b) Le développement des crédits à la consommation
· Les organismes de crédit ont multiplié les initiatives pour développer leurs parts de marché dans le secteur des crédits aux particuliers. En effet, l'endettement relativement faible des ménages français au regard des comparaisons internationales rend ce marché très attractif car susceptible d'une forte expansion. En outre, les banques ont été confrontées à la désintermédiation bancaire : elles ont perdu une partie de leur clientèle traditionnelle, à savoir les entreprises, qui ont préféré faire appel au marché pour se financer et se sont alors tournées vers les ménages.
LES CRÉDITS À LA CONSOMMATION
Les crédits à la consommation se
répartissent en deux catégories : d'une part, les crédits
affectés, qui sont destinés de manière contractuelle au
financement de l'achat d'un bien ou d'une prestation de service
déterminée ; d'autre part, les crédits non
affectés, qui permettent aux consommateurs d'acheter ce que bon leur
semble, sans engagement à l'égard du prêteur.
A. LES CRÉDITS AFFECTÉS
1. La vente à tempérament (VAT)
Elle a pour but de faciliter l'achat d'un bien (le plus souvent, un
véhicule ou un bien d'équipement ménager) par le
fractionnement de ses paiements. En dehors de la forme habituelle (et la plus
répandue) du crédit amortissable à mensualités
constantes, il existe une grande diversité de formules en matière
de vente à tempérament, comme le crédit gratuit, le
différé de paiement avec agios forfaitisés, le paiement
fractionné avec acquittement du coût du crédit au
comptant... L'encours total de la vente à tempérament se montait
à
93,3 milliards de francs en décembre 1995
,
soit 22,8 % de l'encours total des crédits de trésorerie aux
particuliers.
2. La Location avec Option d'Achat (LOA)
Elle est utilisée principalement pour l'acquisition de véhicules
par les particuliers. En décembre 1995, l'encours total de la
Location avec Option d'Achat se montait à
12,3 milliards de
francs
pour l'ensemble des établissements de crédit, soit
3 % de l'encours total des crédits de trésorerie aux
particuliers. Cet instrument de financement est extrêmement sensible aux
évolutions de son environnement fiscal. Il a connu un grand
succès de 1970 à 1989 à la faveur d'une fiscalité
avantageuse en matière de TVA. La suppression de ce régime
favorable en 1990 a conduit à une désaffectation des
consommateurs à l'égard de la Location avec Option d'Achat.
B. LES CRÉDITS NON AFFECTÉS
1. Le découvert en compte
Le titulaire d'un compte bancaire est autorisé, en vertu d'un contrat
signé à l'ouverture de son compte, à emprunter une somme
plafonnée pour une durée limitée lorsque le solde de son
compte est nul. Le plafond de l'avance est fixé en fonction des revenus
de l'intéressé. Cet emprunt peut être renouvelé
à volonté, mais il se caractérise par un taux relativement
élevé. En décembre 1995, l'encours d'avances en compte
débiteur atteignait
26,9 milliards de francs
, soit
6,6 % de l'encours total des crédits de trésorerie aux
particuliers.
2. Le crédit renouvelable ou crédit permanent
Il s'agit d'une ligne de crédit utilisable à tout moment, souvent
associée à une carte, dont le plafond se reconstitue au
gré des remboursements. Ce type de crédit s'avère d'une
utilisation très souple puisqu'il décharge le consommateur de
toutes les formalités qui, dans le cas d'une succession de
crédits classiques, doivent être répétées. Le
succès du crédit renouvelable est incontestable : en
décembre 1995, l'encours des crédits renouvelables
s'élevait à
99,5 milliards de francs
, (24,3 % de
l'encours de trésorerie aux particuliers) et est amené à
encore progresser.
3. Le prêt personnel
C'est le type de crédit qui offre le plus de liberté d'emploi aux
particuliers. Il est essentiellement distribué par les banques,
même si les établissements spécialisés commencent
à s'y intéresser pour fidéliser leur clientèle.
L'encours des prêts personnels s'élevait à
162,1 milliards de francs
en décembre 1995, soit
39,6 % de l'encours total des crédits de trésorerie aux
particuliers.
Afin de répondre au mieux aux besoins de leur clientèle,
les
établissements ont largement diversifié leur gamme
de crédits
. Ainsi, les crédits les plus anciens
appelés crédits affectés (car destinés au
financement d'un bien ou d'une prestation de service déterminé)
ont vu leur part dans la production totale de crédits à la
consommation diminuer : elle est passée de 46 % de l'encours total
moyen des crédits de trésorerie en décembre 1981
à 28,5 % en décembre 1995.
En revanche,
les crédits non affectés ont enregistré
une percée spectaculaire depuis le début des
années 80
, appréciés par les particuliers pour
leur facilité d'utilisation.
Trois types de crédits non affectés sont bien implantés
sur le marché des crédits à la consommation : le
découvert en compte, le prêt personnel et le crédit
renouvelable, ce dernier faisant l'objet d'une croissance
particulièrement rapide puisque sa part dans l'encours total des
crédits de trésorerie aux particuliers, insignifiante au
début des années quatre-vingt, s'élève à
24,3 % fin 95.
Par ailleurs, devant le succès rencontré par le crédit
renouvelable et ses supports (cartes privatives associées à un
crédit renouvelable, cartes de paiement à crédit...), les
établissements se livrent une forte concurrence axée sur le
développement de
programmes de fidélisation
. En effet,
comme le fait remarquer M. Hubert Balaguy dans son ouvrage sur les
crédits à la consommation, la différenciation des produits
repose de moins en moins sur le crédit proprement dit, dont la technique
tend à être maîtrisée par la plupart des acteurs.
C'est pourquoi chaque émetteur s'efforce de faire
bénéficier les porteurs de sa carte d'avantages de toutes natures
: réductions diverses, cadeaux...
En outre, ces dernières années, les établissements de
crédits ont poursuivi la diversification de leurs produits en
créant, notamment, des produits mixtes
, qui associent, par exemple,
crédit automobile et contrats d'assurance et d'entretien, ou carte de
crédit et contrats d'assurance et d'assistance juridique. Ils proposent
également aux particuliers, en matière automobile, la location
longue durée. Ce mode de financement constitue un substitut prometteur
au crédit. En effet, la location présente divers avantages pour
le consommateur comme la suppression des contraintes d'entretien, de
réparation et de relation avec la compagnie d'assurances... Le
constructeur a aussi intérêt au développement de la
location, dans la mesure où elle constitue un instrument de
fidélisation et d'accélération du renouvellement des
véhicules. Toutefois, l'essor de la location longue durée aux
particuliers bute, aujourd'hui, sur une fiscalité pénalisante
pour les loueurs en matière de taxe professionnelle.
·
Le très fort développement des crédits
à la consommation s'est accompagné d'une gestion du risque de
plus en plus performante.
Ainsi, la sélection du client fait appel à un ensemble de
systèmes experts qui analysent la demande sous plusieurs aspects : la
vraisemblance et la cohérence des réponses apportées au
questionnaire sont contrôlées et, en cas de
nécessité, des vérifications complémentaires sont
effectuées. Selon les établissements spécialisés,
une analyse budgétaire est effectuée, qui fixe les ratios
d'endettement à ne pas dépasser. Enfin, un score est
établi pour toute demande de crédit. Il s'agit d'une technique
statistique qui calcule la probabilité de remboursement du crédit
par l'emprunteur à partir de variables diverses comme l'âge, la
situation familiale, la profession, le statut d'occupation du logement,
l'ancienneté dans l'emploi... Les paramètres retenus et leur
pondération sont différents selon les produits, les
réseaux de commercialisation, voire l'antériorité du
client.
D'une manière générale, le groupe de travail a
constaté à travers les entretiens avec les différents
établissements spécialisés une amélioration notable
de la gestion du risque, alors même que le secteur des crédits de
trésorerie aux particuliers connaît un développement
commercial important.
Toutefois, les résultats sont très
inégaux selon les établissements concernés, et
les
écarts peuvent varier du simple au double : exprimée en taux sur
encours géré, la charge du risque enregistrée dans les
comptes d'exploitation va ainsi de moins de 0,90 % à plus de
2 %. Si ces ratios, du point de vue des établissements
prêteurs, peuvent paraître faibles et révélateurs
d'une bonne maîtrise du risque, les écarts enregistrés
montrent qu'ils sont plus ou moins vertueux en fonction de leur
stratégie commerciale de développement. Il ne faut en outre pas
oublier que ces taux de risque, si faibles soient-ils, correspondent à
des situations individuelles souvent dramatiques susceptibles d'avoir un
coût social important.
·
Par ailleurs, vos rapporteurs tiennent à souligner les
effets pervers de la concurrence exacerbée sur les taux entre les
établissements de crédit pour le développement de
l'assurance perte d'emploi.
Depuis le début des années quatre-vingt, lors de la contraction
d'un prêt immobilier, les établissements de crédit
proposent à leurs clients, outre l'assurance
décès-invalidité quasiment obligatoire, une assurance
perte d'emploi facultative. Entre-temps, le chômage a malheureusement
changé de dimension, tant en fréquence qu'en durée. Cette
montée du niveau du risque assuré, assortie d'une forte
anti-sélection (liée à l'asymétrie entre les
informations auxquelles peuvent accéder l'assureur et l'assuré) a
abouti à un important déséquilibre financier. Or, le
chômage est devenu la première source de difficultés des
emprunteurs. Il est donc urgent de trouver une solution qui permette à
l'assurance perte d'emploi de remplir pleinement sa fonction.
L'une des orientations retenues par la commission consultative de l'assurance
consiste dans l'amélioration de la mutualisation du risque. Mais
l'application de cette proposition se heurte à la concurrence sur les
taux que se livrent les établissements de crédit. Il faut
convenir que la diminution des taux d'intérêt (et en
conséquence des taux de crédit) est défavorable à
l'assurance perte d'emploi : en effet, l'incidence actuarielle de la prime (un
peu plus d'un demi point de taux d'intérêt sur un prêt type)
est d'autant plus visible que le taux nominal est bas. Toutefois, les
établissements de crédit sont également responsables du
faible dynamisme de la diffusion de l'assurance perte d'emploi. Au moment
où ils cherchent à boucler la transaction avec leurs clients, le
prêteur ou le vendeur est évidemment peu enclin à
évoquer l'éventualité du chômage et le surcoût
de la garantie correspondante. En effet, même si la garantie perte
d'emploi n'est généralement pas incluse dans le Taux effectif
global (TEG), il n'existe pas de règle d'harmonisation précise
à ce sujet. Lorsque le client fait jouer la concurrence entre banques,
il va retenir celle qui lui offrira le taux nominal le plus bas, sans
nécessairement vérifier si le taux proposé inclut
l'assurance perte d'emploi.