E. LE DISPOSITIF ACTUEL D'ALLÉGEMENTS DE CHARGES SUR LES BAS SALAIRES PEUT TOUTEFOIS PRÉSENTER DES EFFETS PERVERS.
Le
dispositif actuel d'allégements de charges sur les bas salaires (une
" ristourne du coût du travail dégressive " de
12,4 % au niveau du SMIC jusqu'à 0 % pour un salarié
dont la rémunération horaire équivaut à
1,3 SMIC), répond à un
compromis
entre deux
exigences :
- une baisse du coût du travail pour les plus bas salaires suffisante
pour avoir un
impact psychologique
sur les décisions
d'embauche ;
- un
coût
pour les finances publiques
maîtrisé
.
Le caractère progressif de la ristourne présente toutefois un
effet pervers : pour augmenter de 100 francs le salaire net d'un
employé rémunéré au niveau du SMIC, l'employeur
doit débourser 260 francs, ce qui constitue une
désincitation très forte aux augmentations individuelles de
salaires et donc aux efforts de formation, aussi bien pour l'employeur que pour
les salariés. Au total, le caractère dégressif de la
ristourne se traduit par un "
piège à bas salaires
et
à basses qualifications ".
• Le double constat de l'efficacité des allégements de
charges sur les bas salaires d'une part, des effets pervers de la ristourne
dégressive d'autre part, a conduit M. Edmond MALINVAUD,
professeur au Collège de France et ancien Directeur
Général de l'INSEE, à préconiser, dans le cadre
d'un rapport présenté le 11 juillet 1998 au Premier
ministre :
- la
pérennisation
du dispositif actuel, dont il estime (suivant
en cela les estimations antérieures les plus optimistes) qu'il se
traduirait par la création de
300 000 emplois
à
l'horizon 2005 ;
- le
reprofilage
des
cotisations sociales
, qui seraient
progressives pour tous les salariés
33(
*
)
. M. MALINVAUD estime que ce
reprofilage, c'est-à-dire en fait
un transfert de cotisations
sociales des bas salaires vers les hauts salaires
, se traduirait par la
création de
150 000 emplois supplémentaires
à
l'horizon de dix ans par rapport au dispositif précédent.
Au vu des considérations théoriques exposées
précédemment, et plus particulièrement de la
sensibilité plus forte de l'emploi peu qualifié au coût du
travail, cette seconde préconisation apparaît logique :
alléger le coût du travail peu qualifié en augmentant le
coût du travail qualifié se traduirait vraisemblablement par une
hausse de l'emploi total à long terme. Elle manifesterait en outre la
solidarité de la Nation vis-à-vis des salariés les moins
qualifiés.
• Cette proposition soulève toutefois deux objections :
- le dispositif proposé réduirait la
lisibilité
et
la
légitimité
de notre système de protection
sociale en y mélangeant plus encore assurance et redistribution ;
- la hausse des charges sociales sur les plus hauts salaires
pénaliserait
l'innovation
, les entreprises de
haute
technologie
et les salariés les plus qualifiés au
détriment de la
croissance
. Des simulations
réalisées à l'aide du modèle MIMOSA de l'OFCE
suggèrent ainsi que le transfert à l'échelle
européenne de 1 point de PIB (80 milliards de francs) de
cotisations sociales des bas salaires vers les hauts salaires se traduirait
certes à l'horizon de cinq ans par une hausse de l'emploi total en
France (+ 100 000 environ ), mais au prix d'un
ralentissement de
la croissance
équivalent à 0,9 point de PIB - soit 0,2
point de croissance en moins par an - (cf.
annexe n° 3
).