M. le président. « Art. 13. - La prestation spécifique dépendance à domicile ne peut être utilisée qu'à la rémunération du ou des salariés qui apportent leur aide au bénéficiaire de celle-ci, du service d'aide à domicile qui a fait l'objet d'un agrément dans les conditions fixées par l'article L. 129-1 du code du travail ou des services rendus par la personne qui accueille ledit bénéficiaire tels que définis au 1° de l'article 6 de la loi n° 89-475 du 10 juillet 1989 relative à l'accueil par des particuliers, à titre onéreux, des personnes âgées ou handicapées adultes.
« Toutefois, la prestation spécifique dépendance peut être utilisée par toute personne remplissant les conditions posées à l'article premier et qui doit faire face à des dépenses autres que de personnel dont la nécessité a été constatée dans le cadre de la visite mentionnée à l'article précédent pour acquitter celles-ci dans la limite d'un plafond et selon des modalités d'attribution et de contrôle déterminés par décret. »
Par amendement n° 66 rectifié, Mme Dieulangard, MM. Huguet, Peyronnet et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, dans le premier alinéa de cet article, après les mots : « ou des salariés », les mots : « demandeurs d'emploi, inscrits à l'Agence nationale pour l'emploi, agréés et ayant bénéficié d'une formation appropriée. »
La parole est à M. Huguet.
M. Roland Huguet. Certes, la rédaction de notre amendement peut apparaître quelque peu restrictive par rapport à la possibilité, qui a été évoquée, d'accorder la prestation spécifique dépendance à des membres de la famille qui peut-être ne seraient pas demandeurs d'emplois. Mais, pour nous, l'attribution de cette prestation doit bénéficier à l'emploi. Nous insistons par conséquence pour que les bénéficiaires soient des demandeurs d'emploi.
Quant à la mention : « ayant bénéficié d'une formation appropriée », M. Barrot a bien voulu indiquer qu'il y était favorable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je comprends l'objectif qui est visé, eu égard à la situation de l'emploi, par M. Huguet et ses collègues, mais la rédaction qu'ils proposent aurait l'inconvénient majeur d'exclure les membres de la famille qui interviennent déjà à domicile auprès d'une personne âgée dépendante.
Cela dit, les dispositions que nous proposons nous-mêmes auront des retombées en termes de création d'emplois. Vous l'avez d'ailleurs reconnu en commission, monsieur Huguet, et vous avez donné l'exemple tout à fait intéressant de ce qu'il en était dans votre département.
Par conséquent, nous émettons un avis défavorable sur l'amendement n° 66 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 66 rectifié.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Cet amendement apporte, selon moi, des précisions intéressantes quant aux caractéristiques du salarié qui fournira une aide à la personne dépendante : il devra être demandeur d'emploi, agréé - je sais bien que nous avons eu un débat en commission sur l'agrément - et avoir bénéficié d'une formation appropriée.
L'intervention auprès de personnes âgées dépendantes exige une qualification tout à fait spécifique. Or l'amour, aussi indéfectible soit-il, ne donne pas une qualification ; il peut donner une sensibilité, une qualité relationnelle, et c'est déjà capital, mais il ne permet de savoir comment on peut travailler de la manière la plus appropriée auprès de personnes physiquement ou psychologiquement dépendantes.
C'est d'ailleurs pour cette raison que je suis hostile, sauf exception, à l'emploi d'un membre de la famille.
Nous avons donc une position radicalement opposée à celle du rapporteur. Nous considérons, nous, que les notions d'agrément - car l'agrément suppose une qualification - et de formation doivent figurer dans un tel texte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 66 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 44, Mme Demessine, M. Fischer, Mme Fraysse-Cazalis, MM. Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste, républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa de l'article 13, après les mots : « aide à domicile », d'insérer les mots : « associatif ou dépendant d'organismes publics ».
La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement tend à préciser que les services à domicile rémunérés par le biais de la prestation spécifique dépendance ne peuvent être le fait que de services associatifs ou dépendant d'organismes publics.
Les aides à domicile ont pour mission d'accomplir chez les personnes âgées un travail matériel, moral et social. Leur tâche dépasse les attributions d'une femme de ménage. Les aides à domicile doivent assurer une présence active de qualité auprès de la personne âgée et avoir suivi une formation qualifiante.
Ces personnels exercent leurs fonctions auprès des personnes subissant une perte d'autonomie et leur apportent une aide dans l'accomplissement des tâches et activités quotidiennes, leur permettant ainsi de se maintenir dans leur milieu de vie habituel et d'éviter les ruptures de liens sociaux.
Il s'agit d'une mission que l'on pourrait qualifier d'intérêt général et même de service public.
A notre avis, il n'est pas pensable que des entreprises privées, dont le but premier n'est pas de répondre aux besoins sociaux, puissent rechercher un quelconque profit dans ce secteur.
Les personnes âgées dépendantes ne sont pas un produit. Or, dans votre texte, rien ne s'oppose à ce qu'elles en deviennent un.
Nous savons que de grands groupes ont commencé à créer des structures pour intervenir dans ce secteur. Ne risque-t-on pas de voir de tels groupes se battre pour obtenir le « marché de la dépendance » ou faire pression pour que, par exemple, telle ou telle prestation jusque-là du ressort d'organismes publics soit privatisée, à leur bénéfice ?
Verra-t-on, après les scandales de l'eau, des scandales de la dépendance ?
Pour éviter de telles dérives, mieux vaut s'opposer dès maintenant à la possibilité qui est offerte par la proposition de loi d'une intervention à domicile d'entreprises dont le but principal reste tout de même le profit.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mme Demessine se livre à un véritable procès d'intention à l'égard des entreprises. Il est bien évident que la Haute Assemblée ne peut pas suivre la proposition qui nous est faite et qui serait d'ailleurs contraire à l'article L. 129-1 du code du travail, récemment complété par la loi du 29 janvier 1996.
Notre avis est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 44, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 22, Mme Joëlle Dusseau propose, dans le second alinéa de l'article 13, après les mots : « dans la limite d'un plafond », d'insérer les mots : « qui ne peut excéder 10 % de la prestation ».
La parole est à Mme Joëlle Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. A mes yeux, l'élément essentiel de ce texte est le fait de prévoir que la prestation sera une prestation en nature, c'est-à-dire qu'elle correspondra nécessairement à un service effectif.
Subsiste néanmoins le problème d'une partie de la prestation qui pourrait être versée directement à l'intéressé.
Le projet de Mme Codaccioni prévoyait un plafond de 10 %. J'ai repris cette idée, la proposition de loi renvoyant sur ce point à un décret. En effet, il me semble nécessaire de fixer dans la loi une limite à l'utilisation directe d'une somme d'argent par la personne âgée.
Selon moi, il faut que l'essentiel de cette prestation soit effectivement utilisée sous forme d'une aide apportée par des professionnels.
S'agissant du portage des repas, que M. le rapporteur avait notamment évoqué en commission, je voudrais qu'on s'assure que le prix du portage n'est pas supérieur au prix de ce qu'il y a dans l'assiette. (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce que nous avons voulu, avec le second alinéa de l'article 13, c'est faire en sorte que la personne âgée puisse bénéficier, à son domicile, non seulement du service d'une personne pour l'aider dans des actes essentiels de la vie quotidienne, mais également d'autres prestations en nature que celles qui sont spécifiquement servies aux personnes âgées.
Nous sommes allés jusqu'à imaginer que puissent être pris en charge, dans des limites qui seraient fixées par décret, une partie de travaux d'aménagement du logement de la personne ou le service de repas à domicile, auquel Mme Dusseau a fait allusion. A ce propos, bien entendu, il n'est pas question que la prestation prenne en charge le repas lui-même : il ne s'agit que du service.
Il ne me paraîtrait pas prudent de fixer dès à présent à 10 % la limite de ces prestations servies de manière connexe à la personne âgée.
Il est vrai que, lorsque nous avions étudié le texte déposé par Mme Codaccioni, nous avions envisagé le dépôt d'un amendement fixant une telle limite de 10 %, de manière que la personne puisse bénéficier d'une aide en espèces pour faire face à des besoins tels que l'incontinence. Mais, l'incontinence pourra être prise en considération grâce aux dispositions que nous avons prévues et qui sont beaucoup plus générales.
Madame Dusseau, je souhaite également vous répondre sur deux points de votre intervention précédente, concernant l'agrément et la formation. Vous pourrez constater, lorsque sera examiné un amendement après l'article 14, que nous abordons la question de la formation.
A partir du moment où nous aurons trouvé une solution concernant la formation des personnes qui interviendront à domicile, je pense que, du même coup, nous aurons réglé le problème de l'agrément parce que nous aurons l'assurance que les personnes qui interviendront chez la personne âgée auront une qualification telle qu'elles sauront éviter les erreurs qui ont été signalées notamment par Mme Dieulangard et que l'on peut effectivement redouter.
Peut-être, madame Dusseau, cette réponse sera-t-elle de nature à vous encourager à retirer votre amendement.
M. le président. Madame Dusseau, êtes-vous sensible à l'appel de M. le rapporteur ?
Mme Joëlle Dusseau. J'y suis sensible à condition qu'il soit bien établi que, dans l'esprit de notre assemblée, la plus grande partie de la prestation doit correspondre effectivement à des services spécifiquement destinés à des personnes âgées dépendantes.
Je crains qu'on ne commence à dire que, dans un certain nombre de cas, la prestation doit être versée en espèces, qu'on peut laisser le bénéficiaire en disposer à sa guise, et que, finalement, le décret ne soit pas suffisamment restrictif.
Si j'ai l'assurance que la rémunération des personnes qui apporteront des services constituera l'essentiel de cette prestation, je retirerai mon amendement.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Pour ma part, je ne peux que vous le confirmer, ma chère collègue. Je pense que M. le secrétaire d'Etat pourra également l'indiquer, ce qui évitera toute ambiguïté quant à l'interprétation du texte.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. L'échange qui vient d'avoir lieu entre Mme Dusseau et M. le rapporteur illustre le point d'équilibre auquel nous devons parvenir.
C'est bien volontiers que je vous confirme, madame Dusseau, que l'état d'esprit du Gouvernement sur cette question très importante est en parfaite harmonie avec celui de la commission.
M. le président. Madame Dusseau, compte tenu des propos que viennent de tenir M. le rapporteur et M. le secrétaire d'Etat, retirez-vous votre amendement ?
Mme Joëlle Dusseau. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 22 est retiré.
Par amendement n° 45, Mme Demessine, M. Fischer, Mme Fraysse-Cazalis, MM. Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste, républicain et citoyen proposent de compléter l'article 13 par un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes rémunérées pour mettre en oeuvre la prestation spécifique dépendance doivent avoir reçu une formation suffisamment qualifiante, dispensée notamment à cet effet, définie par décret. Elles doivent également recevoir régulièrement une formation continue leur permettant d'approfondir les connaissances théoriques, pratiques et techniques en gériatrie. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement tend à compléter l'article 13 par un alinéa additionnel qui indique que les personnes intervenant auprès des personnes âgées dépendantes doivent avoir reçu une formation spécifique.
Nous pensons, en effet, que l'intervention, du moins si elle est rémunérée - je ne parle évidemment pas de l'accompagnement que les familles ou des proches assurent par amour filial ou par amitié - doit être conditionnée par l'obtention d'une formation suffisamment qualifiante.
Nous voulons, d'abord, que les soins donnés à la personne en état de dépendance soient le fait d'une équipe médicosociale qui organise des soins coordonnés.
Bien sûr, il y a une réalité qui fait que des familiers ou des proches participent à des soins au sens le plus large. Nous ne voulons évidemment pas empêcher que ceux-ci puissent être rémunérés en échange de leur intervention auprès du bénéficiaire de la prestation autonomie.
Néanmoins, nous pensons que, s'il y a intervention, celle-ci doit se faire dans le cadre des soins coordonnés, sous surveillance de l'équipe médico-sociale, et qu'elle ne doit être pratiquée qu'après une formation minimale.
Il faut donc débloquer les moyens nécessaires pour permettre à ces personnes rémunérées de bénéficier d'une formation initiale, puis d'une formation continue en la matière.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le problème de la qualification des agents ne nous a pas échappé, je viens de m'en faire l'écho auprès de Mme Dusseau.
L'amendement n° 7, qui nous sera proposé par M. Mercier, va apporter un début de réponse à la préoccupation de M. Fischer, qui est également la nôtre. Laissons venir cet amendement et laissons venir son application, en espérant que le problème commencera ainsi d'être réglé.
Par conséquent, l'avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 45.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Nous voterons cet amendement, car il est à notre sens nécessaire que les personnes qui s'adonneront à de telles tâches soient effectivement formées pour cela.
J'attire l'attention sur le fait qu'une première dérive financière est déjà prévisible. Nous avons en effet l'expérience de ce qui s'est produit pour les assistantes maternelles : nous sommes exactement dans le même cas de figure !
Il faut donc savoir que les départements doivent déjà envisager, parce que c'est nécessaire, d'assurer la formation des personnes qui s'occuperont des personnes âgées. Je suis favorable à cette mesure, mais il est clair qu'elle constitue une charge supplémentaire pour les départements.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 45, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 13.
(L'article 13 est adopté.)
Article 14