C. UNE HAUSSE DES DÉPENSES D'AME LIÉE EN PARTIE À L'AUGMENTATION DU NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES

1. L'évolution du nombre de bénéficiaires de l'AME, principal facteur de l'augmentation des dépenses

La hausse des dépenses de l'AME est notamment liée à la progression du nombre de bénéficiaires ces dernières années. Ils étaient 465 744 bénéficiaires au 30 septembre 2024 (dernière donnée transmise), soit une hausse de 2 % par rapport à 2023 et de 13,2 % par rapport à 2022. Le nombre de bénéficiaires a en effet été multiplié par plus de 2 entre 2011 et 2024.

Évolution du nombre de bénéficiaires de l'AME de droit commun
entre 2011 et 2024

(en nombre de bénéficiaires)

Source : commission des finances d'après la DSS

La hausse du nombre de bénéficiaires de l'AME est accompagnée d'une augmentation du taux de personnes consommant des soins d'un point de pourcentage entre 2023 et 2024. La proportion de bénéficiaires de l'AME consommant des soins, de 69 % en 2024, reste toutefois inférieure à celle de 2019, où elle atteignait 74 % des bénéficiaires.

Évolution du nombre et de la proportion de consommants parmi les bénéficiaires de l'AME de droit commun entre 2019 et 2024

(en nombre de bénéficiaires et en pourcentage)

Source : commission des finances d'après la DSS

2. Le coût des soins, un facteur d'explication de la hausse des dépenses moins important que l'augmentation des bénéficiaires

La hausse des dépenses d'AME est partiellement, mais pas entièrement, liée à l'augmentation du nombre de bénéficiaires. Ainsi, entre 2023 et 2024, près de 38,1 millions d'euros de hausse des dépenses d'aide médicale de l'État serait liée à l'augmentation du nombre de bénéficiaires, en considérant ceux qui consomment des soins. Près de 123,1 millions d'euros de dépenses supplémentaires ne serait pas expliquée par les bénéficiaires supplémentaires d'AME, mais par d'autres facteurs, tels que l'évolution du coût des soins ou l'inflation. Entre 2022 et 2023, c'était 61,2 millions d'euros sur 126,5 millions d'euros supplémentaires pour l'AME qui étaient liés à l'augmentation des bénéficiaires de l'AME.

Au total, depuis 2020, il est possible d'estimer que l'augmentation du nombre de bénéficiaires a entrainé une hausse de 243 millions d'euros de dépenses d'AME de droit commun, sur un total de 426,6 millions d'euros de hausse.

Effet de l'augmentation des bénéficiaires d'AME de droit commun
sur la hausse des dépenses entre 2020 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après la DSS

Calcul de l'effet de la hausse des effectifs de bénéficiaires de l'AME consommant des soins sur la hausse globale des dépenses

Les dépenses d'AME d'une année « n » évoluent chaque année sous l'effet tant de la hausse des effectifs que de la structure des dépenses. En conséquence, il est possible de décomposer l'évolution de la dépense entre l'effet lié à la hausse des effectifs de bénéficiaires consommant des soins et celui qui dépend d'autres facteurs.

En multipliant les dépenses moyennes par consommant de l'année « n-1 » (

) par le nombre de bénéficiaires consommant des soins de l'année « n », la statistique obtenue (

) décrit quel aurait été le niveau de dépenses à l'année « n » si le seul facteur déterminant la hausse des dépenses d'AME avait été la hausse des bénéficiaires. La différence avec la dépense réelle d'AME constitue la part de l'augmentation des coûts qui n'est pas liée à l'augmentation du nombre de bénéficiaires.

Source : commission des finances

Afin de neutraliser les effets liés à l'évolution de la structure des soins, le même calcul a été effectué en distinguant par poste de dépenses d'AME (prestations hospitalières, soins de ville, produits de santé). Il permet de conclure que sont liés à l'augmentation du nombre de bénéficiaires de l'AME :

- près de 151,8 millions d'euros de hausse des dépenses de prestations hospitalières, sur 235 millions d'euros dépensés en plus entre 2020 et 2024 ;

- près de 25 millions d'euros de hausse des dépenses de produits de santé, sur 96,4 millions d'euros dépensés en plus entre 2020 et 2024 ;

- près de 71,6 millions d'euros de hausse des dépenses de soins de ville, sur 134,3 millions d'euros dépensés en plus entre 2020 et 2024.

Effet de l'augmentation des bénéficiaires d'AME de droit commun sur la hausse des dépenses de prestations hospitalières (à gauche), de produits de santé
(à droite) et de soins de ville (en bas) entre 2020 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après la DSS

Les éléments d'explication liés à la hausse du nombre de bénéficiaires paraissent ainsi pertinents mais insuffisants pour expliciter totalement la hausse tendancielle des dépenses d'AME.

Les effets de rattrapage liés à la sortie de la crise sanitaire ne permettent pas non plus de justifier à eux seuls la hausse des dépenses liées à l'AME, qui ont largement dépassé en 2023 les niveaux atteints avant la crise sanitaire. Une amélioration de la connaissance des déterminants de l'augmentation des dépenses d'AME de droit commun est absolument indispensable.

3. Une augmentation mal documentée du coût des soins urgents

Comme montré infra, l'un des déterminants de la hausse des dépenses d'aide médicale de l'État est le coût de l'AME pour soins urgents, couvert partiellement par une dotation forfaitaire de l'État, le restant étant pris en charge par la CNAM. Il a été pratiquement multiplié par deux entre 2019 et 2024.

Évolution des dépenses d'aide médicale de l'État au titre des soins urgents
entre 2012 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après la DSS

La direction de la sécurité sociale (DSS) a indiqué ne disposer d'aucune information sur le nombre de bénéficiaires et de consommants de l'AME pour soins urgents. En effet, la prise en charge de ces soins correspond au remboursement de frais de séjour et de séances hospitalières, qui ne sont pas rattachés à des individus, les patients n'étant pas, par définition, affiliés à un dispositif de prise en charge des frais de santé. Il est toutefois étonnant et regrettable de ne pas disposer de données plus précises concernant les soins urgents.

La caisse générale de sécurité sociale de Guyane a toutefois été en mesure d'indiquer la présence de 4 074 bénéficiaires des soins urgents sur son territoire en 2024, en baisse de 28 % entre 2022 et 2024, malgré une hausse des dépenses engagées au titre des soins urgents de 11 % pour atteindre 6,695 millions d'euros en 2024.

Comme pour l'AME de droit commun, l'essentiel des dépenses d'AME pour soins urgents est concentré en Île-de-France, en Guyane, dans les Alpes-Maritimes, dans le Rhône et les Bouches-du-Rhône. Si cette répartition géographique des dépenses ne parait pas surprenante au vu des flux de l'immigration, il serait tout de même souhaitable d'améliorer significativement la connaissance des déterminants de la dépense d'AME pour les soins urgents.

Répartition géographique des dépenses d'aide médicale de l'État
au titre des soins urgents en 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après la DSS

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