CONCLUSION
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Première observation : la surveillance des frontières
extérieures justifie une plus grande coopération des Etats
européens
.
La mise en place d'un espace de libre circulation des personnes au sein de
l'Union européenne a eu un effet quelque peu paradoxal. Si le
contrôle des frontières extérieures de l'Union
intéresse l'ensemble des Etats membres, la défense de cet
intérêt commun
relève cependant des seules
compétences nationales. La maîtrise des flux migratoires à
l'échelle de l'Union dépend de la seule volonté politique
des Etats dotés de frontières extérieures et des moyens
qu'ils sont à même d'engager. De ce point de vue, si votre
rapporteur a pu prendre la mesure des efforts engagés par les
autorités italiennes malgré toute la difficulté du
contrôle de ses frontières maritimes, il demeure
préoccupé par les conséquences de l'intégration
effective de la Grèce au sein de l'espace de libre circulation des
personnes alors même que les frontières de ce pays (et de ses 3000
îles) défient tout contrôle vraiment efficace.
La question de la sûreté des contrôles risque de se poser
avec une acuité plus grande encore au moment de l'
adhésion des
pays d'Europe centrale et orientale
à l'Union européenne. Ces
Etats, dont les moyens déjà modestes sont principalement
consacrés à la préparation de leur intégration
économique, auront-ils la capacité d'assumer la
sécurité de la frontière extérieure ?
L'Union devrait, dès lors, envisager le renforcement de
mécanismes de solidarité financière
-par exemple
sur la base du programme Phare- afin de permettre aux Etats dotés de
frontières extérieures de faire face à leurs
responsabilités.
Enfin, un pas supplémentaire pourrait être franchi dans la
coopération avec la mise en place de
patrouilles de surveillance
associant des forces de plusieurs pays
. Cette forme de coopération
devrait répondre à une demande de l'Etat intéressé
et placée sous son contrôle dans le respect des
prérogatives nationales. A l'heure où s'édifient les
premiers fondements d'une Europe de la défense, il n'est pas impossible
d'envisager à une échelle plus proche des préoccupations
quotidiennes des citoyens des actions communes de surveillance des
frontières.
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Deuxième observation : la Commission doit pleinement
appliquer le principe de subsidiarité.
Le traité d'Amsterdam, on le sait, a confié en matière
d'immigration un rôle éminent à la Commission
appelée -dans moins de quatre ans- à exercer seule l'initiative
des décisions dans ce domaine. Le processus de communautarisation ne
saurait cependant être considéré comme une fin en soi. Il
ne se justifie que s'il permet, mieux que l'application de mesures nationales,
de répondre aux problèmes auxquels se trouvent confrontés
les Quinze.
Or une politique d'immigration constitue avant tout un ensemble de mesures
précises adaptées aux réalités d'une situation
variable d'un pays à l'autre. Dès lors, l'efficacité
commande de laisser aux Etats la plus grande marge d'action, tout en les
engageant à coopérer sur une base bilatérale. Aussi le
principe de subsidiarité
trouve-t-il dans les questions
liées à l'immigration un point d'application
privilégiée. Il devrait inspirer la Commission européenne
et conduire celle-ci à conserver aux Etats les responsabilités
qu'ils doivent exercer au service de l'intérêt commun.
Il convient ainsi de séparer les principes de l'exécution -qui
requiert le renforcement de la coopération bilatérale et la
conclusion d'accords de réadmission. La
coopération
bilatérale
doit être développée sur la base de
l'article 39 du traité de Schengen désormais
intégré au traité sur l'Union européenne. Plus que
des décisions arrêtées à Bruxelles,
les accords
bilatéraux nourris des expériences déjà conduites
sur le terrain permettent de mieux répondre aux réalités
des frontières différentes d'un pays à l'autre
et aux
besoins exprimés par les forces de police. Cette méthode devrait
donc être encouragée par les instances européennes. La mise
en place de centres de coopération policière et douanière
à l'exemple des structures créées aux frontières de
la France avec certains de ses voisins représente l'une des
modalités possibles de cette coopération qui, si elle se noue
dans un cadre bilatéral, bénéficie cependant à
l'ensemble des pays de l'Union.
La signature d'accords bilatéraux entre les Etats membres et les pays
candidats apparaît également très souhaitable afin de
prendre en compte les conséquences de l'élargissement d'un accord
entre l'Autriche et la Hongrie afin de renforcer la coopération aux
frontières montre la voie à suivre.
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Troisième observation : déterminer les grandes
lignes d'une politique de l'immigration
.
Votre rapporteur l'a déjà souligné : l'Europe souffre
de l'absence d'une vision commune des questions migratoires. Cette lacune ne
constitue en aucune manière une fatalité. Les Etats membres sont
en effet devenus des pays d'immigration. Cette situation n'a rien de provisoire
car elle s'inscrit dans un
mouvement de longue durée commandé
par la transition démographique.
Au facteur démographique s'ajoute la permanence des
inégalités de développement entre Nord et Sud. Dans ces
conditions,
l'immigration démographique risque de se présenter
comme une composante majeure de l'avenir de l'Europe.
Les pays européens sont donc confrontés aujourd'hui à des
problèmes communs. Certes, cette identité de situations
apparaît le fruit d'évolutions régies par des rythmes
très différents d'un pays à l'autre. Et l'histoire
explique, pour une large part, les différences d'appréciation
nationale sur le problème de l'immigration. Cependant, depuis plusieurs
années, les politiques nationales présentent d'indéniables
convergences. A cet égard, la détermination de quotas
d'immigration, en rupture avec l'objectif de " l'immigration
zéro ", en Allemagne et en Italie, afin de satisfaire les besoins
d'économies confrontées à l'insuffisance de main d'oeuvre
qualifiée dans certains secteurs, constitue une évolution
significative. En France, la question des quotas demeure encore un sujet
difficile. Le ministre des affaires étrangères français a
cependant apporté un infléchissement important à la
position traditionnelle de la France, en indiquant récemment qu'une
éventuelle politique des quotas ne pouvait pas être exclue.
C'est là le sujet d'une réflexion qui pourrait être
engagée à l'échelle de l'Europe. L'
acceptation d'une
immigration régulière, encadrée
-sur la base de
quotas
par pays ou par profession- parallèlement à
l'
organisation d'une coopération plus étroite contre
l'immigration clandestine
, peut en effet représenter l'une des
orientations majeures d'une politique migratoire européenne. Il convient
d'ailleurs de relever que le commissaire européen chargé de la
justice et des affaires intérieures a récemment plaidé,
lors du Conseil européen de Feira, pour une politique d'immigration
cohérente et globale. Le dispositif des accords de Schengen
réintégré dans le cadre de l'Union européenne
constitue, ne l'oublions pas, un point d'appui précieux pour la
définition d'une politique de l'immigration.
Au moment où s'ouvre la présidence française, il
apparaît, à l'évidence, que les difficultés sont
immenses entre les exigences d'efficacité d'une opinion très
alertée, la pression migratoire en provenance de certains pays pauvres
ou surpeuplés, l'éclatement des moyens préventifs et
répressifs mis en place par les Etats et les faiblesses d'une Commission
peu préparée, et dont la doctrine reste à établir
au-delà des seules déclarations de principe communes aux Etats
membres.