PROGRAMMATION MILITAIRE
POUR LES ANNEES 1997 A 2002

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 415, 1995-1996), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002. [Rapport n° 427 (1995-1996) et avis n° 430 (1995-1996).]
J'informe le Sénat que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi actuellement en discussion.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
La nomination des représentants du Sénat à la commission mixte paritaire pourrait ainsi avoir lieu aussitôt après le vote sur l'ensemble du projet de loi, si le Gouvernement formulait effectivement sa demande.
Je rappelle que la discussion générale a été close hier.
M. Charles Millon, ministre de la défense. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Millon, ministre de la défense. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de cette discussion générale, permettez-moi tout d'abord d'adresser mes remerciements à toutes celles et à tous ceux qui ont bien voulu participer à ce grand débat, souhaité par M. le Président de la République et qui nous permet aujourd'hui de nous retrouver autour du thème de la défense de la nation, du lien armée-nation et de la citoyenneté.
J'ai bien noté la gravité des propos qui ont été tenus. Comme vous, je sais la dimension de l'acte que vous êtes en train d'accomplir, dans le cadre de la grande réforme annoncée et initiée par M. le Président de la République.
Je tiens tout d'abord à remercier chacun des orateurs qui se sont exprimés, et vous comprendrez que mes remerciements aillent particulièrement à M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, dont le rapport écrit constitue une remarquable analyse du texte qui vous est soumis et dont le soutien lucide et vigilant n'a jamais fait défaut au Gouvernement, et donc au ministre de la défense.
Je remercie également MM. Maurice Blin et François Trucy, qui se sont exprimés au nom de la commission des finances avec la compétence qu'on leur connaît.
Ma gratitude va, enfin, aux porte-parole de la majorité sénatoriale, MM. Guy Cabanel, Yvon Bourges, Serge Vinçon, Bernard Plasait et Jacques Genton, qui ont apporté l'appui de leur groupe à la réforme qui s'engage.
Avant de répondre aux questions qui m'ont été posées sur les aspects financiers, humains ou industriels de la programmation, je voudrais, si vous le permettez, revenir quelques instant sur l'environnement stratégique et diplomatique dans lequel s'inscrit la réforme de notre appareil de défense.
En effet, vous êtes un certain nombre - MM. Jacques Genton, Bernard Plasait, Guy Penne et Bertrand Delanoë - à m'avoir interpellé sur cet environnement stratégique et diplomatique. C'est la raison pour laquelle je voudrais, tant sur le plan européen que sur le plan de l'Union de l'Europe occidentale, l'UEO, et sur le plan de la rénovation de l'Alliance atlantique, vous apporter un certain nombre de précisions.
Tout d'abord, pour ce qui est de la conférence inter-gouvernementale, je vous indique que nous en attendons une impulsion politique pour rendre plus visible la solidarité entre les membres de l'Union, plus efficace l'action collective des Européens et plus ambitieuse la perspective d'une politique de défense commune.
Cela implique - et je me permets de le rappeler - l'établissement d'une clause de solidarité politique entre les Etats membres de l'Union européenne. Vous savez que c'est là un objectif que cherchent à atteindre conjointement le chancelier Kohl et le président Chirac. J'émets le voeu que, rapidement, cette clause de solidarité politique entre les Etats membres de l'Union puisse être établie.
Cela implique également l'affirmation du rôle du Conseil européen sur les questions touchant à la politique de défense. En effet, c'est de la légitimité du Conseil que procède la décision.
Cela implique, en outre, des progrès dans la définition de ce qu'est une politique de défense commune, qui couvre à la fois les aspects militaires et les questions d'armement.
Cela implique, enfin, des mécanismes de décision souples, s'appuyant sur le recours à l'UEO et, si nécessaire, sur des ententes spécifiques, à géométrie variable, entre les Etats les plus engagés dans la construction européenne.
Un certain nombre d'entre vous m'ont interpellé sur le rôle de l'UEO, sur le rôle de l'OTAN et sur la construction européenne. Certains propos m'ont étonné.
Les propos de M. Delanoë, comme ceux qui ont été tenus par M. Penne, me paraissent un peu brefs dans l'analyse qui les sous-tend et un peu inadaptés à l'analyse qu'ils ont pu faire. S'ils le permettent, je vais leur donner un certain nombre d'éléments de réponse.
Je dirai tout d'abord à M. Delanoë, qui semblait regretter que l'Europe de la défense ne progresse pas, qu'elle a fait des pas de géant ces derniers mois.
M. Serge Vinçon. Tout à fait !
M. Charles Millon, ministre de la défense. S'il n'en est pas persuadé, je lui demande de relire tout simplement les comptes rendus de l'actualité. Il constatera que l'Europe du renseignement date non pas d'avant-mai 1995, mais des mois qui se sont écoulés depuis lors. Il constatera aussi que Hélios II, Horus, toute la politique qui est à la base même de l'Europe du renseignement et qui est en train de se constituer à partir du pôle franco-allemand date de ces derniers mois.
M. Josselin de Rohan. Très juste !
M. Charles Millon, ministre de la défense. Par ailleurs, il constatera que, s'agissant de l'armement, si des voeux ont été émis depuis des décennies par un certain nombre d'hommes politiques, la constitution de l'Europe de l'armement date des mois derniers : c'est la constitution de l'Agence franco-allemande de l'armement, c'est la mise au point d'une démarche européenne. On s'aperçoit aujourd'hui de la réussite de cette politique puisque la Grande-Bretagne et l'Italie demandent à être associées à la démarche franco-allemande en matière d'armement.
Enfin, l'Europe de la défense a avancé aussi à travers les structures de commandement. M. Delanoë le sait bien, puisqu'il a lu, comme vous tous, le projet de loi de programmation militaire. Il a pu constater que, dans ce texte, il y a des structures de commandement projetables. Elles sont inscrites non pas pour le principe, mais pour permettre à la France de participer à la constitution de groupements de forces interarmées multinationales et à l'identité européenne de défense.
Aussi, je ne voudrais pas que M. Delanoë tombe dans le pessimisme noir. Puisqu'il a émis des voeux pour que nous poursuivions notre action dans le domaine spatial, qu'il en prenne acte, c'est fait. Je le remercie d'ailleurs, car il l'a dit d'une manière directe dans son propos. (M. Delanoë acquiesce.)
S'agissant de la dissuasion, il a expliqué que la fermeture du site d'Albion serait le résultat d'une approche budgétaire. Or elle est le résultat d'une analyse stratégique.
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Charles Millon, ministre de la défense. Je suis prêt à le démontrer une fois de plus : cela n'a rien à voir avec une analyse budgétaire. D'ailleurs, M. Delanoë est un parlementaire trop averti pour ne pas savoir que le choix qui a été effectué, par exemple dans le domaine des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins nouvelle génération, est plus coûteux sur le plan budgétaire, mais meilleur sur le plan stratégique.
Enfin, il a abordé la question de l'ATF, l'avion de transport futur. A cet égard, il a émis un certain nombre de réserves. J'aurai l'occasion d'y revenir tout à l'heure. En effet, il s'agit, selon moi, d'un problème exemplaire, car il est à la base d'une démarche européenne qui, je l'espère, sera prémonitoire.
Je voudrais répondre à M. Delanoë sur la question des GFIM, les groupements de forces interarmées multinationales, tels qu'ils ont été prévus à Berlin par le conseil de l'OTAN.
Je voudrais aussi revenir sur la question de la Bosnie car vous avez, monsieur le sénateur, ironisé...
M. Bertrand Delanoë. Il n'y avait pas d'ironie !
M. Charles Millon, ministre de la défense. ... en expliquant que c'était sans doute une bonne porte de sortie pour les Américains...
M. Bertrand Delanoë. Eh oui !
M. Charles Millon, ministre de la défense. ... que de nous laisser en Bosnie avec un GFIM qui ne serait composé que d'Européens, ce qui permettrait ainsi aux Etat-Unis de conserver le contrôle de l'opération sans pour autant que leurs propres hommes soient impliqués.
Monsieur Delanoë, vous vous êtes trompé de lecture ! Il s'agit là de la proposition de M. Rocard. Le Gouvernement français n'a jamais proposé une telle chose !
Je vous dis donc très clairement que nous ne partageons pas l'analyse de M. Rocard sur cette question. Puisque nous sommes arrivés en Bosnie conjointement avec les Américains, les Anglais, les Allemands, les Italiens et les Espagnols, nous souhaitons nous retirer de ce pays en même temps qu'eux. Par conséquent, il n'est pas question pour nous de nous prêter à une manoeuvre telle que celle que vous redoutez.
M. Penne a décrit un certain nombre de poncifs que je ne comprends pas très bien. Il nous a expliqué que, du fait de la stratégie décidée par le Président de la République, nous allions maintenant être complètement sous le contrôle américain, et il a tenté de donner un certain nombre d'illustrations à cet égard.
Je lui rappellerai que, durant la guerre du Golfe, la coalition a été dirigée par les Etats-Unis, François Mitterrand étant alors Président de la République.
M. Josselin de Rohan. Cela ne l'a pas troublé !
M. Charles Millon, ministre de la défense. En Bosnie, la force de réaction rapide a été mise au point par les Anglais et les Français, en l'absence des Américains, le Président de la République étant M. Jacques Chirac.
A partir de ce moment, il faut rendre à César ce qui est à César : s'il est vrai que, pendant la guerre du Golfe, la France s'est jointe à une coalition dirigée par les Etats-Unis, il est vrai aussi que, en 1995, avec la constitution de la force de réaction rapide, la France a permis la mise en place de la première force européenne à même de réagir à un événement qui concernait notre continent.
Aussi, je tiens à dire à M. Guy Penne qu'il ne convient pas d'aller trop vite dans ce domaine.
M. Penne a souhaité que l'on puisse mettre au point des coalitions qui soient adaptées à telle ou telle situation. Je lui rappellerai que les GFIM les groupes de forces interarmées multinationales, ont pour mission de faire face à tel ou tel objectif stratégique et militaire qui aura été désigné. Ces opérations s'effectueront, après un vote unanime du Conseil atlantique, sous le contrôle politique et militaire de l'UEO.
J'indique aux différents orateurs qui se sont exprimés sur ce sujet qu'il n'est pas question de droit de veto de la part des Etats-Unis. Il est simplement question de respecter les procédures de l'OTAN qui requièrent, pour une intervention extérieure, une décision unanime du Conseil atlantique. Il était à mon avis nécessaire de revenir sur ces différents points.
S'agissant de l'UEO, je souhaite rappeler les principes retenus à Berlin et leurs conséquences.
Le communiqué de Berlin permet de relancer l'action de l'UEO sur des bases claires, le rôle de l'organisation européenne étant pleinement reconnu par l'OTAN, y compris par les Etats-Unis. L'UEO sera, grâce à son conseil et aux organismes politico-militaires, le bras exécutif des Européens en cas d'opérations qui seraient conduites par eux seuls et auxquelles les Etats-Unis décideraient de ne pas participer.
Enfin, à l'égard de l'OTAN, l'UEO jouera un rôle d'impulsion et de proposition au cours des prochains mois, car il lui appartient de déterminer les principales hypothèses dans lesquelles elle serait amenée à agir et les grandes catégories de besoins qui en résultent.
Par conséquent, grâce à la décision de Berlin, l'UEO, comme l'ont dit certains de ses responsables, est passée du rêve à la réalité, du projet à la mise en pratique d'un certain nombre d'objectifs définis par les pays européens. Voilà qui devrait rassurer ceux qui étaient inquiets sur l'avenir de cette organisation.
Les Européens doivent, à mon avis, continuer à développer des capacités de commandement interarmées et des forces comme moyens de soutien utilisables aussi bien dans le cadre de l'Alliance atlantique que dans les opérations dirigées par l'UEO.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques réflexions que je voulais vous livrer sur l'environnement stratégique et politique, surtout sur les questions européennes, sur l'OTAN et sur l'UEO. En effet, il me semble tout à fait déplacé de dire que la démarche française renoncerait à une dimension européenne. Au contraire, je suis convaincu que les accords de Berlin, comme les accords passés aujourd'hui dans le cadre de l'OTAN et de l'UEO, sont là pour permettre l'affirmation de l'identité européenne de défense dans le cadre d'une nouvelle Alliance. C'est l'objectif qui avait été tracé par le Président de la République. C'est l'objectif qui, aujourd'hui, est mis en oeuvre par toute l'Union européenne.
Après les questions d'environnement stratégique, je voudrais aborder les questions financières.
Je tiens tout d'abord à indiquer que j'ai été étonné par le ton du propos de M. Delanoë. A l'entendre, le Gouvernement devrait tout à la fois réduire les déficits publics et accroître l'effort de défense, augmenter les crédits consacrés à l'équipement des forces et financer leur professionnalisation,...
M. Bertrand Delanoë. Ah non ! Il faut diminuer les crédits de fonctionnement !
M. Charles Millon, ministre de la défense. ... maintenir une armée conventionnelle et la composante terrestre de notre force de dissuasion. Je n'ose évaluer le coût des programmes dont vous avez dressé la liste à cette tribune, monsieur le sénateur.
M. Josselin de Rohan. Cela ne les gêne pas !
M. Charles Millon, ministre de la défense. Dois-je vous rappeler que les gouvernements socialistes des années 1992 et 1993 ont supprimé près de 40 000 emplois dans les armées et que notre industrie d'armement a perdu 10 000 emplois par an depuis dix ans ? C'est à partir de ces rappels que vous devriez ciseler votre jugement, monsieur le sénateur, car il ne me paraît pas tout à fait responsable de réclamer des dépenses et, en même temps, une gestion rigoureuse des recettes.
M. Bertrand Delanoë. Il ne fallait pas augmenter les crédits de fonctionnement !
M. Charles Millon, ministre de la défense. M. Billard demande, quant à lui, un fort accroissement des crédits de la marine. Est-ce bien compatible avec la proposition du groupe communiste républicain et citoyen d'un titre V de 70 ou 75 milliards de francs ?
Quant à M. Philippe Madrelle, rien n'a résisté à sa critique ! Il a réclamé des augmentations de dépenses à peu près sur toutes les lignes budgétaires de la loi de programmation, sans pour autant faire parallèlement aucune proposition d'augmentation des recettes.
Il convient donc de rappeler que la loi de programmation est aussi un exercice financier et budgétaire, et que l'on ne peut programmer des équipements sans en programmer parallèlement les ressources.
J'en viens maintenant aux questions proprement financières qui ont été soulevées par plusieurs orateurs. Nombre d'entre elles ont trait au respect de la programmation, qui a été évoquée notamment par MM. de Villepin, Cabanel, Trucy, Vinçon et Genton.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez l'importance que revêt, pour nos armées et pour notre industrie de défense, la programmation à moyen terme des ressources humaines et financières que la nation est prête à consacrer à sa défense.
Vous connaissez les conséquences de l'absence de programmation ou, lorsqu'elle existe, de l'irréalisme des prévisions qu'elle contient. En témoignent les 12 milliards de francs d'annulations supportés par le budget d'équipement des armées en 1995 et le gel de 7 milliards de francs qui a affecté le titre V du département de la défense à la fin de ce même exercice, comme M. Cabanel l'a opportunément rappelé dans son intervention.
Vous mesurez donc, j'en suis persuadé, tout l'intérêt d'une programmation dans la période de très profond changement qu'aborde notre appareil de défense.
Redonner son sens à la programmation militaire, tel était le premier objectif que s'est assigné le Gouvernement.
C'est la raison pour laquelle il a inscrit la programmation pour les années 1997 à 2002 dans une planification qui va de 1997 à 2015.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a retenu un niveau de ressources réaliste et constant pour les six prochaines années.
C'est la raison pour laquelle il a soigneusement fixé les contours de la programmation. M. Bernard Plasait les a très bien décrits, et je me bornerai donc à les évoquer.
Tout d'abord, la totalité des crédits consacrés à la défense est programmée pour la première fois et répartie entre le titre III et les titres V et VI. Sans doute me direz-vous - et vous aurez raison - que c'est pure logique puisque la professionnalisation est engagée et que, dès lors, on ne peut la réussir qu'avec une bonne programmation du titre III.
Par ailleurs, l'évolution annuelle des différentes catégories d'effectifs du ministère de la défense figure également pour la première fois dans le texte même de la loi.
Ensuite, les dépenses d'investissement sont exprimées en autorisations de programme et en crédits de paiement. M. Yvon Bourges sait à quoi je fais allusion. C'est important pour le ministère de la défense, car cela nous permettra d'avoir une gestion pluriannuelle des investissements.
Enfin, comme en 1994, les ressources destinées aux armées seront actualisées chaque année en fonction de l'indice des prix à la consommation hors tabac qui sert à l'élaboration du budget de l'Etat. Dans les circonstances actuelles, je pense que chacun mesure l'importance de cet engagement.
Dans son rapport écrit et dans son intervention à cette tribune, M. de Villepin a évoqué le respect de la programmation que vous êtes invités à approuver aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs. Comme M. Yvon Bourges, il a indiqué, et je les en remercie tous les deux, que le contexte politique et la détermination affichée par le Président de la République sont de « bon augure ».
De fait, qui mieux que le chef de l'Etat, qui mieux que le chef des armées peut garantir le respect de la programmation ? Croyez bien que je me félicite du fait que le calendrier de la programmation corresponde au calendrier institutionnel, c'est-à-dire que les six prochaines années s'intègrent en totalité dans le mandat de M. Jacques Chirac.
Dans le contexte économique et financier actuel, l'engagement du Président de la République pèse d'un poids considérable, et c'est la raison pour laquelle je me permets d'y insister.
S'agissant des opérations extérieures dont le financement a suscité certaines interrogations, notamment de la part de MM. de Villepin, Blin et Trucy, je vous confirme qu'elles seront désormais classées en deux catégories qui relèveront de modalités de financement différentes ; d'une part, les opérations extérieures courantes devront être prises en charge par le budget du ministère de la défense ; d'autre part, les opérations extérieures exceptionnelles feront, quant à elles, l'objet d'un financement extérieur à la défense. Je ne vais pas décrire le processus qui permettra de distinguer les opérations exceptionnelles des opérations courantes, puisque cela a été fait à cette tribune par les orateurs, en particulier par M. de Villepin.
J'en viens maintenant aux questions de personnels.
A ce stade de mon propos, et même si ce sujet sera abordé de nouveau à l'occasion de l'examen des motions de procédure, je voudrais répondre aux interrogations concernant l'armée professionnelle. A cet égard, M. Paul Girod a fait part de ses inquiétudes légitimes, M. Jean-Luc Mélenchon a exprimé son opposition à la professionnalisation des armées, et un certain nombre d'orateurs ont exposé leurs hésitations.
Je rappellerai qu'il y a une logique qui s'appuie sur une analyse géostratégique faite par le Président de la République. C'est à partir de cette dernière qu'il a été décidé de faire évoluer nos armées de l'armée de conscription à l'armée professionnelle. Cela répond en fait à des besoins géostratégiques : on a constaté à l'évidence - personne aujourd'hui ne le conteste - que la menace se situe non plus à nos frontières, mais à des centaines ou à des milliers de kilomètres, et qu'elle exige des forces mobiles, efficaces, disponibles, professionnelles.
A partir de ce moment-là, la décision a été prise par le Président de la République de proposer au Parlement le passage de l'armée de conscription à l'armée professionnelle dans les six ans à venir.
Mais je me dois de répondre à un certain nombre d'objections qui ont été formulées soit par M. Paul Girod, soit par M. Mélenchon.
M. Paul Girod a soulevé le problème des menaces intérieures et s'est posé la question de savoir si le passage à une armée professionnelle permettrait de faire face à des risques tels que le terrorisme ou tels que ceux qui sont couverts par des opérations du type Vigipirate.
Je rappelle que l'armée de conscription actuelle comprend six cent mille hommes, civils et militaires, dont deux cent mille appelés. Demain, l'armée professionnelle comportera quatre cent quarante mille hommes, civils et militaires, plus cent mille vrais réservistes, c'est-à-dire des femmes et des hommes qui seront entraînés pour pouvoir soit prendre en charge des activités complémentaires, soit se substituer à des professionnels pour un certain nombre de tâches. A partir de ce moment - là, des missions telles que le plan Vigipirate pourront, à l'évidence, être assurées d'une manière plus efficace dans un certain nombre de cas, car ce seront des professionnels qui en assumeront la responsabilité.
Je souhaite répondre maintenant à M. Mélenchon, qui a abordé le sujet de la défense de notre territoire national en parlant de dérive expéditionnaire ; d'autres intervenants y ont d'ailleurs également fait allusion.
Une telle dérive n'existe pas ! Le premier objectif de nos armées est d'assurer la protection de nos intérêts vitaux et de garantir notre intégrité territoriale et notre souveraineté. Toutefois - je le répète une fois de plus à cette tribune - pour pouvoir assurer cette protection et cette garantie, il convient de dissuader, de prévenir, d'avoir la possibilité de projeter des forces, afin d'éteindre des incendies qui déstabiliseraient telle ou telle partie du monde avec, comme conséquence, à terme, la remise en cause de la sécurité française.
Par conséquent, il n'est pas question de dérive expéditionnaire ! Il s'agit simplement de prendre en compte les nouvelles conditions géostratégiques telles qu'elles sont aujourd'hui analysées.
M. Mélenchon a également fait part de son refus de l'armée professionnelle et de son attachement à l'armée de conscription. C'est un autre débat : celui du service national volontaire ou obligatoire. J'aurai sans doute l'occasion d'y revenir soit au cours de cette discussion, soit lors du débat sur le service national qui s'ouvrira à l'automne prochain.
Bien évidemment, il n'est pas question pour nous de défaire le lien armée-nation. Nous souhaitons, au contraire, le maintenir, grâce à un certain nombre de procédures sur lesquelles je reviendrai.
Je rappelle simplement que l'armée professionnelle telle que nous la proposons s'appuie sur trois composantes : des militaires de carrière et des civils, qui en consititueront le noyau dur ; des jeunes gens volontaires, qui apporteront leurs concours aux forces armées ; enfin, des réservistes, dont le rôle sera défini pour les associer plus étroitement aux missions des armées et de la gendarmerie.
Plusieurs d'entre vous, en particulier M. Trucy, ont posé des questions relatives au personnel militaire. Je leur répondrai par écrit de façon très détaillée, s'ils le veulent bien, car le temps ne me permet pas de faire à cette tribune une analyse qui, je le crains, serait fastidieuse.
Permettez-moi, toutefois, de répondre dès maintenant sur certains points.
S'agissant du droit des militaires à poursuivre leur vie professionnelle dans le secteur privé, le Gouvernement a clairement marqué, vous le savez, son attachement à cette mesure en acceptant un amendement tendant à l'inscrire dans le rapport annexé au projet de loi de programmation.
Je rappelle que ce droit figure dans le Livre blanc sur la défense et que je me suis toujours élevé avec la dernière énergie contre les atteintes qui pouvaient lui être portées.
M. Trucy s'est également préoccupé du sort qui est réservé aux contractuels dans le cadre de la professionnalisation.
Conscient des inquiétudes que peuvent ressentir les personnels concernés, je répète devant vous - je me suis déjà exprimé sur ce sujet devant le Conseil supérieur de la fonction militaire - que les contractuels ne seront pas la variable d'ajustement de la professionnalisation. Il ne serait pas responsable de prétendre instaurer cohésion et sérénité, indispensables à l'efficacité de l'armée professionnelle, si l'on plaçait sa création sous le signe de l'exclusion et de la précarité de certaines catégories professionnelles.
Par ailleurs, plusieurs intervenants, notamment MM. Plasait et Bourges, se sont préoccupés de l'avenir des réserves du fait de la professionnalisation.
Je tiens à rappeler que vous serez amenés, dans les mois à venir à délibérer, sur le statut du réserviste. Ce souhait avait été exprimé dans cet hémicycle lors du débat d'orientation.
Ce statut répondra à un certain nombre d'objectifs.
Le premier objectif est de faciliter le lien entre l'armée et le monde économique.
Le deuxième objectif est de permettre à ces réservistes de voir leur fonction reconnue au sein des armées. En effet, vous l'avez bien compris, les réservistes auront un rôle éminent à jouer dans l'organisation de notre défense.
Enfin, le troisième objectif est d'apporter à ces réservistes, à celles et à ceux qui accepteront de consacrer du temps à la défense de la nation, des garanties en ce qui concerne la protection de leur emploi.
Les réserves comporteront deux catégories de personnes : une catégorie, forte de cinquante mille hommes, sera rattachée à la gendarmerie et une catégorie, de cinquante mille hommes aussi, sera rattachée aux armées.
Enfin, outre ces réserves, sera constituée une réserve de femmes et d'hommes reconnus pour leurs compétences ou leurs qualités professionnelles, qui pourront être mobilisés au cas où la France en aurait besoin.
Plusieurs orateurs se sont exprimés sur l'avenir du service national, pour marquer soit leur hostilité soit leur soutien à la réforme.
Le 28 mai dernier, le Président de la République a proposé aux Français de mettre fin, à compter du 1er janvier prochain, au service national actuel de dix mois et de le remplacer par une courte période obligatoire - le « rendez-vous citoyen » - à laquelle seraient associées des formes civiles et militaires de volontariat.
Dans la perspective du débat qui aura lieu au Parlement, il appartient maintenant au Gouvernement de donner corps à ces orientations, c'est-à-dire de déterminer le contenu exact de ce rendez-vous citoyen et du volontariat.
Cela étant, comme MM. Hérisson, Clouet, de Villepin, Trucy et Bourges l'ont souligné, le coût de ce rendez-vous citoyen pèsera en partie sur le ministère de la défense. Du reste, c'est ce qui a conduit le Gouvernement à présenter dans le présent projet de loi de programmation militaire un amendement tendant à rétablir les effectifs de la Direction centrale du service national. Cet amendement a pour objet d'organiser d'ores et déjà les bases du rendez-vous citoyen et de permettre au Gouvernement de préparer le projet de loi sur le service national, que j'aurai l'honneur de vous soumettre dans quelques mois.
Je n'aborderai pas le fond du sujet ce matin.
Un certain nombre d'entre vous ont fait part de leurs réticences par rapport à un rendez-vous citoyen qui serait trop court. D'autres ont soulevé la question du volontariat, en précisant qu'il conviendrait d'indiquer très clairement quel type de volontariat pourrait être proposé à la jeunesse de France. D'autres, enfin, ont indiqué qu'il serait sans doute souhaitable de maintenir une formation militaire. Tous ces points feront l'objet du débat sur le service national qui aura lieu au mois d'octobre prochain.
Aujourd'hui, la décision qui vous est soumise tend à programmer le passage d'une armée de conscription à une armée professionnelle durant les six ans à venir. Il s'agit de la disposition essentielle de ce projet de loi de programmation.
J'en viens maintenant aux questions industrielles, et d'abord aux grands équipements.
MM. de Villepin, Cabanel, Husson, Trucy et Vinçon ont exprimé leur inquiétude quant à l'avenir du groupe aéronaval, sa capacité défensive et sa permanence.
Il est prévu, vous le savez, que le Charles-de-Gaulle entre en service au second semestre 1999 et connaisse une première grande période d'entretien programmé en 2004, pour une durée de dix-huit mois.
Le Foch , disponible jusqu'en 1999 puis « mis en sommeil », sera réactivité en 2004. En 2005, le Charles-de-Gaulle assurera donc seul la permanence, avec un potentiel nucléaire de l'ordre de sept ans.
L'objectif de permanence approuvé dans la planification conduirait à prévoir la mise en service d'un second porte-avions à partir de 2011, ce qui suppose une commande vers 2004.
Cet objectif pourra être réalisé, comme le Président de la République l'a indiqué aux délégations de personnel et aux syndicats qu'il a rencontrés à Brest le 14 juin dernier, si les conditions économiques le permettent, en particulier si la démarche de gains de productivité de la direction des constructions navales et de réduction des coûts globaux des programmes d'armement est conduite avec succès.
S'agissant du groupe aérien, le Foch continuera de mettre en oeuvre exclusivement des Super-Etendard et des Crusader. Ces derniers seront retirés du service en 1999 et remplacés progressivement par les premiers Rafale mis en oeuvre par le Charles-de-Gaulle.
La capacité de défense aérienne du groupe sera, certes, amoindrie - j'en conviens - entre 1999 et 2002...
M. Emmanuel Hamel. Ah !
M. Charles Millon, ministre de la défense. ... puis pendant la période d'intérim du Foch en 2004, même si elle est compensée par la présence des Hawkeye. Cela ne compromet pas la capacité de projection de puissance du groupe aéronaval, mais constitue un paramètre supplémentaire à prendre en compte dans l'analyse de situation et la manoeuvre tactique du groupe.
MM. de Villepin, Husson et Blin m'ont interrogé sur l'avenir de l'avion de transport futur. A ce propos, la position du Gouvernement est très claire, et je me permettrai de la répéter une fois de plus, car la position du Gouvernement sur l'ATF touche, bien sûr, à l'industrie de l'armement mais, au-delà, à la construction européenne : il n'est pas question pour la France de renoncer directement ou indirectement à la construction d'un avion de transport de nouvelle génération !
Nous savons bien que, pour pouvoir mettre en oeuvre la projection qui est inscrite dans le Livre blanc pour 1994 et qui est rappelée dans le projet de loi de programmation militaire que j'ai l'honneur de vous présenter, il est indispensable d'avoir une capacité de transport garantie. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que soit construit un avion de transport de nouvelle génération.
Si un débat doit s'ouvrir, il concernera la procédure retenue pour pouvoir engager la réalisation de cet avion de transport, les modalités de mise en oeuvre à l'échelon européen, la conception, le développement et la construction de cet avion de transport de nouvelle génération.
Je reviendrai brièvement sur nos objectifs.
Il s'agit, d'abord, de promouvoir une offre européenne.
Nous souhaitons, effectivement, l'émergence d'un consortium européen qui pourra prendre en charge le développement et l'industrialisation de l'avion de transport futur.
Nous souhaitons, effectivement, que cette entité industrielle européenne puisse profiter des développements civils qui ont déjà été réalisés, particulièrement avec les appareils Airbus, dont la France et l'Europe peuvent être fiers.
Nous souhaitons, effectivement, que ce consortium ait à construire un avion qui réponde aux principales missions de nos armées, sans pour autant tomber dans une complexité qui entraîne une augmentation des prix parfois totalement insupportable pour les futurs acheteurs.
C'est la raison pour laquelle non seulement nous appelons de nos voeux cette offre européenne, mais nous mettrons tout en oeuvre pour qu'elle se constitue.
Je précise que les Allemands ont rejoint notre analyse, qu'aujourd'hui, donc, Français et Allemands veulent participer à la constitution de cette offre européenne et que, par ailleurs, un certain nombre de contacts sont pris avec nos autres partenaires européens pour que, effectivement, ce consortium intéresse non seulement les grands pays constructeurs, comme l'Allemagne, la France ou la Grande-Bretagne, mais aussi les autres pays ayant des industries aéronautiques, comme l'Italie, l'Espagne ou d'autres. Tel est le premier objectif.
Le second objectif est la constitution d'une demande européenne. Vous avez été un certain nombre, à cette tribune, soit lors du débat d'orientation, soit lors de la discussion générale de ce projet de loi de programmation, à regretter que certains pays européens aillent acheter sur une étagère des produits américains.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que se constitue une demande européenne, c'est-à-dire que les pays européens se solidarisent pour regrouper leurs commandes d'avions de transport futurs de nouvelle génération, que des engagements fermes puissent être pris, pour qu'offre et demande puissent se rencontrer, que l'effet de série puisse jouer, afin de faire baisser les prix et d'alléger ainsi les budgets de la défense, tout en permettant à l'industrie européenne de défense de s'affirmer et de rayonner non seulement en France, non seulement en Europe, mais dans le monde.
Voilà, en fait, quelle est notre démarche, démarche qui a été retenue par le Président de la République et, maintenant, par l'Allemagne et la France.
Je suis convaincu que cette démarche, si elle est maintenue, aboutira. Je suis convaincu aussi qu'elle permettra des réductions de coût. Je suis convaincu, enfin, qu'elle permettra l'émergence d'une industrie européenne de l'aéronautique et de l'armement.
Je souhaite que cette démarche, engagée aujourd'hui pour l'ATF, inspire d'autres procédures pour d'autres équipements. J'aurai l'occasion, d'ailleurs, de vous le préciser dans quelques instants à propos du char dépanneur puisque c'est exactement la même méthode qui a été retenue.
A toutes celles et à tous ceux qui sont inquiets, je veux dire que, dans ce domaine, la France fait preuve d'innovation. Elle expérimente de nouvelles procédures, et je suis convaincu qu'elle ouvre ainsi un chemin qui débouchera sur la construction d'une véritable défense européenne en matière d'armement.
Comme l'a rappelé M. Demilly, l'Aérospatiale a fait des propositions allant dans ce sens, répondant en cela aux appels du Gouvernement. Nous devons maintenant tenir compte de ces propositions et les approfondir pour permettre à l'Aérospatiale de s'intégrer dans le consortium dont j'ai décrit les contours.
En ce qui concerne le Rafale, sur lequel M. le président de Villepin, M. le président Blin et Roger Husson m'ont interrogé, je tiens à rappeler que c'est le programme qui mobilise le plus de crédits sur la période de la loi de programmation.
Les chiffres, vous les connaissez : plus de 35 milliards de francs lui seront consacrés entre 1997 et 2002, dont près de 25 milliards en production. Sur cette période, 45 appareils seront commandés, dont 14 seront livrés. Les premiers appareils air seront d'ailleurs disponibles dès 1999, ce qui est de nature, je l'espère, à favoriser l'exportation.
Mais permettez-moi de faire quelques remarques.
Tout d'abord, s'il est vrai que l'existence d'un escadron en 2000 augmenterait nos chances à l'exportation, l'expérience française récente montre que nous pouvons exporter des armements et les voir entrer en service dans les armées étrangères avant la constitution d'unités dans nos armées. Si donc il est préférable d'avoir les équipements dans nos armées pour pouvoir exporter, ce n'est pas une condition nécessaire. J'en veux pour preuve le cas du Mirage 2000.
Ma seconde remarque concerne les durées de vie et de service des avions de combat.
Le Mirage 2000 est aujourd'hui en service dans l'armée de l'air sous six versions différentes. Les premiers appareils sont arrivés à Dijon en 1984, soit vingt ans après les premiers Mirage III. Après dix ans de service, le Mirage 2000 est arrivé à sa pleine maturité.
Le premier escadron de Rafale sera constitué en 2005, soit vingt ans après le Mirage 2000, et nous attachons la plus grande attention, à travers la programmation 1997-2002, à ce que les appareils livrés à cette date répondent pleinement aux besoins de l'armée de l'air et correspondent parfaitement à ses attentes.
J'ajoute que, si les gains de productivité, les baisses de coût nous permettent d'accélérer les commandes, nous le ferons, car nous avons, bien sûr, retenu les remarques qu'ont faites un certain nombre d'entre vous, selon lesquelles il serait meilleur, et même excellent, pour l'industrie aéronautique française qu'elle puisse précipiter le mouvement, si elle ne veut pas de nouveau être rattrapée par la concurrence internationale.
C'est la raison pour laquelle nous mettrons tout en oeuvre pour baisser les coûts au niveau de la DGA et augmenter ainsi la productivité.
L'objectif de 30 p. 100 de réduction des coûts et des délais des programmes fixé à la DGA est en effet de nature à dégager des marges financières. Comme je l'ai indiqué, ces marges permettront de modifier les échéanciers des programmes d'armement. Il pourra, comme le souhaite M. Husson, en être ainsi du programme Tigre.
Je tiens d'ailleurs, à ce stade, à faire le point sur un sujet auquel M. Blin et M. Husson sont attachés, et qui a donné lieu à des discussions parfois serrées : je veux parler des cibles de programmes d'hélicoptères.
Je me permets d'insister sur les chiffres que je vais donner, car ce sont les seuls qui font l'objet de négociations et de programmation.
Concernant le Tigre, le modèle d'armée à l'horizon 2015 fait apparaître environ 180 hélicoptères armés en ligne. A cette échéance, il s'agira de 120 hélicoptères Tigre et de 60 hélicoptères Gazelle.
Au-delà de 2015, les livraisons de Tigre sont appelées à se poursuivre pour remplacer les Gazelle. Cela correspond, en tenant compte de l'attrition et des besoins de formation, à une cible totale de 215 hélicoptères Tigre.
La cible sur la base de laquelle ont été établis les accords d'industrialisation est donc inchangée.
Pour le NH90, la situation est différente. La phase de développement de l'appareil est en cours d'achèvement et c'est prochainement que s'engageront les négociations relatives à l'industrialisation. A ce stade, tous les chiffres avancés comme cible de ce programme ne sont que des estimations.
Mais les orientations prises en matière de projection nécessitent, nous le savons, un renforcement à terme de notre aéromobilité. Il est donc prévu de doter progressivement l'armée de terre d'un premier régiment de NH90 pour 2015. Au-delà de cette date, un second régiment est envisagé. La marine, pour sa part, a prévu de se doter de 27 appareils à partir de 2004. Globalement, les besoins français s'élèvent à près de 160 appareils.
Je crois avoir répondu ainsi à un certain nombre d'interrogations, voire d'inquiétudes, qui s'étaient fait jour soit dans cet hémicycle, soit dans les commissions, soit dans les entreprises.
J'ose espérer que la sérénité reviendra pour pouvoir envisager maintenant la suite de cette programmation avec nos partenaires européens, comme avec les industriels et les ouvriers français.
M. de Villepin s'est interrogé sur les conséquences industrielles des évolutions des cibles et des cadences du char Leclerc. M. Roger Husson, pour sa part, a exprimé son inquiétude quant à l'absence supposée de chars dépanneurs.
La cible du programme pour la France est de 406 chars. Ils seront commandés - je pense que cela intéresse aussi M. Neuwirth - par l'armée de terre à une cadence de 44 chars par an et livrés à partir de l'année prochaine à raison de 33 chars par an. C'est, il faut le savoir, la cadence compatible avec la capacité industrielle de GIAT Industries compte tenu des commandes en cours. Ce sont là les hypothèses retenues pour l'élaboration du plan de retour à l'équilibre de la société.
L'amélioration sensible de la compétitivité et de la santé financière de GIAT Industries permettra, je l'espère, d'aborder les marchés extérieurs potentiels avec de bonnes chances de succès. Je souhaite que nous puissions tous déployer nos efforts pour augmenter cette capacité d'exportation de l'armement, en particulier du char Leclerc, car je suis convaincu qu'il s'agit là d'un produit tout à fait exceptionnel.
Concernant le char dépanneur, auquel j'ai fait référence voilà quelques instants, je tiens à indiquer qu'il fait partie des différents programmes d'environnement du char Leclerc. Il est donc bel et bien prévu par cette programmation. C'est une quarantaine de véhicules qui sont envisagés.
La procédure d'acquisition retenue est celle d'une mise en concurrence entre GIAT Industries et l'Allemand MAK. L'émulation est un facteur de compétitivité. Pour ma part, j'ai toutefois entière confiance dans la compétitivité de GIAT Industries et dans la qualité de ses produits, comme en attestent aujourd'hui ses commandes étrangères. J'émets donc le voeu que la conclusion soit positive.
Enfin, M. Lucien Neuwirth, avec toute la passion attachée à l'enracinement, a attiré notre attention sur GIAT Industries et sur les péripéties malheureuses qui ont caractérisé la vie de cette entreprise depuis un certain nombre d'années.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapporteur. Il a eu raison !
M. Charles Millon, ministre de la défense. Oui, monsieur Neuwirth, la pérennité du centre GIAT Industries de Saint-Etienne sera assurée et son développement poursuivi !
Les compétences en matière d'armes légères, mais aussi tous les efforts de diversification seront valorisés.
Les récents succès remportés par GIAT Industries, notamment pour ce qui est des masques à gaz fournis à l'armée américaine, montrent combien la démarche que nous avons engagée pour cette entreprise est une démarche d'avenir.
Saint-Etienne est le pôle français des armes légères et du développement d'activités nouvelles au sein de l'entreprise.
M. Lucien Neuwirth. Très bien !
M. Charles Millon, ministre de la défense. J'aurai l'occasion de le redire au président du conseil d'administration de GIAT Industries, je souhaite qu'il y ait une mobilisation non seulement de l'entreprise dans ses structures internes, mais aussi des élus concernés pour qu'effectivement GIAT Industries redevienne cette grande entreprise française et européenne apte à mettre sur le marché des produits de haute compétitivité.
MM. Xavier de Villepin, rapporteur, et Lucien Neuwirth. Très bien !
M. Charles Millon, ministre de la défense. Je veux, à ce stade, faire le point sur la part accordée par ce projet de loi à la coopération européenne.
Je tiens, à ce propos, à rassurer M. Vinçon : c'est bien à un ancrage européen de notre défense que nous allons assister dans les six années à venir.
D'ailleurs, j'invite ceux qui ont prétendu que l'on était en train de renoncer à la coopération européenne à venir me rencontrer ; je leur donnerai la description des quarante programmes européens qui caractérisent actuellement la démarche française.
Non seulement il n'y a aucun amoindrissement, mais, bien au contraire - j'ai eu l'occasion de le confirmer lors de déplacements à Londres et à Bonn - il y a affirmation de la démarche européenne dans le domaine de l'armement.
La part relative de nos moyens consacrée aux programmes en coopération va d'ailleurs pratiquement doubler, comme l'a souligné M. de Villepin. La structure d'armement franco-allemande poursuit sa montée en puissance. Lors du sommet de Dijon, le Président de la République et le chancelier Kohl ont confirmé notre volonté commune de continuer sur la voie tracée et de développer le noyau franco-allemand d'une défense européenne.
Ils ont confirmé les programmes réalisés en commun, qu'il s'agisse des hélicoptères Tigre et NH90, des satellites d'observation Hélios II et Horus, des missiles de croisière de la famille Apache, du missile antinavire futur.
Nous sommes convenus, avec mon collègue Volker Rühe, de la nécessité de réaliser un avion européen de transport de nouvelle génération, selon l'approche commerciale innovante que je vous ai indiquée il y a quelques instants.
A M. Yvon Bourges, je veux confirmer que, si les ressources budgétaires de notre pays le permettent, ou si l'action de réduction des coûts que j'ai engagée aboutit, il sera possible de compléter et de renforcer les programmes d'équipement de nos armées.
C'est la réalisation de cet objectif qui permettra de dégager les marges financières facilitant l'accélération des commandes et les fabrications de nombreux programmes, dont le Rafale, l'avion de transport de nouvelle génération, le Tigre, le NH90.
C'est la raison pour laquelle je soutiens totalement le délégué général pour l'armement, qui engage une véritable révolution dans les modes d'acquisition de nos armements.
Le raisonnement économique sera à la base de toutes les démarches que nous allons maintenant entreprendre. La conception à coût objectif, la mise en concurrence, une plus grande responsabilisation des acteurs, telles sont les grandes orientations sur lesquelles travaillent actuellement les services du ministère.
Voilà une réforme qui n'en est qu'à ses débuts. Je souhaite qu'elle aboutisse rapidement car, à partir du moment où elle produira des résultats, la loi de programmation nous offrira des espaces de souplesse, ce qui permettra d'accélérer un certain nombre de commandes.
MM. de Villepin m'a interrogé sur le déroulement de la privatisation de Thomson SA ainsi que sur le rapprochement entre Dassault Aviation et l'Aérospatiale.
En ce qui concerne ces deux entreprises, le comité de pilotage regroupant les directions s'est réuni à de nombreuses reprises. Comme prévu, il remettra ses propositions avant le 30 juin, et j'ai bon espoir que ce rapprochement, qui aboutira à une fusion, aille à son terme.
Pour ce qui est de Thomson, le processus de privatisation est en cours. Le président de l'entreprise conduit les consultations nécessaires avec les principaux industriels du secteur et il remettra ses conclusions au Gouvernement avant la fin du mois de juillet. Mais vous comprendrez aisément, monsieur de Villepin, vous qui êtes très averti sur ces sujets, que je ne puisse vous en dire plus aujourd'hui s'agissant d'une procédure de privatisation.
En ce qui concerne les exportations, je vous ai entendu. Je vous avais d'ailleurs déjà entendu au mois de mars dernier, lors du débat d'orientation.
M. Xavier de Villepin, rapporteur. Très bien !
M. Charles Millon, ministre de la défense. Je vous avais déjà dit à l'époque qu'il ne me paraissait pas possible, pour la France comme pour l'Europe, de conserver une industrie française ou européenne en matière d'armement et d'aéronautique si l'on n'engageait pas une politique d'exportation dynamique, je dirais même agressive dans certains cas.
M. Lucien Neuwirth. C'est vrai !
M. Charles Millon, ministre de la défense. Nous sommes dans un monde où tous les budgets de défense ont été réduits, dans un monde où se livre aujourd'hui une véritable guerre économique dans le domaine de l'armement et de l'aéronautique.
C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à mes collaborateurs de préparer un plan concernant le soutien et le développement des exportations françaises en matière d'armement et d'aéronautique.
Ce plan sera étudié non seulement par le ministère de la défense, mais également par les services de M. le Premier ministre, car il suppose une démarche interministérielle, et par M. le Président de la République. Ce plan relève, en effet, de la défense française, qui intéresse au plus haut point le chef de l'Etat.
Il sera ensuite soumis au Parlement avant la fin de l'année. A cet égard, je compte non seulement sur votre soutien, mais aussi sur votre participation, sur vos propositions quant à l'aide à l'exportation française en matière d'armement et d'aéronautique. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Permettez-moi maintenant de traiter quelques autres questions qui ne figurent pas parmi les grands thèmes que je viens d'évoquer mais qui sont toutefois importantes.
Tout d'abord, un certain nombre d'entre vous ont évoqué le calendrier des restructurations et m'ont demandé comment j'allais les annoncer.
Je l'ai déjà dit et je le confirme : dans le courant de l'été, j'annoncerai les restructurations militaires qui sont la conséquence de cette loi de programmation pour les années 1997 et 1998.
Certains d'entre vous ont souhaité que l'annonce porte sur les trois prochaines années et non sur les deux prochaines.
M. Xavier de Villepin, rapporteur. Absolument !
M. Charles Millon, ministre de la défense. Je les ai entendus.
M. Xavier de Villepin, rapporteur. Très bien !
M. Charles Millon, ministre de la défense. Je fais d'ailleurs actuellement étudier par les états-majors ainsi que par mes services la possibilité de faire cette annonce au cours du mois de juillet, afin de permettre aux familles ainsi qu'aux personnels militaires et civils de prendre leurs dispositions pour que ces restructurations puissent ne pas être un élément traumatisant pour leur vie familiale et professionnelle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
S'agissant de la gendarmerie, vous savez que ses effectifs vont augmenter de 4,5 p. 100 au cours de la période de programmation. Au sein d'un ministère dont le nombre d'emplois va diminuer de près de 25 p. 100 en six ans, cette progression constitue une exception qui vaut d'être relevée.
Il est exact, comme l'a souligné M. Maurice Blin, que cette augmentation sera imputable au recrutement, sur la base du volontariat, de 4 200 gendarmes auxiliaires supplémentaires. Mais, d'une part, ces volontaires seront recrutés pour une période de deux ans, alors que les gendarmes auxiliaires actuels effectuent entre dix mois et dix-huit mois de service militaire, et, d'autre part, si le nombre de professionnels de la gendarmerie reste stable, celui des officiers va croître sensiblement, puisque 1 389 postes supplémentaires seront créés dans les six prochaines années.
Je veux enfin rassurer M. Bernard Plasait, qui s'inquiète d'un affaiblissement du maillage territorial de la gendarmerie en zone rurale.
Non seulement ce maillage sera maintenu, même s'il doit être ici ou là adapté, mais il sera renforcé par une augmentation des effectifs des brigades territoriales ou par la création d'un certain nombre de pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie, les PSIG.
La fonction de proximité qu'assure la gendarmerie est trop précieuse pour nos concitoyens, pour la défense et pour l'Etat - vous l'avez souligné à bien des reprises - pour être sacrifiée. Elle sera donc améliorée.
Voilà, mesdames, messieurs les députés,...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Les sénateurs !
M. Jean-Luc Mélenchon. Cela fait deux fois depuis hier !
M. Charles Millon, ministre de la défense. En effet ! Je vous prie de bien vouloir m'excuser...
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques réflexions dont je voulais vous faire part pour répondre à vos interrogations. Je sais qu'elles ont été partielles.
M. Claude Estier. Et partiales !
M. Charles Millon ministre de la défense. La raison en est simple : vous avez abordé nombre de questions, mais nous les traiterons lors des débats portant sur la réforme du service national qui se dérouleront dans cette assemblée à l'automne prochain.
Vous avez rappelé, unanimement je crois - tout particulièrement M. Machet : j'ai écouté avec émotion et conviction son plaidoyer à ce sujet - à quel point la défense est enracinée dans l'histoire, la mémoire et le paysage de la France. Loin d'être une convention ou une abstraction, le lien entre l'armée et la nation est une réalité concrète, une expérience quotidienne.
L'ambition que porte la réforme de notre défense est bien entendu de préserver, voire de renforcer ce lien entre les Français et l'armée, les Français et la nation.
L'augmentation du nombre des carrières courtes, l'importance croissante dévolue à la réserve et la permanence d'un volontariat militaire assureront un flux d'échanges permanent entre le monde civil et le monde militaire. Elles permettront, je l'espère, au coeur de la nation et au coeur des armées de battre au même rythme.
Cette réforme exprime aussi la volonté de permettre l'indispensable rencontre entre la nation et sa jeunesse. Le débat qui s'est déroulé ces derniers mois dans les communes de France et dans les assemblées a révélé que le développement de l'autonomie et la préférence pour le choix personnel n'étaient pas contradictoires avec la générosité et le renforcement de la cohésion nationale.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, cette réforme n'est pas seulement une réforme militaire, une réforme stratégique, une réforme industrielle, elle représente une véritable ambition de société. Elle doit permettre à la jeunesse de France de retremper sa citoyenneté, de se mettre, à travers un volontariat affirmé, au service de la nation et de ce que le général de Gaulle a appelé « une certaine idée de la France ». (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Exception d'irrecevabilité