E. LA FLEXIBILITÉ, CLÉ DU SUCCÈS DU FUTUR PROGRAMME-CADRE
Votre Rapporteur l'a déjà indiqué, la
politique communautaire de la recherche est handicapée par des
pesanteurs qui limitent fortement sa capacité d'adaptation à des
situations nouvelles, telles que l'épidémie
d'encéphalopathie spongiforme bovine. La Commission européenne
est parfaitement consciente de cette situation et estime, dans sa proposition
de cinquième Programme-cadre, que
" du fait des contraintes
pesant sur sa mécanique décisionnelle et son fonctionnement, il
est devenu un instrument lourd à mettre en oeuvre, parfois
inadapté aux réalités et à la rapidité des
évolutions sociales, économiques et scientifiques "
.
Pour introduire de la flexibilité dans la gestion du programme, la
Commission européenne propose que la totalité des moyens des
programmes spécifiques ne soit pas immédiatement affectée
à des actions particulières. Jusqu'aux 3/5 de la vie des
programmes spécifiques, des ressources resteraient disponibles, qui
pourraient être affectées à certains thèmes dont
l'importance apparaîtrait en cours de réalisation du
programme-cadre.
Cette proposition est intéressante, mais on peut se demander s'il ne
serait pas possible d'aller plus loin dans cette flexibilité en
conservant des ressources non affectées à un programme
spécifique, qui pourraient être utilisées en cours de
programme pour faire face à des besoins nouveaux, le cas
échéant en utilisant des formes d'intervention également
nouvelles. La souplesse serait plus grande encore puisque les autorités
communautaires ne seraient pas tenues de rester dans le cadre d'un programme
spécifique pour l'affectation de ces ressources.
Cette souplesse pourrait permettre de renforcer enfin les liens entre le
programme-cadre et Eurêka. La nécessité de rapprocher ces
deux instruments est mise en avant depuis longtemps, mais ce rapprochement ne
s'est que peu manifesté jusqu'à présent, même si un
financement communautaire a pu par exemple être attribué au
programme JESSI (micro-électronique) lancé dans le cadre
d'Eurêka.
Une ligne de crédits du programme-cadre pourrait permettre à la
Communauté de financer des projets lancés dans le cadre
d'Eurêka. Cette idée se heurte aux modes de fonctionnement
différents de ces programmes. Le programme-cadre de la Communauté
repose sur une logique qui est celle des marchés publics. La logique des
projets EURÊKA est davantage celle des aides d'Etat. Certains organismes
ou entreprises de plusieurs Etats décident, sur une base volontaire, de
s'allier pour conduire une recherche et reçoivent des financements de la
part des Etats auxquels ils appartiennent.
Cette différence de logique ne paraît toutefois pas
rédhibitoire. On pourrait en effet concevoir que la Commission
européenne, dans sa tâche de gestion du programme-cadre,
décide d'attribuer des financements à des projets
stratégiques impliquant quelques acteurs seulement lorsqu'un tel projet
entre dans le cadre des objectifs du programme-cadre.
La difficulté est que, lorsqu'un financement communautaire est
apporté, la Commission entend naturellement exercer un droit de regard
et un contrôle sur la mise en oeuvre du projet. Or, dans le cadre
Eurêka, les entreprises participantes sont très soucieuses de leur
indépendance.
Une autre solution consisterait à faire prendre en charge par la
Communauté l'intégralité de certaines actions
prévues dans des projets Eurêka. La Commission gérerait
ainsi ces actions sans chevauchement de responsabilités.
Quelle que soit la formule retenue, il est souhaitable de renforcer les
synergies entre le programme-cadre et Eurêka. Les modes de fonctionnement
différents rendent ces instruments complémentaires ; cette
complémentarité doit être pleinement valorisée.
Dans le même esprit, il convient d'envisager la manière de mettre
en oeuvre les articles
130 K, 130 L et 130 N
du traité sur
l'Union européenne. Ces articles, prévoient la possibilité
de mettre en oeuvre des programmes auxquels ne participent que certains Etats
membres, éventuellement avec une participation de la Communauté,
et la création d'entreprises communes ou de toute autre structure
nécessaire à la bonne exécution des programmes de
recherche.
Ces dispositions, issues du traité de Maastricht n'ont jusqu'à
présent fait l'objet d'aucune application. Le traité d'Amsterdam
vient d'officialiser la possibilité de " coopérations
renforcées " entre certains Etats membres, même si c'est dans
des conditions relativement restrictives. Le moment est donc venu de prendre
toutes les mesures pour faciliter ces initiatives ;
elles constituent
une nouvelle forme d'action qui s'inscrit dans le cadre de la
flexibilité nécessaire à la recherche communautaire.