B. UNE CONCURRENCE FISCALE DANGEREUSE :
Globalement, l'étude ne relève pas de
phénomènes accusés de concurrence fiscale observables en
Europe à ce stade. Selon elle,
" le Marché unique ne
semble pas avoir eu de conséquences majeures sur la concurrence
fiscale.... ".
Elle mentionne toutefois deux exceptions : la fiscalité des
placements financiers des ménages pour laquelle elle juge que le
"
moins-disant
" fiscal a été la règle
pendant plusieurs années et la fiscalité directe des
sociétés dont les taux statutaires ont eu tendance à
converger à la baisse.
Mais elle identifie les dangers que ferait naître une intensification de
la concurrence fiscale.
Le premier d'entre eux réside dans l'atténuation qui en
résulterait de la souveraineté réelle des
Etats-membres
. Dès lors que la fiscalité est un objet et un
instrument de la concurrence entre Etats, la libre détermination par
chaque Etat de son niveau et de sa structure de prélèvements
obligatoires risque d'en être profondément affectée. La
concurrence fiscale qui repose sur le respect absolu du principe de
souveraineté est ainsi susceptible de déboucher sur une remise en
cause de ce même principe. La question est alors de déterminer
quels Etats sont les mieux à même de défendre leurs
prérogatives nationales et quels sont ceux qui sont les plus
vulnérables.
Pendant de ce premier danger, celui d'une perte de capacité à
financer les fonctions collectives par assèchement des recettes
publiques en constitue un deuxième.
La concurrence fiscale est
susceptible de provoquer des enchaînements tels que les dépenses
publiques ne seraient plus finançables par l'impôt ou les
cotisations sociales. Dans cet engrenage non-coopératif, les Etats les
plus lourdement endettés partent avec un handicap puisque leur
capacité à trouver dans l'emprunt un mode de financement
alternatif à l'impôt est réduite. On observera que la
concurrence fiscale, si elle devait se traduire par un endettement public
supplémentaire, pourrait avoir des effets négatifs sur
l'évolution des conditions monétaires dans la zone euro. Ce
danger est toutefois largement sous contrôle du fait des règles du
Pacte de stabilité et de croissance.
En vérité, un troisième danger
qui
résulterait d'une intensification de la concurrence fiscale paraît
de nature à limiter celui qu'on vient de mentionner. Il s'agit du
risque de voir les systèmes fiscaux nationaux se déformer aux
dépens des bases économiques les moins mobiles
. Dès
lors que l'objectif des pratiques fiscales concurrentielles est d'attirer des
richesses, la tentation est grande de compenser les pertes de recettes fiscales
résultant des allégements de l'imposition des facteurs les plus
mobiles en accroissant celle des facteurs plus
" sédentaires ". Cette recomposition des systèmes
fiscaux est susceptible de poser des problèmes d'équité
des systèmes fiscaux. Il en va ainsi au regard de l'équité
horizontale puisque des contribuables ayant des revenus comparables peuvent
supporter des prélèvements différents selon l'origine de
ces revenus. Il en va également ainsi au regard de
l'équité verticale puisque l'inégale taxation des revenus
selon leur origine est susceptible de déboucher sur une taxation plus
lourde des contribuable les moins bien dotés.
A ce sujet, l'étude mentionne certains travaux aux termes desquels entre
1981 et 1995 le taux effectif d'imposition des revenus de l'épargne dans
l'Union européenne aurait diminué de 10 % en moyenne alors que la
taxation du travail augmentait de 7 %. Ces travaux s'inscrivent dans une
perspective identique à celle soutenue par le commissaire
européen en charge des affaires fiscales, M. Mario Monti lors de
son audition le 2 octobre 1997 par la commission des finances du Sénat.
Celui-ci avait alors indiqué qu'entre 1981 et 1995, le taux implicite
de prélèvement sur le facteur immobile qu'est le travail avait
crû de 34,9 à 42 %, tandis que ce même taux était
passé, pour les autres facteurs, de 45,5 à 35 %. Il avait
attribué 4 points du taux de chômage européen, qui
s'élevait alors à 10,6 % à ce phénomène de
distorsion fiscale.
1(
*
)
Les effets économiques de la concurrence fiscale font ressortir une
dernière catégorie de dangers.
La concurrence fiscale est
susceptible de perturber l'allocation des ressources d'au moins deux
façons.
D'abord, en faussant les prix et les coûts, elle peut favoriser le
développement artificiel d'activités économiquement non
justifiées au détriment de projets qui, eux, le seraient. A
l'origine de distorsions de concurrence, la compétition fiscale est
susceptible d'exercer les mêmes perturbations que n'importe quelle
subvention.
Ensuite, et c'est l'optique privilégiée dans les propos
rapportés plus haut, ses effets sur la répartition effective des
revenus peuvent être de nature à pénaliser les revenus les
plus utiles à la croissance - les revenus consommés - au profit
des ree.s thésaurisés.