LA CONCURRENCE FISCALE DANS L'UNION
ÉCONOMIQUE ET
MONÉTAIRE : UN PHENOMÈNE
DIFFICILE À
APPREHENDER ET, PLUS ENCORE,
À MAÎTRISER
Selon
l'étude ici présentée, l'Union économique et
monétaire recèlerait un potentiel dangereux de concurrence
fiscale entre les Etats membres mais ce diagnostic concernerait davantage le
champ du possible que celui de l'expérience, les auteurs insistant sur
le caractère globalement restreint des phénomènes de
concurrence fiscale observés jusqu'à présent.
Ce diagnostic appelle quelques nuances de précision et de
complément qui constituent autant de témoignages des
difficultés d'appréhension des phénomènes de
concurrence fiscale.
I. L'UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE, UN RISQUE ACCRU DE CONCURRENCE FISCALE ENTRE ETATS-MEMBRES
L'Union économique et monétaire accroîtrait le risque d'une concurrence fiscale entre les États en Europe. Celle-ci présenterait des dangers de toutes sortes.
A. UN RISQUE ACCRU DE CONCURRENCE FISCALE ENTRE LES ÉTATS
Les
risques de concurrence fiscale entre États européens
identifiés dès la fin des années 80 se sont encore accrus
du fait de l'adoption de l'euro.
L'étude rappelle que la constitution du marché unique
européen programmé pour le 1
er
janvier 1993 mais
effectif dès 1990 pour les mouvements de facteurs, de capitaux en
particulier, avait déjà suscité de nombreuses
inquiétudes portant sur ses effets sur les systèmes fiscaux
nationaux.
L'on supposait notamment que la liberté des flux de richesse et des
mouvements de population exercerait une pression à la convergence
spontanée ou à l'harmonisation négociée des
systèmes de prélèvement réduisant beaucoup
l'hétérogénéité des systèmes
nationaux de prélèvements. Celle-ci ne résisterait pas aux
risques de détournement de trafic dont la perspective pouvait constituer
à son tour un puissant ferment de concurrence fiscale.
Selon l'étude, si ces craintes apparaissent rétrospectivement
avoir été excessives, l'union monétaire et ses conditions
de réalisation - le Pacte de stabilité et de croissance- sont
susceptibles de constituer pour l'avenir un accélérateur de
concurrence fiscale.
L'adoption de la monnaie unique prive les gouvernements du contrôle de la
politique monétaire et de change qui étaient deux instruments
majeurs d'ajustement économique via leurs effets supposés sur la
compétitivité. Dans ces conditions, la fiscalité reste le
seul instrument directement accessible aux gouvernements pour améliorer
l'attractivité et la compétitivité de leur territoire
économique national.
Le Pacte de stabilité et de croissance renforcerait en outre la
probabilité d'un usage concurrentiel de la fiscalité. Le
coût en déficit public -strictement réglementé par
le Pacte- d'une politique de relance budgétaire serait
atténué en cas d'une baisse des impôts grâce aux
détournements d'assiette taxable qu'elle susciterait par rapport
à l'hypothèse contraire d'une augmentation de la dépense
publique.
Ces risques sont d'autant plus grands que l'Union européenne
réunit tous les attributs d'une zone de surenchères fiscales.
La diversité des économies nationales y est accusée.
D'abord, se côtoient en Europe des petits pays très ouverts et des
grands pays relativement moins dépendants de l'extérieur. Or, les
modèles théoriques ainsi que l'expérience pratique
démontrent que les premiers sont naturellement plus tentés de
manipuler les prélèvements aux fins d'attirer des facteurs qui
leur font défaut.
Ensuite, les pays européens se situent très différemment
sur l'échelle des préférences publiques ce dont
témoignent les niveaux très disparates des dépenses
publiques dans les différents Etats de l'Union.
Dépenses totales des administrations publiques
(En % du PIB nominal)
|
1997 |
Suède |
62,3 |
Danemark |
56,4 |
France |
54,2 |
Finlande |
54,1 |
Belgique |
51,7 |
Italie |
50,6 |
Autriche |
49,8 |
Zone euro |
49,3 |
Pays-Bas |
48,7 |
Allemagne |
47,9 |
Portugal |
43,9 |
Grèce |
42,9 |
Espagne |
42,2 |
Royaume-Uni |
41,0 |
Irlande |
34,7 |
Source : OCDE. Perspectives économiques de
l'OCDE.
Décembre 1998.
Les pays dans lesquels la place des dépenses publiques dans le PIB est
relativement importante sont "
ipso facto
" ceux dans lesquels
les marges de manoeuvre sont les plus réduites.
Enfin, l'Union européenne qui repose sur le principe si
nécessaire de subsidiarité ne comporte en matière fiscale
aucun mécanisme susceptible de passer outre la volonté d'un des
Etats-membres.
Ainsi l'accroissement des risques de concurrence fiscale entre Etats du fait de
l'approfondissement de l'Union européenne n'a pas trouvé de
correctif institutionnel. Les règles européennes d'adoption de
mesures fiscales demeurent en effet soumises à la condition
d'unanimité, reflet d'un respect absolu du principe de
souveraineté nationale dans le domaine de la fiscalité.