ANNEXE II.3.
LES DIRECTIVES ADOPTÉES PAR LA COMMISSION ET LES
RECOMMANDATIONS DU RAPPORT RUDING
Les
directives adoptées :
Le 23 juillet 1990, trois documents sont adoptés par le Conseil des
Ministres de la CEE
1. Directive du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal
commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats
membres différents (90/435/CEE);
2. Directive du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal
commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges
d'actions intéressants des sociétés d'Etats membres
différents (90/434/CEE) ;
3. Convention relative à l'élimination des doubles impositions en
cas de correction des bénéfices d'entreprises associées
(90/436/CEE).
La " directive société mère-filiale " a pour effet de
lever dans une importante mesure les barrières fiscales pour les flux de
dividendes à l'intérieur de la Communauté
européenne. En effet, avant l'entrée en vigueur de cette
directive, le régime fiscal des dividendes distribués par une
filiale à sa maison mère lorsque celle-ci était
résidente d'un autre Etat était le suivant: une retenue à
la source était prélevée dans le pays de la filiale et ne
pouvait être récupérée dans le pays de la maison
mère. Or, cette situation n'existait pas lorsque la filiale et la maison
mère étaient résidentes du même état,
d'où la discrimination. La directive prévoit la suppression de
toute retenue à la source sur les dividendes qu'une filiale distribue
à sa société mère dans un autre Etat membre, tandis
que la société mère bénéficie d'une
exemption ou d'une imputation totale pour les revenus financiers perçus.
Son application est actuellement limitée: le pourcentage minimum de
détention est fixé à 25% . De plus, les Etats peuvent
exiger une détention de cette participation pendant une période
ininterrompue d'au moins deux ans. Pour bénéficier de ce
régime, les deux sociétés doivent également
être constituées sous certaines formes juridiques (ex: en
Belgique, seules les S.A., les S.P.R.L et les sociétés en
commandite par action peuvent bénéficier de ce régime).
Une discrimination similaire à celle qui existait auparavant pour les
dividendes lors d'opérations transfrontalières existe encore pour
le paiement d'intérêts et de redevances entre entreprises. Une
proposition de directive visant à y remédier a été
déposée par la Commission au début du mois de mars 1998.
Une première proposition de directive avait déjà
été proposée en 1990 mais n'avait toutefois pas abouti.
La Commission a également présenté une troisième
proposition de directive: proposition de directive du Conseil du 3
décembre 1990 relative à un régime de prise en compte par
les entreprises des pertes subies par leurs établissements stables et
filiales situées dans d'autres Etats membres (Cov. 90/595). Cette
proposition aurait pour conséquence, si elle était
adoptée, que les pertes encourues pour une filiale située dans un
autre pays de la Communauté seraient traitées de la même
manière que les pertes d'une filiale située dans le pays de la
maison mère. Mais à priori, cette proposition a peu de chance
d'aboutir
" un groupe d'entreprises peut, par exemple, localiser ses investissements dans
le pays où les amortissements fiscaux sont les plus
généreux et les donner en location à une entreprise
liée située dans un pays plus restrictif en la matière. La
perte ainsi crée serait déductible ce qui, pour le pays de
l'entreprise liée, a le même effet que s'il avait autorisé
les mêmes modalités d'amortissement ". La Section Fiscalité
et Parafiscalité du Conseil Supérieur des Finances va dans le
même sens en affirmant son point de vue selon lequel " il ne convient pas
d'entrer dans une logique de consolidation, fut-elle partielle, sans que les
principaux paramètres de détermination de la base de
l'impôt des sociétés ne soient eux-même
harmonisés " .
Les analyses du rapport Ruding (1992) :
La Commission européenne a confié à un comité
d'experts fiscaux indépendants une étude sur l'harmonisation de
l'impôt des sociétés au sein de l'Union Européenne.
Le point de départ de l'analyse a été de répondre
aux trois questions suivantes.
1. Les différences en matière d'imposition des entreprises au
sein de l'Union engendrent-elles des distorsions économiques
importantes, incompatibles avec le fonctionnement du marché unique ?
2. Si de telles distorsions existent, peut-on s'attendre à ce qu'elles
disparaissent par le jeu des forces du marché et de la concurrence
fiscale ou une action communautaire doit-elle être envisagée ?
3. Si un minimum de réglementations doivent être imposées
au niveau de l'Union, quel doit être leur contenu (taux, base,...) ?
Pour répondre à la première question, le Comité
s'est basé sur les résultats d'une analyse objective et d'une
analyse subjective :
-- Analyse objective :
Cette analyse consistait à comparer, à l'aide d'un modèle
de simulation, la situation fiscale actuelle d'une même entreprise dans
chaque Etat membre (bénéfice avant et après impôts,
traitement fiscal des investissements nationaux et étrangers,...). Les
disparités entre les Etats membres seraient importantes mais ne
seraient pas uniquement liées aux disparités fiscales. Elles
seraient également dues aux différences de taux
d'intérêts et d'inflation dans les différents Etats .
-- Analyse subjective :
Cette analyse est basée sur une enquête réalisée
auprès d'entreprises des différents Etats membres et a pour but
de donner des indications quant au poids des différences entre
régimes fiscaux dans les décisions de localisation des
entreprises. L'enquête révèle que dans plus de la
majorité des cas (pour 58% des entreprises exactement - 85% dans le
secteur financier), les décisions d'implantations sont effectivement
influencées par des considérations fiscales. Par ailleurs, 75%
des entreprises interrogées ne croient pas à la capacité
du marché unique à amener la convergence des systèmes
fiscaux et sont donc en faveur de l'introduction de réglementations au
niveau européen. Enfin, cette analyse révèle que les
écarts importants entre le bénéfice avant et après
impôts du début des années '80 fortement réduits
à la fin des années '80 alors qu'il n'y avait pas eu d'action
concertée des Etats membres. Une analyse plus approfondie de ces
résultats permit d'attribuer cette convergence aux diminutions des
différentiels de taux d'intérêts et d'inflation entre Etats
membres.
Ainsi, les objectifs du programme d'action qui serait envisagé par le
Comité Ruding sont les suivants :
Þ Supprimer les discriminations et distorsions (au niveau des
investissements et des participations transfrontalières)
engendrées par les systèmes fiscaux différents existant au
sein de l'Union.
Þ Eviter que les Etats membres se livrent à une concurrence
fiscale excessive, par l'introduction de règles minimales concernant les
taux et la base imposable.
Þ Encourager à la transparence des incitations fiscales.
Les Propositions du Comité Ruding
Des propositions pour une véritable harmonisation des systèmes
nationaux ont été faites dans le rapport Ruding. Ces propositions
n'ont toutefois pas été mises en pratiques.
• Imposition des transactions transfrontalières
Le Comité propose un élargissement du champ d'application de la
directive mère-fille (cf. supra) : D'une part, l'élargissement de
la suppression de retenue à la source sur les dividendes entre Etats
membres à tous les types de sociétés et réduction
des seuils de participation.
D'autre part, les retenues à la source qui frappent les paiements
d'intérêts et de redevances entre entreprises créent des
obstacles pour les opérateurs économiques qui exercent des
activités transfrontalières. Elles peuvent impliquer des
formalités très longues, entraîner des pertes de
trésorerie et aboutir quelques fois à une double imposition.
C'est pourquoi la Commission propose également l'adoption d'un projet de
directive similaire à celle des dividendes mais relatif, cette fois, aux
intérêts et redevances.
La Commission a invité les Etats membres à prendre l'engagement
politique de tout mettre en oeuvre pour l'adoption rapide de la proposition de
directive qu'elle a présentée le 4 mars 1998 .
Le rapport Ruding insiste également sur la nécessité de
fixer des règles harmonisées relatives à la
détermination des prix de transferts (prix auquel une entreprise d'un
groupe rémunère les biens ou service qui lui sont fournis par une
entreprise appartenant au même groupe). Sans cette mesure, on risque
d'aboutir à des situations dans lesquelles les coûts sont
localisés dans les pays où les taux nominaux d'imposition sont
élevés et les bénéfices dans les pays où ces
taux sont faibles.
• Les systèmes d'impôt sur les sociétés
Les recommandations visent les modalités et l'étendue de
l'allégement accordé aux actionnaires sur l'IS frappant les
bénéfices distribués sous forme de dividendes.
• Les taux nominaux d'IS
Pour réduire les distorsions de concurrence qui peuvent résulter
des différences de régime fiscal, le Comité recommande
l'adoption d'un taux minimal de 30% et un taux maximal de 40%. Le taux minimal
est justifié par la nécessité de contrecarrer
l'érosion fiscale. Par contre, le taux maximal est plus difficilement
justifiable économiquement.
• L'assiette de l'IS
L'harmonisation des taux d'IS n'a de sens que si la base d'imposition fait
également l'objet d'une harmonisation minimale (la fixation de normes
minimales pour les principaux paramètres de détermination de la
base imposable : les amortissements, les provisions pour créances
douteuses, les dépenses et charges professionnelles et le report des
pertes. Dans la cas contraire, la convergence des taux d'imposition peut
très bien aboutir à accroître les différentiels de
coût du capital. Il suffit simplement pour cela que pour un même
taux, les assiettes soient différentes :
• Les incitations fiscales
Les incitations fiscales doivent être limitées afin de rendre la
base imposable plus transparente. Cependant, étant donné que
l'UEM réduit fortement les instruments de politique économique
des Etats membres, des incitations fiscales pourraient rester
nécessaires. Le comité accepterait donc, pour cette raison, que
certaines incitations soient maintenues sous certaines conditions : Ces
incitations doivent être spécifiques à certaines zones ou
activités limitées et elles ne doivent pas faire partie du
système fiscal général.
La section Fiscalité et Parafiscalité du Conseil Supérieur
des Finances a examiné ces différentes propositions et en a
retenu la conclusion suivante :
" [...] en fixant des limites au taux de l'impôt des
sociétés et aux principaux paramètres qui concourent
à déterminer la base imposable, l'objectif à poursuivre [
une harmonisation suffisante dont la ligne directrice serait de concilier ,
sans incidence budgétaire négative, la minimisation des
distorsions de concurrence avec le maintien d'outil de politique
économique au niveau des Etats membres, conformément au principe
de subsidiarité] serait vraisemblablement rencontré ".