B. UN DISPOSITIF CONFRONTÉ À UN PHÉNOMÈNE DU SURENDETTEMENT COMPLEXE ET ÉVOLUTIF
Avant de présenter les différentes formes du
surendettement et les évolutions du phénomène, le groupe
de travail tient à souligner
le manque d'éléments
chiffrés et qualitatifs permettant d'apprécier ce
phénomène
.
Il n'existe en effet aucune publication régulière de statistiques
sur le profil des surendettés ou encore sur les causes du
surendettement. Par ailleurs, si l'Observatoire de l'endettement des
ménages entreprend périodiquement l'analyse de l'endettement des
particuliers, l'exercice n'a pas vocation à permettre une meilleure
appréhension de la population des surendettés. En
définitive, le groupe de travail a dû se contenter d'un nombre
réduit d'informations, en outre souvent anciennes et partielles, pour
dresser son constat.
Il s'agit tout d'abord de l'enquête menée par le Centre de
Recherche sur l'Épargne (CREP). C'est l'unique étude sur le
surendettement effectuée au niveau national depuis le vote de la loi
n °89-1010 du 31 décembre 1989 relative à la
prévention et au règlement des difficultés liées au
surendettement des particuliers et des familles. Réalisée sur une
période limitée, d'octobre 1994 à janvier 1995,
à partir d'un échantillon réduit de 790 dossiers,
elle mériterait d'être renouvelée pour intégrer les
évolutions récentes.
Le groupe de travail s'est également appuyé sur des analyses
moins exhaustives mais plus récentes, comme les statistiques fournies
à la Banque de France par certaines commissions de surendettement ou
encore le rapport " Travail social et surendettement "
publié
en septembre 1996 par l'Observatoire national de l'action sociale
décentralisée (ODAS), concernant trois départements
français : les Alpes-Maritimes, la Savoie et les Yvelines.
En assimilant le nombre de surendettés au nombre de dossiers
déposés chaque année devant les commissions de
surendettement, on obtient les chiffres suivants :
Dépôts annuels de dossiers de surendettement en phase amiable |
||||||
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
90.174 |
68.075 |
68.830 |
68.863 |
68.608 |
70.112 |
86.806 |
Source : Banque de France |
1. Une grande diversité de situations
Le surendettement affecte une population assez hétérogène, ce qui rend la tentative d'en dresser un profil type malaisée.
a) Les caractéristiques des surendettés
De façon générale, les surendettés
constituent une population :
-
plutôt jeune
, avec une très forte
sur-représentation des 35 à 44 ans (40 % du total,
alors qu'ils ne sont que 21 % dans la population française) et, en
sens inverse, une très forte sous-représentation des
retraités. Un vieillissement relatif apparaît toutefois entre 1990
et 1993. Ainsi, la proportion des 25-34 ans est passée de 33 %
dans le rapport Léron à 19 % dans l'étude du CREP.
Selon les informations recueillies par l'ODAS, cette tendance semble perdurer
et s'expliquerait par la progression de la précarisation de la
société, qui pousserait un plus grand nombre de personnes
âgées à s'endetter pour secourir leurs descendants.
-
accordant une grande place aux employés et ouvriers
(60 % contre 33 % parmi les ménages résidents) et une
place très faible aux indépendants ;
-
où les chômeurs occuperaient également une place
importante
(18 % des ménages surendettés en moyenne) ;
-
constituée dans 77 % des cas par des ménages
mariés, vivant maritalement ou en instance de divorce et qui doit
assumer dans 76 % des cas au moins une personne à charge
. Il
convient toutefois de remarquer que si la proportion de personnes
mariées est supérieure à la moyenne nationale, c'est
également le cas pour les personnes divorcées ou
séparées. L'enquête récente de l'ODAS
révèle ainsi que l'aggravation du phénomène de
surendettement s'accompagne d'une
augmentation du nombre de personnes
isolées en situation de surendettement
. Ainsi, en Savoie, les
couples qui représentaient entre 1990 et 1993 60 % des
ménages surendettés n'en représentent plus que 52 %
en 1995. De même, le Trésorier Payeur Général de
Nice a indiqué au groupe de travail que le "surendetté" type
tendait de plus en plus à appartenir à une cellule rendue
monoparentale par un divorce, avec deux ou trois enfants à charge ;
-
avec une proportion certes élevée de locataires
(49 % contre 41 % dans la population totale)
mais aussi une
proportion sur-représentée d'accédants à la
propriété
, c'est-à-dire remboursant le prêt de
leur logement principal (38 % des surrendettés alors que ces
ménages ne constituent que 20 % de la population d'ensemble).
Toutefois, et comme le souligne le rapport de l'ODAS, ce constat doit
être nuancé selon les régions. En effet, le coût des
logements est plus élevé dans les grandes métropoles
urbaines que dans les autres zones d'habitat. Ainsi, dans le département
de la Savoie, l'existence de dettes immobilières ne concerne qu'un tiers
des surendettés, alors que selon l'étude du CREP, dans
près d'un dossier sur deux, on trouve des dettes relatives au
crédit immobilier ;
-
avec des revenus de sources très diverses,
caractérisés par une forte proportion de revenus sociaux
(82 % des ménages sont bénéficiaires de prestations
sociales), qui se traduisent par des
revenus par unité de
consommation
6(
*
)
relativement modestes, sans être pour autant très
inférieurs à la moyenne observée dans l'ensemble de la
population
. Avec, en moyenne, un revenu par unité de consommation de
4.300 francs, les surendettés se situent entre les deuxième
et troisième déciles tels qu'ils apparaissent dans les revenus
fiscaux par unité de consommation de 1990.
En définitive et face à la diversité des situations,
il
semble difficile de parler d'un profil du surendetté
.
L'analyse des capacités de remboursement brutes mensuelles
7(
*
)
confirme ce constat.
Il apparaît ainsi que 1 % des ménages ont une capacité
nulle ou négative, un tiers d'entre eux ont une capacité de
remboursement inférieure au montant de leurs mensualités de
crédits, mais 26 % ont une capacité brute de remboursement
de plus de 10.000 francs.
Le groupe de travail tient toutefois à souligner que les informations
présentées par le CREP sont à utiliser avec prudence. En
effet, elles comparent la situation des surendettés à celle de la
population française. Il eût été plus pertinent
d'analyser les caractéristiques des surendettés par rapport
à l'ensemble des personnes endettées.