II. LES LIMITES DE LA SUPERVISION FINANCIÈRE ET BANCAIRE
Le
développement, dans un contexte économique et financier fragile,
de pratiques individuelles risquées de la part des intermédiaires
financiers mais surtout bancaires a constitué un facteur puissant des
dernières crises financières. De façon plus
générale, la plupart des crises de cette nature
révèlent
a posteriori
des comportements individuels
inadaptés. Mais, dans ce domaine, comme dans bien d'autres, les
leçons de l'histoire tardent à produire les adaptations dont
celle-ci révèle pourtant la nécessité.
Il reste donc indispensable de mettre en place des instruments permettant de
prévenir les comportements susceptibles d'apporter des désordres
majeurs.
Les différentes crises financières récentes ont
démontré la faiblesse des contrôles internes mis en oeuvre
par les intermédiaires financiers et les établissements de
crédit. Même s'il ne peut être
généralisé, ce constat ne saurait être
sérieusement contesté. Il ne manque pas d'être
préoccupant au vu des nombreuses recommandations et dispositions
réglementaires adoptées pour promouvoir un meilleur
contrôle interne.
Ces déficiences appellent un renforcement de la supervision
émanant d'organismes extérieurs, en bref du contrôle
externe.
Cette conclusion n'est pas contestée. En revanche, les voies et moyens
d'un meilleur contrôle externe font l'objet d'âpres débats
qui reflètent étroitement des enjeux de pouvoir qu'il convient
d'exposer.
A. LES DÉFAILLANCES DANS LA MAÎTRISE DES RISQUES
1. Les crises financières récentes révèlent une exposition excessive aux risques de la part de certains acteurs
La
plupart des crises financières récentes ont été
engendrées par les défaillances, le plus souvent
constatées
ex-post
, dans la maîtrise des risques par les
acteurs de marché. Elles se distinguent en cela des crises
financières et monétaires internationales
précédentes qui étaient suscitées par des
déséquilibres macroéconomiques ou des chocs
monétaires.
C'est une caractéristique naturelle des métiers financiers que
cette exposition à des risques. Elle est d'ailleurs heureuse et
souhaitable puisqu'elle alimente des progrès économiques. Elle
s'est sans doute accentuée ces dernières années sous le
double effet de l'intensification des exigences de retour sur fonds propres et
de l'atténuation des marges sur les taux d'intérêt
encaissées par les banques.
Cependant, un défaut de maîtrise de leurs risques de la part des
acteurs de marché constitue une grave source d'instabilité.
Or, ce phénomène a joué un rôle majeur dans les
crises financières et monétaires récentes.
Il peut d'abord concerner des acteurs individuels. Ces défaillances se
retrouvent d'abord dans le cadre des événements qui concernent un
établissement bancaire donné comme la faillite de la Barings, les
difficultés du Crédit Lyonnais ou du groupe japonais Daïwa.
Mais, il peut aussi concerner une catégorie particulière
d'acteurs.
En effet, si tous les agents financiers sont exposés au risque et, par
conséquent, encourent celui de mésestimer la portée de
leurs engagements, il existe une catégorie particulière
d'entités financières qui, par nature, se trouvent
particulièrement vulnérables de ce point de vue. Il s'agit des
fonds à haut effet de levier mieux connus sous leur vocable anglo-saxon
de
hedge funds
.
S'il n'existe pas de définition universellement adéquate de ces
fonds, l'on s'accorde toutefois à leur trouver quelques
caractéristiques communes.
Leur stratégie financière s'appuie sur la mobilisation à
grande échelle de l'effet de levier, c'est-à-dire d'un fort
endettement destiné à financer des investissements le plus
souvent risqués et des opérations d'arbitrage visant à
exploiter systématiquement les écarts de prix entre
marchés.
L'accès des investisseurs à ces fonds suppose, en outre, des
engagements financiers très importants de leur part, toute souscription
aux
hedge funds
mettant ainsi en oeuvre des capitaux
élevés.
Enfin, ces fonds fonctionnent le plus souvent en dehors des contraintes
prudentielles et de régulation ce qui tend à les localiser dans
les centres
off-shore
. Ce n'est pas toujours le cas cependant puisque
leur nature juridique de " partenaristes privés " les fait
échapper à la quasi-totalité des dispositifs prudentiels
et des contrôles externes.
L'on distingue usuellement trois catégories de
hedge funds
:
- les " macro-funds " qui prennent des positions sur les
marchés nationaux à partir d'analyses
macroéconomiques ;
- les " fonds globaux " qui spéculent sur les perspectives
financières des sociétés ;
- les " fonds d'arbitrage " qui jouent sur les écarts de prix
relatifs entre des actifs étroitement interdépendants.
Il faut souligner que les
hedge funds
n'ont pas le monopole des
techniques financières qu'ils mobilisent. D'autres investisseurs plus
traditionnels, comme les banques commerciales, procèdent à des
investissements de même nature.
Les
hedge funds
comportent des risques considérables pour leurs
investisseurs mais aussi pour le système financier dans son ensemble
comme l'a illustré le naufrage du fonds LTCM (
Long Term Capital
Management
) en 1998.
Il est difficile de disposer de données sur les
hedge funds
puisque l'une de leurs caractéristiques majeures est d'échapper
souvent aux contrôles des superviseurs. Les sources sont en la
matière des sociétés privées qui recueillent leurs
informations à partir des déclarations volontaires et non
contrôlées qui sont communiquées par les
hedge funds
.
Les chiffres suivants ne sont donc que des estimations. Fin 1998, il existait
ainsi environ 914 fonds gérant un capital total de
110 milliards
31(
*
)
de
dollars répartis comme suit : 38 milliards dans les
" macro-fonds ", 27 milliards dans les " fonds
globaux ", le reste, soit l'essentiel, dans les " fonds
d'arbitrage ".
Le capital des
hedge funds
représente donc une infime portion du
capital des autres investisseurs évalué à
20 trillions de dollars pour les seuls marchés des pays
avancés.
Cependant, l'une des particularités des
hedge funds
,
l'utilisation systématique de l'effet de levier, leur permet de
démultiplier leurs engagements, si bien que ces derniers sont
incomparablement plus importants que la part de capital financier qu'ils
réunissent.
En outre, l'influence des
hedge funds
sur les marchés ne
s'alimente pas que de ces données financières. Les gestionnaires
de ces fonds sont souvent regardés comme les " leaders du
marché " et sont imités par les autres intervenants. Cette
situation est décrite par l'ensemble des experts
32(
*
)
.
Un exemple de mimétisme 33( * )
Les
hedge funds
pourraient avoir acquis le statut de " leaders de
marché " et influencer les marchés très
au-delà de leurs poids financiers. Cette situation est ainsi
décrite dans une étude publiée par la Banque de France.
" La possibilité pour certains intervenants à fort effet
de levier de prendre des positions suffisamment importantes pour provoquer le
saut vers un nouvel équilibre (crise de change ) est une incitation
supplémentaire pour beaucoup d'opérateurs à imiter les
prises de positions d'intervenants majeurs, tels que les fonds
spéculatifs : ceci est vrai,
a fortiori
, lorsque ces fonds
mettent en place leurs positions auprès de banques qui transmettent
l'information concernant ces flux à leurs
proprietary desks
,
lesquels prennent à leur tour des positions semblables. "
L'implication des phénomènes de contagion dans les crises
financières appelle des mesures appropriées. Il convient d'en
endiguer le développement en promouvant une stricte séparation -
les " murailles de Chine " - entre les différents
départements des établissements bancaires.
L'influence des
hedge funds
sur les marchés peut enfin
procéder des techniques financières qu'ils utilisent et qui sont
susceptibles de servir de relais aux phénomènes de contagion.
Plusieurs exemples en sont donnés dans l'article
sus-cité
34(
*
)
.
Des techniques financières favorisant les phénomènes de contagion
" L'utilisation des techniques de couverture dynamique
(dynamic hedging)
est également souvent citée comme
pouvant être à l'origine d'anomalies de marché, et peut, de
ce fait, jouer un rôle dans la contagion. Ainsi, une opération de
protection de portefeuille consistant pour l'investisseur à acheter des
options de vente
(put)
de l'actif détenu lui permet de
s'immuniser contre la baisse de la valeur de cet actif au-delà d'un
certain seuil. Mais cette protection aura pour contrepartie, chez le vendeur de
l'option, des opérations de couverture (vente du
" sous-jacent " lorsque son prix se rapproche du prix d'exercice de
l'option) de nature à amplifier le mouvement de baisse. L'utilisation
croissante d'instruments de couverture plus sophistiqués, tels que les
options à barrière désactivante, peut aussi se traduire
par des mouvements de prix cumulatifs sur le marché sous-jacent. Ainsi,
le vendeur d'un tel
put
aura intérêt à vendre le
sous-jacent, de sorte que la baisse du marché aboutisse à
désactiver l'option ; une fois la barrière franchie, c'est
l'acheteur de l'option qui a perdu la couverture que celle-ci lui procurait et
qui doit vendre le sous-jacent pour se couvrir de nouveau.
Dans un environnement d'asymétrie d'information, les mouvements de prix
résultant de telles opérations de couverture dynamique sont
susceptibles d'être interprétés par les intervenants non
informés comme justifiés par une révision en baisse de la
valeur fondamentale des actifs concernés.
Il convient (...) de tenir compte de la pratique de la couverture de
substitution
(proxy hedging).
Lorsqu'un portefeuille est investi sur des
actifs relativement peu liquides, comme peuvent l'être les titres
traités sur les marchés émergents du fait de la faible
profondeur de ceux-ci, les opérations de couverture ne peuvent
être qu'approximatives. Ces transactions sont réalisées sur
un marché plus liquide, jugé
a priori
comme très
corrélé au prix des actifs sous-jacents. Si tant est que ces
corrélations soient appréciées objectivement, elles
reposent au mieux sur des relations historiques, ne reflétant pas
nécessairement l'actualité des fondamentaux ou du comportement
des investisseurs. "
Le naufrage de LTCM en septembre 1998 illustre les dangers des
hedge
funds
pour le système financier international.
LTCM, une affaire édifiante
Long
Term Capital Management (LTCM) constituait l'archétype du
hedge
fund
voué aux arbitrages. Son activité concentrée sur
les marchés des pays avancés consistait pour l'essentiel à
profiter des écarts de prix entre actifs proches par leurs
caractéristiques. Au début de 1998, sur la base de fonds propres
atteignant 4,8 milliards de dollars, LTCM était engagé
à hauteur de 120 milliards de dollars inscrits à son bilan
(soit un levier égal à 25).
Dans le courant de septembre 1998, la crise russe provoqua des
enchaînements financiers défavorables au fonds. Celui-ci avait en
effet misé sur un rapprochement des taux d'intérêt entre
les pays appelés à participer à l'euro. Cette
stratégie, fondée compte tenu de la perspective d'adoption de
l'euro, et d'ailleurs soutenue par la Banque centrale d'Italie qui ne manquait
pas d'intérêts en la matière, fut prise à revers par
les turbulences issues de l'effondrement du marché des obligations
russes (les GKO). Plutôt que de se réduire, les écarts de
taux en Europe s'accrurent. Le 23 septembre 1998, l'actif net de LTCM
était réduit à 600 millions de dollars face à
des engagements de 100 milliards (soit un levier de 167).
La cessation de paiement du fonds l'aurait alors contraint à
dénouer ses positions, ce qui aurait entraîné une crise de
système compte tenu de l'importance prise par celles-ci. Afin de
l'éviter, la Banque fédérale de New-York organisa
rapidement un plan de sauvetage réunissant 14 institutions
financières, mobilisant 3,6 milliards de dollars de prêts
à bas taux d'intérêt.
Il est intéressant d'observer que cette intervention de prêteur
en dernier ressort fut réalisée sans recourir à un taux de
pénalité et sans changement de direction de LTCM.
2. Les crises financières récentes révèlent aussi une mésestimation généralisée des risques
Les
crises survenues en Asie témoignent de l'existence de
défaillances suffisamment généralisées pour que
puisse être évoqué un problème global.
Les données macro-économiques
ont été
négligées par les intervenants. Tel a été le cas en
particulier de l'excessive accumulation des investissements.
Les rythmes d'investissement observés dans la plupart des pays
asiatiques auraient dû conduire à envisager la question du niveau
des capacités de production mises en place et d'éventuelles
surcapacités.
Croissance des investissements matériels
(en %)
|
31.12.93 |
31.12.94 |
31.12.95 |
31.12.96 |
Moyenne |
Hong Kong |
22 |
17 |
15 |
13 |
17 |
Indonésie |
22 |
37 |
36 |
35 |
33 |
Corée |
11 |
15 |
24 |
N.D |
17 |
Malaisie |
15 |
21 |
18 |
26 |
20 |
Philippines |
13 |
9 |
5 |
15 |
11 |
Singapour |
19 |
32 |
20 |
27 |
25 |
Taiwan |
9 |
3 |
- 5 |
24 |
8 |
Thaïlande |
25 |
47 |
27 |
17 |
29 |
Amérique latine |
- 2 |
8 |
12 |
8 |
7 |
France |
2 |
1 |
- 1 |
2 |
1 |
Allemagne |
2 |
1 |
1 |
6 |
3 |
Japon |
5 |
5 |
5 |
3 |
5 |
Etats-Unis |
2 |
3 |
3 |
5 |
3 |
Source : Mickael Pomerleano. Massachussets Institute of
Technology - MIT.
Les évolutions microfinancières qui ont
précédé la crise asiatique telles qu'analysées par
le Massachussets Institute Technology (MIT)
35(
*
)
accréditent, quant à
elles, la thèse de Paul Krugman selon laquelle ces crises
témoigneraient de graves dysfonctionnements des intermédiaires
financiers.
Les déséquilibres financiers des agents économiques de la
région se sont en effet accentués, ce dont témoigne
l'accroissement du ratio dettes / fonds propres entre 1992 et 1996
dans la quasi-totalité des pays concernés.
Source : MIT
Ce phénomène s'est principalement produit sous l'effet des
interventions des banques, les marchés obligataires restant peu
développés dans la zone.
Le développement des engagements bancaires n'a pas été
freiné par le constat des déséquilibres de l'endettement
des entreprises de la zone marqué par la part de plus en plus excessive
des dettes de court terme.
Part des dettes à court terme dans l'endettement total 1992-1996 (moyenne)
Source : MIT
L'augmentation du nombre des entreprises en difficultés du fait d'un
surendettement massif a été rapide et n'a pas été
décelée assez tôt comme en témoigne le tableau
ci-après.
Evolution du nombre des entreprises en difficultés dans quelques pays asiatiques
|
|
Ratio de couverture (1) des charges d'intérêt |
Evolution du nombre des entreprises en difficultés (en %) |
Philippines |
1996 |
5,2 |
8,7 |
|
1997 |
3,7 |
10,8 |
|
1998 |
3,3 |
18,4 |
Indonésie |
1996 |
3,7 |
8,0 |
|
1997 |
2,9 |
15,6 |
|
1998 |
1,3 |
45,6 |
Corée |
1996 |
2,7 |
16,2 |
|
1997 |
2,2 |
20,7 |
|
1998 |
1,7 |
31,5 |
Malaisie |
1996 |
6,5 |
8,3 |
|
1997 |
6,3 |
11,2 |
|
1998 |
4,3 |
18,5 |
(1)
Cash-flow avant taxes, intérêts et amortissements / charges
d'intérêt.
Source : Mickael Pomerleano. MIT.
En conclusion, le manque de clairvoyance des acteurs de marché
à l'égard des risques est un constat fort des récentes
crises qui différencie celles-ci des crises traditionnelles de type
macroéconomique.
B. UNE INSUFFISANTE AUTODISCIPLINE DES ACTEURS
Le
contrôle des opérations bancaires et financières est au
coeur de la régulation financière internationale. Dans ces
conditions, il n'est pas surprenant que le contrôle interne apparaisse
comme le dispositif fondamental d'un monde financier plus stable.
Les différentes crises monétaires et financières
témoignent systématiquement de défaillances graves de
cette catégorie de contrôles de gestion, ce qui justifie
pleinement le raffinement de la réflexion et de la législation
sur le contrôle interne au sein des intermédiaires bancaires et
financiers.
Mais, le passage des intentions ou des réglementations à un
contrôle interne systématique et effectif est susceptible de
rencontrer de graves résistances et se heurte à un dilemme
systémique, le risque d'irresponsabilité.
1. Le développement des règles concernant le contrôle interne
La volonté de développer les contrôles internes, qui n'est pas nouvelle, a connu dernièrement un regain de vitalité dont témoigne de façon très illustrative les travaux menés par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, comité qui, au sein de la BRI, constitue, autour des hauts représentants des autorités de contrôle et des banques centrales du groupe des Dix, l'enceinte d'élaboration de la réglementation bancaire. Celui-ci a établi au mois de janvier 1998 une série de recommandations permettant d'évaluer la qualité des systèmes de contrôle interne 36( * ) .
Résumé des recommandations du Comité de Bâle sur le contrôle interne
D'emblée, le Comité place ses recommandations au
coeur
des efforts engagés pour améliorer le contrôle des banques
et les présente comme susceptibles d'être utilisées par les
superviseurs extérieurs pour évaluer les contrôles internes
des établissements financiers.
Selon le Comité, les contrôles internes doivent permettre de
s'assurer de la qualité de la gestion bancaire dans une perspective de
long terme mais aussi du respect par les banques des réglementations
d'intérêt général.
Les principes d'organisation du contrôle interne recommandés par
le Comité sont au nombre de 14.
Répartition des responsabilités et diffusion de la
culture de contrôle :
Principe n° 1
: Le conseil d'administration a la
responsabilité d'approuver les stratégies, d'apprécier les
risques, de fixer les niveaux de risques acceptables et de s'assurer que les
directions des services prennent les mesures nécessaires à
l'identification et au contrôle de ces risques.
Principe n° 2 :
Les directions des services ont la
responsabilité de mettre en oeuvre sur ce point les décisions des
administrateurs et d'en contrôler l'effectivité.
Principe n° 3 :
Les administrateurs et les directions des
services ont la responsabilité de promouvoir des normes
d'intégrité élevées et la culture du contrôle
interne à tous les niveaux de l'établissement.
Evaluation des risques
:
Principe n° 4 :
Les directions des services doivent
s'assurer que l'ensemble des facteurs de risques, internes ou externes, sont
identifiés et évalués.
Principe n° 5 :
Les directions des services doivent
veiller à l'actualisation permanente des risques.
Les activités de contrôle :
Principe n° 6 :
Les activités de contrôle
doivent faire intégralement partie des opérations quotidiennes de
la banque et doivent inclure : des examens à haut niveau, un
contrôle approprié de chaque département ou division, des
contrôles physiques, un système précis d'approbation et de
délégation, un système rigoureux de vérification.
Principe n° 7 :
Les directions des services doivent
veiller à une séparation appropriée des tâches et
à ce que les personnels n'exercent pas de responsabilités
supposant des conflits d'intérêts. Ceux-ci doivent être
identifiés, réduits et surveillés.
Information et communication
:
Principe n° 8 :
Les directions des services doivent
s'assurer de la disponibilité des données opérationnelles
et financières internes et de leur exhaustivité. Une même
solution s'impose s'agissant des données pertinentes concernant
l'environnement extérieur. L'information doit être digne de
confiance, à jour et accessible.
Principe n° 9
: Les directions des services doivent
établir des canaux de communication effectifs au sein des banques.
Principe n° 10 :
Elles doivent veiller à la
qualité et à la sécurité des systèmes de
communication.
Surveillance
:
Principe n° 11
: Les directions des services doivent
surveiller en permanence l'effectivité des contrôles internes et
les risques majeurs doivent être surveillés sur une base
quotidienne.
Principe n° 12 :
Il faut instituer un audit interne des
systèmes de contrôle interne confié à des personnels
compétents et qualifiés chargés de rapporter directement
au conseil d'administration et aux directions.
Principe n° 13 :
Les déficiences du
contrôle interne doivent être rapidement identifiées et
corrigées.
L'évaluation des systèmes de contrôle interne par
les autorités de supervision :
Principe n° 14 :
Les superviseurs doivent exiger des
banques, quelle que soit leur taille, qu'elles disposent d'un système
efficace de contrôle interne adapté à leur situation de
risques et à la nature et à la complexité de leur
activité. En cas de défaillance des banques sur ce point, les
superviseurs doivent entreprendre des actions afin d'obtenir une
amélioration immédiate de la situation.
Les recommandations du Comité de Bâle prolongent des
réflexions précédentes qui se sont traduites dans des
textes réglementaires.
La législation européenne
s'est ainsi
inquiétée du contrôle interne des établissements de
crédit.
Il faut citer l'article 13-2 de la
directive n° 89-646 du
15 décembre 1989
visant à la coordination des
dispositions législatives, réglementaires et administratives
concernant l'accès à l'activité des établissements
de crédit et son exercice.
"
Les autorités compétentes de l'Etat membre d'origine
exigent que tout établissement de crédit dispose d'une bonne
organisation administrative et comptable et de procédures de
contrôle interne adéquates. "
De même, l'article 3-6 de la
directive n° 92-30 du 6 avril
1992
sur la surveillance des établissements de crédit sur une
base consolidée prévoit :
" Les autorités compétentes prescrivent, dans l'ensemble
des entreprises incluses dans le champ de la surveillance sur une base
consolidée à laquelle est soumise un établissement de
crédit en application des paragraphes 1 et 2, l'institution de
procédures de contrôle interne adéquates pour la production
des informations et renseignements utiles aux fins de l'exercice de la
surveillance sur une base consolidée. "
La France
a, quant à elle, adopté une telle
réglementation spécifique avec le règlement
n° 97-02 du 21 février 1997 relatif au contrôle
interne des établissements de crédit.
Il édicte une obligation imposant aux établissements de
crédit de se doter d'un contrôle interne qu'il définit
comme devant comprendre :
"
a) un système de contrôle des opérations et des
procédures internes ;
b) Une organisation comptable et du traitement de l'information ;
c) des systèmes de mesure des risques et des résultats ;
d) des systèmes de surveillance et de maîtrise des risques ;
e) un système de documentation et d'information.
Le règlement traite l'ensemble des questions que pose tout
système de contrôle interne.
Son organisation doit assurer l'effectivité du contrôle interne
à travers la mise en oeuvre de moyens suffisants et une
indépendance réelle, conférée aux structures de
contrôle.
Il doit pouvoir se référer à des données comptables
exactes, exhaustives et accessibles ce qui justifie que le titre III du
règlement édicte des règles d'organisation comptable et de
traitement de l'information.
Il doit également pouvoir s'appuyer sur des systèmes fiables de
mesure des risques et des résultats. Le titre IV du règlement
comporte plusieurs règles concernant les unes les risques de
crédit, les autres les risques de marché, les troisièmes
le risque de taux d'intérêt global, les dernières le risque
de règlement.
Le contrôle interne suppose aussi la mise en place de systèmes de
surveillance et de maîtrise des risques.
Il est enfin prévu que l'organisation du contrôle interne soit un
élément d'appréciation pour les contrôleurs externes
et qu'à ce titre, notamment, la Commission bancaire soit destinataire,
au moins une fois par an, de deux rapports imposés aux
établissements de crédit, l'un sur les conditions dans lesquelles
le contrôle interne est assuré, l'autre sur la mesure et la
surveillance des risques par chaque établissement.
2. Des règles aux faits, un écart considérable
Le
développement du contrôle interne est assurément
souhaitable. Mais, les réglementations et les incitations qui peuvent y
contribuer paraissent en elles-mêmes insusceptibles de le garantir.
Cette situation est clairement illustrée par le graphique
ci-après qui rend compte d'une étude sur les causes des
problèmes d'insolvabilité rencontrés par un
échantillon de 29 banques.
Facteurs à l'origine des problèmes d'insolvabilité de vingt-neuf banques
Note : Nombre de fois que chaque facteur a été
cité dans vingt-neuf cas nationaux.
Source : Caprio et Klingebiel, 1996, cité par l'OCDE.
Les facteurs les plus fréquemment cités ne sont pas d'ordre
macroéconomiques mais d'ordre microéconomique, et, parmi eux,
concernent généralement la qualité de la gestion des
établissements et, difficulté la plus souvent mentionnée,
l'insuffisance du contrôle et de la réglementation.
En théorie, les intervenants devraient
proprio motu
souhaiter
l'instauration de systèmes de contrôle et d'évaluation dont
l'apport au bon déroulement de leur activité est incontestable.
Cependant, outre que ces procédures entraînent des coûts
dont le poids peut n'être pas négligeable pour certains petits
intermédiaires, il est naturel qu'en ce domaine les attitudes
diffèrent selon le niveau d'aversion au risque des agents.
De fait, tout démontre la variabilité des comportements bancaires
sous cet angle.
Le tableau ci-après en rend compte. Il expose la variabilité des
comportements prudentiels observés dans différents
systèmes bancaires en matière de risques.
Qu'il s'agisse de la couverte effective des risques par les fonds propres, du
plafond des prêts consentis à un débiteur, des
critères retenus pour la classification des prêts douteux ou non
performants ou encore des règles de provisionnement, les pratiques
diffèrent considérablement.
Incitations à une appréciation adéquate du risque dans les systèmes bancaires
|
Ratio de fonds propres (définition de Bâle) |
Prêt maximal à un seul emprunteur |
Prêts douteux
|
Prêts non performants |
||
|
Ratio
|
Ratio
|
Pourcentage du capital |
Mois d'arriérés |
Provision (en pour cent) |
en pourcentage du total des prêts, 1996 |
Corée |
8 |
9,1 |
15 |
6+ |
20-75 b) |
0,8 |
Mexique |
8 |
13,1 |
10-30 c) |
3+ |
Variable |
12,2 |
Hong-Kong, Chine |
8 |
17,5 |
25 |
Néant |
Néant |
2,7 |
Indonésie |
8 |
11,9 |
10-20 e) |
3-6 |
10 |
8,8 |
Malaisie |
8 |
11,3 |
30 f) |
6-12 |
Variable |
3,9 |
Thaïlande |
8 |
9,3 |
25 g) |
6+ |
71/2-15 b) |
7,7 |
Taipei chinois |
8 |
12,2 |
3-5 |
6+ |
Variable |
3,8 |
Argentine |
12 |
18,5 |
15 |
3-6 |
1-25 b) |
9,4 |
Brésil |
8 |
12,9 |
30 |
3-6 |
20-100 b) |
5,8 |
Chili |
8 |
10,7 |
5 h) |
1-2 |
20 i) |
1,0 |
Russie |
8 |
13,5 e) |
50-100 |
|
Variable |
15,1 |
Etats-Unis |
8 |
12,8 |
15 |
3+ |
Variable k) |
1,1 |
Japon |
8 d) |
9,1 |
20 |
6+ j) |
Néant |
3,4 |
Allemagne |
8 |
10,2 e) |
25 |
Néant l |
Néant |
|
a)
1996 pour les pays de l'OCDE ; 1995 pour les autres
|
En bref, rien ne garantit que l'ensemble des intervenants accepte de la même manière d'instaurer des procédures de contrôle interne également rigoureuses.
3. Les défaillances des incitations de marché
A
défaut d'espérer des gains systémiques d'une réelle
autodiscipline des intervenants financiers, l'on pourrait attendre des
incitations du marché une stabilisation du système.
Tel serait le cas si le marché devait spontanément imposer des
primes aux intervenants dénués d'organes de contrôle
interne.
Or, rien ne permet d'affirmer qu'il le fasse systématiquement.
En réalité, l'une des leçons majeures des crises
asiatiques, mais aussi de la crise russe par exemple, est
précisément l'incapacité de nombreux opérateurs de
marché à percevoir finement les risques et, en
conséquence, à faire varier leurs comportements en fonction de
leur évolution.
C'est vrai pour les prêteurs
puisque ce n'est ainsi qu'au cours du
quatrième trimestre 1997, et donc bien après le début de
la crise, que les marges sur la dette des pays émergents se sont
fortement élargies.
Mais c'est aussi vrai pour les agences de notation
qui ont
révisé tardivement leurs évaluations restant, par exemple,
insensibles dans leurs estimations du risque de change à l'explosion de
l'endettement extérieur à court terme des pays émergents.
Cette absence de capacité des incitations de marché à
intervenir à bonne date se double d'ailleurs de la question de savoir si
leur déclenchement est susceptible d'amener les stabilisations
nécessaires.
Pour les évolutions de marché postérieures à la
survenance des crises
, au vu des expériences asiatiques, la plupart
des commentateurs s'accordent à reconnaître une certaine forme de
surréaction des opérateurs et particulièrement des agences
de notation. Les primes exigées ont alors tendance à
s'accroître brutalement sans considération pour les conditions
dans lesquelles la crise est gérée par les autorités, ces
évolutions compliquant d'ailleurs leur tâche.
La capacité d'évolutions de marché antérieures
aux crises à les prévenir est, quant à elle, on l'a vu,
plus théorique.
Sous cet angle, on est d'abord conduit à
envisager la probabilité d'apparition de telles réactions chez
les prêteurs compte tenu des conditions actuelles de fonctionnement du
système financier international.
L'existence d'un fort risque d'irresponsabilité, la course à la
performance entre des opérateurs aux comportements mimétiques,
les stratégies fondées sur des anticipations
autoréalisatrices, les phénomènes de concurrence
axés sur l'exploitation des situations respectives
d'intermédiaires de plus en plus concentrés, ces nombreux
facteurs conduisent à douter de la capacité des marchés
à s'autoréguler par les réactions des prêteurs
suffisamment précoces et adaptées à l'évaluation
des risques.
Ces facteurs et les risques qui en découlent sont accentués par
des caractéristiques concrètes propres aux emprunteurs. A
supposer même que ceux-ci doivent supporter une tension de leurs
conditions de financement, les insuffisances structurelles observées
dans nombre de pays débiteurs peuvent faire obstacle à une
adaptation convenable de leurs comportements financiers.
Tel est manifestement le cas, s'agissant des emprunteurs publics, de la Russie,
les gouvernements russes ayant paru totalement insensibles au durcissement des
conditions de marché imposées à l'Etat russe.
S'agissant des emprunteurs privés appartenant aux secteurs bancaires ou
productifs, il n'est pas utile de s'appesantir longuement sur les profonds
défauts structurels de la gestion des entreprises asiatiques.
Une conséquence forte de ces développements s'impose : il
est essentiel de restaurer les conditions d'un meilleur fonctionnement des
marchés.
4. Le risque d'irresponsabilité
Il
convient ici d'insister sur l'importance du risque d'irresponsabilité
comme facteur des crises financières récentes.
Ce dernier, comme dans le monde anglo-saxon sous le vocable de
moral
hazard
, représente le risque de comportements imprudents ou
irresponsables de la part de celui qui sait que sa sauvegarde est garantie en
toute circonstance.
On en a observé l'existence par exemple lorsque les porteurs
d'obligations d'Etat russes à court terme (les GKO) à haut
rendement et à risque de défaillance élevé ont
continué d'acquérir ce type de titres jusqu'à la crise du
mois d'août 1998, assurés qu'ils étaient de voir le
Fonds monétaire international venir à la rescousse de la Russie
et lui permettre de faire face tranquillement à ses
échéances. Dans le cadre de la mission du groupe de travail
à Washington, l'économiste en chef de la Banque mondiale, Joseph
Stiglitz a pu apporter au groupe une anecdote éclairante selon laquelle
les spéculateurs internationaux travaillaient alors avec un
combiné téléphonique à chaque oreille : l'un
pour acheter des GKO, l'autre pour savoir quand et pour combien les
institutions internationales interviendraient pour en payer principal et
intérêt.
De fait, les régulateurs, confrontés à une crise,
disposent d'une panoplie d'instruments pour la contrecarrer.
Tout d'abord, il peut être fait appel aux actionnaires des
établissements en difficulté, voire dans certains cas à
leurs créanciers ou à leurs contreparties. Le recours aux
actionnaires est prévu en France par l'article 52 de la loi
bancaire. Le recours aux créanciers et contreparties est une solution
plus récente, expérimentée à l'occasion des crises
financières de l'année 1998. Elle a été
utilisée notamment pour sauvegarder les systèmes financiers des
pays émergents en difficulté. Les établissements
financiers occidentaux ont été amenés à
rééchelonner leurs créances. Dans le cas du Pakistan, le
Club de Paris a même mis en place un rééchelonnement de la
dette obligataire détenue par les créanciers privés,
accompagné d'une baisse de son taux d'intérêt. Cette
solution a aussi été utilisée par la réserve
fédérale de l'Etat de New-York pour prévenir les risques
engendrés par l'effondrement du
hedge fund
LTCM
.
Pour les sinistres touchant essentiellement les intérêts d'une
seule place financière, il peut être fait appel aux acteurs du
système financier qui n'ont pas de lien en capital ou en dette avec le
ou les établissements à sauvegarder. C'est ce qu'on appelle la
solidarité de place. Lorsque celle-ci est organisée au
préalable, elle prend la forme de systèmes de garantie. La France
s'est dotée récemment d'une panoplie de fonds de garantie
destinés à préserver les intérêts des clients
des prestataires de services financiers agréés chez elle. Elle a
réformé son système de garantie des dépôts
pour lequel elle a créé un fonds unique, et s'est dotée
d'un fonds de garantie des investisseurs (contre l'indisponibilité de
leurs instruments financiers), d'un fonds de garantie des assurés et
même d'un fonds de garantie des cautions. Le principe de ces fonds est de
nature très différente de celle des instruments
précédents, car il consiste à faire appel aux concurrents
des établissements défaillants. L'objectif est de prévenir
une crise de confiance généralisée des clients dans le
système financier, crise de confiance pouvant entraîner son
effondrement du fait du retrait massif de leurs fonds par les clients.
L'intérêt de cette législation doit toutefois être
relativisé, car les montants susceptibles d'être mobilisés
par ces fonds ne seraient pas à la mesure d'un accident majeur, dont le
traitement ne pourrait demeurer purement national.
Une troisième catégorie d'intervention publique peut
intervenir : le recours aux contribuables. Les pays les plus
développés n'ont pas hésité à recourir
à cette solution pour faire face à leurs sinistres majeurs. Ce
fut le cas pour le sauvetage des caisses d'épargne américaines
(les savings and loans)
dans les années 80 (sinistre
estimé à 130 milliards de dollars), pour celui du
Crédit Lyonnais en France ou pour le système bancaire et
financier japonais. Contrairement aux catégories d'interventions
précédemment citées qui visent à traiter des
problèmes de liquidité, le recours aux contribuables survient
pour faire face à des problèmes d'insolvabilité. Il s'agit
sans doute d'éviter des contagions financières, mais aussi de
prévenir les conséquences sociales des faillites bancaires.
Pour faire face aux crises systémiques les plus graves, celles qui
mettent en cause la liquidité du système financier sur le plan
national et international, il faut recourir à un prêteur en
dernier ressort, c'est-à-dire à la création
monétaire par une banque centrale, ou, le cas échéant, une
institution qui peut en tenir lieu, comme le Fonds monétaire
international, qui dispose de droits de tirage monétaires sur les Etats
qui en sont membres. Lorsque la défaillance d'un ou plusieurs
établissements est de nature à provoquer une cascade de
défaillances, le prêteur en dernier ressort peut être
amené à injecter des liquidités dans le circuit, sans
prendre de gage en contrepartie, de façon à éviter la
réaction en chaîne.
Ces différentes modalités d'intervention ne sont pas
étanches les unes par rapport aux autres ; elles peuvent se
combiner. Ainsi, le sauvetage de LTCM a mobilisé tout à la fois
une certaine " solidarité " de place et l'injection de
liquidités par la Fed.
Mais si elles sont toutes susceptibles d'atténuer les effets des crises
financières, elles concourent également toutes, même
inégalement, à atténuer la perception des risques par les
acteurs financiers et donc à élever la probabilité de
crises financières. Elles conduisent à mettre en évidence
le dilemme suivant imposé au régulateur public :
d'un côté, il ne faut pas encourager
l'irresponsabilité des opérateurs en leur garantissant des
secours ;
mais d'un autre côté, une défaillance très
importante pouvant entraîner, dans le monde financier globalisé
d'aujourd'hui, une cascade de défauts de paiement et une
récession mondiale, la tentation est alors forte de secourir le
défaillant.
Le défaut d'une solution à ce dilemme, solution qui certes
présente des difficultés conceptuelles importantes et met aussi
en jeu des conflits d'intérêt majeurs, entretient
l'instabilité financière internationale. Il faut donc le
combler.
C. LES INSUFFISANCES DU CONTRÔLE EXTÉRIEUR
La
communauté financière internationale a largement reconnu les
insuffisances du cadre des contrôles externes portant sur les agents
financiers.
Ces insuffisances concernent un vaste ensemble de dispositifs prudentiels
imposés aux intervenants.
Elles sont amplifiées par les problèmes d'organisation du
contrôle externe qui n'a pas suffisamment engagé les adaptations
que suppose la globalisation des marchés.
1. Des dispositifs prudentiels incomplets ou inadaptés
Avec l'exposé du renforcement des exigences imposées en matière de contrôle interne, l'on a déjà évoqué l'un des domaines de la réglementation prudentielle qui est apparu, à juste titre, comme insuffisamment développé. Mais d'autres sources d'insatisfaction doivent être mentionnées.
a) Les insuffisances du ratio Cooke
La
première d'entre elle est relative à la couverture des
engagements des banques par leurs fonds propres. Il existe en la matière
une norme internationale depuis l'accord de Bâle de 1988
dénommée " ratio Cooke " du nom du président du
Comité de Bâle sur la supervision bancaire de l'époque.
Initialement destiné à limiter l'exposition aux risques de
crédit, puis amendé pour tenir compte des risques de
marché, l'accord consiste à exiger que les engagements des
banques ayant une activité internationale significative soient couverts
par un minimum de fonds propres. Le ratio de couverture des risques est
calculé en rapportant les éléments constitutifs des
capitaux propres des intermédiaires à un encours d'engagements,
lui-même calculé à partir de pondérations diverses
des risques en fonction de leur nature. En bref, les différents types
d'engagements sont accompagnés d'exigences variables de couverture.
L'échelle des pondérations va de 0 % pour les engagements
auprès des banques centrales des pays appartenant à l'OCDE
à 100 pour les catégories d'engagements les plus risqués.
En conséquence, le capital exigible pour la couverture des engagements
varie, quatre catégories d'engagements étant distinguées
et accompagnées des exigences de couverture
suivantes : 0 ; 1,6 ; 4 et 8 % respectivement.
L'on ne peut que s'associer aux propos d'Alan Greenspan selon lequel le
" provisionnement en capital constitue un sujet d'importance
essentielle pour les banquiers, et leurs contreparties, mais aussi pour les
régulateurs et les banques centrales dont la tâche est de
s'assurer de la stabilité du système financier ".
L'on peut aussi partager le jugement du Comité de Bâle sur
l'impact très positif du ratio Cooke sur la stabilité du
système financier. Il est bien vrai que l'accord de 1988 a
été suivi par des augmentations substantielles des capitaux
propres des banques.
Il est également exact que le respect mondial du ratio Cooke a beaucoup
progressé
37(
*
)
.
Cependant, il ne faut pas dissimuler les insuffisances de la norme
prudentielle établie en matière de couverture des engagements par
les fonds propres. Elles appellent des réformes qui seront
examinées plus loin dans le présent rapport, et qui suscitent, on
le verra, un vrai débat.
Il faut d'abord souligner que l'évolution de la norme est allée
dans le sens d'une atténuation de sa rigueur qui,
rétrospectivement, peut apparaître quelque peu hâtive
.
C'est ainsi que le Comité de Bâle a pu accéder, en janvier
1996, aux demandes des établissements dotés de modèles
d'estimations de risques de marché développés -demandes
appuyées par leurs autorités de contrôle- de pouvoir
respecter une norme dérogatoire revenant à opérer une
réfaction de moitié par rapport aux risques calculés sur
la base de l'approche standard. Cette décision témoigne
d'ailleurs d'une orientation globale, sur laquelle on reviendra, tendant
à substituer à des normes portant sur les risques
eux-mêmes, des normes prudentielles fondées sur la capacité
de chaque établissement à maîtriser ses risques.
Il faut aussi mettre en évidence les problèmes posés
par l'adaptation de la norme de couverture à la sophistication des
opérations financières des banques.
Les innovations financières ont, par exemple, engendré une
diversification des sources de financement des établissements bancaires
assimilées parfois à tort comme des fonds propres. Il en est
allé ainsi par exemple pour des titres libellés le plus souvent
en monnaie étrangère comportant de la part de leurs souscripteurs
des engagements financiers conditionnels. Ces innovations ont conduit le
Comité de Bâle à préciser les conditions à
retenir pour déterminer les fonds propres des banques.
38(
*
)
Les innovations financières se sont également
considérablement développées du côté des
engagements. Elles offrent une large gamme d'opportunités pour
échapper aux contraintes du ratio Cooke. Une pratique courante consiste
par exemple à regrouper un ensemble de prêts pour les transformer
en titres de créances cessibles à des investisseurs actifs sur le
marché. La titrisation permet en effet aux banques de
" formater " leurs engagements de telle sorte que leurs obligations
d'immobilisation de capitaux propres soient minimisées au regard du
ratio Cooke.
Cette véritable course entre les innovations financières et les
garants de la règle de fonds propres témoigne peut être
d'une certaine réticence des promoteurs des premières à se
plier aux disciplines prudentielles, réticence compréhensible
lorsque leurs défauts sont établis. Mais, elle constitue surtout
un véritable défi pour les régulateurs.
Il faut aussi souligner que le ratio Cooke tel qu'il est aujourd'hui
défini ne va pas sans poser de problèmes au regard de son
objectif primordial qui est d'assurer la viabilité des banques.
Deux défauts majeurs doivent être distingués.
Il apparaît d'abord que l'application du ratio est susceptible de
créer des coûts d'opportunité altérant la
rentabilité des banques et de nature à limiter l'accès au
crédit.
L'exigence formelle d'un ratio minimum de capital
censé sécuriser différentes grandes catégories
d'engagements constitue une approche quelque peu sommaire. A titre d'exemple,
dans le mécanisme actuel, l'ensemble des prêts aux entreprises est
affecté d'une exigence de couverture uniforme égale à 8 %
des engagements. Or, il n'est pas douteux que ces prêts peuvent
être très inégalement risqués, la solvabilité
des emprunteurs pouvant varier considérablement. Le manque de prise en
compte des probabilités inégales d'insolvabilité conduit
ainsi à créer une aversion artificielle des banques pour des
engagements rendus inutilement coûteux. Elle peut être à
l'origine de coûts d'opportunité pour les banques, allant à
l'encontre de l'objectif recherché de solidité financière,
et créer des difficultés indues d'accès au crédit
pour les entreprises.
Mais il apparaît également que l'insuffisante diversification
des pondérations utilisées pour mesurer les risques conduit
à mésestimer les dangers de certains engagements.
Tel est en particulier le cas des crédits souverains pour lesquels la
règle de la pondération 0 des crédits consentis aux pays
de l'OCDE a conduit à des traitements homogènes
injustifiés des dettes souveraines de pays aussi différents que
la Corée ou l'Allemagne. De la même manière, le traitement
uniforme des entreprises est loin de refléter la réalité.
Il est donc tout à fait recommandable d'améliorer le
dispositif de couverture des risques.
b) Les règles comptables
Il faut
d'abord citer, car cette question est étroitement liée à
celle de la couverture des engagements par les fonds propres,
les
difficultés considérables qui résultent du défaut
d'harmonisation des règles comptables et de certaines pratiques
couramment observées en ce domaine, malgré l'existence des normes
comptables élaborées par l'International Accounting Standards
Committee
. La diversité des pratiques comptables remet en cause
l'homogénéité de l'impact du ratio Cooke. Il ne s'agit pas
en soi d'un problème prudentiel mais plutôt d'une question
concernant l'égalité de traitement des établissements
bancaires. Toutefois, la variabilité des coutumes comptables devient un
vrai sujet prudentiel lorsque certaines pratiques sont
exagérément laxistes. L'existence de telles pratiques peut
constituer d'ailleurs un élément d'attractivité qui
renforce encore leur caractère déstabilisant. Or,
l'expérience montre qu'elles sont répandues. Sans même
évoquer la situation des places
off-shore
ou des pays
émergents, l'on peut en faire la démonstration en recourant
à des exemples tirés de pays dont l'influence économique
internationale est majeure. Deux illustrations importantes sont à
citer :
la valorisation des actifs financiers des banques et investisseurs
institutionnels au Japon, établie jusqu'ici en retenant la
référence la plus haute entre la valeur historique et la valeur
de marché ;
L'impact de l'évolution du prix des actifs au Japon sur l'effectivité du ratio Cooke
Durant
la phase de croissance rapide des actifs, les contraintes exercées par
le ratio Cooke sur le développement des bilans bancaires japonais ont
été considérablement allégées.
L'essor du marché boursier a d'abord facilité les
émissions de fonds propres entrant dans les fonds propres de
première catégorie du ratio Cooke.
Cet accroissement des fonds propres de première catégorie a,
à son tour, permis de concrétiser les plus-values latentes
engendrées par l'envol des marchés boursiers. On sait que les
fonds propres de catégorie 2 du ratio Cooke ne peuvent excéder
ceux de la catégorie 1. Les banques japonaises incorporaient 45 %
des plus-values latentes sur titres dans les fonds propres de catégorie
2. Toute augmentation des fonds propres de 1
ère
catégorie leur permettait d'incorporer davantage de plus-values
latentes : une unité supplémentaire de fonds propres de
1
ère
catégorie se traduisait par une unité
supplémentaire de fonds propres de 2
ème
catégorie, permettant d'augmenter l'actif pondéré du
risque de 2 unités.
La chute de l'immobilier et le retournement du marché boursier ont pris
à revers les banques japonaises. D'une part, les sources d'alimentation
autonome de leurs fonds propres ont disparu, un mouvement de contraction
mécanique des fonds propres se déclenchant. D'autre part, cette
évolution a spontanément dégradé la qualité
des risques des banques : les garanties données au secteur de
l'assurance se sont soudainement révélées aventureuses,
les collatéraux garantissant les créances hypothécaires se
sont effondrés...
des passages de provisions insuffisamment rigoureux notamment en
matière de prêts douteux, dont rendent compte les analyses
convergentes de tous les observateurs des crises asiatiques.
Il faut donc procéder à une harmonisation internationale des
règles comptables plus effective et relever le niveau des exigences
prudentielles en la matière.
c) Le champ des réglementations prudentielles
Le
champ des règles prudentielles constitue une autre faiblesse du monde
financier contemporain.
Il ne s'agit pas ici non plus d'évoquer le problème particulier
des places
off-shore
traité par ailleurs. Hormis la question des
banques centrales qui sont affranchies du respect des réglementations
prudentielles au vu d'une réputation que certains
événements récents - l'implication d'une banque
centrale de l'Union européenne dans le naufrage de LTCM, les circuits
financiers mobilisés par la Banque de Russie - pourraient conduire
à réestimer, un problème majeur concerne les
conglomérats financiers.
L'essor d'entités exerçant concourramment plusieurs
métiers, la banque, le titre mais aussi l'assurance, ne s'est pas
accompagné d'un effort conceptuel et normatif suffisant pour donner
naissance à des règles prudentielles adaptées à ces
nouveaux intervenants. Les réglementations prudentielles propres
à chacune de ces activités se sont développées dans
le cadre d'enceintes qui leur sont propres avec, au niveau international :
l'
International Organisation of Securities Commissions
(IOSCO) pour les
contrôleurs des marchés financiers, le Comité de Bâle
pour les banques et l'
International Association of Insurance Supervisors
(IAIS) pour les assurances.
La compatibilité et la cohérence des différentes normes
n'ont pas été suffisamment vérifiées et le besoin
d'une intégration existe.
De nombreux autres intervenants financiers apparaissent en outre mal
- voire nullement - couverts : les
hedge funds
et les
transactions sur Internet en constituent deux illustrations importantes.
Enfin, et surtout, le champ géographique de la réglementation
prudentielle pose le problème crucial de son harmonisation
internationale.
En l'état, les enceintes internationales - BRI, Union
européenne... - où sont élaborées les
règles prudentielles regroupent un petit nombre de pays
développés, ce qui facilite la formation des règles mais
limite probablement leur rayonnement, l'acceptation de ces règles par
les pays tiers étant d'autant moins acquise qu'ils ne participent pas
à leur définition.
A cela s'ajoute le fait que, construites sur la base du consensus, lesdites
règles représentent le plus souvent des compromis minimaux qui ne
sont probablement pas adaptés à la variété des
situations locales. Il est certes loisible à chacun de mettre en place
des règles prudentielles plus strictes mais cette latitude n'est que
fort peu séduisante pour les autorités nationales.
La rigueur plus ou moins grande des règles prudentielles est en effet
considérée comme constitutive d'un enjeu de concurrence.
Cette situation se vérifie avec une particulière acuité
dans les zones économiques homogènes. Le marché unique
européen en fournit un bon exemple.
La législation prudentielle européenne qui s'est
développée au fil des différentes directives intervenues
dans le but spécifique de construire le marché financier unique,
objectif différent de celui qui consisterait à bâtir des
règles prudentielles uniformes, a débouché sur
l'édiction d'obligations prudentielles minimales. Plusieurs sujets
importants comme une législation européenne sur la liquidation
des établissements bancaires sont en chantier depuis longtemps sans
progresser réellement.
Cette situation est, selon M. Tommaso Padoa-Schioppa, membre du Directoire
de la Banque centrale européenne, susceptible d'enclencher un processus
de dérégulation dans les différents espaces nationaux de
l'Union européenne qui s'explique par les compétences
limitées de celle-ci et la dimension concurrentielle des règles
prudentielles.
Cette situation mérite d'être corrigée d'autant qu'elle
concerne une zone monétaire unifiée.
d) Les obligations de transparence
On ne
peut sans doute pas prétendre que les crises financières sont
exclusivement provoquées par un défaut d'accès à
l'information. D'autres causes agissantes ont été largement
mentionnées. On ne doit sans doute pas davantage imaginer qu'une
complète information des agents et des contrôleurs puisse
constituer une garantie sans faille contre la survenance de crises. La crise
asiatique en particulier a amplement démontré qu'au-delà
de sa disponibilité, il importait en l'espèce de faire un bon
usage de l'information.
La théorie économique, qui a depuis longtemps montré le
rôle sur les déséquilibres de marché d'une
insuffisante information ou d'une information insuffisamment partagée,
et les expériences empiriques conduisent à conclure à la
nécessité de renforcer l'éclairage des acteurs.
Cet objectif de principe est du reste reconnu par le Comité de
Bâle comme devant constituer le troisième pilier de la
réforme des règles prudentielles.
2. Les défauts d'organisation du contrôle externe
a) Des exigences théoriques connues
La communauté financière internationale s'est attachée à définir les conditions d'une supervision bancaire effective. C'est ainsi que le Comité de Bâle a établi en avril 1997 une liste de 25 principes fondamentaux à respecter pour assurer une supervision effective 39( * ) . Ce document, qui est le résultat de travaux menés par le G 10 en relation avec les autorités de supervision de nombreux pays n'appartenant pas à celui-ci - 16 en tout -, fixe des exigences minimales.
Synthèse des 25 principes fondamentaux pour une supervision bancaire effective
Préalables à une supervision bancaire
effective
Principe n° 1
:
Le système de supervision bancaire doit se voir confier des
responsabilités claires. Chaque organisme de contrôle doit
bénéficier de moyens suffisants et d'une réelle
indépendance fonctionnelle. Un cadre légal satisfaisant doit
être mis en place incluant des dispositions relatives aux
agréments bancaires et au contrôle de la sécurité de
l'exploitation des banques. Le système de contrôle doit instaurer
une protection des contrôleurs.
Agréments
Principe n° 2 :
La liste des activités autorisées aux banques doit être
précisément définie.
Principe n° 3 :
Les autorités chargées de l'agrément doivent pouvoir fixer
leurs propres conditions et rejeter les candidatures qui ne les satisferaient
pas. L'agrément doit au minimum permettre de vérifier que la
structure de la propriété de la banque, ses dirigeants, son
organisation interne et son capital sont satisfaisants. Lorsque
l'agrément porte sur un établissement d'une banque de
nationalité étrangère, l'agrément préalable
du pays d'origine doit être obtenu.
Principe n° 4 :
Les contrôleurs doivent pouvoir s'opposer aux transferts de
propriété ou de contrôle significatifs touchant des banques
déjà agréées.
Principe n° 5 :
Les contrôleurs doivent être en mesure d'évaluer les
opérations significatives d'acquisition ou d'investissement des banques
afin de s'assurer qu'elles ne débouchent pas sur une exposition
excessive aux risques ou sur une altération de la capacité
effective de contrôle.
Réglementations prudentielles
Principe n° 6 :
Les contrôleurs doivent établir des règles
appropriées en matière de couverture minimale par les fonds
propres à partir d'une évaluation des risques et fondées
sur une définition pertinente des fonds propres disponibles pour
absorber les pertes.
Pour les banques actives à l'international, ces exigences ne doivent pas
être moins strictes que celles établies par l'Accord de Bâle
de 1988 tel qu'amendé.
Principe n° 7 :
Un aspect essentiel des systèmes de contrôle consiste dans
l'évaluation des stratégies, pratiques et procédures
bancaires en matière de crédit et d'investissement ainsi que de
leur suivi.
Principe n° 8 :
Les contrôleurs doivent s'assurer de la qualité de la gestion
interne en matière d'évaluation des actifs et de provisions et
réserves.
Principe n° 9 :
Les contrôleurs doivent s'assurer de la capacité des gestionnaires
à identifier la concentration des engagements et établir des
limites prudentielles en la matière.
Principe n° 10 :
Afin de prévenir les risques excessifs résultant de prêts
à des entités liées, les contrôleurs doivent
s'assurer de la capacité des gestionnaires à contrôler
leurs engagements sur une base consolidée.
Principe n° 11 :
Les contrôleurs doivent s'assurer que les banques maîtrisent le
risque-pays et le risque de transfert liés à leurs prêts et
investissements internationaux et qu'elles disposent de réserves
suffisantes pour y faire face.
Principe n° 12 :
Les contrôleurs doivent s'assurer que les banques maîtrisent le
risque de marché et doivent pouvoir imposer des limites et une
couverture spécifique en fonds propres à l'égard de ces
risques.
Principe n° 13 :
Les contrôleurs doivent s'assurer que les banques disposent des moyens
d'évaluer le risque de management et la capacité de celui-ci
à contrôler l'ensemble des risques de l'activité bancaire.
Principe n° 14 :
Les contrôleurs doivent s'assurer que les banques ont mis en place des
contrôles internes adéquats compte tenu de la nature et de
l'ampleur de leur activité.
Principe n° 15 :
Les contrôleurs doivent s'assurer que les banques disposent de tous les
moyens de connaître leurs clients et relations d'affaires aux fins de
promouvoir une activité bancaire conforme à l'éthique et
d'éviter de se livrer intentionnellement ou non à des
activités criminelles.
Méthodes de supervision
Principe n° 16 :
La supervision doit pouvoir être effectuée sur pièces et
sur place.
Principe n° 17 :
Les contrôleurs doivent entretenir des contacts réguliers avec les
dirigeants et disposer d'une compétence suffisante.
Principe n° 18 :
Les contrôleurs doivent être en mesure d'accéder aux
rapports prudentiels et à toutes les statistiques nécessaires sur
une base consolidée ou non.
Principe n° 19 :
Les contrôleurs doivent pouvoir évaluer les données
nécessaires à leur contrôle sur une base entièrement
indépendante à partir de leurs propres contrôles sur place
ou en recourant à des vérificateurs extérieurs.
Principe n° 20 :
Un aspect essentiel de la supervision consiste à pouvoir contrôler
les groupes bancaires sur une base consolidée.
Les exigences en matière d'information
Principe n° 21 :
Les contrôleurs doivent s'assurer que les banques tiennent leurs livres
de façon adéquate sur la base de pratiques comptables
fondées sur un souci d'exactitude et de sincérité
compatibles avec une appréciation de la situation financière
réelle des banques.
Les prérogatives formelles des contrôleurs.
Principe n° 22 :
Les contrôleurs doivent disposer des prérogatives suffisantes pour
leur permettre d'apporter à temps les corrections nécessaires en
matière de couverture des engagements par les fonds propres, de
pratiques prudentielles générales, de violations des
règlements ou lorsque les déposants encourent des périls
quel qu'en soit la raison. Dans les circonstances extrêmes, ces
prérogatives doivent aller jusqu'au retrait de l'agrément.
Les activités bancaires internationales.
Principe n° 23 :
Les contrôleurs doivent placer leur contrôle des banques actives
à l'international dans une perspective consolidée et appliquer
les règles prudentielles pertinentes à l'ensemble des
activités de ces établissements, en particulier à celles
de leurs filiales, succursales ou sociétés jointes à
l'étranger.
Principe n° 24 :
Une des composantes clefs du contrôle consiste à établir
des contacts et des échanges d'informations avec les autres
contrôleurs, en particulier avec les contrôleurs étrangers.
Principe n° 25 :
Les contrôleurs doivent avoir pour les établissements
localisés dans leur territoire de compétence dépendants
d'organismes étrangers les mêmes exigences que pour les
intervenants domestiques et doivent pouvoir partager leurs informations avec
les autorités de contrôle des banques des pays d'origine afin de
permettre d'établir un contrôle consolidé.
b) Une pratique lacunaire du contrôle externe
En
dépit de l'édiction de normes de bonnes pratiques de
contrôle externe, les diagnostics convergent pour attribuer aux
défaillances de la supervision externe une responsabilité
importante dans les crises financières les plus récentes.
Le constat de la montée des risques pris par les établissements
soumis à contrôle - il ne faut pas oublier que d'importants
acteurs de marché échappent à tout contrôle -
donne du crédit à ce diagnostic déjà posé en
matière de contrôle interne.
Un diagnostic partagé ne signifie pas que les causes du mal soient
identiques. Les motifs d'inertie des contrôles internes ont
été exposés. Ils ne recouvrent pas ceux qui sont
généralement identifiés comme source d'inefficacité
des contrôles externes.
Pour l'essentiel, les explications avancées de ce dernier point de
vue consistent à mettre en évidence le manque
général de moyens conférés aux organes de
contrôle, caractéristique particulièrement soulignée
dans le cas des pays émergents.
Cette approche est illustrée par le rapport de l'OCDE de juin 1999
relevant que :
" les organismes de contrôle avaient souvent
des pouvoirs limités dans les économies émergentes, et les
pénalités imposées en cas de non-respect de la
réglementation étaient généralement peu
élevées. Cette situation était due à plusieurs
facteurs : le caractère informel des liens entre entreprises
(notamment en Asie) et le flou qui entourait les droits de
propriété, rendant difficile une estimation de l'importance des
prêts à des entités apparentées ; des
contraintes de ressources se traduisant par de rares inspections sur place et
par un contrôle minime de l'évaluation des risques de
crédit ; le poids limité des organismes de contrôle
dans l'administration publique, par comparaison avec celui des organismes
chargés de la politique à l'égard du secteur des
entreprises ; le fait qu'il était difficile, sur le plan politique,
d'amener les entreprises à constituer des provisions pour faire face
à une modification éventuelle de la politique officielle
(modification de la politique de taux de change annoncée, par
exemple) ".
Mais,
ce diagnostic ne semble pas devoir être réservé
à la situation des pays émergents
puisqu'aussi bien, les
créances douteuses des banques localisées dans les pays
avancés se sont elles aussi accumulées. D'ailleurs, dans son
68
ème
rapport de juin 1998, la Banque des
règlements internationaux n'exclut pas explicitement les organes de
contrôle externe des pays avancés lorsqu'elle observe :
" La prévention des crises exige, par-dessus tout, un
système financier domestique solide. Alors que les principes de base de
la supervision bancaire édictés par le Comité de
Bâle fournissent un point d'appui crucial pour des améliorations
en ce domaine, leur mise en oeuvre constitue un défi. Il y a
actuellement dans les banques et dans les agences de supervision une grande
pénurie de personnels qualifiés qui réclamera un effort de
formation significatif exigeant de la durée et des ressources
considérables. Une difficulté encore plus difficile devra
être éliminée avec les résistances politiques de
ceux qui ont jusqu'à présent bénéficié du
système. "
A ces problèmes d'organisation qui, pour apparaître triviaux n'en
sont pas moins très importants, il faut ajouter le constat d'une
complexification considérable des missions de contrôle externe.
Elle est elle-même due à la sophistication des flux financiers et
des organisations des acteurs de marché.
Leur internationalisation constitue en soi un défi majeur pour des
contrôleurs qui sont, eux, restés nationaux.
Les capacités des contrôleurs nationaux à accéder
à toutes les données pertinentes s'en trouve réduite. Sans
doute des obligations de consolidation comptable sont-elles
posées ; sans doute des systèmes de coopération entre
contrôleurs sont-ils institués ; sans doute des clauses de
reconnaissance mutuelle entre contrôleurs sont-elles prévues.
Pourtant, aucun de ces dispositifs ne peut garantir entièrement contre
une mauvaise appréciation de la dimension internationale de
l'activité d'un établissement soumis au contrôle d'une
instance strictement nationale.
Les obligations de consolidation peuvent être contournées et les
organes de contrôle, limités par le champ géographique de
leurs compétences, sont mal à même d'en vérifier la
bonne application. Les systèmes de coopération internationale
entre contrôleurs sont inégalement efficaces, ne serait-ce que
parce qu'aucune instance d'arbitrage n'existe réellement pour en assurer
un fonctionnement harmonieux. La reconnaissance mutuelle entre
contrôleurs est assise sur la fiction d'une
homogénéité des pratiques et des exigences des
contrôleurs.
Ces vulnérabilités sont amplifiées par la
diversification des risques.
Les acteurs se diversifient et certains
échappent à tout contrôle, à l'image de certains
hedge funds
ou des opérateurs sur internet. Les produits
financiers se multiplient et les contrôleurs sont mis en demeure de
s'adapter aux progrès constants de l'ingéniérie
financière. Les risques deviennent multiformes et appellent une
diversification des compétences des contrôleurs qui ne doivent
plus seulement maîtriser les savoirs bancaires et financiers, mais aussi
les techniques de gestion et de management et les environnements juridiques. Un
exemple parmi d'autres de ces risques juridiques peut être cité
avec les déboires d'Altus - ex filiale du Crédit
lyonnais - confronté à la législation californienne
sur les banques et les assurances, déboires que la Commission bancaire
n'avait, de toute évidence, pas les moyens de prévenir.
D. LES TROUS NOIRS DU SYSTÈME FINANCIER INTERNATIONAL
La surveillance bancaire et financière internationale trouve également ses limites dans un certain nombre de " trous noirs " auxquels les régulateurs et leurs organisations internationales n'ont pas accès.
1. Deux types de trous noirs : géopolitiques, et techniques
On peut
classer ces trous noirs en deux catégories :
Les trous noirs géographiques et politiques
. Ce sont
,
d'une part, les Etats souverains où sévit la corruption.
Ce
sont,
d'autre part, les places off-shore, terrains privilégiés
de l'évasion fiscale et du blanchiment
. Ou bien il n'existe pas
localement d'organismes de surveillance de marché ou bancaire ;
c'est souvent le cas des paradis fiscaux. Ou bien ces organismes existent, mais
ne coopèrent pas. Ou bien ces organismes sont inaptes à enrayer
des fraudes massives ; c'est le cas dans les Etats gangrenés par la
corruption.
Ces lieux constituent des zones peu accessibles pour les organes de
surveillance des pays industriels ou pour leurs organisations internationales,
comme l'organisation internationale des commissions de valeurs
mobilières (OICV), ou le comité de Bâle.
Il en est de même des institutions unilatérales : on a vu que
le FMI avait peu de moyens de savoir ce qui est fait des fonds qu'il
prête aux banques centrales.
Lorsqu'un flux financier transite par de
telles places, il disparaît aux yeux de la communauté
internationale
.
Un
concentré des lacunes du mode de contrôle traditionnel
à
l'égard des " trous noirs " : l'affaire FIMACO
L'affaire de la FIMACO, filiale sise à Jersey de la
banque
commerciale d'Europe du Nord (BCEN), elle-même filiale de la Banque
centrale de Russie, est un exemple concentrant une bonne partie des
dysfonctionnements des systèmes de régulation bancaire
traditionnels à l'égard des circuits financiers transitant par
les zones
off-shore
. Et il ne s'agit que d'un aspect particulier des
difficultés financières impliquant la Russie.
Un échantillon des acteurs du système financier international est
en effet réuni dans ce scénario exemplaire. Y sont ainsi
impliqués :
des prêts du Fonds monétaire international, (en l'occurrence
pour équilibrer la balance des paiements russes) et le FMI
lui-même,
la Banque centrale de Russie (BCR),
une banque commerciale agréée en France, filiale de la
Banque centrale de Russie : la BCEN,
les autorités de contrôle bancaires françaises, en
particulier la commission bancaire, et le ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie,
une place
off-shore
européenne : Jersey, et un
établissement financier y détenant son siège :
FIMACO, filiale de la BCEN,
la spéculation sur les obligations de l'Etat russe : les GKO,
soit l'un des facteurs de la crise russe d'août 1998.
On peut ajouter, pour bien camper le décor, que l'affaire FIMACO n'a pas
directement concerné des fonds d'origine criminelle (puisque ce sont
précisément des aides du FMI qui ont emprunté ce circuit,
pour être replacés sur le marché russe des valeurs d'Etat,
contribuant à sa liquidité et à son attractivité
pour les investisseurs internationaux), et n'a pas révélé
d'incompétence technique de la part des régulateurs, mais a au
contraire mis en évidence des lacunes de nature institutionnelle. Il a
fallu en effet recourir à un cabinet d'audit privé, Price
Waterhouse Coopers, avec le consentement de la Banque de Russie, pour
établir les faits.
Une partie de fonds accordés par le FMI à la Russie en vue
d'équilibrer sa balance des paiements a en effet suivi le circuit
suivant à partir de 1992, et jusqu'en 1996.
FMI
Prêt sans contrôle
Communauté internationale
832 millions USD
267 millions DEM
Titres de la dette fédérale Russe (GKO)
Apports de devises (2,5 Mds USD)
Russie
Somme non identifiée
BCR
Banque commerciale Russe
1,1 milliard UDS (dont les fonds du FMI)
Commission bancaire France
Somme non identifiée
FIMACO
,
Jersey, filiale
à 100 %
Même somme
Europe
Contrôle prudentiel
BCEN - Paris, France filiale à 78 %
Contrôle
Commission de valeurs mobilières de Jersey et Guernesey
Contrôle de la gestion sous mandat
Commission des opérations de Bourse France
La
Banque centrale de Russie a pris l'habitude de placer une partie de ses
réserves en Europe, via sa filiale BCEN, installée en France
depuis 1921. Au terme du circuit schématisé ci-dessus, elle a
réorienté une partie des fonds de l'aide internationale
accordée par le FMI vers la spéculation sur les GKO, permettant
l'enrichissement de nombreux intervenants, mais participant aussi, par les
excès de ce marché, à la crise de la dette de l'Etat
russe, qui a éclaté en 1998.
Cette affaire a mis en évidence
les lacunes des contrôles
nationaux et internationaux
dans l'appréhension des mouvements
internationaux de capitaux transitant par une place
off-shore
(en
l'occurrence Jersey) :
Le FMI
subordonne ses prêts à la réalisation
d'objectifs macroéconomiques, mais ne contrôle pas l'emploi des
liquidités. A la suite de cette affaire, il a décidé
d'accorder à la Russie des crédits sous forme d'un compte
bloqué dans ses livres.
La commission bancaire
a, en France, effectivement
contrôlé la BCEN, mais son contrôle était,
malgré elle, en grande partie aveugle :
- elle a pu savoir, en interrogeant la BCEN, qu'une grande partie des fonds
(3 milliards de francs sur 10 milliards de francs de bilan)
gérés par elle provenaient de sa mère, la banque centrale
de Russie (BCR), mais n'avait aucun moyen de savoir qu'une partie de ces
mêmes fonds pouvaient initialement être des prêts du FMI,
celui-ci ne sachant pas ce que ses prêts deviennent, et la commission
bancaire n'ayant pas compétence vis-à-vis de la BCR.
- son contrôle, de nature prudentielle, n'a rien
révélé d'anormal, la BCEN respectant ses ratios.
- sur le plan géographique et institutionnel, la commission bancaire n'a
pas compétence pour contrôler FIMACO car
Jersey est un paradis
fiscal situé hors de l'Espace économique européen
. Il
ne lui était donc pas possible de savoir ce qu'il advenait des fonds
gérés par FIMACO, et en particulier leur retour en Russie lui
était inconnu.
Paradis fiscal, Jersey est tout de même doté d'une
commission des valeurs mobilières, pilotée par d'anciens
dirigeants du
Securities investment board
(SIB) britannique. Cette
autorité est membre de l'OICV. Elle a alerté la
Commission des
opérations de bourse
sur d'éventuelles
irrégularités touchant la BCEN. Ces irrégularités
ne portent toutefois que sur un aspect mineur : la BCEN n'a pas
d'agrément pour pratiquer la gestion pour compte de tiers. La COB a donc
saisi le Parquet. En revanche, il ne semble pas que la commission bancaire et
la COB aient eu des contacts sur ce dossier, dont l'écheveau n'a
été reconstitué que par le travail de Price Waterhouse
Coopers.
Enfin, l'une des lacunes non négligeables est le défaut de
dialogue entre les différentes autorités publiques de
contrôle impliquées dans cette affaire. Mais à leur
décharge, elles ne pouvaient savoir le plus souvent de quoi elles
auraient eu à parler.
Et c'est ainsi que malgré lui, le FMI a alimenté - pour
une partie modeste, mais qui a le défaut d'exister - la
spéculation sur les GKO, et que la Banque de Russie l'a trompé
sur le niveau de ses réserves en devises en utilisant ses propres
fonds
. L'aide internationale a ainsi - paradoxe suprême -
contribué directement à la crise russe de 1998, et ce au travers
d'une banque agréée en France !
Les trous noirs techniques
, tenant à la nature des
contrôles effectués. Les commissions de contrôle bancaire
ont une compétence de nature prudentielle. Un établissement de
crédit se livrant au traitement de flux financiers criminels peut
très bien par ailleurs respecter les ratios prudentiels. C'est
d'ailleurs bien souvent le cas. De la même façon les
autorités de surveillance des marchés financiers surveillent la
régularité formelle des transactions. Hors délits
d'initiés ou franchissements de seuil, rien n'apparaît d'une
transaction sur valeurs mobilières opérée avec des fonds
d'origine criminelle.
C'est pourquoi la législation française repose sur la pratique de
la déclaration de soupçon. C'est en fonction des doutes, plus ou
moins subjectifs, que suscite un client, des fonds qu'il souhaite placer, de
ses buts de placement etc., que les établissements peuvent
déceler une opération délictueuse, mais non en fonction de
la nature de l'opération réalisée. Cette détection
est
a fortiori
, plus difficile lorsque les établissements
financiers eux-mêmes sont complices.
En outre, les circuits du blanchiment tentent d'éviter les circuits
bancaires traditionnels. Le dernier rapport du GAFI
40(
*
)
fait état de techniques comme
le " Hawala/Hundi " en Asie du Sud-Est, consistant à
éviter les transferts de fonds d'un pays à l'autre, par des
transferts locaux de même sens dans deux pays différents dans deux
devises différentes. Il suffit que les partenaires soient
présents dans les deux pays à la fois. De la même
façon, à l'autre extrême de la modernité, les
institutions de surveillance sont encore désarmées
vis-à-vis des transactions effectuées par internet, que ce soient
des transactions classiques ou des jeux d'argent (casino virtuels).
Les trois techniques du blanchiment selon le GAFI
le
placement
: conversion d'espèces issues de trafics en
placements licites (or, devises, comptes bancaires),
l'empilage
: multiplication de transactions
financières, notamment via des sociétés-écrans ou
des trusts, éventuellement établis
offshore
,
l'intégration
: investissement des espèces
frauduleuses en actifs réels légaux.
Source :
Banque magazine
- décembre 1999.
On comprend dans ces conditions l'extrême difficulté que
revêt le contrôle des fonds à effet de levier établis
offshore
. Sur le plan technique, le contrôle du risque d'un fonds
à effet de levier est difficile en soi, alors même que les hauts
niveaux de levier exposent les marchés à des risques
systémiques méconnus. Mais, en outre, sur le plan juridique, leur
établissement
off
shore les fait échapper aux organes de
contrôle compétents des pays industriels dans lesquels ils
opèrent et sur l'économie desquels il font peser un risque.
2. Les tentatives d'établissement d'une typologie des trous noirs
Dans la
perspective d'une action visant à réduire la capacité de
nuisance des places offshore, il est important d'en établir une
typologie. Le groupe de travail, qui n'a pas étudié
spécifiquement cette question n'a pas la prétention d'en
établir une.
En revanche, ce sujet est actuellement en traitement par le GAFI, organe de
l'OCDE chargé de traquer le blanchiment, et par le Forum de
stabilité financière, présidé par M. Andrew
Crockett, qui étudie les places
offshore
en général.
Les trous noirs sont en effet essentiellement les centres
offshore
, car
l'argent de la corruption y converge comme celui de blanchiment. En
règle générale, ainsi que le montre une étude
récente du
Narcotic Bureau
, les Etats où sévit une
forte corruption ne sont pas des centres
offshore
.
Le GAFI a établi une typologie des pays ou territoires non
coopératifs, en 25 critères, qu'il explique dans son rapport du
14 février 2000.
Critères du GAFI définissant les pays ou territoires non coopératifs
A.
Lacunes dans les réglementations financières
Absence ou insuffisance des réglementations et des dispositifs de
surveillance visant les institutions financières
1. Absence ou inefficience des réglementations et des dispositifs de
surveillance visant l'ensemble des institutions financières d'un pays ou
d'un territoire donné, au plan interne ou extraterritorial, sur une base
équivalente au regard des normes internationales applicables au
blanchiment de capitaux.
Inadéquation des règles concernant la délivrance
d'agréments et l'établissement des institutions
financières, y compris l'évaluation des antécédents
des directeurs et propriétaires-bénéficiaires
2. Possibilité pour des personnes physiques ou morales de gérer
une institution financière sans autorisation ou enregistrement ou avec
seulement des obligations rudimentaires en matière d'autorisation ou
d'enregistrement.
3. Absence de mesures pour empêcher des criminels ou leurs
associés d'exercer des fonctions de gestion ou un contrôle ou
d'acquérir une participation importante dans des institutions
financières.
Insuffisance des obligations d'identification des clients imposées
aux institutions financières
4. Existence de comptes anonymes ou de comptes à des noms manifestement
fictifs.
5. Absence de lois, réglementations ou accords efficaces entre les
autorités de surveillance et les institutions financières ou
d'accords d'autoréglementation entre les institutions financières
sur l'identification du client et du bénéficiaire effectif d'un
compte :
- aucune obligation de vérifier l'identité du client ;
- aucune obligation d'identifier les
propriétaires-bénéficiaires lorsqu'il existe des doutes
quant à la question de savoir si le client agit en son nom propre ;
- aucune obligation de vérifier l'identité du client ou du
propriétaire-bénéficiaire effectif lorsque des doutes
paraissent à cet égard au cours de relations d'affaires ;
- aucune obligation pour les institutions financières de mettre en place
des programmes continus de formation au blanchiment des capitaux.
6. Absence d'obligations légales ou réglementaires pour les
institutions financières, d'accords entre les autorités de
surveillance et les institutions financières ou d'accords automatiques
entre les institutions financières en vue de l'enregistrement et de la
conservation, pendant un délai raisonnable et suffisant (cinq ans), des
documents concernant l'identité de leurs clients ainsi que des dossiers
relatifs aux transactions nationales et internationales.
7. Obstacles juridiques ou pratiques à l'accès par les
autorités administratives et judiciaires aux informations concernant
l'identité des titulaires ou des
propriétaires-bénéficiaires ainsi qu'aux informations
liées aux transactions enregistrées.
Caractère excessif des régimes de secret applicable aux
institutions financières
8. Dispositions en matière de secret pouvant être invoquées
à l'encontre des autorités administratives compétentes,
mais pas levées par elles, dans le cadre des enquêtes concernant
des opérations de blanchiment des capitaux.
9. Dispositions en matière de secret pouvant être invoquées
à l'encontre des autorités judiciaires, mais pas levées
par elles, dans le cadre d'enquêtes criminelles sur des opérations
de blanchiment de capitaux.
Absence d'un système efficace de déclaration des transactions
suspectes
10. Absence d'un système obligatoire et efficient pour la
déclaration des transactions suspectes ou inhabituelles aux
autorités compétentes, un tel système devant assurer la
détection et la poursuite du blanchiment de capitaux.
11. Absence de suivi et de sanctions pénales ou administratives
concernant l'obligation de déclaration des transactions suspectes ou
inhabituelles.
B. Obstacles soulevés par d'autres secteurs de
réglementation
Inadéquation des règles de droit commercial concernant
l'enregistrement des entreprises et des personnes morales
12. Inadéquation des moyens d'identification, d'enregistrement et de
diffusion de l'information concernant les entreprises et les personnes morales
(nom, forme juridique, adresse, identité des directeurs, dispositions
réglementant la possibilité d'engager l'entité).
Absence d'identification du (des)
propriétaire(s)-bénéficiaire(s) des entreprises ou des
personnes morales
13. Obstacles à l'identification par les institutions financières
du/des propriétaire(s) bénéficiaire(s) et des
directeurs/administrateurs d'une société ou des
bénéficiaires d'une entreprise ou d'une personne morale.
14. Systèmes réglementaires ou autres permettant aux institutions
financières de réaliser des transactions financières sans
que soient connus le(s) propriétaire(s)-bénéficiaire(s) de
ces transactions ou permettant à ces bénéficiaires
d'être représentés par un intermédiaire refusant de
divulguer cette information, sans informer les autorités
compétentes.
C. Obstacles à la coopération internationale
Obstacles à la coopération internationale entre
autorités administratives
15. Lois ou réglementations interdisant l'échange international
d'informations entre les autorités administratives anti-blanchiment, ne
prévoyant pas des canaux clairs pour l'échange d'informations ou
subordonnant ces échanges à des conditions très
restrictives.
16. Interdiction pour les autorités administratives de mener des
enquêtes ou des investigations au nom ou pour le compte de leurs
homologues étrangers.
17. Mauvaise volonté évidente pour répondre
constructivement à des demandes (défaut de prise de mesures
appropriées en temps voulu, longs délais de réponse).
18. Pratiques restreignant la coopération internationale contre le
blanchiment de capitaux entre les autorités de surveillance ou entre les
unités de recherche financière pour l'analyse et l'investigation
de transactions suspectes, en particulier au motif que ces transactions peuvent
concerner des questions fiscales.
Obstacles à la coopération internationale entre
autorités judiciaires
19. Défaut d'incrimination du blanchiment des produits d'infractions
graves.
20. Lois ou réglementations interdisant l'échange international
d'informations entre les autorités judiciaires (notamment
réserves spécifiques aux dispositions des accords internationaux
concernant le blanchiment des capitaux) ou application de conditions
très restrictives à l'échange d'informations.
21. Mauvaise volonté évidente pour répondre
constructivement à des demandes d'entraide judiciaire (par exemple,
défaut de prise des mesures appropriées en temps voulu, longs
délais de réponse).
22. Refus de coopérer au niveau judiciaire dans le cas impliquant des
infractions reconnues comme telles par la juridiction requise, en particulier
au motif que des questions fiscales sont en cause.
D. Inadéquation des ressources consacrées à la
prévention et à la détection des activités de
blanchiment de capitaux
Insuffisance des ressources dans les secteurs public et privé
23. Incapacité de fournir aux autorités administratives et
judiciaires les ressources financières, humaines ou techniques
nécessaires pour exercer leurs fonctions ou mener leurs enquêtes.
24. Incompétence ou corruption des agents employés par les
autorités gouvernementales, judiciaires ou de surveillance ou des
responsables de la mise en oeuvre de mesures anti-blanchiment de capitaux dans
le secteur des services financiers.
Absence d'une unité de renseignements financiers ou d'un
mécanisme équivalent
25. Absence d'une unité centralisée (c'est-à-dire d'une
unité de renseignements financiers) ou d'un mécanisme
équivalent pour la collecte, l'analyse et la diffusion d'informations
sur des transactions suspectes aux autorités compétentes.
A partir de cette typologie, le GAFI entend publier une liste des territoires
facilitant le blanchiment d'argent criminel dès le mois de
juin 2000.
De son côté, le Forum de stabilité financière
publiera, dès le printemps 2000, son étude sur les places
offshore
. Il devrait les classer en trois groupes, en fonction de leur
degré de " fréquentabilité ", le groupe des
moins fréquentables devant faire l'objet de mesures d'exclusion de la
part de la communauté internationale, sous la forme d'interdiction
totale de relations financières des pays industriels avec ces places.
Les places
offshore
sont en effet plus ou moins regardantes à
l'égard de la délinquance financière. Certaines, comme
Nauru, dans le Pacifique, ne possèdent aucun organe de contrôle.
D'autres sont dotées d'un organe de contrôle bancaire ou boursier,
comme les Iles anglo-normandes. Les Bahamas viennent d'en créer un.
Certaines ont une législation anti-blanchiment comme le Liechtenstein ou
Grand Caïman alors que Nauru n'en dispose pas. La plupart des
législations anti-blanchiment ne concernent toutefois que le trafic de
stupéfiants et laissent de côté les produits de la fraude
et de l'évasion fiscales. C'est le cas du Liechtenstein.
L'OCDE a recensé au total 47 paradis fiscaux. Le
Narcotic Bureau
américain vient de dénombrer 52 Etats accueillant des organismes
offshore
. Quelques listes indicatives peuvent en être
dressées, à la fois du point de vue des autorités
publiques, et de celui des " utilisateurs ".
Quelques listes de paradis fiscaux
Liste établie en 1981 par le commissaire américain au
Trésor
41(
*
)
Caraïbes et Atlantique Sud |
Europe, Moyen-Orient, Afrique |
Anguilla |
Autriche |
Antigua |
Bahreïn |
Antilles néerlandaises |
Iles anglo-normandes |
Bahamas |
Gibraltar |
Barbade |
Ile de Man |
Belize |
Liberia |
Bermudes |
Liechtenstein |
Iles vierges britanniques |
Luxembourg |
Iles Caymans |
Monaco |
Costa Rica |
Pays-Bas |
Grenade |
Suisse |
Malouines |
Asie et Pacifique |
Montserrat |
Iles Cook |
Nevis |
Guam |
Panama |
HongKong |
St-Kitts |
Maldives |
Sainte-Lucie |
Nauru |
Iles Turks et Caicos |
Vanuatu |
Uruguay |
Singapour |
|
Tonga |
Liste des places sur lesquelles sont établis les hedge funds offshore américains (1999)
Europe |
Antilles/Caraïbes |
Asie |
Irlande |
Grand Caïman |
Hong Kong |
Luxembourg |
Antilles néerlandaises |
|
Guernesey |
Iles vierges |
|
Pays-Bas |
Bermudes |
|
Jersey |
Bahamas |
|
Ile de Man |
Panama |
|
Suisse |
Amérique / Etats-Unis |
|
|
New-York |
|
|
Canada |
|
|
San Francisco |
|
|
Rocky Mountain |
|
|
Greenwich |
|
Liste
des places
offshore
proposées par
Finor associates Ltd
(îles vierges)
en vue d'aider à l'implantation d'entreprises ou
de
trusts
(2000)
Europe |
Antilles / Caraïbes |
Afrique |
Gibraltar |
Antigua |
Afrique du Sud |
Hongrie |
Bahamas |
Maurice |
Ile de Rau |
Bermudes |
Asie/Pacifique |
Madère |
Iles vierges britanniques |
Nauru |
Suisse |
Antilles néerlandaises |
Bahrein |
Andorre |
Anguilla |
Labuan |
Chypre |
Belize |
Hong-Kong |
Guernesey |
Costa Rica |
Etats-Unis |
Irlande |
Caïmans |
Delaware |
Monaco |
Turk et Caïcos |
|
Autriche |
Montserrat |
|
Liechtenstein |
|
|
Royaume-Uni |
|
|
Ces
listes démontrent que l'
offshore
n'est pas l'apanage de quelques
îles exotiques, mais que l'évasion fiscale est possible au coeur
même de l'Europe.
Elles indiquent aussi les liens pouvant apparaître entre les
différentes formes de criminalité financière. Ainsi, parmi
les pays de l'Union européenne, l'Irlande, apparue récemment sur
les listes de paradis fiscaux, a connu une très vive dégradation
de son indice de perception de la corruption entre 1998 et 1999, passé
de 8,2 à 7,7 alors qu'aucun autre Etat des 15 n'a connu de
dégradation supérieure à 0,1 point (dont la France...).
Territoires accueillant des centres
offshore
selon le
Narcotic Bureau
(
strategic report
1999)
mars 2000
Europe |
Antilles/Caraibes |
Afrique |
Asie/Pacifique |
Amérique |
Chypre |
Anguilla |
Liberia |
Bahrein |
Etats-Unis |
Gibraltar |
Antigua et Barbuda |
Maurice |
Iles Cook |
Uruguay |
Guernesey |
Aruba |
Tunisie |
Hong-Kong |
|
Irlande |
Bahamas |
|
Liban |
|
Ile de Man |
Barbade |
|
Macao |
|
Jersey |
Belize |
|
Malaisie |
|
Liechstenstein |
Bermudes |
|
Iles Marshall |
|
Luxembourg |
Iles vierges |
|
Nauru |
|
Malte |
Iles Caïmans |
|
Niue |
|
Monaco |
Costa Rica |
|
Samoa |
|
Portugal |
Dominique |
|
Seychelles |
|
Russie |
Grenade |
|
Singapour |
|
Suisse |
Montserrat |
|
Thaïlande |
|
|
Antilles néerlandaises |
|
Emirats Arabes Unis |
|
|
Panama |
|
Vanuatu |
|
|
Saint Kitts et Nevis |
|
|
|
|
Sainte Lucie |
|
|
|
|
Saint Vincent/Grenadines |
|
|
|
|
Turks et Caïcos |
|
|
|
La liste établie par le Narcotic Bureau du département d'Etat des Etats-Unis, aux fins de la lutte contre le trafic de drogue, est la plus complète à ce jour. Elle classe les Etats et territoires du monde en fonction d'une approche multicritères, pour mesurer leur sensibilité au trafic de drogue et au recyclage de ses produits financiers. Parmi ces critères figure l'accueil, ou non, d'établissements offshore sur le territoire. 52 Etats ou territoires accueillent des centres offshore , dont les Etats-Unis eux-mêmes.