2. Les carences du dispositif
En dehors des dysfonctionnements qui pourraient être sérieusement atténués par une modification du comportement des différents acteurs, qu'il s'agisse des membres des commissions de surendettement ou du juge de l'exécution, le dispositif souffre de certaines insuffisances qui nuisent à son efficacité. En outre, certains problèmes relatifs à son insertion dans l'ordonnancement juridique subsistent.
a) L'absence d'outils d'évaluation et de suivi de mise en uvre des plans
Les plans de redressement élaborés par les
commissions sont d'une durée relativement longue : la durée
moyenne d'un plan est proche de dix ans, plus courte cependant pour les plans
judiciaires (90 mois) que pour les plans amiables (123 mois)
10(
*
)
.
Bien que la loi dispose, en ce qui concerne la phase amiable, que
"
le
plan prévoit les modalités de son exécution
"
(art. L. 331-6 du code de la consommation), sans mention comparable pour les
mesures recommandées auxquelles le juge donne force exécutoire,
le bénéficiaire du plan est généralement
livré à lui-même pendant la durée de mise en uvre du
plan.
Or, sur plusieurs années, les risques de rupture de l'équilibre
financier ainsi établi sont d'autant plus importants que le taux
d'effort requis du débiteur est élevé.
Le rapport Léron de 1991 soulignait déjà cette
difficulté
11(
*
)
:
" (...)
le suivi du plan consisterait, pendant toute la durée de
celui-ci, à surveiller attentivement les conditions de son
exécution afin de détecter les premiers signes de
difficultés, et, dans cette éventualité, à
rechercher avec le débiteur et ses créanciers les ajustements
ponctuels nécessaires pour résoudre ces
difficultés
".
Ce rapport précise : "
Il faut reconnaître que cette
question, actuellement non réglée, du suivi des plans,
hypothèque les chances de succès du dispositif légal. Des
solutions techniques sont parfois utilisées, notamment la domiciliation
sur un compte bancaire unique dit " compte-pivot " ou
" compte-bis " des sommes nécessaires à
l'exécution du plan, à charge pour l'établissement teneur
de compte d'effectuer, selon la périodicité convenue au plan, les
règlements au profit des divers créanciers. Cependant, outre que
cette solution est malaisée à mettre en uvre, -notamment en
raison de la réticence de la profession bancaire à gérer
de tels comptes dont le fonctionnement est naturellement coûteux- elle ne
permet pas de résoudre entièrement le problème. Certes, la
technique du compte-pivot permet de détecter plus vite les
difficultés, mais la prévention et le règlement d'un
certain nombre de problèmes paraissent relever plus fondamentalement
d'un accompagnement social qui n'est pas prévu par la loi et qui n'a
généralement pas été mis en place dans la pratique
faute de structure disponible pour le prendre en charge
".
Le débiteur rencontrant des difficultés en cours
d'exécution du plan ne dispose pas d'interlocuteur
privilégié auquel s'adresser.
Cette situation est souvent aggravée par l'existence d'un
"
déficit de coopération avec les services
sociaux
". Le rapport de l'ODAS
12(
*
)
dresse ce constat en regrettant un
tel cloisonnement et relève que, si "
le rôle de
prescription du travail social est bien réel
" (selon une
étude du CREP, en 1994, 27 % des personnes concernées
avaient déposé leur dossier en commission de surendettement
à l'instigation d'une assistante sociale), "
cette
démarche des assistantes sociales ne traduit pas pour autant leur
conviction de l'efficacité du dispositif. En effet, les professionnels
du social ont généralement des avis très nuancés
sur le caractère réaliste
des plans et leur niveau de
mobilisation à l'égard du dispositif est très
inégal
".
Hormis ce problème de l'absence de suivi de mise en uvre des plans,
il convient de souligner le déficit d'évaluation dont souffre le
dispositif de traitement du surendettement
.
Comme l'indique clairement le rapport de l'ODAS
13(
*
)
"
l'analyse du dispositif
de
traitement du surendettement n'est pas aisée. En effet, chaque
dispositif départemental effectue sa propre collecte d'information sans
qu'une recherche de cohérence ait été organisée sur
le plan national. On peut obtenir sur le plan national le nombre global de
dossiers, mais seuls quelques dispositifs locaux pourront fournir une
évaluation plus qualitative de l'évolution des
caractéristiques des demandeurs
".
L'Institut national de la consommation observe également que
"
les statistiques publiées par la Banque de France ne
permettent pas d'apprécier la réforme car elles cumulent les
chiffres antérieurs au nouveau dispositif
".
C'est d'une voix unanime que les différentes personnes
auditionnées par le groupe de travail ont regretté cette carence.
La Banque de France elle-même reconnaît qu'une meilleure
maîtrise des procédures suppose incontestablement une
visibilité correcte sur les mesures préconisées par les
commissions et les résultats obtenus ainsi que sur l'état
d'avancement des dossiers.
Rappelant qu'il existe un outil statistique national permettant de suivre les
principales composantes du surendettement, elle a admis qu'il n'était
pas en mesure de rendre compte des aspects qualitatifs du
phénomène. Elle a indiqué qu'un projet en cours
d'élaboration dénommé SASTA devrait permettre
d'accroître l'efficacité de l'outil informatique existant, son
couplage avec le logiciel SUREN destiné à la gestion des travaux
des secrétariats devant aboutir à une simplification de la saisie
des données statistiques ainsi que du mécanisme des inscriptions
au FICP.