b) La part des différents crédits dans le phénomène du surendettement

Dans l'échantillon utilisé par le CREP pour son étude sur le profil des surendettés couvrant l'année précédant la réforme de 1995, seulement 3 % des surendettés le sont pour des raisons indépendantes du recours au crédit (arriérés de charges diverses, d'impôts, de cotisations sociales...), 30 % le sont uniquement au titre des crédits souscrits et les deux tiers ont un passif qui provient des deux origines.

Parmi les 97 % de surendettés dont le passif comporte des crédits, deux pôles apparaissent nettement :

- un peu plus de la moitié des personnes concernées le sont majoritairement ou uniquement au titre des divers crédits à la consommation ;

- l'autre moitié a contracté un ou plusieurs prêts immobiliers pour l'acquisition de la résidence principale, prêts le plus souvent complétés par divers crédits à la consommation.

En moyenne, le passif total en situation initiale (crédits à rembourser et arriérés de charges) s'élève à plus de 270.000 francs et la charge mensuelle moyenne concernant les seuls remboursements de prêts dépasse 6.000 francs. Or, si l'on calcule la capacité nette moyenne de remboursement des ménages, on parvient à un montant inférieur à 3.000 francs.

En définitive et à ce niveau de l'analyse, il apparaît que :

- les situations de surendettement résultent pratiquement toutes du multi-endettement , qu'il s'agisse de la multiplication des crédits à la consommation ou de la coexistence d'un prêt immobilier et de crédits à la consommation;

- si le surendettement est lié dans la majorité des cas à l'endettement des ménages, ce dernier est réparti inégalement entre crédit immobilier et crédits à la consommation. Au total, le crédit à la consommation concerne 87 % des plans et le crédit immobilier 50 %, soit une prépondérance du surendettement lié à la consommation . En outre, il est à noter que l'immobilier seul est rarement une cause de surendettement (5 % des dossiers) alors que le crédit à la consommation en est responsable dans 42% des cas.

L'excès de crédit apparaît donc comme l'élément principal du surendettement, puisque seuls 3 % des plans ne contiennent aucune dette de crédit. Toutefois, le groupe de travail s'est demandé si c'est l'endettement en lui-même qui est à l'origine des difficultés des ménages ou si ce sont plutôt les circonstances ayant conduit les ménages à s'endetter qui en sont la cause . En effet, le rapport de 1997 de l'Observatoire de l'endettement des ménages révèle que les ménages endettés ne constituent pas une population homogène, trois sous-populations pouvant se distinguer en leur sein :

- la sous-population des ménages qui ne recourent qu'aux crédits immobiliers et qui ne semblent pas rencontrer de difficultés majeures avec leur endettement, celui-ci constituant une stratégie volontaire d'anticipation ;

- la sous-population des ménages qui accompagnent leur endettement immobilier d'un recours aux crédits de trésorerie, souvent parce-que leur situation financière s'est dégradée ;

- la sous-population des ménages qui ne font appel qu'à des crédits de trésorerie, qui se subdivise en fait en trois sous-ensembles :


· des propriétaires âgés qui, finançant un projet patrimonial, ne rencontrent aucun problème notoire (19,6 % des ménages n'ayant recours qu'à des crédits de trésorerie) ;


· des jeunes ménages, souvent en milieu urbain, issus de catégories aisées ou intermédiaires, qui occupent le parc locatif privé. Leur endettement s'inscrit dans un style de vie choisi ;


· des ménages pour qui les charges de remboursement sont très élevées. Ce sont en majorité des locataires du secteur HLM, de milieu modeste, avec un nombre d'enfants à charge plus élevé que la moyenne. Ils gèrent difficilement leur endettement fréquemment associé à de la consommation courante, qui s'accompagne souvent d'un découvert bancaire pour essayer d'atténuer les difficultés de trésorerie.

A l'examen des résultats qui précèdent, il ne semble donc pas que le recours à l'endettement se trouve exclusivement à l'origine des difficultés rencontrées ou ressenties par les ménages, même si le poids des charges nouvelles qu'il entraîne est de nature à aggraver leur situation financière.

En effet, les ménages confrontés à un problème de surendettement semblent être des personnes déjà fragilisées par leur situation économique. La survenance d'événements extérieurs (chômage, divorce, dégradation de la situation financière, nécessité de changer de véhicule...) les pousse à s'endetter davantage et à aggraver ainsi leurs difficultés, alors même que ce recours au découvert bancaire et aux crédits de trésorerie constituait une tentative pour desserrer une contrainte de budget devenue insupportable.

LE RÔLE ET LA PLACE DES CRÉDITS DE TRÉSORERIE (( * )1)

Lorsque les ménages souscrivent des crédits de trésorerie, c'est en priorité pour financer l'acquisition d'un véhicule de transport (50,9 % des ménages endettés au titre des crédits de trésorerie) ou d'un bien d'équipement du logement (36,1 %).

Mais les ménages font aussi appel à des crédits de trésorerie pour faire face à leurs dépenses courantes ou à une facture exceptionnelle. Ils sont 31,4 % dans ce cas et l'examen des situations particulières associées est intéressant :

- lorsque les ménages rencontrent des difficultés sociales, familiales ou professionnelles les contraignant à s'endetter pour "boucler leurs fins de mois" et lorsqu'ils déclarent ne pouvoir y arriver qu'avec des dettes, ils "surconsomment" les crédits de trésorerie. Ils cherchent alors à desserrer la contrainte de budget qui pèse sur eux et financent leurs dépenses de consommation courante par recours à l'emprunt. Ils font alors, moins que les autres, usage de crédits de trésorerie pour acquérir un bien d'équipement du logement ou un véhicule de transport (on peut d'ailleurs vérifier que lorsque les ménages sont contraints à s'endetter pour cela, leur situation est encore plus tendue) ;

- en revanche, lorsque les ménages estiment que leurs ressources courantes sont insuffisamment élevées pour qu'ils se considèrent "à l'aise" ou lorsqu'ils n'ont pas été contraints à l'endettement pour desserrer la contrainte de budget (la charge de la dette est alors très supportable), ils s'endettent à court terme pour financer un projet ou un rêve : ils s'équipent et ils voyagent.

Le recours à l'endettement de trésorerie et au découvert bancaire constitue donc un puissant révélateur des conditions économiques et financières dans lesquelles le ménage doit gérer sa contrainte de budget.

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