
Plus délicate s'avère l'identification de la part de responsabilité jouée par la crise sanitaire dans la détérioration de long terme qui transparait des données exposées plus en amont. Quelques effets pérennes peuvent être associés au covid-19. Par exemple, une étude française de septembre 202418(*) a montrait que les patients ayant connu une phase aiguë d'une infection au covid-19 étaient plus susceptibles de présenter des troubles psychiatriques - troubles dépressifs et troubles anxieux notamment - dans les deux ans suivant une hospitalisation ; les facteurs déterminants étant une durée d'hospitalisation supérieure à sept jours, un épisode de confusion et un taux élevé de monocytes sanguins. Les données transmises par Santé publique France19(*) font également état d'un risque de dépression multiplié par quatre en cas de covid long par rapport aux autres personnes infectées. Toutefois, il ne s'agit pas là de causes suffisantes à expliquer l'évolution générale constatée.
À l'échelle globale, ainsi que l'indique Santé publique France, « il semble que la crise covid marque un tournant - ou a minima un accélérateur - dans la santé mentale des Français, mais il reste difficile voire impossible d'estimer la part directement attribuable au contexte de la pandémie. (...) il existe plusieurs autres raisons ou facteurs pouvant expliquer cette dégradation ».
Il ressort des auditions des rapporteurs, et notamment des échanges avec les professionnels de santé, un constat empirique qui étayent les conclusions de Santé publique France ; la dégradation de l'état de santé mentale de la population est une tendance de fond qui préexistait à la crise sanitaire et dont les déterminants sont multifactoriels. Le covid a joué un rôle de révélateur, sans aucun doute, voire d'accélérateur, mais imputer la dégradation observable à la seule crise, et nier ainsi les déterminants à l'oeuvre depuis des années, serait dangereux.
b) Des évolutions au long cours pouvant rendre plus vulnérable la santé mentale de la population
De multiples facteurs participant à la dégradation constatée de l'état de santé mentale ont été désignés sans que les travaux scientifiques actuels ne puissent distinguer la part de responsabilité des uns et des autres.
Un isolement social, croissant dans la population, a tout d'abord été mis en exergue comme une des premières causes sous-jacentes. Sur le temps long, les évolutions sociétales ont eu tendance à renforcer cet isolement, facteur prédictif bien connu des troubles de santé mentale. La proportion de personnes résidant seules en France augmente ainsi régulièrement pour avoisiner les 20 %20(*). De même, le nombre de familles monoparentales atteint des niveaux très élevés21(*).
Le délitement du lien social est un phénomène au long cours, renforcé par la numérisation des rapports humains et nourri, plus récemment par la crise sanitaire. Ce constat a été unanimement partagé en audition. Frédéric Chéreau, maire de Douai et co-président de la commission santé de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) a ainsi constaté que « la solitude était un grand facteur de la dégradation observée de la santé mentale ».
L'association SOS Amitié, gérant un service d'écoute téléphonique, rend compte d'une augmentation continue des appels depuis 2019 (+ 5,7 % du nombre d'appel entre 2023 et 2024), mais également de la durée moyenne des conversations téléphoniques (environ 20 minutes avant la crise sanitaire à 34 minutes aujourd'hui). L'association note ainsi, dans sa contribution : « la crise sanitaire et les différents confinements ont été des accélérateurs de difficultés de vie pour les personnes qui ont appelés S.O.S Amitié. Certains éléments déjà présents ont pris de l'ampleur ; le ressenti d'une grande solitude, d'un isolement plus important qu'avant ont submergés certains d'entre eux ».
Selon un rapport de la Fondation de France22(*), 12% de la population était en situation d'isolement relationnel en janvier 2024 - une proportion en augmentation de trois points depuis 2010. Surtout, ce rapport pointe un taux toujours élevé - plus de 80 % - de personnes isolées déclarant souffrir de la solitude23(*). Les enquêtes d'opinion, commandées par l'association Astrée, montrent que la « solitude chronique » - rendant compte des personnes se disant « toujours » ou « souvent » seules - demeure supérieure à son niveau antérieur à la crise sanitaire - 17 % en 2024 contre 13 % en 2018. Selon l'association, « [ce] constat (...) suggère que la pandémie a durablement modifié les liens sociaux, notamment via l'accélération de la digitalisation de la société »24(*).
Les rapporteurs constatent, par ailleurs, que l'Assemblée de l'OMS, le 19 mai 2025, a approuvé une résolution visant à favoriser les liens sociaux, pointant notamment les effets délétères du délitement de ces derniers sur la santé mentale25(*).
Recréer du lien social pour agir en faveur de la santé mentale
Les déterminants de la santé mentale étant multiple, la prévention est elle-même multidimensionnelle et comporte des actions qui, de prime abord, semble bien éloigné de considérations médicales. Entendu en audition par les rapporteurs, Frédéric Chéreau, maire de Douai, a insisté sur le rôle du maire, « acteur de première ligne du lien social » pour agir en faveur de la santé mentale.
Un projet de pension de famille, porté entre autres par Soliha et l'UNAFAM, devrait voir prochainement être inauguré à Douai offrant 24 logements individuels à destination de personnes souffrant de troubles psychiques et des personnes isolées. Le mélange de ces deux publics, permettant de recréer du lien social, a déjà fait ces preuves dans d'autres pensions de famille26(*).
L'une des cinq thématiques assignés aux conseils locaux de santé mentale (CLSM) est ainsi d'« agir sur les déterminants de la santé mentale » en investissant, par exemple, les champs du logement ou de la culture.
La transformation du monde du travail est également un facteur à prendre en compte dans la dégradation observée. D'une part, le recours accru au télétravail, parfois imposé, peut accentuer le sentiment d'isolement décrit ci-avant. La même enquête d'opinion révèle que 26 % des personnes pratiquant le télétravail indiquent que ce dernier augmente le sentiment de solitude27(*). D'autre part, le rapport au monde professionnel évolue ; sans préjuger ici des causes de cette tendance, le désengagement des salariés et l'absentéisme observée en hausse révèlent un mal-être dans le milieu professionnel qui se renforce, y compris chez les cadres28(*).
D'autres facteurs sociétaux ont été mis en avant, lors des auditions des rapporteurs, comme l'augmentation du temps d'écran et l'influence croissante des réseaux sociaux, plus prégnantes chez les jeunes (voir infra), mais également la diminution du temps de sommeil, les liens entre santé mentale et sommeil étant établis de longue date29(*). Enfin, au chapitre de la transformation des comportements, la réduction de l'activité physique et le développement de la sédentarité pourraient aussi être cités30(*).
c) Un contexte anxiogène et stressant
Les rapporteurs souscrivent aux propos de France dépression qui pointe la responsabilité d'un contexte socio-économique anxiogène, en lien avec l'inflation, le niveau de précarité et d'insécurité de l'emploi.
Il est vrai que les études établissent un lien entre troubles psychiques et des conditions sociales et économiques défavorables31(*) (voir graphique ci-après) bien que l'augmentation récente des symptômes dépressifs ont concernés tous les segments de population analysé, selon Santé Publique France.
Prévalence des syndromes dépressifs selon la situation financière déclarée
En 2022
Source : Commission des affaires sociales, données EpicCov
d) Les difficultés croissantes dans l'accès aux soins
Enfin, la dégradation de la santé mentale de la population trouve aussi son origine dans les difficultés d'accès aux soins primaires ou spécialisés qui engendrent des retards de diagnostic et de prise en charge ou une discontinuité du suivi. Or, la précocité de la prise en charge des pathologies psychiques est essentielle pour accroitre les chances d'une stabilisation de l'état ou pour éviter une chronicisation des troubles.
Ainsi que le présent rapport le montre, cette situation a eu tendance à s'accentuer ces dernières années du fait de la démographie médicale déclinante (psychiatres comme médecins généralistes), de l'engorgement des centres médico-psychologiques (CMP), de la fermeture de lits d'hospitalisations... En outre, cette absence de prise en charge peut renforcer l'isolement social et provoquer une accentuation des troubles somatiques associés à une pathologique psychiatrique, eux-mêmes éléments aggravants des troubles psychiques.
Il convient enfin d'ajouter, parmi les différents obstacles à une prise en charge adaptée, les tensions dans l'approvisionnement de psychotropes qui, là encore, peuvent provoquer des ruptures thérapeutiques.
Les tensions d'approvisionnement de psychotropes
Des difficultés d'approvisionnement sur certains psychotropes sont observées en France depuis 2024 et concernent notamment des molécules largement utilisées comme la quétiapine, la venlafaxine, la sertraline et le Teralithe.
La quétiapine, utilisée pour le traitement de la schizophrénie et des troubles bipolaires ainsi que pour le traitement adjuvant des épisodes dépressifs majeurs, a été particulièrement touchée depuis décembre 2024, avec environ 250 000 patients concernés. La concentration de la production sur un nombre restreint de sites a rendu vulnérable son approvisionnement à cause des difficultés liées au site de production de Pharmathen en Grèce (60 % des volumes nationaux), depuis juillet 2024. Si la situation s'améliore progressivement grâce à d'autres producteurs et à la reprise partielle de ce site Pharmathen, le retour à un niveau normal d'approvisionnement n'est pas encore d'actualité32(*).
La venlafaxine reste perturbée, avec une normalisation qui était attendue courant mai 2025.
La sertraline est affectée par une augmentation de 80 % des prescriptions en cinq ans et un défaut qualité. Des approvisionnements sont annoncés en mai 2025.
Le Teralithe fait l'objet de signalements de disponibilité.
Pour éviter les ruptures totales d'approvisionnement, notamment de quétiapine, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a décidé d'un contingentement quantitatif pour le circuit ville en interdisant l'exportation de ces médicaments par les grossistes-répartiteurs vers l'étranger à compter du 26 septembre 2024. Elle a demandé aux laboratoires non concernés par les difficultés d'approvisionnement d'augmenter leur production. L'ANSM a par ailleurs publié des conduites à tenir à destination des médecins et des pharmaciens afin d'encourager, si possible, à la prescription d'alternative thérapeutique. Les pharmaciens doivent quant à eux recourir obligatoirement à la dispensation à l'unité, pour les comprimés de quétiapine LP 50 mg et sont invités à recourir au dispositif de préparations magistrales.
Source : Réponse du délégué ministériel au questionnaire des rapporteurs et réponse du ministère chargé de la santé et de l'accès aux soins à une question de la sénatrice Marion CANALÈS33(*).
3. Un aspect à ne pas négliger : les effets de la déstigmatisation
L'augmentation perçue des indicateurs de santé mentale ne rend pas nécessairement compte de troubles émergeants, mais peut traduire une part de besoins de soins préexistants qui n'étaient pas exprimés ou repérés jusqu'alors. Il convient de ne pas négliger l'effet de la déstigmatisation des troubles psychiques.
La déstigmatisation est un axe déjà ancien des politiques de santé publique ; le plan pluriannuel de santé mentale, présenté par le ministre Bernard Kouchner en 2001, comportait déjà un volet visant à « lutter contre la stigmatisation attachée aux maladies mentales ». La feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie reprenait, dès sa présentation en juin 2018, des actions de lutte contre la stigmatisation.
Les campagnes de sensibilisation sur la santé mentale
Chargée de promouvoir la prévention en santé, l'agence Santé publique France est responsables des campagnes de communication sur la santé mentale. En guise d'illustration, elle notamment pu mener deux campagnes en 2021 -2022.
En avril-mai 2021, une campagne « En parler, c'est déjà se soigner » a été conduite à destination des majeurs, avec comme objectif d'inciter les personnes concernées par des symptômes anxieux ou dépressifs à en parler (entourage, professionnel, ou dispositif d'écoute). Cette campagne a fait l'objet d'une diffusion à la télévision, à la radio, sur les réseaux sociaux et sur internet, sous la forme de bannières web. Selon les enquêtes de Santé Publique France, le public a bénéficié d'un niveau élevé d'exposition à la campagne tandis que « les principaux objectifs ont été atteints avec une augmentation modeste, mais significative, des recours aux dispositifs d'information et de soutien psychologique »34(*). Le site Psycom a ainsi connu une augmentation de 144% du nombre moyen de visites quotidiennes pendant la période de la campagne.
Exemple de bannière grand public diffusée en 2021
Source : Santé publique France
En juin et juillet 2021, une seconde campagne « #JenParleÀ », ciblant les adolescents, a été menée sous la forme de courts films diffusés sur les réseaux sociaux, de bannières web, mais également d'opérations d'influence sur les réseaux Instagram et TikTok, avec le concours d'influenceurs et de célébrités. Cette campagne a ensuite été rediffusée en janvier et juin 2022, enrichie par de nouveaux formats comme des affiches dans les collèges et lycées.
Exemple de bannière à destination des adolescents diffusée en 2021
Source : Santé Publique France
Enfin, l'agence a indiqué aux rapporteurs qu'elle diffusera, en septembre 2025, une nouvelle campagne grand public dans le cadre de la grande cause nationale 2025 sur la santé mentale. Ont été assigné à cette opération trois objectifs à savoir :
- valoriser la santé mentale comme un concept positif et comme faisant partie de la santé globale ;
- faire prendre conscience aux personnes qui ne se sentent pas concernées que nous avons tous une santé mentale et que nous pouvons tous en prendre soin ;
- faire connaître (notoriété) et inciter les personnes à consulter (trafic) le nouveau site dédié à la santé mentale.
À noter également que le Gouvernement a, par ailleurs, lancé, en juin 2025, un appel à projets dédié à la santé mentale, Grande cause nationale 2025, afin de financer une campagne de communication innovante.
Source : Santé Publique France, réponses au questionnaire des rapporteurs
Il est donc vraisemblable que ces campagnes d'information portées par les pouvoirs publics, conjuguées aux efforts de la société civile et des professionnels de santé, portent leurs fruits35(*). Néanmoins, dans l'accélération récente des besoins, il faut sans doute y percevoir aussi l'effet de la crise sanitaire, laquelle semble avoir contribué à lever un tabou.
La décision de Michel Barnier, alors Premier ministre, de consacrer la santé mentale comme « grande cause nationale de l'année 2025 », avec, comme premier objectif, la déstigmatisation, a donné également l'occasion de libérer la parole sur ce sujet.
En 2025, la santé mentale s'impose, en effet, comme un thème majeur dans le début public et l'espace culturel. De nombreuses personnalités publiques ont apporté leur témoignage sur les troubles psychiques, dont ils souffrent ou ont déjà souffert, comme les sportifs Florent Manaudou et Camille Lacour, la comédienne Michèle Bernier, ainsi que le journaliste Nicolas Demorand. Son ouvrage Intérieur nuit, paru en mars 2025, dans lequel il se livre sur les errances médicales qu'il a expérimentées et le sentiment de honte éprouvé face à sa maladie, a connu une résonnance particulière dans les médias et participe au changement de mentalité à l'oeuvre. La santé mentale est en outre devenue un sujet populaire de documentaires télévisés en 2024 et 202536(*) et se retrouve même au coeur de l'intrigue de superproductions hollywoodiennes, en témoigne le film Thunderbolts des studios Marvel37(*).
Les rapporteurs se réjouissent de cette émulation autour de la santé mentale qui devrait encore se prolonger, en 2025, par de nombreuses campagnes publiques de communication (voir encadré ci-dessus).
Toutefois, comme l'indique France dépression, « la stigmatisation de la santé mentale persiste, empêchant de nombreuses personnes de consulter à temps ». Les associations, entendues en audition, pointent le risque que cette mise en lumière de la santé mentale ne soit qu'éphémère alors que les préjugés sont solidement ancrés dans les consciences. Les rapporteurs ne peuvent que s'associer à cette crainte et invitent les pouvoirs publics à maintenir dans la durée cet effort de sensibilisation du grand public.
* 1 Claude-Olivier Doron, « L'émergence du concept de « santé mentale » dans les années 1940-1960 : genèse d'une psycho-politique », Pratiques en santé mentale, 61e année (1), 2015, pp. 3-16.
* 2 OMS, Comité d'experts de la santé mentale, Rapport sur la deuxième session, Genève, 1951, p. 4.
* 3 ce dont rendait encore mieux compte les termes d'hygiène mentale.
* 4 Claude-Olivier Doron, op. cit.
* 5 Rapport de la mission conduite par les Dr Eric Piel et Jean-Luc Roelandt, juillet 2001.
* 6 Rapport d'information de Jean Sol et Victoire Jasmin, fait au nom de la commission des affaires sociales sur les effets de l'épidémie de covid-19 sur la santé mentale, 15 décembre 2021.
* 7 Rapport précité, p. 23.
* 8 Santé publique France, « Comment évolue la santé mentale des Français ? », Résultats de la vague 37 de l'enquête CoviPrev (11-18 septembre 2023).
* 9 L'étude antérieure à la crise sanitaire datait de 2017.
* 10 OMS, « Schizophrénie », : https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/schizophrenia.
* 11 C. GOURIER-FRÉRY, C. CHAN-CHEE, N. BELTZER, « Prévalence de la schizophrénie et autres troubles psychotiques en France métropolitaine », 2014.
* 12 Drees, « Santé mentale : un état des lieux au regard de la situation financière, de l'orientation sexuelle et des discriminations subies », Études et Résultats n° 1340, juin 2025.
* 13 Anesm, « Prise en compte de la souffrance psychique de la personne âgée : prévention, repérage, accompagnement », mars 2014.
* 14 Philippe Thomas et Cyril Hazif-Thomas, « Les nouvelles approches de la dépression de la personne âgée », Gérontologie et société, 2008, pp. 141-155, cité par Anesm, publication précitée.
* 15 OMS, « Santé mentale et vieillissement », octobre 2023.
* 16 Observatoire national du suicide, sixième rapport, février 2025.
* 17 Rapport d'information précité de Jean SOL et Victoire JASMIN, p. 19.
* 18 M. Gasnier, P. Pinson, N. Beeker, C. Truong-Allié, L. Becquemont, B. Falissard, E. Corruble et R. Colle « Acute covid-19 severity markers predict post-covid new-onset psychiatric disorders : a 2-year cohort study of 34,489 patients. », Mol Psychiatry 30, 1329-1337, septembre 2024.
* 19 Sur le fondement de l'enquête « COVID long - Affection post-covid-19, France métropolitaine », conduite de septembre à novembre 2022.
* 20 Passant ainsi de 6 % en 1962 à 17,9 % en 2008 puis 19 % en 2013 : chiffre cité par un rapport du CESE, « Combattre l'isolement social pour plus de cohésion et de fraternité », juin 2017.
* 21 P. Bora, « En 2023, trois enfants sur dix vivent avec un seul de leurs parents », Insee Première n° 2032, janvier 2025.
* 22 Hadrien RIFFAUT, Séverine DESSAJAN et Delphine SAURIER, « Le temps des solitudes : les fragilités relationnelles à l'épreuve des temporalités », Rapport annuel de la Fondation de France sur les Solitudes, janvier 2024.
* 23 Rapport, p. 11.
* 24 Association Astrée et Ifop, « La solitude en France : un héritage durable de la crise sanitaire qui masque des fractures sociales profondes », Baromètre (vague 5), 23 janvier 2025.
* 25 OMS, Fostering social connection for global health : the essential role of social connection in combating loneliness, social isolation and inequities in health, Draft resolution, 19 mai 2025.
* 26 Pavel Clauzard, « À Douai, un projet de pension de famille pour « recréer du lien social » va voir le jour », La Voix du Nord, 19 novembre 2024.
* 27 Association Atrée et Ifop, étude précitée.
* 28 Association pour l'emploi des cadres (Apec), publication de septembre 2022.
* 29 Interview du Dr Marc Rey, président de l'Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV) « Somnolence : un signe possible de trouble de santé mentale à détecter »,
* 30 Sur le bienfait même de l'activité physique pour les personnes souffrant de troubles psychiatriques : Stubbs B., Vancampfort D., Hallgren M., Firth J., Veronese N., Solmi M. et autres, « EPA guidance on physical activity as a treatment for severe mental illness: A meta-review of the evidence and position statement from the European Psychiatric Association (EPA), supported by the International Organization of Physical Therapists in Mental Health (IOPTMH) ». European Psychiatry, 2018, vol. 54 : p. 124-144.
* 31 Jean-Baptiste HAZO (Drees), « Santé mentale : un état des lieux au regard de la situation financière, de l'orientation sexuelle et des discriminations subies », Études et résultats, n° 1340, juin 2025.
* 32 Communiqué de l'ANSM, « Tensions d'approvisionnement en quétiapine : recommandations au 27 mai 2025 ».
* 33 JO Sénat du 24/04/2025 - page 2060
* 34 Santé publique France, Évaluation de la campagne santé mentale adultes : « En parler c'est déjà se soigner », 14 mars 2022.
* 35 Par exemple, les semaines d'information sur la santé mentale (SISM), créés en 1990 par l'Association française de psychiatrie (AFP) et aujourd'hui coordonnées par un collectifs, se tiennent chaque année pour promouvoir la santé mentale auprès de la population générale.
* 36 Santé mentale : quand les athlètes vont mal, diffusé le 21 janvier 2024 ; Mieux dans ma tête : parlons santé mentale, diffusé le 03 juin 2025 ; Santé mentale, briser le tabou diffusé le 6 mai 2025.
* 37 Le film Thunderbolts, sorti en 2025, met en scène des héros souffrant de syndromes dépressifs et un anti-héro atteint d'un trouble de la personnalité. Voir par exemple : Emily Baulch, « Marvel's Thunderbolts* shines a light on men's mental illness - but falls down with this outdated plotline », The Conversation, 7 mai 2025.