CHAPITRE II
L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS : DES
"ÉCARTS
NON NÉGLIGEABLES" 17(
*
)
L'impôt sur les sociétés affecte la
rentabilité des entreprises et grève le rendement des
investissements. L'existence d'écarts d'imposition dans une
économie ouverte et interdépendante peut tout d'abord
réduire l'efficacité économique. En effet, les entreprises
peuvent être incitées à se délocaliser vers les pays
à fiscalité avantageuse et à sélectionner des
projets dont le taux de rendement avant impôt n'est pas le plus
élevé. La productivité du capital est réduite, ce
qui nuit à la compétitivité internationale de l'Union,
minore la production totale et y abaisse le niveau de vie. Les effets de la
fiscalité sont encore amplifiés quand certains Etats se servent
de " l'arme fiscale " afin d'attirer les entreprises. Les écarts de
fiscalité ont en outre un effet sur la répartition des recettes
fiscales entre Etats : les entreprises peuvent non seulement se
délocaliser mais aussi utiliser un ensemble de techniques (prix de
transferts, choix du mode de financement etc..) leur permettant de minimiser
l'impôt, que l'on regroupe sous le vocable d'optimisation fiscale.
Un des objectifs de ce chapitre est d'évaluer la probabilité que
de tel scénario se produisent. Il s'agit donc d'examiner dans un premier
temps si l'on observe dans l'Union européenne des écarts
significatifs de pression fiscale sur les entreprises entre Etats. Pour ce
faire nous utilisons la notion de coût du capital, comme indicateur
synthétique des différents systèmes de taxation.
L'intérêt de ce concept est de prendre en compte la
multiplicité des paramètres susceptibles d'influencer la
localisation des investissements: paramètres fiscaux (taux d'imposition,
base imposable, mécanismes d'intégration de l'impôt sur les
sociétés et sur les revenus des personnes physiques,
mécanismes d'imposition des transactions internationales), nature de
l'investissement (composition en actifs) et mode de financement. Les pays pour
lesquels le coût du capital est le plus faible sont a priori ceux vers
lesquels les flux d'investissements devraient se diriger en priorité.
Cela étant, il est important de préciser que le coût du
capital ne permet pas directement d'appréhender directement l'effet de
la fiscalité sur la localisation des entreprises. En effet, l'impact
d'un écart de coût du capital entre deux pays sur la
mobilité des entreprises, dépend de l'importance du facteur
fiscal dans le choix de localisation de celles-ci. Or d'autres facteurs
interviennent comme par exemple les coûts salariaux ou encore la
volonté de pénétrer certains marchés. Les
études que nous avons recensé concernant l'impact de la
fiscalité sur les comportements de délocalisations ne permettent
pas de conclure, d'autant que les multinationales ont la possibilité de
faire de l'optimisation fiscale en déplaçant une partie de leur
profit d'un Etat vers un autre.
Nous consacrons la dernière partie de ce chapitre à une
évaluation du " code de bonne conduite " adopté par le Conseil
européen en 1997 et à la proposition de directive relative
à la suppression de la double imposition pour les versements
d'intérêts entre sociétés d'un même
groupe.
I. LE POIDS DE L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS DANS LES PAYS DE L'UNION EUROPÉENNE
Actuellement, si l'on exclut le Luxembourg, l'Italie et le Royaume-Uni, l'impôt sur le bénéfice des sociétés ne constitue qu'une faible part des recettes fiscales des Etats membres (tableau 1), même si son poids dans les recettes fiscales a augmenté au cours des dix dernières années dans la majorité des pays (+0,2 points en moyenne). La moitié des pays (graphique 1) ont vu leurs recettes augmenter : la Belgique, le Danemark, la Grèce, l'Irlande, le Portugal, l'Autriche, la Finlande et la Suède, l'autre moitié (graphiques 2 et 3) connaissant une baisse.
Impôts sur les bénéfices des sociétés en % des recettes totales
(En % de recettes totales)
|
1985 |
1990 |
1993 |
1995 |
1996 |
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|
|
Source : OCDE (1998).
1.
Impôts sur les bénéfices des sociétés en % du
PIB: pays où les recettes sont supérieures à la moyenne
2. Impôts sur les bénéfices des sociétés en %
du PIB : pays où les recettes sont
proches de la moyenne
3. Impôts sur les bénéfices des sociétés en %
du PIB: pays où les recettes sont inférieures à la moyenne
Dans le même temps, l'ensemble des pays de l'Union européenne ont
connu une diminution des taux d'imposition (tableau 2), les baisses les plus
significatives revenant à l'Autriche, à la Suède et
à la Finlande. Comme nous le verrons dans la partie suivante, la
comparaison des taux d'imposition faciaux entre les pays ne peut permettre de
se prononcer sur les écarts de pression fiscale pesant sur les
entreprises qui exercent dans les différents pays de l'Union
monétaire et ne constitue donc pas un indicateur de l'incitation
à se délocaliser.
Taux d'impôt des sociétés dans les 15 pays de l'Union européenne
|
1990 |
1991 |
1993 |
1994 |
1997 |
Allemagne |
50/36* |
50/36* |
50/36* |
45/30* |
45/30* |
Autriche |
61,5 |
30 |
30 |
34 |
34 |
Belgique |
43 |
39 |
39 |
39 |
39 |
Danemark |
40 |
38 |
38 |
34 |
34 |
Espagne |
35 |
35 |
35 |
35 |
35 |
Finlande |
40 |
23 |
25 |
25 |
28 |
France |
37/42* |
34/42* |
34 |
33,3 |
33,3 |
Grèce |
46 |
46 |
46 |
40 |
40 |
Irlande |
43 |
43 |
40 |
40 |
38 |
Italie |
36 |
36 |
36 |
36 |
36 |
Luxembourg |
34 |
33,33 |
33,33 |
33,33 |
33 |
Pays-Bas |
35 |
35 |
35 |
35 |
35 |
Portugal |
36,5 |
36 |
36 |
36 |
36 |
Royaume-Uni |
35 |
34 |
33 |
33 |
33 |
Suède |
52 |
30 |
30 |
28 |
28 |
Source
: Commission des Communautés
européennes.
Le premier taux indique le taux d'imposition sur les bénéfices
réinvestis (non distribués) et le second le taux d'imposition sur
les bénéfices distribués.