III. LES PROPOSITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL
Après avoir dressé un bilan de la mise en oeuvre de la loi Neiertz de 1989 modifiée en 1995 tenant compte des nombreux témoignages recueillis à l'occasion des auditions et des déplacements effectués, le groupe de travail considère comme globalement satisfaisant le dispositif en vigueur. Sa remise en cause ne paraît donc pas devoir être envisagée, ce qui conduit à écarter certaines réformes de fond. En revanche, des améliorations ponctuelles, dont certaines s'avèrent urgentes, pourraient permettre d'améliorer l'efficacité du dispositif. Au-delà de ces correctifs, le groupe de travail s'est également attaché à définir un certain nombre d'orientations tendant, d'une part, à assurer la pérennité du dispositif en prévoyant son adaptation aux évolutions du phénomène du surendettement, et, d'autre part, à renforcer la prévention.
A. LES SOLUTIONS À ÉCARTER
Deux réformes, dont l'éventualité est périodiquement évoquée, paraissent constituer de " fausses bonnes solutions ". Il s'agit, en matière de prévention du surendettement, de la création d'un fichier positif de l'endettement, et sous l'angle curatif, de l'extension à l'ensemble des départements français du système dit de " la faillite civile ", en vigueur en Alsace-Moselle.
1. La création d'un fichier positif de l'endettement
L'instauration d'un fichier positif a déjà fait
l'objet de nombreux débats et soulève des interrogations
récurrentes.
En 1991, le rapport Léron se déclarait favorable à
l'institution d'un tel fichier
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*
)
qui "
aurait le mérite
de renforcer considérablement la prévention du surendettement en
améliorant la visibilité des prêteurs avant même la
survenance d'impayés
et qui
constituerait la seule mesure
véritablement efficace pour lutter contre l'apparition de
phénomènes de surendettement provoqués par l'accumulation
de dettes auprès de différents établissements de
crédit
".
Ce rapport signalait cependant un certain nombre d'inconvénients
attachés à ce type d'initiative tels que "
le risque de
dérive vers un fichier d'interdits de crédit pouvant conduire
à des discriminations, voire à des formes d'exclusion
sociale
" en écartant les classes les plus
défavorisées de l'accès au crédit bancaire, le
"
coût collectif d'une telle réalisation
" ou
encore "
le risque de distorsion concurrentielle entre les
sphères bancaire et financière
", les banques
gestionnaires des comptes domiciliataires pouvant "
aisément
connaître l'état d'endettement de leurs clients et les
démarcher pour leur proposer des crédits de substitution
".
Or, de telles pratiques ne font qu'aggraver les risques de surendettement du
consommateur car il arrive fréquemment qu'un rachat d'encours
débouche sur une élévation substantielle du plafond global
de crédit accordé à l'emprunteur, celui-ci revenant
auprès de l'établissement d'origine pour réutiliser son
ouverture de crédit initiale.
Le rapport précité indiquait également que "
les
pays étrangers qui disposent de tels fichiers connaissent des taux
d'impayés identiques à ceux de notre pays
".
La quasi-unanimité des personnes entendues par le groupe de travail,
contrairement à ce qu'indiquait en 1991 le rapport Léron, se sont
déclarées hostiles à la création d'un fichier
positif, seuls un ou deux organismes représentant les consommateurs
approuvant une telle initiative. L'accumulation des inconvénients et des
risques prévisibles semble en effet condamner le fichier positif.
Un avis rendu le 20 mai 1992 par le comité consultatif
auprès du Conseil national du crédit a ainsi jugé
dangereuse pour les libertés individuelles et le respect de la vie
privée
l'institution d'un fichier recensant l'ensemble des encours
de crédit aux particuliers. Un tel fichier risquerait d'être
détourné de sa finalité en étant utilisé, en
pratique, davantage comme
outil de prospection commerciale
que comme
instrument de maîtrise des risques.
Susceptible d'aboutir à la consécration d'une norme
d'endettement
évinçant du marché du crédit
certaines catégories de consommateurs, un fichier positif comporte
également des risques de discriminations injustifiées : un
accédant à la propriété serait automatiquement
fiché alors que le locataire ayant des arriérés de loyers
ne le serait pas ; de même, figurerait au fichier l'usager d'un
compte permanent et pas celui d'un découvert bancaire non
formalisé... Ainsi, l'efficacité d'un fichier qui
ne serait
pas exhaustif
car n'incluant pas les dettes de la vie courante
(impayés d'impôts, de loyers...) serait d'une efficacité
très relative.
La taille d'un tel fichier -on évalue à douze ou
quinze millions le nombre d'emprunteurs qui devraient y figurer alors que
1.200.000 sont actuellement recensés au FICP, dont 980.000 au titre
d'accidents caractérisés (Banque de France, mai 1997)-
impliquerait une
gestion à la fois complexe et onéreuse
.
Or, la Banque de France souligne que "
les plans de charge actuels
de
la communauté bancaire, du fait du passage à l'euro et de
l'adaptation corrélative des systèmes informatiques, ne
permettent pas d'envisager à moyen terme la mobilisation autour d'un
projet très lourd dont l'intérêt final apparaît
incertain
". Elle estime, en outre, que
"
l'opportunité
de faire évoluer le FICP vers un fichier positif ne pourrait s'envisager
que dans le cadre d'une harmonisation européenne facilitant les
échanges d'informations sur une base d'homogénéisation des
données recensées et de réciprocité
".
Enfin, dans un contexte nouveau où le phénomène du
surendettement tend à changer de nature car résultant de plus en
plus souvent d'une perte brutale de revenus consécutive à un
" accident de la vie " (chômage, divorce...), le dispositif
actuel s'avère suffisant pour gérer au mieux des situations de
crise que l'existence d'un fichier positif ne permettrait pas de
prévenir.