M. le président. M. Adrien Gouteyron attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'afflux des étudiants vers le DEUG de sciences et techniques des activités physiques et sportives.
Après des disciplines comme l'histoire, la psychologie et la médecine, qui ont connu un fort engouement des étudiants jusqu'en 1994, les filières sportives font l'objet depuis deux ans d'une très forte demande des bacheliers, qui apparaît en fait disproportionnée par rapport aux capacités des UFR - unités de formation et de recherche - susceptibles de les accueillir et aux débouchés offerts, qui, pour l'essentiel se réduisent aujourd'hui au professorat. Lors des dernières inscriptions universitaires, 35 000 candidats se seraient manifestés dans les trente-deux UFR qui proposent ces formations, leurs capacités d'accueil ayant été portées de 3 800 à 7 400 places entre 1995 et 1996. Cette demande excessive n'épargne aucune région : 2 000 postulants pour 800 places en Ile-de-France, 800 pour 250 à Aix-Marseille, 1 300 pour 340 à Rennes, 750 pour 180 à Nice. Afin de répondre à cet afflux, trois nouvelles UFR ont été habilitées et plusieurs délocalisations ont été décidées.
Il ne peut que s'interroger sur le bien-fondé de la réponse apportée par le Gouvernement à cet engouement massif et quelque peu irrationnel des bacheliers pour les filières sportives, compte tenu notamment du coût de leur encadrement, des infrastructures nécessaires à ces formations et surtout de leurs débouchés limités.
En conséquence, il exprime la crainte qu'une information des bacheliers ne soit insuffisante pour enrayer ce mouvement et demande au ministre si un aménagement de la loi de 1984 sur l'organisation de l'enseignement supérieur ne serait pas nécessaire pour réduire l'afflux des bacheliers vers les sciences et techniques des activités physiques et sportives. (N° 442.)
La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quelques années, la situation observée à l'entrée à l'université, dans certaines disciplines, illustre parfois jusqu'à la caricature les difficultés que rencontre notre système universitaire pour assumer un passage régulier, raisonné et raisonnable des flux de bacheliers vers l'enseignement supérieur.
L'afflux de candidats aux études d'histoire ou de médecine qui fut constaté voilà quelques années se retrouve aujourd'hui dans les unités préparant au DEUG de sciences et techniques des activités physiques et sportives.
On me dit que, pour cette rentrée, quelque 35 000 candidats se seraient manifestés dans les trente-deux UFR qui dispensent cette formation. Ce nombre est beaucoup trop élevé si on le compare en particulier aux possibilités de débouchés à l'issue de ces formations, qui se réduisent pratiquement aux seules carrières de l'enseignement. Or, monsieur le ministre, et c'est la raison pour laquelle j'ai posé cette question, la seule réponse apportée à ce problème a consisté, d'une part, à augmenter, autant que faire se pouvait, les capacités d'accueil des UFR qui couvrent ces formations, d'autre part, à habiliter de nouvelles UFR pour cette filière.
C'est une réponse. Est-ce la bonne, compte tenu des moyens dont nous disposons ? Est-ce la bonne, compte tenu aussi de l'intérêt de ces étudiants, de leur devenir ?
Tout au long de l'année scolaire qui vient de s'écouler, n'aurait-il pas été possible de faire en sorte que les futurs bacheliers soient mieux informés sur ce qui les attendait ? Ne pouvait-on pas prendre des dispositions pour que les choses se passent un peu mieux ? A la limite, quand se produisent des phénomènes aussi aberrants que celui-ci, la loi ne mériterait-elle pas quelques adaptations, fussent-elles limitées, puisqu'il ne s'agit pas de porter atteinte à son esprit ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Gouteyron, nous avons beaucoup parlé ensemble de cette situation et je suis heureux que vous me donniez l'occasion de faire part à la Haute Assemblée de quelques réflexions, non pas seulement sur les formations universitaires d'éducation physique et sportive, mais encore sur un certain nombre de dysfonctionnements qui doivent être corrigés rapidement.
La filière de l'éducation physique et sportive attire beaucoup d'étudiants et, pour l'instant, les débouchés ne sont pas ce qu'ils devraient être. Nous n'offrons en effet que des débouchés dans l'enseignement, ce qui est très peu, vous avez raison de le souligner. Cette année, 830 places étaient proposées au concours de professeur d'éducation physique et un certain nombre de candidats pouvaient espérer également se présenter au concours de professeur des écoles. L'ensemble représente donc quelques centaines de places, peut-être un peu plus d'un millier, à comparer aux 5 000 étudiants qui se sont orientés dans cette voie il y a trois ans, aux 8 000 étudiants inscrits il y a deux ans et aux 11 000 à 12 000 étudiants de cette année ! Nous avons ainsi dû multiplier par trois en trois ans les places disponibles pour ces formations.
La première réaction de ceux qui ont à gérer les universités est l'incompréhension : comment se fait-il que tant de jeunes choisissent ces formations, alors que, vous ne l'avez pas rappelé, mais je me permets de le faire, nous les avons informés sur ce qui les attendait ? Chaque élève de terminale a en effet été destinataire d'un dossier complet sur les voies qui s'offraient à lui, dossier dans lequel nous mettions en garde sur une éventuelle orientation en éducation physique et sportive. L'incompréhension des gestionnaires de l'université est donc parfois teintée d'agacement devant la vanité de ces avertissements.
Avec un peu de recul, on s'aperçoit que la société française tout entière a la même attirance pour le sport. Quels sont les programmes qui réalisent le taux d'audience le plus important - supérieur à 50 % - sur toutes les chaînes ? C'est évidemment le sport ! Quels sont les événements qui font se rencontrer la nation ? Ce sont les événements sportifs ! Quelles sont les activités qui sont aujourd'hui valorisées à tous égards dans la vie quotidienne ? Ce sont les activités physiques et sportives !
Il existe donc une demande sociale pour le sport, dont le nombre d'inscriptions des étudiants dans les filières d'éducation physique et sportive n'est qu'une traduction.
Je dis aux étudiants que je rencontre qu'ils n'auront pas de débouché. Mais, me répondent-ils, en aurons-nous davantage en sociologie et en psychologie, pour ne prendre que deux exemples sur une très longue liste ? Seulement, vous considérez, me disent-ils, qu'en sociologie et en psychologie la formation dispensée peut être utile pour exercer d'autres activités. Permettez, poursuivent-ils, que nous considérions qu'il en va de même en matière d'éducation physique. Cette formation pourra nous servir dans d'autres activités tout au long de notre vie.
Les étudiants n'ont pas tout à fait tort de penser - là, je suis de leur avis - que de nouveaux métiers d'animation physique et sportive vont apparaître ce ne serait que logique, dans une société qui a une demande sociale aussi forte que la nôtre.
Je me rapprocherai de M. le ministre délégué à la jeunesse et aux sports afin de tenter de codifier ces métiers et d'apporter une formation beaucoup plus complète.
Voilà pour ce qui est de la réflexion sur l'éducation physique et sportive. J'en viens maintenant aux procédures d'inscription.
Ce n'est pas la première fois, monsieur Gouteyron, que vous m'entendez dire que les procédures d'inscription chronologiques sur minitel sont une aberration. Je ne puis me résoudre à penser qu'en France nous soyons à ce point démunis, sur le plan administratif, qu'il nous faille consacrer des procédures qui sont insupportables pour l'esprit et heurtent le bon sens. En effet, selon que vous vous connectez une seconde plus tôt ou une seconde plus tard, selon que vous tombez ou non dans un créneau libre sur le serveur vous êtes inscrit ou non.
J'ai indiqué par toutes les voies possibles que je trouvais cette procédure insupportable, y compris pour les valeurs universitaires. Cependant, la vérité m'oblige à dire que, si les universités ont été obligées de l'adopter, c'est parce que de précédents jugements les y avaient contraintes. Je crois, comme vous, que nous ne pouvons pas continuer ainsi. En tout cas, je suis déterminé à mettre un terme à cette procédure.
Ainsi, dès cette année, nous mettrons en place des systèmes nouveaux. Vous le savez, dans mon esprit, ils sont liés à la réforme de l'université, notamment à la création de ce semestre initial pendant lequel les étudiants se consacreront à l'orientation.
C'est cette année que tout va changer.
Certes, un problème immédiat se pose. Nous avons essayé de le résoudre comme nous le pouvions, en multipliant les places. Ce n'est peut-être pas la meilleure des solutions, en effet, mais que faire ? Interdire aux étudiants de tenter leur chance ? Maintenir des procédures absurdes ? Ces deux solutions étaient, à mes yeux, inacceptables.
Je suis persuadé que nous pourrons trouver des solutions pour le plus grand nombre d'étudiants et que, l'année prochaine, des systèmes nouveaux seront en place pour que ces dysfonctionnements ne se pérennisent pas.
M. Adrien Gouteyron. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Je souhaite remercier M. le ministre de sa réponse. L'analyse quasi sociologique qu'il a faite pour expliquer cet engouement pour les filières sportives est, bien entendu, juste, mais l'explication des causes ne justifie pas le fait.
Monsieur le ministre, vous avez dit que l'information écrite avait été largement diffusée.
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Et pour la première fois !
M. Adrien Gouteyron. C'est vrai, mais ce n'est pas une raison pour s'arrêter là.
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Bien sûr !
M. Adrien Gouteyron. Encore faut-il individualiser, personnaliser davantage cette information. Encore faut-il faire en sorte que les relations entre les universitaires et les responsables des lycées soient plus étroites.
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Vous avez tout à fait raison.
M. Adrien Gouteyron. Il y a encore, à ce niveau-là, j'en suis convaincu, des choses à faire.
Vous avez dit ensuite que tout allait changer - je m'en réjouis - avec la nouvelle organisation de l'année universitaire. Rendez-vous donc, monsieur le ministre, l'année prochaine ! Je souhaite en effet que progressivement de telles situations soient corrigées et que les étudiants ne se fourvoient pas.
Je souhaite également, tout comme vous, que les formations conduisent à des débouchés ; ce sera peut-être le cas un jour, mais ce n'est pas vrai actuellement. Les responsables de collectivités locales que nous sommes le regrettent, mais savent bien qu'ils ne peuvent pas toujours recruter les animateurs dont ils auraient besoin.
RENTRÉE À L'UNIVERSITÉ D'ARTOIS