C. LE DÉVELOPPEMENT INDISPENSABLE DE LA PRÉVENTION
" Mieux vaut prévenir que guérir " :
ce vieil adage s'applique parfaitement au phénomène de
surendettement.
En effet, même si le volet curatif de la loi n °89-1010 du
31 décembre 1989 relative à la prévention et au
règlement des difficultés liées au surendettement des
particuliers et des familles a permis de sortir un grand nombre de
débiteurs de situations gravement compromises, il est loin de constituer
une panacée. D'une part, il a conduit au développement d'une
procédure lourde et coûteuse. Rien qu'à la Banque de
France, 925 employés (en équivalent temps plein, soit
15 % de l'effectif total) sont chargés de l'instruction des
dossiers de surendettement. Le coût global du traitement des dossiers
s'est élevé à 380 millions de francs en 1996 et
pourrait atteindre 400 millions de francs en 1997, selon les estimations de la
Banque de France. D'autre part, cette procédure ne permet pas de trouver
de solution pour les cas les plus désespérés. C'est
pourquoi le groupe de travail estime indispensable de développer des
mesures pour prévenir le surendettement.
La loi Neiertz a complété par toute une série de
dispositions le système juridique déjà existant de
protection du consommateur : elle a limité la validité de l'offre
de crédit permanent à un an renouvelable ; elle a renforcé
le formalisme du contrat de cautionnement afin d'appeler l'attention des
personnes se portant caution sur la gravité de cet engagement ; elle a
imposé à l'établissement prêteur l'obligation
d'informer la caution de la défaillance du débiteur principal
dès le premier incident caractérisé et a interdit aux
établissements de crédit de se prévaloir de cautionnements
manifestement disproportionnés, eu égard au patrimoine et aux
revenus de la caution ; elle a interdit les publicités en faveur du
" crédit gratuit " en dehors des lieux de vente ; elle a
réglementé de manière précise le contenu des
documents publicitaires remis à l'emprunteur dans les opérations
de crédit immobilier ; elle a interdit de rémunérer un
vendeur, salarié ou non d'un établissement de crédit, en
fonction du taux de crédit qu'il a fait contracter à l'acheteur ;
enfin, elle a réformé la définition du prêt usuraire.
Or, il semble que ces mesures n'aient pas eu l'impact espéré.
Deux raisons peuvent être invoquées.
D'une part, et le groupe de travail le déplore, il semble que la loi
ne soit pas toujours respectée
. Ainsi, au cours des entretiens, vos
rapporteurs ont été avertis que loin d'être prévenue
dès le premier incident de paiement, la caution est souvent
contactée par l'établissement de crédit une fois seulement
les impayés de remboursement de crédit accumulés, au
risque de la plonger à son tour dans le surendettement. De même,
le cautionnement manifestement disproportionné est
régulièrement pratiqué pour l'octroi de prêts
à des dirigeants d'entreprises ou des professions libérales.
D'autre part, ces mesures, bien que nécessaires, sont insuffisantes car
elles n'insistent pas assez sur la sensibilisation des ménages ainsi que
la responsabilisation des prêteurs et ne prévoient aucun
dispositif pour sécuriser l'accession à la
propriété des ménages modestes. Or, cette dernière
mesure apparaît indispensable pour éviter que les particuliers qui
s'endettent fortement pour devenir propriétaires ne basculent dans le
surendettement en cas d'événement imprévu.
1. L'amélioration de l'information des particuliers
Les débats parlementaires ayant
précédé le vote du projet de loi relatif à la
prévention et au règlement des difficultés liées au
surendettement des particuliers et des familles avaient insisté sur la
responsabilité de deux facteurs dans le développement du
surendettement :
-
l'ignorance des consommateurs en matière financière et
juridique
: divers sondages et enquêtes effectués
auprès des usagers du crédit démontraient que ceux-ci ne
mesuraient pas, voire ne connaissaient pas du tout l'étendue de leurs
engagements ;
-
le comportement agressif de certains établissements de
crédit
, relayé par celui des vendeurs prescripteurs de
crédit : le crédit à la consommation, notamment, est
parfois vendu par des distributeurs préoccupés davantage par le
développement des ventes que par une distribution optimale du
crédit.
Or, ce double constat reste plus que jamais d'actualité. C'est pourquoi
il apparaît indispensable de poursuivre l'amélioration de
l'information des particuliers.
La France dispose d'un des systèmes de protection des consommateurs les
plus complets au monde. La loi Neiertz a encore amélioré ce
dispositif par diverses mesures visant à protéger les
consentements des emprunteurs et des cautions. Pourtant, certains usagers
continuent d'accepter des crédits qu'ils refuseraient s'ils
étaient correctement informés. En réalité, deux
raisons expliquent ce paradoxe.
D'une part, même si le prêteur remet au client un contrat que
celui-ci doit signer et qui contient toutes les informations sur le
crédit contracté, ce document est la plupart du temps
négligé au profit des informations reçues au cours de
l'entretien entre le client et le vendeur. Cette constatation vaut
particulièrement lors de l'octroi d'un crédit à la
consommation. En outre, le contexte de la délivrance du crédit
n'incite pas le client à prendre son temps et à lire avec
attention le contrat. Ce dernier est fortement influencé, voire
pressé par le vendeur qui lui garantit qu'il s'agit d'une bonne affaire
et qui joue sur la volonté du client de quitter le magasin avec le bien
convoité.
D'autre part, le trop grand formalisme des contrats conduit à une
situation très regrettable : au lieu d'apporter au consommateur le
maximum d'informations sur le crédit désiré, il rend la
lecture attentive du contrat rebutante à cause de sa longueur et de sa
complexité.
L'amélioration de l'information du consommateur par un nouveau
renforcement des clauses contenues dans le contrat conduirait à des
résultats opposés à l'objectif recherché. Pour
qu'elle soit efficace, il faut qu'elle prenne en compte la précipitation
qui caractérise la plupart des octrois de crédits et la
complexité des contrats actuels. C'est pourquoi
le groupe de travail
est favorable à ce que les mentions obligatoires devant figurer dans
l'offre de crédit en vertu des dispositions du code de la consommation
soient bien mises en évidence
, comme c'est le cas par exemple pour
des mentions devant apparaître sur certains produits tels que les
boissons contenant de l'alcool ou les paquets de cigarettes, destinées
à attirer l'attention du consommateur sur leur nocivité pour la
santé. Ces mentions obligatoires sont en effet souvent noyées
dans un flot d'informations de nature commerciale. Il conviendrait d'ailleurs
qu'elles soient également clairement inscrites dans les documents
publicitaires.
De plus, les consommateurs ne se rendent souvent pas compte du coût
réel des crédits qu'ils contractent (les taux
d'intérêt varient entre 10 et 15 % pour les crédits
renouvelables) et ne retiennent que l'avantage de pouvoir rembourser de petites
sommes chaque mois.
Il semble donc indispensable de mener
régulièrement des campagnes de sensibilisation sur le coût
des crédits à la consommation
. Elles pourraient être
organisées par les associations de consommateurs en collaboration avec
les services sociaux des mairies et des conseils généraux.
D'une manière générale, ces initiatives locales doivent
être relayées par des campagnes nationales d'information sur les
droits des consommateurs et les réglementations en vigueur concernant le
crédit.