EXAMEN EN COMMISSION
I. AUDITION DE M. CHRISTIAN SAUTTER, SECRÉTAIRE D'ÉTAT AU BUDGET
Réunie le mardi 29 juin 1999 sous la présidence
de
M. Alain Lambert, président, la commission des Finances a
procédé à l'audition de M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget, sur le régime de taxe à la
valeur ajoutée (TVA) applicable au niveau communautaire.
A titre liminaire, M. Alain Lambert, président, a rappelé les
problèmes récurrents posés, lors de l'examen des lois de
finances, par les amendements de baisses ciblées de TVA et
indiqué qu'une mission de réflexion avait été
confiée, à ce sujet, par la commission des Finances, en mars
dernier, à M. Denis Badré. Puis il a évoqué les
travaux récents de la commission en matière de TVA, qu'il
s'agisse de la résolution relative au passage au régime
définitif de TVA ou de la communication de M. Denis Badré sur la
proposition de directive visant à soumettre au taux réduit de TVA
les services à forte intensité de main d'oeuvre. Il a ensuite
fait état des chiffrages communiqués, à sa demande, par le
secrétaire d'Etat au budget, précisant le coût
budgétaire desdites mesures de baisses ciblées.
M. Christian Sautter a indiqué qu'il s'agissait tout à la fois
d'un sujet important et d'un domaine compliqué.
Il a tout d'abord rappelé la position du gouvernement français
sur le passage au régime définitif de TVA, et
précisé que l'ensemble des Etats membres en avaient
souhaité le report à une date encore indéterminée,
compte tenu de ses implications budgétaires et fiscales.
Il s'est félicité du soutien apporté à cette
occasion, par la commission des Finances, au gouvernement et a indiqué
que la priorité allait à l'amélioration du régime
transitoire, par exemple pour les modalités de remboursement de la TVA
prévues par la huitième directive.
Dans le domaine de la lutte contre la fraude à la TVA
intracommunautaire, il a relevé qu'il a été
nécessaire d'adapter rapidement l'administration fiscale à ses
nouvelles missions, dans la mesure où la suppression des
frontières avait accru les potentialités de fraude. Il a
rappelé le travail accompli en ce domaine, qu'il s'agisse du plan de
lutte contre la fraude de septembre 1997 qui avait accru les échanges
d'informations et les contrôles sur les livraisons, ou le plan d'action
commun aux douanes et à la direction générale des
impôts, qui avait renforcé la coopération entre ces deux
directions. Il a par ailleurs fait état du nouvel article L.83 A du
livre des procédures fiscales, qui autorise les agents des douanes et
des impôts à échanger des renseignements sans recourir
à une procédure écrite. Il a indiqué que ces
mesures avaient déjà produit des résultats significatifs :
ainsi les contrôles de facturation sur les opérateurs
intracommunautaires étaient en progression régulière
passant de 2.191 en 1997 à 2.320 en 1998. De même, il a
souligné que les montants des rappels de TVA liés à des
échanges intracommunautaires représentaient 2,5 milliards de
francs en 1997 et 3,5 milliards de francs en 1998 tandis que les rappels
sur acquisitions dont le montant était de 85 millions de francs en 1994
avaient représenté 1,7 milliard de francs en 1997 et 2,4
milliards de francs en 1998.
Il s'est enfin félicité du rôle joué par les
attachés fiscaux à l'étranger, qui avaient notablement
accru l'efficacité des échanges de renseignements entre les
administrations fiscales et permis de démanteler des montages juridiques
particulièrement sophistiqués. Il en a conclu que, si la fraude
était devenue plus complexe, elle était également devenue
plus risquée.
Il a enfin abordé le régime de TVA applicable aux services
à forte intensité de main d'oeuvre. Il a tout d'abord
rappelé qu'une harmonisation poussée en matière de TVA
était indispensable pour construire le marché intérieur,
ce qui limitait a priori les possibilités d'utiliser la TVA comme un
instrument d'incitation fiscale. Puis il a détaillé les
différentes étapes ayant abouti à la transmission au
Parlement français de la proposition de directive visant à
appliquer un taux réduit de TVA aux services à forte
intensité de main d'oeuvre (n° E-1236). Il a tout d'abord
rappelé que lors du sommet de Luxembourg de novembre 1997
consacré à l'emploi, la France avait évoqué, pour
la première fois, l'idée de baisser la TVA pesant sur lesdits
services. Il a également rappelé qu'en octobre 1998 il avait
écrit, ainsi que le ministre de l'économie, au commissaire
européen chargé de la fiscalité, afin
d'accélérer le processus de décision qui avait
effectivement abouti, en novembre 1998, lors du sommet de Vienne. Aussi bien,
la commission a-t-elle adopté, le 17 février 1999, une
proposition de directive, qui a été transmise au Parlement
français.
Il a relevé que, lors de l'examen de cette proposition par le conseil
" Ecofin " du 25 mai 1999, celle-ci avait fait l'objet d'un
" véritable débat " qui avait fait apparaître des
divergences et même conduit certains à remettre en cause
l'objectif recherché par la présente directive. Aussi, ce conseil
avait-il préconisé d'effectuer en ce domaine un " travail
technique approfondi " tandis que la France avait réaffirmé
son souhait de mener à son terme le processus d'adoption de ce texte.
M. Christian Sautter a ainsi indiqué que se tenait ce jour, le 29 juin
1999, une réunion technique qui devrait permettre d'adopter
définitivement cette proposition de directive sous la présidence
finlandaise, soit à compter du 1er juillet 1999. Il a ensuite
indiqué que la France avait, en matière de baisse de TVA sur les
services à forte intensité de main d'oeuvre, des "
préférences " dans deux domaines. Il s'agissait, d'une part,
d'appliquer de telles baisses aux services destinés aux particuliers,
qu'il s'agisse des aides ménagères ou des aides apportées
aux jeunes enfants et aux personnes âgées. Il a en effet
relevé que cette baisse de TVA pourrait créer une " impulsion
forte ", même si elle risquait de mettre en concurrence les associations
déjà présentes dans ce secteur avec des entreprises
émergentes cherchant à s'y implanter. A ce titre, il a
indiqué qu'il convenait d'étudier ces risques de mise en
concurrence ainsi que l'impact d'une telle mesure, notamment sur les
conventions collectives applicables dans ce secteur. Il a
déclaré, par ailleurs, que les études
réalisées dans ce cadre seraient transmises aux assemblées.
Il a, d'autre part, souligné que cette baisse pourrait s'appliquer aux
travaux d'entretien de l'immobilier. Il a néanmoins rappelé que
la réduction d'impôt pour les dépenses de grosses
réparations dans l'habitation principale représentait 4 milliards
de francs en 1999 et créait 12.000 emplois. S'agissant de la baisse de
la TVA dans ce secteur, il a rappelé le coût budgétaire
d'une telle mesure, estimé à près de 20 milliards de
francs, et il a noté que des incertitudes existaient toujours quant
à son contour exact et à son champ d'application.
En conclusion, il a noté deux autres incertitudes. D'une part, quant aux
marges de manoeuvre budgétaires du gouvernement qui seraient connues
lorsque le taux de croissance pour 1999 et pour 2000 sera affiné et,
d'autre part, quant à la date exacte à laquelle cette proposition
de directive serait adoptée définitivement.
M. Philippe Marini, rapporteur général, après avoir
rappelé que les mesures de baisse ciblées de TVA constituaient,
ainsi que le gouvernement l'avait encore rappelé lors du débat
d'orientation budgétaire, l'un des axes majeurs de sa politique fiscale
pour l'an 2000, s'est interrogé sur l'ordre de grandeur des marges de
manoeuvre du gouvernement, mais également sur la position des autres
Etats membres concernant cette proposition de directive. Il a également
souhaité obtenir des précisions sur son articulation avec la
préparation du projet de loi de finances pour l'an 2000. Il a par
ailleurs demandé à ce que les documents qui seraient transmis,
dans ce cadre, à la commission européenne, s'agissant des
secteurs éligibles à une telle baisse de la TVA, puissent
également être communiqués aux commissions des finances des
deux assemblées.
Sur l'étendue des marges de manoeuvre dont disposait le gouvernement, M.
Christian Sautter lui a précisé que le souci principal du
gouvernement était de développer l'emploi et que le
critère de décision était l'efficacité en
matière d'emploi plus que le coût budgétaire réel
des mesures de baisses ciblées.
Il a par ailleurs précisé que lors du conseil " Ecofin " qui
s'était tenu le 25 mai 1999, aucun Etat n'avait émis de veto
à l'encontre de cette proposition de directive, mais que des
réserves avaient cependant été formulées. Il a
indiqué que le gouvernement " faisait le maximum " pour que ce texte
puisse être définitivement adopté, sans pouvoir
néanmoins fixer de date précise, puisqu'il appartenait à
la présidence finlandaise d'inscrire ce texte à l'ordre du jour.
Il a précisé, par ailleurs, que les éléments de
chiffrage du coût de telles baisses qui avaient été
transmis à la commission des Finances du Sénat ne concernaient
que le coût budgétaire brut, et que leurs effets sur l'emploi ou
le travail clandestin n'avaient pas été évalués
comme habituellement en matière de prévisions budgétaires,
pour d'évidentes raisons tenant à l'application du principe de
précaution. Il s'est en outre déclaré favorable à
ce que les informations communiquées à la commission
européenne concernant la définition des secteurs éligibles
soient également transmises aux commissions des finances des deux
assemblées.
M. Denis Badré, après avoir rappelé l'intérêt
de lutter au niveau communautaire contre les fraudes à la TVA, s'est
interrogé sur l'articulation entre la présente proposition de
directive et la préparation de la prochaine loi de finances. Il a par
ailleurs insisté sur l'intérêt pour les différents
Etats membres de mener des expérimentations en matière de TVA qui
soient les plus diverses possible tout en soulignant que la proposition de
directive définissait des critères d'éligibilité
mais ne contenait pas de liste limitative desdits services. Il s'est ensuite
interrogé sur le coût net de ces baisses et sur les secteurs qui,
outre ceux déjà évoqués, pourraient être
concernés tels que la restauration, mais aussi le secteur de la
réparation automobile ou celui du déménagement. A ce
titre, il a souhaité connaître les intentions des autres Etats
membres.
Par ailleurs, il s'est interrogé sur la compatibilité, au regard
de la réglementation communautaire actuelle, de baisses ciblées
appliquées aux produits de chocolaterie, au droit d'utilisation des
installations sportives ou au traitement des déchets.
Il a enfin souhaité connaître les intentions du Gouvernement
concernant la révision du contenu de l'annexe H qui fixait la liste des
biens et services éligibles aux taux réduits de TVA.
M. Christian Sautter lui a tout d'abord précisé que les
estimations du coût de ces mesures de baisses ciblées ne prenaient
pas en compte leur impact sur la résorption du travail au noir. Il a
également indiqué, s'agissant des secteurs éligibles
à ces baisses, qu'il convenait d'être sélectif afin
d'être efficace. En conséquence, le Gouvernement avait
estimé que deux secteurs, celui des services à la personne et des
travaux dans l'immobilier, étaient prioritaires. Il a reconnu,
s'agissant de la restauration, que des taux de TVA différents
étaient appliqués à des opérations voisines en
relevant que l'application générale du taux réduit de TVA
serait coûteuse et que l'application de taux intermédiaires de TVA
conduirait à pénaliser la restauration collective, ce qui ne
pourrait être admis, et ce, pour d'évidentes raisons sociales.
Evoquant les positions des autres Etats membres, il a indiqué que les
Pays-Bas envisageaient d'appliquer un taux réduit de TVA à la
fabrication de sabots.
Puis, s'agissant des mesures de baisse ciblée de TVA compatibles avec la
réglementation communautaire actuelle (produits de chocolaterie,
déchets ménagers, ...), il a précisé que le
Gouvernement n'avait pas arrêté ses intentions pour le projet de
loi de finances pour 2000 mais qu'il n'y avait aucune raison pour que les
objections formulées en 1997 et 1998 soient levées. De
façon plus générale, il a rappelé que le
Gouvernement souhaitait la réussite de l'expérimentation permise
par cette proposition de directive et qu'il conviendrait ensuite, dans un
second temps, d'envisager une modification pérenne du contenu de
l'annexe H. A ce titre, il a rappelé les demandes françaises
préconisant d'appliquer un taux réduit de TVA aux CD Rom,
aux disques, aux véhicules peu polluants ou aux réseaux de
chaleur.
Revenant sur les problèmes de lutte contre la fraude, M. Marc Massion a
souhaité obtenir des précisions quant à la nature des
relations et aux compétences respectives des douanes et de la direction
générale des impôts, notamment en matière d'exercice
des poursuites consécutives à des infractions.
M. Roland du Luart a relevé que la réduction d'impôt pour
les dépenses de réhabilitation dans l'habitation principale, qui
coûterait à l'Etat 4 milliards de francs en 1999, avait
permis de créer 12.000 emplois, soit un coût unitaire de 330.000
francs par poste créé. Il s'est demandé si ce montant
n'était pas excessif et s'est interrogé sur les
conséquences de l'instauration des 35 heures dans le secteur du
bâtiment quant à un éventuel développement du
travail au noir. Il a fait part de son souhait de voir baisser le taux de TVA
applicable aux travaux réalisés dans les logements.
M. Alain Lambert, président, a souhaité de façon plus
générale connaître les mesures que le Gouvernement
entendait mettre en oeuvre afin d'aider le secteur de la restauration.
S'agissant plus précisément du chiffrage du coût des
mesures de baisses ciblées de TVA, il s'est demandé s'il
était possible d'en évaluer les retours en termes de recettes
fiscales.
En réponse à M. Marc Massion, M. Christian Sautter a
indiqué qu'il avait pu vérifier concrètement la
volonté des différents services du ministère de
l'économie de travailler ensemble et de développer les
échanges d'informations afin de lutter plus efficacement contre la
fraude. A ce titre, il s'est notamment félicité de la
possibilité qui serait prochainement ouverte aux douaniers de devenir "
officiers de douane judiciaire ".
En réponse à M. Roland du Luart, il a rappelé qu'il
était difficile d'isoler l'effet propre de l'extension du crédit
d'impôt de l'amélioration du contexte général
économique. S'agissant de l'application des 35 heures au secteur du
bâtiment, il s'est félicité des nouvelles conditions de
travail qui avaient été négociées à cette
occasion par les organisations professionnelles et estimé de ce fait que
la diminution du temps de travail constituait un " élément
positif ". Il a également rappelé les différentes mesures
prises par le Gouvernement en faveur du logement, qui seraient par ailleurs
complétées par l'extension du dispositif d'allégement des
charges patronales.
En réponse à M. Alain Lambert, il a précisé que le
secteur de la restauration avait déjà
bénéficié des mesures générales de
diminution de la taxe professionnelle et allait également profiter de
l'extension du champ de l'allégement des charges sur les bas salaires.
Il a par ailleurs précisé que le chiffrage du coût des
mesures de baisse de TVA effectué par ses services s'était
toujours révélé fiable, a posteriori, mais qu'il convenait
cependant de développer les instruments d'évaluation des effets
des politiques publiques.
II. COMMUNICATION DE M. DENIS BADRÉ
Réunie le mercredi 30 juin 1999 sous la
présidence de
M. Alain Lambert, président, la commission des Finances a entendu
une communication de M. Denis Badré, sur les règles applicables
en matière de taux de taxe à la valeur ajoutée (TVA).
M. Denis Badré a rappelé le cadre de sa mission consistant
à expertiser la situation actuelle en France en matière de taux
de TVA, et plus particulièrement de taux réduit. Il s'agissait de
faire le point sur ce qui était actuellement " euro-compatible " ou non,
ainsi que sur les perspectives d'évolution en ce domaine.
Il convenait donc, dans un premier temps, de rappeler l'état du droit,
puis d'évoquer les perspectives, notamment au vu de la proposition de
directive visant à soumettre au taux réduit les services à
forte intensité de main-d'oeuvre (n° E-1236).
Il a indiqué que la TVA était un impôt perçu au plan
national, d'un poids fiscal considérable (670 milliards de francs de
recettes nettes prévues pour 1999 soit 44 % des recettes fiscales de
l'Etat), mais dont les grandes règles et les principes étaient
fixés au niveau communautaire.
Il a tenu à rappeler qu'il était indispensable de fixer ces
règles au niveau communautaire, le texte de référence en
ce domaine étant la directive communautaire du 25 mai 1977 dite " 6e
directive TVA ".
En effet, dans le cadre d'un marché unique où les biens circulent
librement, il convient d'harmoniser les règles fiscales, afin
d'éviter le dumping fiscal, ou des différences d'imposition qui
seraient sources de distorsions de concurrence.
Plus généralement, toute évolution du champ des biens ou
services soumis au taux réduit de TVA devait donc prendre en compte une
" triple contrainte " : une contrainte juridique résultant des
dispositions communautaires s'imposant en ce domaine au législateur et
une contrainte budgétaire puisque toute baisse du taux de TVA avait des
conséquences lourdes pour le budget de l'Etat. Il fallait donc cibler
ces baisses, mais également éviter des mesures compliquées
ou de caractère homéopathique, à l'image de la baisse de
la TVA sur les abonnements au gaz et à l'électricité
votée lors de la dernière loi de finances. Cette mesure avait en
effet coûté 4 milliards de francs à l'Etat et se
traduisait en moyenne pour chaque ménage par un gain annuel de moins de
100 francs.
Il a enfin évoqué la " contrainte sociale " existant en
matière de baisse de la TVA. Il convenait, en effet, de sérier
les priorités et de ne pas porter atteinte aux particularités de
certains secteurs. Ainsi, en matière de restauration alimentaire, si une
baisse générale était souhaitable, elle ne devait pas se
traduire par une augmentation du taux de TVA applicable dans le secteur de la
restauration collective, notamment en milieu scolaire ou hospitalier.
Puis il a rappelé l'état actuel du droit tel qu'il
résultait de la 6
e
directive TVA de 1977. Il a
indiqué que le taux normal était le taux de droit commun et que
tous les biens et services vendus en France avaient vocation, en principe,
à être soumis au taux normal de TVA, qui est de 20,6 % contre 19,5
% en moyenne en Europe.
Le droit communautaire fixait un plancher à 15 % et il résultait
d'un accord politique entre les Etats membres que le plafond devait être
de 25 %.
Par ailleurs, les Etats membres avaient la possibilité d'appliquer un ou
deux taux réduits de TVA à une liste limitative de biens et
services qui figuraient au sein de l'annexe H de ladite directive.
Le droit communautaire autorisait un ou deux taux réduits de TVA, mais
la France n'avait qu'un seul taux réduit qui était de 5,5 %. Il a
en outre précisé que, au terme de la réglementation
communautaire, le recours au taux réduit n'était qu'une simple
faculté et non une obligation.
Il a tenu à souligner l'importance de l'écart entre le taux
normal et le taux réduit de TVA (15,1 points), qui était
très supérieur en France à celui des autres pays
européens.
Par ailleurs, il a noté qu'à l'heure actuelle, la France avait au
plan juridique utilisé presque toutes ses " marges de manoeuvre ". Les
principales mesures de baisse de la TVA qui étaient " euro-compatibles "
concernaient les domaines suivants : les produits de chocolaterie et de
confiserie, le droit d'utilisation des installations sportives ou l'ensemble
des opérations de collecte et de traitement des déchets
ménagers etc.. Si ces produits ou ces services n'étaient pas
actuellement soumis au taux réduit, c'était non pour des raisons
juridiques mais compte tenu de leur coût budgétaire ou de
" considérations sociales ". Aussi, toute autre mesure de baisse de
la TVA serait, en l'état actuel du droit, non conforme au texte de la
directive européenne.
M. Denis Badré a en outre précisé que les
différences en matière de taux de TVA applicable au secteur de la
restauration provenaient du fait que les ventes à consommer sur place
étaient considérées comme une prestation de service
taxée à 20,6 %, tandis que les ventes à emporter
étaient soumises au taux applicable aux produits, soit
généralement le taux réduit.
En outre, le droit communautaire envisageait quelques dérogations
à ces grands principes. Ces régimes dérogatoires
étaient très complexes et traduisaient la volonté de la
commission européenne de ne pas modifier le contenu de l'annexe H, tant
que le régime définitif de TVA ne serait pas mis en place.
Il a indiqué que deux grands types de dérogation existaient.
D'une part, les Etats membres avaient la possibilité de conserver les
taux réduits ou " super réduits " qui existaient avant le
1er janvier 1991, ce qui avait permis de maintenir un taux " super
réduit " pour les médicaments remboursés par la
sécurité sociale et pour les publications de presse. D'autre
part, certains biens et services ne figurant pas dans l'annexe H étaient
cependant soumis au taux réduit de TVA en vertu de dispositions
spécifiques. Il s'agissait notamment de la fourniture de gaz et
d'électricité, du bois de chauffage ou des produits de la
floriculture.
Dans ce contexte, il a tenu à souligner que, à l'exception des
quelques baisses ciblées " euro-compatibles " déjà
mentionnées, les perspectives d'évolution en ce domaine ne
pouvaient venir que d'une modification du droit communautaire.
Toute nouvelle mesure de baisse ciblée devait donc avoir
été proposée, au préalable, par la Commission et
adoptée par le Conseil, statuant à l'unanimité des membres
et cela, afin de figurer au sein de l'annexe H. Il a souligné que la
Commission européenne était néanmoins
réservée quant à de telles baisses car elle était
soucieuse d'oeuvrer en faveur de l'harmonisation fiscale, d'éviter de
développer le " dumping fiscal ", ou de créer de trop importantes
distorsions de concurrence.
Il a cependant noté que la proposition de directive sur les services
à forte intensité de main-d'oeuvre offrait une possibilité
dérogatoire de baisser ponctuellement la TVA. Cette proposition de
directive permettait d'appliquer à titre expérimental un taux de
TVA réduit sur les services à forte intensité de
main-d'oeuvre, mais présentait cependant un caractère
limité à 3 ans : du 1
er
janvier 2000 au 31
décembre 2002. Elle devait par ailleurs pouvoir s'appliquer au moment de
l'examen de la loi de finances pour 2000.
Il s'agissait ainsi de permettre aux Etats membres d'appliquer ponctuellement
des taux réduits de TVA et cela, afin de lutter contre le chômage
et le travail clandestin. Cette disposition, qui allait dans le bon sens,
relevait donc de la seule responsabilité des Etats membres.
Or, des incertitudes existaient toujours quant aux marges de manoeuvre
budgétaires du gouvernement et quant à la nature des services qui
seraient concernés par ce taux réduit. Ces incertitudes n'avaient
en effet été que partiellement levées par l'audition de M.
Christian Sautter le 29 juin 1999.
Si celui-ci avait indiqué que deux secteurs avaient la
préférence du gouvernement (les travaux à domicile et les
services d'aide à la personne), il n'avait pas donné de
précision quant à la date prévisible d'adoption de cette
directive ou quant aux marges de manoeuvre budgétaires qu'il
était prêt à consacrer à de telles baisses.
Sur le fond, M. Denis Badré a souhaité que soient prises des
mesures claires et lisibles en faveur des particuliers afin d'éviter
tant les effets d'annonce que la mise en place de mesures
homéopathiques, à l'image de ce qui avait été
pratiqué lors de la dernière loi de finances.
Le champ de cette expérimentation devait être le plus large
possible : plus les expériences mises en place par les Etats membres
seraient diverses, meilleurs en seraient les enseignements et plus grandes les
chances de voir le champ de la TVA à taux réduit être
modifié de façon pérenne.
Trois secteurs lui paraissaient donc avoir plus particulièrement
vocation à bénéficier de cette expérience : le
secteur de la restauration, celui des services d'aide à la personne et
celui des travaux dans l'habitat.
S'agissant du secteur de la restauration, il a tenu à souligner qu'il y
avait désormais avec cette proposition de directive une
possibilité en droit de baisser le taux de la TVA, ce qui n'était
pas le cas auparavant et cela, même si une double contrainte continuait
à exister en ce domaine : qu'il s'agisse de la contrainte
budgétaire ou de la contrainte sociale qui devaient inciter le
gouvernement à préserver la spécificité de la
restauration collective, notamment en milieu scolaire et hospitalier.
Par ailleurs, il s'est interrogé sur le champ précis et la nature
des services d'aide à la personne qui seraient concernés ainsi
que sur les effets de cette mesure quant à la situation des associations
d'aide à domicile.
Enfin, en matière de travaux dans l'habitat, il a souhaité que
l'on ne restreigne pas le champ d'application de cette mesure, afin de ne pas
nuire à son efficacité et, partant, à sa portée.
En conclusion, il a rappelé les quatre préconisations
émises par la commission des Finances du Sénat : des mesures
lisibles et claires, un champ d'expérimentation le plus large possible,
la mise en place d'une vraie diminution des prélèvements
obligatoires et une action dans la transparence.
M. Roland du Luart, après avoir félicité M. Denis
Badré pour la qualité de son exposé, a souhaité,
s'agissant de la baisse de la TVA dans le secteur du logement, que des mesures
générales et simples soient prises. Il a en effet craint que le
gouvernement ne mette en place en ce domaine une " usine à gaz ".
M. Michel Moreigne a souhaité obtenir des précisions quant
à la nature des services d'aide à la personne qui seraient
éligibles à une baisse ciblée de TVA.
Après avoir rappelé que le gouvernement n'entendait pas proposer
à la Commission européenne de soumettre au taux réduit de
TVA le secteur de la restauration, M. Alain Lambert, président, a
souhaité connaître l'état du droit applicable en
matière de TVA sur les frais de justice.
M. Denis Badré a indiqué, en réponse à M. Michel
Moreigne, que, selon les indications fournies par le gouvernement, les services
d'aide à domicile éligibles au taux réduit devraient
être ceux qui sont définis comme tels par le code du travail.
Il a confirmé à M. Alain Lambert, président, que le
gouvernement n'entendait pas proposer des mesures de baisse de la TVA dans le
secteur de la restauration. En tout état de cause, il a estimé
que si l'écart actuel entre le taux normal et le taux réduit
était source de distorsion de concurrence, il convenait de
préserver la spécificité de la restauration collective,
notamment en milieu scolaire ou hospitalier. Il a cependant confirmé que
la proposition de directive sur les services à forte intensité de
main-d'oeuvre permettait bien, désormais, en droit, de baisser le taux
de TVA applicable à ce secteur.
En réponse à M. Roland du Luart, il a indiqué qu'il
convenait de prendre des mesures simples et claires, s'agissant des baisses de
TVA applicables aux travaux dans les logements, et de lutter contre la
stratification fiscale, source de complexités inutiles. Il a
rappelé qu'il appartiendrait donc au gouvernement, si la proposition de
directive était adoptée définitivement, de faire des
propositions en ce sens, à l'occasion de la prochaine loi de finances.
Il a par ailleurs précisé que, seules, les prestations des
avocats indemnisés au titre de l'aide juridictionnelle
bénéficiaient du taux réduit de TVA, eu égard
à son " caractère social ".
A l'issue de ce débat, la commission a donné acte à M.
Denis Badré de sa communication et décidé d'en publier les
conclusions sous la forme d'un rapport d'information.