CHAPITRE II :
LES LIMITES DES DISPOSITIFS ACTUELS :
POURQUOI AMÉLIORER LES MODES DE
RÉGULATION ?
Le système financier et monétaire international s'est construit autour de deux polices complémentaires : les organisations internationales, principalement celles de Bretton Woods, et un corpus de normes propres à unifier les pratiques de supervision financière et bancaire. Or ces deux garants de l'équilibre font aujourd'hui la preuve de leurs limites, montrant la nécessité d'une nouvelle régulation.
I. LE RÔLE LIMITÉ ET AMBIGU DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES MULTILATÉRALES
A. LE FMI : UNE ACTION CONTRAINTE ET CONTESTÉE
1. Un rôle limité à la résorption des déséquilibres de la balance des paiements
Le Fonds
monétaire international est une institution centrale du système
monétaire international défini par la conférence de
Bretton Woods. Ses missions ont cependant considérablement
évolué au cours des trente dernières années.
Le
FMI a en effet été créé dans le but de
réguler le système monétaire international de changes
fixes, et de mettre fin aux fréquentes dévaluations
compétitives utilisées au cours des années trente
. Or,
le démantèlement du système monétaire international
fondé sur la fixité des taux de change au début des
années soixante-dix a modifié de manière fondamentale son
rôle, qui demeure cependant essentiel à la stabilité du
système monétaire international.
Le FMI est devenu un instrument de régulation financière et
d'aide aux pays de développement, chargé de permettre à
ces pays de surmonter des crises temporaires de financement de leur
déficit de la balance des paiements. L'action du FMI consiste ainsi
à prêter de l'argent aux pays connaissant ce type de
difficultés, à condition que ceux-ci mettent en oeuvre des
politiques appropriées pour parvenir à l'équilibre de leur
balance des paiements. La limitation du capital du FMI implique que les
prêts aient une durée réduite, afin de disposer constamment
des financements nécessaires pour venir en aide aux pays en crise.
2. L'action du FMI est contrainte par une obligation de prudence...
L'action
du FMI est contrainte par une obligation de prudence dans l'appréciation
des situations financières des pays et par rapport aux signaux qu'il est
susceptible de délivrer aux marchés financiers. Lorsque le FMI
considère qu'une crise va survenir, celle-ci ne se produit pas
nécessairement. Cependant, il doit veiller, en émettant ses
avertissements, à ne pas aggraver la situation qu'il dénonce, en
confirmant les doutes et les réserves des marchés financiers. Ce
risque d'" anticipation autoréalisatrice " constitue une
limite constante à l'action du FMI, qui risque de jouer le rôle
d'un " pompier pyromane ", qui allumerait le feu en tentant
d'éteindre les braises des déséquilibres en formation.
L'économiste Jeffrey Sachs, très critique de l'action du FMI en
Asie, rappellait ainsi en 1998 : "
On compare parfois cette
institution [le FMI] à une compagnie de pompiers. Moi elle me fait
plutôt penser à une personne qui crierait au feu dans un
théatre. Elle a vu quelques flammèches qui pourraient se
transformer en incendie - pour le moment, ce ne sont que des petits
problèmes structurels -, mais elle ne trouve rien de mieux à
faire que de donner l'alerte en hurlant " Au feu ! au
feu ! ". Résultat : c'est la panique !
Croyez-moi : en Asie, le FMI n'a pas aidé à restaurer la
confiance ! au contraire, il a suscité un mouvement de
défiance chez les investisseurs qui se sont tous dit : Si le FMI
est là, mieux vaut s'en aller.
".
Le rôle du FMI dans la surveillance des économies et la
prévention des crises est rendu particulièrement délicat
par l'influence de ses appréciations sur les anticipations des
marchés financiers. Les critiques portent donc aussi bien sur l'absence
de signaux d'alarme délivrés par l'institution, que sur l'effet
dévastateur que peuvent avoir ceux-ci sur les pays en situation de
fragilité.
3. ...et par la mise en oeuvre des politiques d'ajustement par les gouvernements nationaux
Lors de
leur audition par le groupe de travail, le 18 mai 1999
24(
*
)
, MM. Stanley Fischer et
Jean-Claude Milleron ont indiqué les limites de l'action du FMI dans la
prévention des crises, liées notamment à l'action des
gouvernements compte tenu du respect du principe de souveraineté des
Etats. Les crises financières peuvent avoir une origine politique, qu'il
n'est pas facile de prévoir. De plus, le FMI n'est pas toujours
écouté par les gouvernements lorsqu'il émet des
avertissements quant à la possibilité ou à l'imminence
d'une crise.
L'action du FMI est ainsi fortement dépendante de la volonté
politique des gouvernements des pays qui subissent une situation de crise, et
ce, à toutes les étapes de son intervention. Le FMI ne peut agir
que quand les gouvernements en font la demande. Or, ceux-ci ne font souvent
appel au FMI que lorsque la situation apparaît impossible à
maîtriser sans un soutien financier important. A propos de la crise en
Asie, Michel Camdessus rappelait ainsi en 1998 que "
la surprise n'a
pas été moindre pour les pays eux-mêmes que pour les
opérateurs sur les marchés. Quelque peu grisés par de
longues années de succès, ils en ont ignoré les
prémisses autant que les avertissements qui leur venaient de
l'extérieur. Ce syndrome du déni est pour beaucoup dans l'ampleur
des sinistres auxquels il leur a fallu faire face quand ils se sont enfin
décidé - trop tard ! - chacun à leur tour, à
appeler à l'aide le FMI et la communauté
internationale
. "
25(
*
)
Or, le FMI ne dispose pas de la même vitesse de réaction que les
marchés financiers, du fait de son statut d'institution internationale.
L'action du FMI est également limitée par la mise en oeuvre par
les Etats des réformes nécessaires à la résorption
de leurs déséquilibres financiers. En effet, il ne peut se
substituer à l'action de l'administration, notamment dans le domaine
fiscal, et ne peut contrôler sur le terrain les engagements pris par les
gouvernements. Enfin, il reste tributaire, à l'ensemble des stades de
son intervention, de l'information qui lui est communiquée par les
autorités nationales.
Une des clés de la résolution des crises financières est
l'implication du secteur privé. Or, le FMI ne dispose d'aucun pouvoir de
contrainte à l'égard du secteur privé, et ne peut que s'en
remettre aux gouvernements des Etats pour mettre en oeuvre les conditions de
sortie de crise. Il ne peut contraindre, par exemple, les banques et
établissements de crédit à maintenir leurs fonds dans un
pays. De plus, ses interventions peuvent emporter des effets pervers et
renforcer les déséquilibres :
dès lors que les
interventions du FMI sont anticipées par les marchés financiers,
ceux-ci sont incités à sous-évaluer le risque des
placements, et à renforcer ainsi les facteurs même qui justifient
son intervention
. Les modalités d'action du FMI ont
été critiquée après la crise asiatique, les
soutiens financiers aux pays en difficulté servant essentiellement
à rembourser les capitaux privés, et incitant ceux-ci à
des prises de risque excessives dans les pays émergents.
Enfin, l'analyse des situations économiques et les interventions
financières du FMI ne prennent pas nécessairement en compte la
dimension systémique des problèmes, car elle s'effectue pays par
pays.
4. Le coût social des mesures d'ajustement prônées par le FMI constitue un dilemme majeur pour cette institution
Les
politiques d'ajustement imposées par le FMI sont fondées de
manière simple selon le schéma suivant : dans un premier
temps, le volume des importations permettant de parvenir à un
équilibre de la balance des paiements, compte tenu des perspectives
d'exportation, est défini conjointement avec les autorités du
pays sollicitant l'aide du FMI. Par la suite, ce volume d'importation
définit, compte tenu de la propension à importer du pays et des
prévisions de croissance, le niveau de consommation et des
dépenses de l'Etat permettant d'atteindre l'équilibre de la
balance des paiements. Les politiques d'ajustement prônées par le
FMI impliquent donc une forte réduction des dépenses
budgétaires et ont un effet récessif inévitable sur les
économies des pays émergents confrontées à un
problème de financement de leur balance des paiements.
Les préconisations de rigueur du FMI en matière de politique
budgétaire et monétaire ont conduit en Asie notamment à
une forte élévation du niveau des taux d'intérêt,
qui a provoqué la faillite de nombreuses entreprises fortement
endettées, et sont sans doute partiellement responsables des troubles
politiques et sociaux en Indonésie. Selon Joseph Stiglitz, principal
économiste de la Banque mondiale, le FMI aurait imposé une
politique budgétaire et fiscale trop rigide et contraignante à
l'ensemble des pays d'Asie en crise, alors que les politiques menées en
la matière ne peuvent être tenues pour responsables de
l'émergence de cette crise.
Lors de son audition par le groupe de travail, le 21 avril 1999
26(
*
)
, M. Jean-Pierre Landau a
rappelé que le FMI avait donné l'impression, au cours de ses
récentes interventions, qu'il était porteur de certaines valeurs,
en particulier du modèle économique américain, jugé
supérieur, et que ses actions consistaient à l'implanter au
tréfonds des sociétés des Etats secourus. Or, ceci avait
été très mal vécu par les Asiatiques.
Il convient de rappeler à cet égard que les Etats-Unis disposent
de 17,87 % des quotes-parts du FMI, soit presque autant de droits de vote.
Compte tenu des modalités de prise de décision au sein du FMI,
qui suppose une majorité qualifiée correspondant à
85 % des droits de vote, les Etats-Unis disposent de fait d'un droit de
veto sur les décisions du FMI. Les pays de la zone euro
représentent, quant à eux, 22,66 % des quotes-parts.
Cependant, leur influence est considérablement moindre que celle des
Etats-Unis, du fait d'une insuffisante coordination entre les pays. Une
révision de la formule de calcul des quotes-parts est actuellement
étudiée par le FMI, afin d'accorder une plus large place aux pays
émergents, probablement au détriment de l'Europe.
De nombreux hommes politiques et économistes ont souligné les
effets désastreux des politiques macro-économiques
imposées par le FMI sur les niveaux de vie des pays en voie de
développement. La prise en compte de ces critiques a conduit le FMI
à mener des politiques d'ajustement " à visage
humain ", en élargissant la gamme des prêts accordés
aux pays en voie de développement. Cet infléchissement de la
politique du FMI a conduit celui-ci à s'intéresser davantage aux
réformes structurelles et aux conséquences sociales des
politiques d'ajustement mises en oeuvre dans ces pays.
L'élargissement du champ d'action du FMI l'a amené à
interférer avec les compétences de la Banque mondiale, et
à faire apparaître ces deux institutions comme concurrentes
davantage que comme complémentaires.
La Banque mondiale a en effet
considéré que la FMI tendait à mettre en oeuvre des
conditions qui entraient dans son champ de compétence, sans l'associer
à leur définition.
M. Jean-Pierre Landau a évoqué, lors de son audition par le
groupe de travail
27(
*
)
, les
relations désastreuses entre le FMI et la Banque mondiale au cours de la
crise asiatique, puisque le FMI mettait en cause les politiques
économiques des pays atteints par la crise, tandis que la Banque
mondiale tenait pour responsables les marchés financiers.
Le FMI a été accusé par de nombreux économistes et
hommes politiques d'avoir fait preuve de " myopie " au cours des
récentes crises. Lors de son audition par le groupe de travail
28(
*
)
, M. Christian de Boissieu a
estimé que le FMI devrait se recentrer sur l'objectif qu'il lui
était dévolu au moment de sa création, c'est-à-dire
le financement des crises de paiement à court terme. Il a observé
que le FMI impulsait des politiques structurelles, ce qui est du ressort de la
Banque mondiale.
B. LA BANQUE MONDIALE : UNE COORDINATION INSUFFISANTE AVEC LES AUTRES INSTITUTIONS
Le système de Bretton Woods était conçu de manière complémentaire. Alors que le Fonds monétaire international devait traiter les questions de balance des paiements et assurer leur équilibre, la Banque mondiale se voyait confier la responsabilité de la reconstruction et du développement. D'une certaine manière, elle aidait les pays à se développer, réduisait la pauvreté dans le monde et accordait des crédits aux pays membres du FMI. Parallèlement, des banques régionales spécialisées ont vu le jour, en Amérique (la Banque interaméricaine du développement - BID), en Asie (la Banque asiatique de développement) et en Afrique (la Banque africaine de développement). Celles-ci ont le même objectif de développement économique, dans leur zone.
Repères chronologiques sur la Banque mondiale
1944 |
Création de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), siège à Washington |
1946 |
Première assemblée générale de la banque à Savannah |
1952 |
Entrée du Japon et de l'Allemagne |
1955 |
Création de l'Institut de développement économique |
1956 |
Création de la Société financière internationale (SFI) |
1960 |
Création de l'Association internationale de développement (AID) |
1966 |
Création du Centre international pour le règlement des différents relatifs aux investissements |
1988 |
Création de l'Agence multilatérale de garantie des investissements |
1990 |
Création du Fonds pour l'environnement mondial |
1992 |
La Suisse, la Russie ainsi que 12 républiques de l'ex-URSS deviennent membres de la Banque mondiale |
1994 |
177 Etats-membres |
En
réalité, le FMI et la Banque mondiale se sont longtemps
développés selon des logiques indépendantes. Le premier a
mis en place ses propres instruments financiers tandis que la seconde
développait ses modèles économiques sur des
hypothèses différentes de celles utilisées par le Fonds.
Des dysfonctionnements forts ont existé et peuvent demeurer. Le premier
réside dans le maintien, à un niveau très important,
d'aides sous forme de prêts d'ajustement structurel de la Banque mondiale
dont on ne voit pas toujours ce qui les distingue des actions du FMI. Ceci est
d'autant plus source d'inefficacité quand ils interviennent dans le
secteur financier, domaine de compétences partagées. Le second
renvoie à la possibilité de divergences de diagnostic ou de
conditionnalité (FMI et Banque mondiale ne s'entendaient pas, par
exemple, sur le rythme de privatisation de la société ivoirienne
de raffinage en Côte d'Ivoire). Le troisième est la persistance de
zones d'incertitude, comme en témoigne l'impossibilité pour les
responsables de la Banque africaine de développement de définir
précisément à votre rapporteur la notion de " bonne
gouvernance " pourtant quotidiennement utilisée. Par ailleurs, ces
institutions ont pu apparaître parfois comme bien trop
cloisonnées, la Banque mondiale ne s'ouvrant pas aux questions de
surveillance bancaire et le FMI restant réticent à sortir des
concepts de stabilisation macro-économique pour entrer dans une logique
de développement
29(
*
)
.
Souvent, la Banque mondiale a pu considérer que le FMI proposait des
solutions qui l'impliquaient sans pour autant l'associer à leur
élaboration.
Le
chevauchement des interventions des institutions de Bretton
Woods :
l'exemple du Centrafique
" Jeune Afrique économie :
Quel est
l'état de vos relations avec les bailleurs de fonds, notamment le Fonds
monétaire international et la Banque mondiale ?
Anicet Georges Dologuélé
*
: Nous avons
signé, en juin 1998, un accord pour une Facilité d'ajustement
structurel renforcée (FASR) avec le FMI. Si le premier
décaissement a bien été versé, le deuxième,
qui devait intervenir au mois de décembre 1998, n'a pas eu lieu. De
fait, les élections législatives ont entraîné des
dysfonctionnements de l'économie et nous n'avons pas pu conclure
" la revue à mi-parcours " avec le FMI. Une mission du Fonds
s'est rendue en Centrafrique, en février 1999, et cet examen a
été conclu à la fin du mois d'avril. Dans la
foulée, le deuxième décaissement devrait intervenir au
mois de juin.
Pour sa part, la Banque mondiale doit présenter devant son conseil
d'administration un programme de Crédit d'ajustement structurel (Cas).
La décision devrait être prise d'ici à la fin du mois de
juin. Comme nous sortons d'une période de crise, la Banque mondiale
propose de monter un programme post-conflit qui a l'avantage d'être moins
contraignant qu'un Programme d'ajustement structurel (Pas) classique. Le
décaissement est plus rapide et, entre deux décaissements, nous
ne sommes pas contraints de respecter certains critères de performance.
Cela permet de relancer la machine avant de pouvoir bénéficier de
programmes sectoriels bien précis.
La Banque africaine de développement (Bad) se situe à peu
près dans le même timing. Elle a effectué une mission en
mai 1999 pour localiser les projets à financer. L'arrêt des
décaissements de la Bad est lié essentiellement à des
retards que nous avons pris dans les échéances de remboursement.
Les décaissements du FMI et de la Banque mondiale devraient nous aider
à faire face à ces retards et donnent une bouffée
d'oxygène à l'économie du pays. Nos arriérés
de paiement, qui s'élevaient à 6 milliards de F CFA à
la fin de décembre 1998, se situent actuellement aux environs de 7
à 8 milliards. "
* alors Premier ministre de la République centrafricaine
Source :
Jeune Afrique économie
, 28 juin - 11 juillet 1999
Depuis , la crise asiatique et les débats auxquels elle a donné
lieu entre le FMI et la Banque mondiale, ces institutions ont
amélioré leur coordination. M. James Wolfensohn l'exprimait ainsi
le 21 janvier 1999 :
" Je suis convaincu que les rôles
respectifs de la BIRD et du FMI sont mieux harmonisés. D'une
façon générale, notre institution soeur est chargée
de la stabilisation macro-économique dans nos pays clients et du
contrôle à exercer. Quant à nous, nous sommes responsables
des aspects structurels et sociaux du développement. Ces deux
rôles ne sont manifestement pas dissociables et nous collaborons
très étroitement sur une base
journalière. "
30(
*
)
La Banque s'est ainsi
retrouvée, après de vives discussions, aux côtés du
Fonds dans la réflexion sur la crise asiatique et ces deux institutions
ont élaboré avec la Banque asiatique de développement le
plan de sauvetage mis en oeuvre dans cette région. De même, en
Amérique latine, la Banque, le Fonds et la BID ont défini de
manière conjointe les programmes de réformes économiques
structurelles nécessaires à la sortie de la crise.
La crise a permis de mettre en place des mécanismes de coordination et
de répartition des rôles entre les deux institutions. Elles se
sont accordées sur un partage des compétences en matière
financière, avec la création d'un comité de liaison
assurant une information régulière des activités de
chacune. Outre le développement des missions conjointes (les fameuses
reviews
), les institutions se sont accordées sur la
possibilité pour le dirigeant de chacune de participer pleinement aux
réunions du comité intérimaire (FMI) et du comité
de développement (Banque mondiale). Progressivement, une meilleure
coordination se met donc en place.
Le FMI, la Banque mondiale et les banques régionales de
développement ont ainsi des missions différentes mais sont
contraints d'agir de concert. Le Fonds délivre une aide
budgétaire globale à un Etat ; la Banque finance des
programmes d'amélioration des conditions de vie, de développement
des systèmes de santé et d'éducation ; les banques
régionales s'inscrivent dans une logique de projets, la plupart du temps
structurants pour l'espace régional. Cependant ces trois formes d'aide
interviennent dans un contexte commun et devraient donc découler d'un
diagnostic commun ; de même, elles supposent la réunion de
conditions dont les plus importantes (réformes structurelles, cadre
législatif, privatisations, blocage des salaires, abandon du soutien des
prix, réduction du nombre de fonctionnaires, etc.) font partie des
compétences communes aux trois institutions.
C. LES LIMITES RENCONTRÉES PAR L'INTERVENTION DES AUTRES INSTITUTIONS INTERNATIONALES
1. Les limites de l'action et de la légitimité de la Banque des règlements internationaux
La Banque des règlements internationaux est compétente en matière de supervision bancaire. L'action de cette institution est cependant limitée par ses statuts, notamment l'absence de moyens de contrainte appropriés. En effet, le FMI dispose de la conditionnalité des aides pour obliger un pays à modifier les conditions macro-économiques des pays, tandis que la BRI ne dispose pas des moyens de contraindre les pays à mettre en oeuvre ses recommandations en matière de gestion bancaire. De plus, la BRI souffre de l'absence en son sein de nombreux pays, même si des pays émergents rejoignent désormais cette institution (neuf banques centrales de pays émergents y ont adhéré en 1996). Sa légitimité repose cependant sur une plus grande ouverture aux pays émergents, afin que les recommandations et les réglementations émanant de la BRI prennent une dimension universelle, et dépassent le cadre des pays de l'OCDE. Enfin, le consensus nécessaire à son fonctionnement constitue un obstacle sérieux au développement de son rôle dans la régulation financière internationale.
2. De nombreux cercles d'échange et de lieux de décision sont réservés aux pays développés
De
nombreux groupes informels de concertation ont vocation à
améliorer la coordination des politiques économiques et
monétaires à l'échelle mondiale. Le plus connu
d'entre-eux, le G 7, regroupe les sept pays les plus riches du monde
(Etats-Unis, Japon, Allemagne, France, Grande-Bretagne, Italie et Canada) ainsi
que la Russie (G 8), et représente ainsi près de la
moitié du PIB mondial. Les décisions prises au sein de cette
instance ont des conséquences importantes sur l'évolution des
taux d'intérêts et des parités entre les monnaies
notamment. Le G 7 constitue en effet le cadre de la gestion des
responsabilités monétaires dans le monde. Cependant, ses
décisions manquent de légitimité dès lors qu'elles
sont perçues par les pays en voie de développement comme
émanant d'un " gouvernement de fait " du monde dont ils se
trouvent exclus. L'ancien directeur général du FMI, Michel
Camdessus, a proposé peu avant son départ de l'institution, un
élargissement de ce groupe à une trentaine de pays. Le
caractère informel et restreint des sommets du G 7 serait
préservé, mais la légitimité de ses
décisions serait accrue par une telle mesure.
Le groupe des vingt (G 20), constitué du groupe des sept pays les
plus industrialisés (le G 7), et de onze " nouveaux "
pays (l'Argentine, l'Australie, le Brésil, la Chine, l'Inde, le Mexique,
la Russie, l'Arabie Saoudite, l'Afrique du sud, la Corée du sud et la
Turquie), en sus d'un représentant de l'Union européenne et d'un
représentant du FMI, s'est réuni pour la première fois au
mois de décembre 1999. Ce groupe doit émettre des avis, notamment
sur la surveillance des flux de capitaux et sur la place du FMI dans le
système monétaire international. Cependant, il n'a pas vocation
à prendre des décisions.
Le groupe des vingt-deux (G 22), connu également sous le nom de
" Willard Group " a été mis en place par le FMI
à la suite de la crise financière internationale, afin de
proposer des solutions à cette crise. Il comprend les pays membres du
G 7 et d'autres pays développés et émergents
touchés par la crise.
Le Groupe des trente-trois (G 33), élargit également le
G 7 à de nombreux pays émergents. Cependant, il constitue un
lieux d'échange, et non de décision, et apparaît comme une
timide ouverture des pays riches vers le reste du monde.
La puissance et le manque de légitimité du G 7 a conduit les
pays en développement à créer des groupes analogues afin
de faire entendre leurs voix et constituer une force de proposition face aux
pays industriels. Le G 24, qui comprend huit pays africains, huit pays
d'Asie et huit pays d'Amérique latine revendique ainsi une
représentation équitable des pays en développement dans
les processus de décision afin de mettre la politique monétaire
et financière au service du développement.
La multiplication des groupes informels regroupant les dirigeants de pays ne
favorise pas la lisibilité des moyens et des objectifs de ceux-ci dans
le système international, et ne résout pas la question de la
légitimité du G 7. Son élargissement à de
nouveaux pays permettrait sans doute d'accroître cette
légitimité et de limiter la formation de groupes concurrents.
3. Les instances de supervision et de concertation : un rôle limité par leur objet
Plusieurs organisations internationales sectorielles sont en
charge
d'édicter des règlements et d'émettre des recommandations
afin d'assurer le bon fonctionnement des institutions financière dont
elles exercent la supervision. Il s'agit notamment du Comité de
Bâle pour les banques, de l'Association internationale des
contrôleurs d'assurance (IAIS en anglais), dont le secrétariat est
situé dans les locaux de la Banque des règlements internationaux
à Bâle, pour le secteur des assurances, et de l'Organisation
internationale des commissions de valeurs (OICV), dont le siège est
à Montréal. L'action de ces organisations est essentielle pour la
définition des réglementations et l'établissement de codes
de bonne conduite, qui sont mis en oeuvre dans les pays membres par les
autorités nationales. Cependant, leur rôle est limité par
leur objet, et la compartimentation des compétences selon le type
d'institution financière, ainsi que par leur influence limitée
sur les pratiques des pays émergents. Les standards fixés par ces
institutions sont en effet applicables aux pays développés qui
disposent d'un secteur financier structuré et
déréglementé, et ne répondent
généralement pas aux besoins des pays émergents.
L'augmentation de la fréquence et de la taille des sinistres financiers
a suscité l'inquiétude des organismes de réglementation,
qui se sont interrogés sur l'opportunité d'une
réglementation accrue. De nombreuses instances de supervision et de
concertation regroupent des autorités des pays industrialisés,
notamment le Groupe des Trente (G 30), le Comité de Bâle, et
l'IAIS. L'IAIS et l'OICV ont fondé en 1996 un forum commun sur les
conglomérats financiers, sous l'égide du Comité de
supervision bancaire, situé à Bâle. Ce forum a
étudié les modalités d'une plus grande coordination afin
d'aboutir à la définition de principes communs de supervision des
institutions financières.