II. LE FNADT : UN COÛT LIMITÉ POUR UN EFFET LEVIER DÉTERMINANT

Le rapporteur spécial entend ici démontrer que le FNADT est un outil efficace, au fort effet levier, dont le coût est faible au regard des effets positifs qu'il induit tant sur le plan économique, social que territorial.

A. UNE BAISSE DRASTIQUE DES CRÉDITS EN 2025 QUI MENACE L'EXISTENCE MÊME DES CONTRATS DE PLAN ÉTAT-RÉGION

1. Une diminution substantielle de crédits pourtant contractualisés qui ne peut pas être pérenne sauf à vouloir mettre fin aux CPER

Comme évoqué supra, le FNADT est un des principaux outils permettant à l'État, dans le cadre d'une démarche de contractualisation avec les collectivités, de bâtir des projets de développement adaptés aux spécificités de chaque territoire. Ainsi, la loi de finances pour 2025, en diminuant les crédits du FNADT dédiés aux outils contractualisés a pour conséquence de décaler dans le temps certains projets attendus dans les territoires et de reporter le versement de crédits de paiement pour des projets pourtant déjà partiellement réalisés.

a) Aucun moyen alloué à la finalisation des CPER 2015-2020 dans le PLF pour 2025

Les CPER 2015-2020, la sixième génération contractualisée entre l'État et les régions, ont fait l'objet de plusieurs ajustements pour tenir compte :

- en 2016, du nouveau découpage régional24(*) ;

- du remplacement des CPER ultramarins par les contrats de convergence et de transformation (CCT) 2019-202225(*) ;

- de la prolongation des volets « mobilité multimodale » des CPER 2015-2020 jusqu'en 2022 ;

- de l'intégration dans le dispositif des crédits du plan « France relance » afin de coordonner les calendriers du plan et des contrats.

b) Une forte amputation en 2025 des crédits destinés à la génération 2021-2027 des CPER qui se traduira nécessairement par des reports

La septième génération de CPER succède à la précédente pour la période allant de 2021 à 2027. Exceptés les CPER de la Corse et de la Normandie, d'une part, et le CPIER de la Vallée de la Seine, d'autre part, faisant encore l'objet d'échanges avec l'Autorité environnementale, tous les protocoles d'accord CPER 2021-2027 ont été signés. Pour suivre ces contrats, la direction générale des collectivités locales a développé un outil de suivi et d'évaluation, dénommé « Contrats-Territoires ». Ouvert en juin 2023 aux services de l'État et progressivement enrichi, il permet de partager entre les acteurs des données sur l'aménagement du territoire et les investissements publics.

Alors que nous arrivons aux deux-tiers de la durée d'exécution des CP(I)ER, le rapporteur spécial attire l'attention sur la faiblesse des taux d'exécution : neuf des 20 CP(I)ER avaient un taux d'exécution, à fin 2024, inférieur à 25 %.

Exécution 2021-2024 des crédits contractualisés de l'État
inscrits aux CP(I)ER 2021-2027 signés

CP(I)ER concerné

Montant contractualisé en euros

Pourcentage d'exécution sur la période 2021-2024

Montant réglé 2021-2024 en euros

Part réglée payé à fin 2024 par rapport au montant contractualisé

Alpes (CPIER massif)

38 500 000,00

43,27 %

11 754 171,43

30,53 %

Auvergne-Rhône-Alpes (CPER)

60 703 919,00

49,60 %

13 162 320,64

21,68 %

Bourgogne-Franche-Comté (CPER)

53 925 081,00

55,42 %

15 435 571,87

28,62 %

Bretagne (CPER)

65 465 414,00

39,27 %

12 957 264,18

19,79 %

Centre-Val-de-Loire (CPER)

39 762 748,00

52,31 %

12 984 378,69

32,65 %

Garonne (CPIER fleuve)

1 464 000,00

58,47 %

-

0,00 %

Grand-Est (CPER)

79 359 053,00

48,80 %

23 690 764,19

29,85 %

Hauts-de-France (CPER)

173 720 000,00

26,85 %

18 797 845,57

10,82 %

Ile-de-France (CPER)

18 250 000,00

50,72 %

6 773 507,96

37,12 %

Jura (CPIER massif)

17 972 667,00

43,84 %

5 440 107,78

30,27 %

Loire (CPIER fleuve)

3 300 000,00

44,27 %

1 544 123,00

46,79 %

Lot (CPIER fleuve)

3 065 000,00

10,02 %

76 517,00

2,50 %

Massif Central (CPIER massif)

47 670 000,00

39,21 %

10 114 212,71

21,22 %

Nouvelle-Aquitaine (CPER)

80 964 038,00

46,62 %

23 681 183,51

29,25 %

Occitanie (CPER)

75 823 998,00

58,23 %

22 086 773,98

29,13 %

Provence-Alpes-Côte d'Azur (CPER)

25 239 369,00

43,18 %

7 735 187,68

30,65 %

Pays de la Loire (CPER)

26 696 248,00

42,46 %

6 004 108,26

22,49 %

Pyrénées (CPIER massif)

31 035 000,00

30,43 %

9 825 934,70

31,66 %

Rhône-Saône (CPIER fleuve)

9 196 000,00

43,86 %

2 087 966,80

22,71 %

Vosges(CPIER massif)

20 656 000,00

38,19 %

4 957 825,01

24,00 %

Total

872 768 535,00

42,68 %

209 109 764,96

23,96 %

Source : DGCL

Cette situation est d'autant plus préoccupante qu'elle va nécessairement s'amplifier, compte tenu de la forte réduction, en loi de finances pour 2025, des moyens prévus pour financer les CP(I)ER. Seuls 40,06 millions d'euros de crédits de paiement seront consacrés en 2025 aux dispositifs contractualisés dans leur ensemble contre 148,13 millions d'euros un an plus tôt. Compte tenu de la fongibilité des crédits à l'échelle du programme, il n'est d'ailleurs pas encore possible de savoir quelle part de ces 40 millions d'euros sera consacrée aux CP(I)ER. Il faut d'ailleurs souligner que la loi de finances pour 2025 porte une augmentation de 15 millions d'euros par rapport aux crédits initialement inscrits par le Gouvernement en projet de loi de finances. C'est un gage de la reconnaissance de l'importance des CP(I)ER par l'ensemble des parlementaires26(*).

Le rapporteur spécial, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, a souligné que s'il n'était pas opposé à un report exceptionnel, d'une année, d'une partie des crédits des CPER et CPIER en raison du contexte budgétaire particulièrement difficile, celui-ci ne pourrait en aucun cas être reconduit. Les dispositifs contractuels engagent la parole de l'État et une remise en cause de ces engagements nuirait à sa crédibilité.

Les crédits du FNADT devront donc nécessairement être rétablis en 2026, faute de quoi les CPER et CPIER disparaîtraient purement et simplement, ce qui porterait un coup fatal à un volet important de la politique d'aménagement du territoire de l'État et à la confiance entre l'État et les collectivités territoriales.

Recommandation n° 2 : Inscrire au budget les crédits nécessaires au respect des engagements pris par l'État dans le cadre des CPER et CPIER. (Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Ministère de la Cohésion des territoires)

En parallèle, le rapporteur spécial a été alerté, lors des auditions menées, d'une propension des services de l'État à geler et à surgeler des crédits depuis le mois d'août 2024 pour ralentir au maximum l'exécution des CPIER. Cela conduit, in fine, au report d'opérations d'un an et demi au moins ayant pourtant été planifiées et concertées très en amont. Le rapporteur spécial et plusieurs de ses collègues ont alerté la DGCL sur ce point d'attention fort, laquelle a confirmé qu'une éventuelle décision de surgel en 2025, c'est-à-dire une nouvelle mise en réserve en cours d'exercice en plus de la mise en réserve initiale, serait problématique pour l'exécution de plusieurs opérations.

2. La réduction en loi de finances pour 2025 des crédits du FNADT relatifs à la contractualisation
a) Des pactes de développement territorial impactés sur le plan budgétaire en 2025

Conclus entre l'État et les collectivités territoriales concernées, les pactes de développement territorial visent à couvrir deux types de situation : ils accompagnent des territoires confrontés à des difficultés socio-économiques structurelles, comme les bassins miniers, ainsi que des territoires qui rencontrent des difficultés conjoncturelles en raison d'un facteur exogène comme l'abandon par le Gouvernement du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou la fermeture de l'usine Whirlpool à Amiens.

Le FNADT, à travers ces pactes, porte une part significative du soutien de l'État à ces problématiques locales, qui ont parfois fait l'objet d'un engagement public au plus haut niveau de l'État. Ces pactes dépendent donc directement de la préservation des crédits qui leurs sont inhérents, comme pour le renouveau du bassin minier (22 millions d'euros), le pacte pour la réussite de la Sambre-Avesnois-Thiérache (10 millions d'euros), le plan Lourdes (1,5 million d'euros) ou le contrat de relance et de transition écologique du Boulonnais (2,5 millions d'euros).

Au total, 10 pactes ou contrats de développement territorial demeurent actifs et financés au moins pour partie par le FNADT :

- l'engagement pour le renouveau du bassin minier, signé le 17 mars 2017, conçu pour accélérer la transition urbaine ;

- le pacte pour la réussite de la Sambre-Avesnois-Thiérache, signé le 7 novembre 2018 afin d'accompagner un territoire concentrant des difficultés socio-économiques, et dont l'acte II est en cours de négociation ;

- le projet d'avenir pour le territoire de Fessenheim : signé le 1er février 2019 dans le contexte de la fermeture du Centre Nucléaire de Production d'Électricité de Fessenheim et de l'arrêt successif de ses deux réacteurs (février et juin 2020) ;

- le contrat d'action publique pour la Bretagne, signé le 8 février 2019, comportant un volet « mobilités », à la suite de l'abandon du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, et un volet « différenciation », notamment en matière d'eau et de biodiversité ;

- le contrat d'avenir pour les Pays de la Loire, signé le 8 février 2019, à la suite de la décision du Gouvernement d'abandonner le projet de Notre-Dame-des-Landes ;

- le pacte de développement de la Nièvre, conclu le 15 février 2019, pour soutenir ce département rural en déprise ;

- le pacte Ardennes, signé le 15 mars 2019, pour acter la mobilisation collective autour de ce territoire en difficulté ;

- le plan particulier pour la Creuse (PPC), signé le 5 avril 2019, à la suite de la reprise partielle de l'activité de l'entreprise GM&S27(*) ;

- le contrat triennal de Strasbourg 2021-2023, signé le 9 mai 2021, pour permettre à Strasbourg, siège du Parlement européen, d'assumer des obligations qui incombent habituellement à une capitale d'État ;

- et, enfin, le plan « Avenir Lourdes », signé le 17 février 2022, afin de doter cette commune d'un projet de destination touristique, en théorie en 2025.

Trois autres pactes qui avaient été signés sont considérés comme éteints parce que d'autres dispositifs ont pris le relai des mesures d'accompagnement qu'ils portaient :

- le contrat de développement territorial pour Calais et le Calaisis, signé le 13 novembre 2015 pour renforcer l'attractivité d'un territoire marqué par la crise migratoire. Ce contrat constituait un avenant au CPER 2015-2020 pour le Nord et le Pas-de-Calais. Il a été remplacé par le CRTE Grand Calais Terres et Mers en avril 2023 ;

- le contrat de développement territorial de l'Amiénois, signé le 16 mars 2017, conclu à la suite de la fermeture de l'usine Whirlpool. Le CRTE du Pôle métropolitain du Grand Amiénois a pris le relais du pacte en 2021 ;

- le contrat d'accompagnement à la redynamisation de Châlons-en-Champagne, conclu à la suite de l'annonce en 2014 de la dissolution du 1er régiment d'Artillerie de Marine (RAMa), de l'état-major de la 1ère Brigade mécanisée (BM) et de sa compagnie de commandement et des transmissions. Rattaché au CPER 2015-2020 de la région Champagne-Ardenne, ce contrat ayant été remplacé par le CRTE Pays de Châlons-en-Champagne en 2021.

En 2025, les pactes de développement territorial perdent 58,3 % de leurs moyens en AE (15,84 millions d'euros en 2025 contre 36,9 millions d'euros en 2024) et 43,3 % de leurs crédits de paiement émanant de l'État (17,06 millions d'euros en 2025 contre 30,03 millions d'euros en LFI pour 2024).

b) Les contrats de convergence et de transformation préservés sur le plan budgétaire par le PLF 2025 : une exception parmi les dispositifs contractualisés

Aux termes de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer (EROM), des contrats de convergence ont été conclus entre l'État, d'une part, et les cinq régions, départements (ou collectivités uniques) et EPCI des DROM, d'autre part. Ces plans définissent une stratégie de convergence sur 10 à 20 ans adaptée à chaque territoire en vue de réduire les écarts de développement avec la métropole.

Rebaptisés plans de convergence et de transformation (CCT), ils ont fait l'objet d'une nouvelle génération de contractualisation pour la période 2024-2027.

Les dotations en AE de 2024 ont été reconduites en 2025 sur la base de l'annuité théorique de la précédente génération de contrats. Le rapporteur spécial considère que la situation spécifique des outre-mer nécessitait, a minima, un tel maintien des crédits. Toutefois, il ignore à ce stade l'impact sur les CCT du décret n° 2025-374 du 25 avril 2025 portant annulation de crédits qui a entraîné l'annulation de 15,18 millions d'euros environ en AE (aucun CP en revanche n'a été annulé).

L'ensemble des dispositifs contractuels financés par le FNADT cherchent à contribuer à six objectifs : accompagner la transition numérique, structurer l'offre de soutien aux projets de territoire et à l'ingénierie de projet, renforcer l'accessibilité aux services au public, poursuivre et amplifier les politiques de revitalisation des centres-villes anciens et des bourgs, encourager les initiatives locales et stimuler la coopération inter-territoriale.


* 24 Loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

* 25 En application de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

* 26 Il s'agit des amendements identiques II-1913 de M. Roux, II-1840 du groupe SER, II-1150 de M. Arnaud et II-2009 de M. Gontard, soit 15 millions d'euros de ré-abondement de l'action 11 du programme 112, maintenu en commission mixte paritaire, avec le soutien du rapporteur spécial.

* 27 GM&S était une entreprise spécialisée dans l'emboutissage et l'assemblage de pièces pour l'industrie automobile.

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